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LES MEMBRES DE LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT EXPOSENT LEURS POSITIONS SUR UN TRAITÉ D’INTERDICTION DES MATIÈRES FISSILES

Communiqué de presse

La Conférence du désarmement a tenu ce matin une séance plénière au cours de laquelle elle a entendu une vingtaine de ses membres exposer leurs positions sur la question d’un éventuel futur traité portant interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire.

Après celle de jeudi dernier, consacrée au désarmement nucléaire, cette séance était la seconde des quatre séances plénières thématiques convoquées le 16 juin dernier par le Président de la Conférence, le Norvégien Wegger Strommen. Deux autres séances thématiques sont prévues, le 30 juin et le 7 juillet prochains, afin de traiter, successivement, de la prévention d’une course aux armements dans l’espace et des garanties de sécurité.

Ce matin, de nombreuses délégations ont mis l’accent sur l’importance qu’elles accordent au lancement rapide de négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles, soulignant qu’un tel traité contribuerait non seulement à la non-prolifération mais aussi au désarmement nucléaire. Il a été maintes fois rappelé que la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 2000 avait reconnu la nécessité pour la Conférence de négocier un traité multilatéral non discriminatoire d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire.

Une délégation a rappelé que les principales divergences s’agissant de la négociation d’un tel traité concernent la définition des matières fissiles, la portée du traité, à savoir la nécessité ou non d'inclure les stocks existants, ainsi que les questions de vérification. Précisément, plusieurs délégations ont estimé qu’un tel traité devrait être non discriminatoire, ce qui signifie qu’il devrait s'appliquer aussi bien aux stocks existants qu'à la production future de matières fissiles, et qu’il devrait contenir un mécanisme de vérification. La Chine a pour sa part indiqué qu’elle ne souhaitait pas que les futures négociations portent sur les stocks existants. Pour la Fédération de Russie, le futur traité ne devrait pas couvrir les stocks existants de matières fissiles faute de quoi il faudrait établir un lourd mécanisme de vérification dont le coût serait inacceptable. L’Afrique du Sud a estimé que la conclusion unilatérale à laquelle sont parvenus les Etats-Unis en 2004 en prétendant qu'une vérification efficace du traité ne serait pas possible à réaliser constitue un revers majeur et une pierre d'achoppement pour la reprise des négociations sur ce traité.

Un accord sur un mandat ouvert, sans condition préalable, concernant l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire semble possible, ont affirmé les Etats-Unis. Plusieurs délégations qui se sont exprimées ce matin se sont dites prêtes à commencer les négociations sans condition préalable, l’une d’elle précisant toutefois que cela signifie que les éléments de vérification devraient être inclus dans le processus de négociation. Nombre d’intervenants ont estimé que la question des matières fissiles était mûre pour la négociation et ont donc plaidé en faveur de la création, au sein de la Conférence, d’un comité spécial à cette fin.

En attendant la négociation et la conclusion d’un traité d’interdiction des matières fissiles, certaines délégations ont plaidé en faveur de la promotion de moratoires sur la production de ces matières. Le Pakistan a pour sa part indiqué qu’il ne saurait accepter un tel moratoire.

Les membres suivants de la Conférence sont intervenus dans le débat : Pakistan, France, Afrique du Sud, Chine, Pérou (au nom de plusieurs autres pays), Allemagne, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Japon, Italie, Irlande, Égypte, Suisse, Pays-Bas, Suède, République de Corée, Etats-Unis, Malaisie.

Lors de sa prochaine séance plénière, jeudi 30 juin, à 10 heures, la Conférence se penchera sur les questions relatives à l'espace extra-atmosphérique.


