Fil d'Ariane
LE CONSEIL TIENT UN DIALOGUE RENFORCÉ SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN ÉRYTHRÉE (English shortly)
En fin d’après-midi, le Conseil des droits de l'homme a tenu un dialogue renforcé sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, auquel ont participé en tant qu’invités la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore; la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, Mme Daniela Kravetz; le chef de la délégation de l’Érythrée pour la quarantième session du Conseil, M. Tesfamicael Gerahtu; la fondatrice de l’organisation One Day Seyoum, Mme Vanessa Tsehaye; et le chef de la coopération et des relations internationales de l’Union nationale des jeunes et des étudiants érythréens, M. Daniel Eyasu.
Le dialogue de cette année intervient à une période charnière pour la corne de l’Afrique, avec la signature de l’accord de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie et l’amélioration des relations de l’Erythrée avec Djibouti et la Somalie, a souligné Mme Gilmore. Le Gouvernement de l’Érythrée pourrait saisir l’occasion pour mener à bien de nécessaires réformes qui amélioreraient la situation des droits de l'homme, a-t-elle ajouté. Ceci étant, la Haute-Commissaire adjointe a déploré que la situation des droits de l'homme en Érythrée n’ait pas connu d’amélioration au cours de l’année écoulée.
Mme Kravetz a pour sa part regretté que, malgré des progrès, le pays n’ait pas encore mis en place de cadre institutionnel et juridique permettant d’appliquer les normes minimales relatives aux droits de la personne. Parmi ses plus grandes préoccupations, la Rapporteuse spéciale a cité l’absence de justice indépendante, l’interdiction de la presse libre, de la liberté d’association ou d’expression, le manque de liberté religieuse pour certaines obédiences et, surtout, les conditions de détention.
Un espoir sans précédent de paix, de sécurité et de développement s’est levé dans la corne de l’Afrique, a confirmé M. Gerahtu, avant d’ajouter que l’accord de paix avec l’Éthiopie nécessite la reconnaissance et la considération objective du Conseil afin qu’il agisse en conséquence et de manière responsable.
M. Eyasu a affirmé que le service national est un programme central pour bâtir la société érythréenne et a fait valoir que le Gouvernement avait démobilisé de très nombreuses personnes du service national et que d’autres démobilisations sont en cours cette année. En revanche, Mme Vanessa Tsehaye a témoigné du sort de son oncle, le photojournaliste et militant des droits de l'homme Seyoum Tsehaye, emprisonné sans jugement depuis 2001. La situation aux frontières – généralement invoquée par les autorités érythréennes – ne peut justifier des actes tels que la conscription indéfinie en rapport avec le service militaire national, pas plus qu’elle ne peut justifier les viols, la torture et tous les autres crimes commis, a-t-elle souligné.
Dans le cadre du débat qui a suivi, de nombreuses délégations* ont pris la parole. Les nouvelles perspectives de paix et de coopération entre l’Érythrée et l’Éthiopie et d’autres pays de la corne de l’Afrique ont été saluées à maintes reprises. En tant nouveau membre du Conseil, l’Érythrée a été appelée à respecter ses obligations au titre des droits de l'homme. Plusieurs intervenants ont déploré le manque d’amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays.
En fin de séance, le Liban a exercé son droit de réponse.
Demain matin, à partir de 9 heures, le Conseil tiendra un dialogue interactif avec la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud.
Dialogue renforcé sur la situation des droits de l'homme en Érythrée
Dans sa résolution 38/15, le Conseil a décidé de tenir un débat renforcé au cours de cette session sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, avec la participation de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, du Haut-Commissariat, de la société civile et des autres parties prenantes.