Aperçu des déclarations

M. MASSOUD KHAN (Pakistan) a indiqué ne pas percevoir de signes qui permettraient d'espérer que l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence se dissipe. Les divergences de vue concernant un éventuel futur traité d’interdiction des matières fissiles sont l'une des raisons de cette impasse, a-t-il précisé. Ces divergences portent sur la définition des matières fissiles, sur la portée du traité, à savoir la nécessité ou non d'inclure les stocks existants, et sur les questions de vérification. En 1998, le Pakistan avait accepté d'appuyer le lancement de négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles; il maintient aujourd'hui encore cette position. Le Pakistan appuie de telles négociations conformément au mandat Shannon, a précisé M. Khan. Par ailleurs, le Pakistan appuie la position du Groupe des 21 selon laquelle le désarmement nucléaire est la plus haute priorité au sein de la Conférence. Or, un traité d'interdiction des matières fissiles est une condition sine qua non pour la cessation d'une course aux armements nucléaires. M. Khan a affirmé que la Conférence est l'instance la plus légitime et la plus appropriée pour mener des négociations concernant un traité d'interdiction des matières fissiles. Au fil du temps, de grands stocks de matières fissiles pourraient se transformer en armes nucléaires; aussi, faut-il veiller à ce qu'un traité d'interdiction des matières fissiles ne gèle pas des asymétries irraisonnables. Un tel traité doit donc porter aussi bien sur les stocks existants que sur la production future de matières fissiles. Le traité ne devrait pas être qualifié de traité cut-off car cela suppose qu'il ne porterait que sur la production future de matières fissiles, a insisté M. Khan. Le Pakistan ne saurait accepter un moratoire sur la production de matières fissiles avant la conclusion d'un traité d'interdiction des matières fissiles, a-t-il indiqué.

M. JEAN-MICHEL DESPAX (France) a rappelé la position commune exprimée par les pays membres de l'Union européenne lors de la récente Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). L'Union européenne y a en effet relancé un appel à la Conférence du désarmement en vue du commencement immédiat et de la conclusion dans les meilleurs délais d'un traité non discriminatoire et universellement applicable interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires, sans condition préalable. Dans sa position commune, l'Union européenne a en outre appelé tous les États à déclarer et maintenir un moratoire sur la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires. Cet appel garde toute sa pertinence, a déclaré M. Despax. Il a rappelé que la France s'est engagée de façon constante en faveur de la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires à la Conférence du désarmement. Après avoir été longtemps dans l'impasse, cette négociation a aujourd'hui de réelles chances d'être relancée, a-t-il déclaré. Dans ce contexte, il a appelé les États authentiquement intéressés par des progrès concrets dans le domaine de la maîtrise des armements et du désarmement à faire preuve de sens des responsabilités.

M. Despax a par ailleurs rappelé qu'après avoir annoncé l'arrêt de la production de plutonium et d'uranium hautement enrichis pour les armes nucléaires, la France avait pris la décision, en février 1996, de fermer et de démanteler ses installations de production de Pierrelatte et Marcoule. Ce processus de démantèlement se poursuit aujourd'hui. La France est le seul pays, parmi les puissances nucléaires, à avoir entrepris cette tâche complexe, longue et intense, qui se prolongera encore plusieurs années, a précisé M. Despax. La France n'a plus, désormais, d'installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires, a-t-il insisté. "Force est de reconnaître que l'intérêt en terme de non-prolifération du cut-off est moindre depuis l'adoption des garanties 93+2 et l'apparition des protocoles additionnels comme standard de la vérification, en particulier dans les États non dotés d'armes nucléaires", a déclaré M. Despax. Le "cut-off" demeure en revanche pertinent dans sa dimension de désarmement nucléaire, à laquelle la France reste attachée, a-t-il précisé.

MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) a rappelé qu'au cours de l’année 2004, on estimait généralement à la Conférence qu'un traité d'interdiction des matières fissiles était mûr pour la négociation. On espérait alors que la question des matières fissiles bénéficierait du soutien politique nécessaire, l’Afrique du Sud étant en outre convaincue qu'un tel traité renforcerait la paix et la sécurité internationales. Mais en juillet 2004, on apprenait que les Etats-Unis avaient mené une étude dont la principale conclusion était qu'une vérification efficace d'un traité d'interdiction des matières fissiles ne serait pas possible à réaliser. Cette conclusion unilatérale constitue un revers majeur et une pierre d'achoppement pour la reprise des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles, a déclaré Mme Mtshali. L'Afrique du Sud considère qu'un traité d'interdiction des matières fissiles devrait être une mesure de désarmement non discriminatoire et devrait donc s'appliquer aussi bien aux stocks existants qu'à la production future.

M. HU XIAODI (Chine) a souligné que, conformément aux deux principales tâches qui incombent au processus de désarmement nucléaire, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires vise à limiter les améliorations qualitatives susceptibles d’être apportées aux armes nucléaires, alors qu’un traité d’interdiction des matières fissiles aurait pour objet de restreindre le développement quantitatif de ces armes. Après la conclusion du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, qui doit certes encore entrer en vigueur et être appliqué, la prochaine étape logique serait donc de négocier un traité d’interdiction des matières fissiles. La Chine appuie donc la négociation d’un tel traité dans le cadre du programme de travail global de la Conférence. Certains affirment que si la Conférence ne parvient pas à négocier un traité d’interdiction des matières fissiles, c’est parce que certains de ses membres prennent ce traité en otage en le liant à différentes questions, dont celle de la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique ; la Chine ne partage pas ce point de vue. En effet, face à l’évolution qu’a connue l’environnement sécuritaire international ces dernières années, la pertinence et l’urgence du désarmement nucléaire, de la prévention d’une course aux armements dans l’espace, des garanties de sécurité en faveur des États non dotés d’armes nucléaires et d’un traité d’interdiction des matières fissiles sont encore plus prononcées qu’auparavant. Les pratiques qui consistent à sélectionner ses propres sujets de préoccupation sans tenir compte de ce qui est prioritaire pour les autres ou à ignorer une proposition de programme de travail qui jouit d’un large consensus voire à en présenter une qui est inacceptable pour les autres, sont autant de pratiques qui ne sont pas propices aux travaux de la Conférence. C’est là la raison essentielle qui explique que l’on ne parvienne pas à lancer la négociation sur un traité d’interdiction des matières fissiles, a déclaré M. Hu Xiaodi.

Face aux divergences aiguës entre les membres de la Conférence au sujet du mandat relatif à un traité d’interdiction des matières fissiles, il convient de rappeler que le rapport Shannon fut le fruit d’âpres négociations et qu’il constitue donc le dénominateur commun de tous les intérêts en jeu et présente à ce titre un équilibre délicat entre les préoccupations de toutes les parties. Aussi, la Chine estime-t-elle toujours que la Conférence devrait engager des négociations sur la base du mandat contenu dans ce rapport. La Chine estime en outre que les futures négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles ne devraient pas porter sur les stocks existants. Pour ce qui est d’éventuelles clauses de vérification associées à ce traité, la Chine pense qu’il est nécessaire d’étudier prudemment et soigneusement cette question.

MME ELIZABETH ASTETE RODRIGUEZ (Pérou, au nom également de l'Argentine, du Brésil, de la Colombie, du Chili, de l'Équateur et du Venezuela) s'est dite préoccupée par l'absence de négociation de fond au sein de la Conférence depuis huit ans. Un programme de travail, pour pouvoir être adopté, doit contenir les quatre éléments jugés prioritaires par les délégations: désarmement nucléaire; traité d'interdiction des matières fissiles; prévention d'une course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique; et garanties de sécurité. Le mandat du comité spécial sur le désarmement nucléaire doit envisager l'ouverture de négociation portant sur l'élimination totale des armes nucléaires, a précisé Mme Astete Rodriguez. Elle s'est dite convaincue qu'un futur traité d'interdiction des matières fissiles doit contenir un mécanisme de vérification. Elle a indiqué que les délégations au nom desquelles elle s'exprime aujourd'hui sont disposées à modifier le mandat Shannon si cela pouvait permettre de parvenir au consensus voulu pour sortir de l'impasse. Mme Astete Rodriguez a lancé un appel en faveur de l'assouplissement des positions afin que la Conférence puisse reprendre ses travaux de fond.

M. VOLKER HEINSBERG (Allemagne) a affirmé que si les négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles n’ont jamais véritablement commencé au sein de la Conférence du désarmement, ce n’est pas parce qu’un tel traité ne serait pas pertinent mais plutôt parce qu’il ne l’est que trop. Face aux lacunes graves qui ont été récemment révélées s’agissant du système du Traité de non-prolifération nucléaire, des cas de non-respect étant apparus, il convient de souligner qu’un traité d’interdiction des matières fissiles réduirait les possibilités de non-respect du TNP puisqu’il limiterait le nombre d’installations de production de matières nucléaires et les placerait sous un régime d’inspection. Un traité « cut-off » constituerait un élément essentiel d’un mécanisme efficace de non-prolifération et de désarmement multilatéral. L’échec complet en ce qui concerne la négociation d’un traité d’interdiction des matières fissiles au sein de la Conférence procède d’un manque de volonté politique de la part des États. L’Allemagne continue de penser que le mandat contenu dans le rapport du coordonnateur spécial reste à cet égard la base la plus concrète pour le lancement des négociations. Le pays estime également que les négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles devraient commencer sans condition préalable, ce qui ne doit pas pour autant empêcher les partenaires d’avoir une certaine idée de la nature et du contenu du futur traité.

Peu importe que les stocks existants de matières fissiles soient inclus ou non dans le futur traité dès le départ, a déclaré M. Heinsberg ; il est de toute façon évident que le principal objectif des négociations serait de prévenir une croissance des stocks de matières nucléaires à des fins militaires. En outre, a-t-il poursuivi, les États parties devraient s’engager à respecter le plus haut degré de transparence possible, avant tout en déclarant les stocks civils et militaires existants et en déclarant être politiquement disposés à réduire, à l’avenir, leurs stocks militaires s’ils en ont. Une vérification effective, fondamentale pour instaurer la confiance entre les États membres, est un élément essentiel de tout traité de désarmement et de non-prolifération multilatéral, a ajouté M. Heinsberg.

M. PAUL MEYER (Canada) a indiqué que du point de vue de son pays, la négociation d'un traité d'interdiction des matières fissiles reste une priorité élevée pour la Conférence. Le Canada est de plus en plus impatient de voir ces négociations commencer. Un traité d'interdiction des matières fissiles aurait une grande valeur, a poursuivi M. Meyer. Ce n'est pas un hasard si le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et un traité d'interdiction des matières fissiles figurent respectivement en première et troisième position dans la liste des 13 mesures pratiques en faveur du désarmement identifiées lors de la Conférence d'examen du TNP de 2000, a-t-il souligné. Un traité d'interdiction des matières fissiles contribuerait grandement à la non-prolifération nucléaire, en particulier face aux préoccupations actuelles, en réduisant la disponibilité de matières fissiles susceptibles de pouvoir être acquises par des terroristes. Le Canada espère donc que les négociations concernant un tel traité pourront commencer rapidement au sein de la Conférence. Lancer de telles négociations exigera engagement et souplesse de la part de tous les membres de la Conférence, a affirmé M. Meyer. Si le Canada reste convaincu que le mandat Shannon reste la meilleure base pour commencer des négociations, cela ne l'empêche pas d'être disposé à rester souple afin d'engager les négociations. Le Canada est disposé à mettre de côté ses préférences pour engager de véritables négociations, a insisté M. Meyer. Il a réitéré la proposition faite par son pays en mai dernier visant à ce que soit établi un groupe d'experts sur un traité d'interdiction des matières fissiles qui commencerait, avant même le lancement des négociations, l'examen des questions complexes relatives à un tel traité. Si la Conférence n'était pas en mesure de se mettre d'accord sur un programme de travail, notamment sur la négociation d'un traité d'interdiction des matières fissiles, il faudrait alors envisager d'autres alternatives multilatérales pour négocier un tel traité, a affirmé M. Meyer tout en jugeant cette perspective peu engageante.

M. TIM CAUGHLEY (Nouvelle-Zélande) a réitéré l’importance que sa délégation attache au lancement de négociations sur un traité « cut-off » d’interdiction des matières fissiles. Lorsque le mandat Shannon fut accepté par la Conférence en 1995, il fut explicitement envisagé qu’un tel traité serait assorti d’un mécanisme de vérification, question qui revêt pour la Nouvelle-Zélande une importance fondamentale, a-t-il rappelé. Ces dix dernières années, a-t-il poursuivi, il ne fait aucun doute que les stocks de matières fissiles détenus par certains des États qui possèdent de telles matières ont augmenté, peut-être de manière considérable. Dans de telles circonstances, peut-on se permettre d’envisager la possibilité que le mandat couvrant la négociation d’un traité d’interdiction des matières fissiles exclue les stocks existants et ne mentionne pas la vérification, a demandé M. Caughley ?

M. JOHN FREEMAN (Royaume-Uni) a déclaré qu’en matière de désarmement, la communauté internationale aspire depuis longtemps à la négociation d'un traité d’interdiction des matières fissiles. Négocier et conclure un tel traité constituerait une précieuse contribution à la paix et la sécurité internationales, a-t-il déclaré. Le Royaume-Uni est disposé à entamer ici, au sein de la Conférence, la négociation d'un tel traité sans condition préalable. Négocier ainsi un tel traité ne revient pas à nier la nécessité que beaucoup ressentent dans cette salle de traiter des questions qui les préoccupent, a assuré M. Freeman. Le document officieux "Matière à réflexion" est une contribution importante aux efforts collectifs visant à réaliser une percée au sein de la Conférence, a-t-il poursuivi. La question d'un traité d'interdiction des matières fissiles est mûre pour la négociation, a affirmé M. Freeman. Rien ne doit être exclu de la discussion, pas même la vérification, a-t-il précisé. À ma connaissance, personne n'a imposé de condition préalable au lancement de négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles, a ajouté M. Freeman en réaction à l'intervention faite aujourd'hui par l'Afrique du Sud.

M. LEONID SKOTNIKOV (Fédération de Russie) a estimé que stopper et interdire la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire devait être la prochaine étape logique du processus de renforcement du régime de non-prolifération nucléaire et de désarmement nucléaire. La Russie, pour sa part, a cessé la production de matières fissiles à de telles fins il y a une dizaine d’années. Le plutonium, que le pays produit encore dans les trois réacteurs restants à des fins de chauffage et d’électricité, n’a pas été utilisé à des fins d’armement nucléaire depuis 1994. À présent, en vertu de l’accord conclu en 2003 entre la Russie et les Etats-Unis, a été lancée la construction d’installations destinées à supplanter les trois réacteurs existants qui cesseront alors de fonctionner.

M. Stoknikov a rappelé que la Russie n’a de cesse que de soutenir la recommandation adressée par les Conférences d’examen du TNP de 1995 et de 2000 visant l’élaboration d’un traité « cut off » d’interdiction des matières fissiles au sein de la Conférence du désarmement. Il faut espérer que grâce aux efforts conjoints de tous les États membres, il sera possible de parvenir à un compromis sur un programme de travail équilibré de la Conférence permettant le lancement de négociations sur cette importante question, a déclaré l’Ambassadeur russe. Du point de vue de sa portée, a ajouté M. Skotnikov, le futur traité d’interdiction des matières fissiles ne devra pas couvrir les stocks existants de matières fissiles faute de quoi il faudrait établir un lourd mécanisme de vérification dont le coût serait inacceptable.

M. YOSHIKI MINE (Japon) a instamment demandé le lancement immédiat, au sein de la Conférence, de négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles. Un tel traité est, de loin, la priorité la plus mûre pour la négociation, a-t-il déclaré. Il faut que la question du traité d'interdiction des matières fissiles soit découplée d'autres questions, afin de parvenir à un accord sur un programme de travail au sein de la Conférence. La conclusion d'un tel traité constituerait une contribution essentielle sur la voie de l'élimination totale des armes nucléaires, a affirmé M. Mine. Elle contribuerait également à la prévention de la prolifération, a-t-il ajouté. Il a précisé que le Japon est disposé à faire preuve de souplesse, pour autant que les négociations soient menées sans condition préalable, notamment au sujet de la question de la vérification. Le Japon s'oppose à tout mandat qui écarterait la possibilité d’inclure la vérification dans le résultat final, a indiqué M. Mine. Un système de vérification est en effet essentiel pour l'efficacité d'un traité d'interdiction des matières fissiles. Le Japon reste favorable au mandat Shannon mais reste souple à l'égard d'autres propositions concernant un traité d'interdiction des matières fissiles pourvu qu'il y ait un consensus, a affirmé M. Mine.

M. RAFFAELE DE BENEDICTIS (Italie) a souligné qu’un traité d’interdiction des matières fissiles serait un instrument de limitation des armes nucléaires qui renforcerait également la non-prolifération. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un tel traité a été considéré comme l’une des plus importantes mesures de la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire de 2000 en vue d’appliquer l’article VI du TNP. Pour l’Italie, un traité d’interdiction des matières fissiles constitue la première priorité à la Conférence du désarmement. En attendant l’entrée en vigueur d’un tel traité, l’Union européenne a demandé à tous les États de déclarer un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, a rappelé M. De Benedictis. Il a mis l’accent sur l’urgence qu’il y a à négocier un traité d’interdiction des matières fissiles. Grâce à un tel traité, nous stopperons la production des matières fissiles les plus dangereuses, à savoir celles qui sont destinées aux explosions nucléaires, a-t-il souligné. L’ensemble de la communauté internationale bénéficierait d’un tel accord, a-t-il insisté. La question de la vérification du respect de cet accord devrait faire partie intégrante de la négociation, a-t-il précisé. Aussi, a-t-il plaidé en faveur de la mise en place d’un comité spécial de la Conférence du désarmement qui soit chargé de négocier un traité multilatéral non discriminatoire d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. La portée et la vérification de ce traité figureraient au nombre des questions qui seraient abordées durant les négociations, sans condition préalable, a ajouté M. De Benedictis.

MME MARY WHELAN (Irlande) a rappelé qu'en 2000, les États parties au TNP ont reconnu la nécessité pour la Conférence de négocier un traité multilatéral non discriminatoire et effectivement vérifiable d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. L'Irlande considère que la négociation d'un tel traité constituerait une étape cruciale sur la voie du désarmement nucléaire. Aussi, Mme Whelan a-t-elle prié la Conférence de redoubler d'efforts afin de surmonter les obstacles existants et de parvenir à une reprise des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles. La question des matières fissiles est suffisamment mûre et urgente pour que nous agissions de bonne foi en vue de parvenir rapidement à un résultat, a déclaré Mme Whelan.

MME NAÉLA GABR (Égypte) a estimé que le désarmement nucléaire doit rester une priorité absolue pour la Conférence. À cet égard, a-t-elle rappelé, l'Égypte a toujours préconisé le lancement de négociations sur un traité de limitation des matières fissiles. Tout en souscrivant au double objectif de désarmement nucléaire et de non-prolifération que viserait un traité d'interdiction des matières fissiles, l'Égypte tient à souligner que cette interdiction ne saurait être efficace si elle ne prend pas en compte les stocks existants de matières fissiles. À cet égard, la procédure de vérification associée à un tel traité doit passer par un inventaire complet de toutes les matières fissiles disponibles et détenues par tous les pays, y compris celles que possèdent les États dotés d'armes nucléaires et ceux qui ne sont pas parties au TNP. L'interdiction des matières fissiles doit être placée sous un régime de vérification international, a insisté Mme Gabr.

M. JÜRG STREULI (Suisse) a indiqué que son Gouvernement venait d’approuver, la semaine dernière, la Convention des Nations Unies pour la répression des actes de terrorisme nucléaire. Il a par ailleurs souligné que la Suisse souhaitait qu’un comité spécial soit mis en place au sein de la Conférence du désarmement afin d’entamer des négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles. L’urgence d’un tel traité est d’autant plus pressante qu’augmente le risque de prolifération des armes nucléaires. Dans l’intervalle nous séparant de la fin de ces négociations, la Suisse estime qu’il faudrait exiger des États produisant du matériel fissile à usage militaire un moratoire sur la production dudit matériel et le placement de ce matériel sous contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). La Suisse souhaiterait bien évidemment que les négociations sur un futur traité d’interdiction des matières fissiles englobent également les caractéristiques qui fondent la crédibilité de tels traités, à savoir le principe de vérification. Toutefois, la Suisse est disposée à commencer les négociations sans condition préalable. Donc, les éléments de vérification devraient être inclus dans le processus de négociation, a précisé M. Streuli.

M. PAUL VAN RHIJN (Pays-Bas) a rappelé que son pays attache la plus grande priorité à la question d’un traité « cut off » sur les matières fissiles qui soit vérifiable. Au vu de l’importance qu’ils accordent à cette question, les Pays-Bas sont disposés à accepter des négociations sur la base du document officieux « Matière à réflexion » présenté par l’Ambassadeur Chris Sanders, même si ce document est moins ambitieux que le pays ne l’aurait souhaité. Il est temps de commencer les négociations sans condition préalable, a déclaré M. van Rhijn. Beaucoup trop de temps a déjà été passé à négocier la manière dont nous devrions négocier, a-t-il ajouté. Les Pays-Bas sont convaincus qu’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles servirait les intérêts de sécurité de tous les membres de la Conférence du désarmement, tant du point de vue du désarmement nucléaire que dans la perspective de la promotion de la non-prolifération. Au fil des ans, les Pays-Bas n’ont cessé d’œuvrer, dans le cadre d’un processus informel, afin de maintenir en vie à Genève l’idée d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, a poursuivi M. van Rhijn. Aussi, a-t-il indiqué, le pays envisage-t-il d’organiser au mois de septembre une autre réunion au cours de laquelle seraient discutées les possibilités et impossibilités afférentes à la vérification d’un tel traité.

M. MAGNUS HELLGREN (Suède) a rappelé que dix ans se sont écoulés depuis que les États parties au TNP se sont mis d'accord sur la nécessité négocier un traité non discriminatoire et universellement applicable d'interdiction des matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. En dépit des moratoires unilatéraux sur la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire déclarés par plusieurs États dotés d'armes nucléaires, la production de matières fissiles n'a pas cessé au plan mondial, a rappelé M. Hellgren. Ainsi, persiste le besoin d’un traité multilatéral assurant que la production de telles matières cesse complètement, de manière permanente, transparente et vérifiable. Il ne fait aucun doute qu’interdire toute nouvelle production de matières fissiles servirait aussi bien la cause du désarmement que celle de la non-prolifération. La Conférence du désarmement ayant été désignée comme l’instance où devait être négocié un traité d’interdiction des matières fissiles, rien ne saurait justifier qu’elle ne s’attelle pas à cette tâche. La Suède, en ce qui la concerne, est disposée à engager immédiatement les négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles que ce soit sur la base de la proposition dite des cinq Ambassadeurs ou sur la base du document officieux « Matière à réflexion ». Les négociations devraient commencer sans condition préalable. Ceux qui affirment qu'une vérification n'est pas possible auront toute latitude pour tenter de convaincre les autres et vice versa. La Suède pense que la vérification est techniquement possible et politiquement souhaitable. La Suède estime que c'est l'AIEA qui devrait être chargée de cette tâche, a précisé M. Hellgren. Quant à la question des stocks existants, elle devrait aussi être traitée, a-t-il ajouté.

M. PARK IN-KOOK (République de Corée) a déclaré qu'au stade actuel, alors que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires a été adopté, les négociations concernant un traité d’interdiction des matières fissiles constituent, en toute logique, l'étape suivante pour atteindre l'objectif commun énoncé au point 1 de l'ordre du jour de la Conférence, à savoir le désarmement nucléaire. En fait, un tel traité n’est pas important seulement du point de vue de la non-prolifération ; il l’est aussi du fait qu’il sert de signe avant-coureur du désarmement. C'est pourquoi la République de Corée considère comme hautement prioritaire le lancement le plus tôt possible, au sein de la Conférence, des négociations concernant un traité d’interdiction des matières fissiles. Compte tenu de l'urgence d'engager des discussions sur le fond, la République de Corée lance un appel afin que soit créé un comité spécial chargé de négocier un tel traité dans le cadre du point 1 de l’ordre du jour.

En ce qui concerne la portée du traité, une solution viable doit être trouvée pour résoudre les divergences concernant la production antérieure de matières fissiles, a poursuivi M. Park. À cet égard, il a jugé intéressante la proposition avancée par l’Afrique du Sud et contenue dans le document CD/1671. Afin d’assurer l’universalité et l’efficacité du futur traité d’interdiction des matières fissiles, il sera essentiel d’assurer la participation non seulement de tous les membres de la Conférence du désarmement, mais aussi de tous les États qui ne sont pas parties au TNP. En attendant, il serait souhaitable que les États dotés d’armes nucléaires et les puissances nucléaires de facto déclarent volontairement un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire et ce, avant même le lancement des négociations sur un traité ; ils pourraient même aller plus loin en appliquant des accords visant à placer les matières fissiles qui ne sont plus requises à des fins militaires sous la régime de vérification de l’AIEA.

M. THOMAS CYNKIN (États-Unis) a déclaré que le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, avec le risque que des terroristes n’acquièrent de telles armes, restent les principaux défis sécuritaires de ce XXIème siècle. Tout en affirmant partager le sentiment d’urgence quant à la nécessité d’accroître les efforts de coopération afin de faire face aux menaces à la paix et à la sécurité internationales, il a indiqué ne pas être sûr de pouvoir souscrire pleinement à l'assertion concernant la prétendue paralysie de la scène multilatérale. Le 17 juin dernier, a rappelé M. Cynkin, le Conseil des Gouverneurs de l'Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a décidé par consensus de créer un comité spécial sur les garanties et la vérification ; cette décision inaugure un processus de renforcement de la capacité de l’Agence à assurer le respect des engagements pris par les gouvernements en matière de non-prolifération. D’autre part, les Etats-Unis entendent collaborer avec tous les pays afin d'assurer l'application de la résolution 1540 du Conseil de sécurité, a souligné M. Cynkin. Il a également rappelé le Partenariat mondial lancé en juin 2002 par le G8 en faveur de la sécurité internationale. Le 20 juin dernier, a-t-il ajouté, les Etats-Unis et l’Union européenne ont réaffirmé leur engagement commun à faire face à la menace de prolifération des armes de destruction massive. M. Cynkin a par ailleurs mis en avant l'Initiative de sécurité contre la prolifération (ISP), basée sur la coopération volontaire, qui montre aux « proliférateurs » que la communauté internationale ne tolèrera pas leurs activités.

Le consensus contre la prolifération n'a guère de sens s'il ne se traduit pas en action, a poursuivi M. Cynkin. La Conférence du désarmement a le potentiel pour prendre part à l’action mais il ne semble pas à ce stade qu’elle se montre à la hauteur de ce potentiel, a-t-il déclaré. Il faut dépasser les considérations qui avaient cours à l’époque de la guerre froide, a-t-il poursuivi. À cet égard, il a attiré l’attention sur deux propositions autonomes de son pays qui pourraient permettre à la Conférence de sortir de l'impasse: l’une concerne l'interdiction internationale de la vente ou de l’exportation de toutes les mines terrestres persistantes et, l’autre, l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. S’agissant de cette dernière question, un accord sur un mandat ouvert sans condition préalable semble possible, a relevé M. Cynkin.

M. WAN YUSRI WAN RASHID (Malaisie) a souligné que le monde est actuellement confronté au risque de l’autodestruction découlant de l’existence des armes nucléaires. Aussi, l’existence prolongée des stocks nucléaires existants et le développement en cours de nouveaux types d’armes nucléaires doivent-ils être traités de toute urgence tant il est vrai qu’ils menacent la paix et la stabilité internationales en augmentant la possibilité d’une guerre nucléaire. La Malaisie, en ce qui la concerne, estime que la garantie la plus efficace contre le danger d’une guerre nucléaire et contre l’utilisation des armes nucléaires reste l’élimination complète de ces armes. C’est pourquoi il est particulièrement important que les États dotés d’armes nucléaires ne ménagent aucun effort en faveur du désarmement nucléaire. Ces États devraient en particulier cesser immédiatement toute recherche visant à améliorer qualitativement les armes nucléaires et à développer de nouveaux types d’armes nucléaires. La Malaisie est fermement convaincue qu’avec les négociations sur les mesures de désarmement nucléaire, les négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles constituent l’une des prochaines étapes essentielles de la prévention de la prolifération des armes nucléaires. La Malaisie estime que les négociations sur un tel traité devraient inclure les stocks existants ainsi que la question de la vérification. La Malaisie exhorte donc la Conférence à créer aussitôt que possible un comité spécial sur un traité d’interdiction des matières fissiles, parallèlement à la création de comités spéciaux sur les trois autres questions que sont le désarmement nucléaire, la prévention d’une course aux armements dans l’espace et les garanties négatives de sécurité.

M. MASSOUD KHAN (Pakistan) a repris la parole pour réagir à la déclaration faite par le Royaume-Uni en soulignant que logiquement, si la discussion de tout sujet devait être autorisée durant les négociations relatives à un traité d’interdiction des matières fissiles, on ne saurait manquer d’évoquer les questions pertinentes avant ces négociations. En outre, on ne saurait alors porter préjudice à un processus qui n'a pas commencé. Le Pakistan est flatté que le Royaume-Uni ait choisi de commenter sa déclaration, privilège que le Pakistan partage d’ailleurs avec l’Afrique du Sud.

M. JOHN FREEMAN (Royaume-Uni) a précisé avoir simplement voulu exprimer dans sa déclaration de ce matin l'idée qu'on peut certes passer beaucoup de temps à définir les problèmes mais que ce qu'il faut maintenant, c'est chercher des solutions.

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