Déclarations des invités
MME KATE GILMORE, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a rendu compte de la situation des droits de l'homme en Érythrée en soulignant que ce dialogue intervenait à une période charnière pour la Corne de l’Afrique, avec la signature de l’accord de paix avec l’Éthiopie et l’amélioration des relations avec Djibouti et la Somalie. Le Gouvernement de l’Érythrée pourrait se saisir du moment pour mener à bien de nécessaires réformes qui amélioreraient la situation des droits de l'homme, comme la levée du service militaire à durée indéterminée, l’adoption d’une Constitution basée sur les droits de l'homme et des réformes permettant l’introduction de l’entreprise privée qui contribueraient au développement économique et social du pays, a fait observer Mme Gilmore. L’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l'homme ouvre des perspectives et la coopération avec la Rapporteuse spéciale et avec d’autres procédures spéciales du Conseil constitue une feuille de route claire que le Gouvernement pourra suivre, a-t-elle indiqué.
La Haute-Commissaire a toutefois déploré devoir informer le Conseil que, pour ce qu’en sait le Haut-Commissariat, la situation des droits de l'homme en Érythrée n’a pas connu d’amélioration au cours de l’année écoulée. La Constitution de 1997 n’a toujours pas été appliquée et des mesures conformes au droit international restent à prendre pour lutter contre l’impunité et garantir le droit à un procès équitable. En outre, depuis les délibérations du Conseil au sujet de l’Érythrée lors de sa 38e session, le Haut-Commissariat a reçu des allégations d’arrestations arbitraires et de détention au secret. L’utilisation constante d’un service militaire sans durée déterminée et les mauvais traitements à l’encontre des conscrits restent également une préoccupation en termes de droits de l'homme, alors que l’accord de paix avec l’Éthiopie devrait fournir des garanties pour y mettre un terme. La réouverture en septembre dernier de la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie a provoqué un nouvel exode d’Erythréens et, en l’absence de signes prometteurs de progrès, le flot de demandeurs d’asile ne devrait pas se tarir, a ajouté Mme Gilmore.
S’agissant de la coopération entre le Haut-Commissariat et l’Érythrée, Mme Gilmore a indiqué que le Haut-Commissariat a poursuivi le dialogue et a soumis des propositions d’assistance technique pour permettre au pays de mettre son système de justice en conformité avec les normes internationales. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association ont quant à eux demandé à effectuer une visite dans le pays. Pour sa part, le Gouvernement érythréen a invité plusieurs titulaires de mandat. En ce qui le concerne, a précisé la Haute-Commissaire adjointe, le Haut-Commissariat est prêt à se rendre en Érythrée pour dialoguer avec le Gouvernement afin de fournir au pays toute l’assistance nécessaire pour l’aider à améliorer la situation des droits de l'homme pour le peuple érythréen.
En conclusion, Mme Gilmore a réitéré son appel au pays afin qu’il coopère pleinement avec la Rapporteuse spéciale sur la situation en Érythrée et les autres mécanismes de droits de l'homme de l’ONU. Les récents développements internationaux constituent une opportunité historique d’élever les droits de l'homme pour le peuple érythréen – une occasion que la direction du pays doit saisir pour prouver à son peuple que la paix produit des dividendes en termes de droits de l'homme et de libertés fondamentales.
MME DANIELA KRAVETZ, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, s’est félicitée que ce pays ait rejoint le Conseil des droits de l’homme cette année et qu’une délégation soit présente aujourd’hui. Malgré des progrès, le pays n’a pas encore mis en place de cadre institutionnel et juridique permettant d’appliquer les normes minimales relatives aux droits de la personne, a-t-elle toutefois fait observer. L’Érythrée doit toujours mettre en œuvre sa Constitution de 1997 ou en élaborer et en adopter une autre, a-t-elle notamment indiqué. En outre, le pays n’a toujours pas d’assemblée nationale pour débattre et adopter des projets de loi régulant les droits fondamentaux. Il n’y a pas non plus de justice indépendante susceptible de garantir et faire respecter ces droits. D’autre part, l’Érythrée n’autorise ni presse libre, ni liberté d’association ou d’expression. En outre, la liberté religieuse n’est pas garantie pour toutes les obédiences. De plus, la situation des détenus est particulièrement préoccupante, a ajouté Mme Kravetz, précisant que de nombreuses familles n’ont aucun contact ni aucune nouvelle concernant un proche en détention, n’ont aucune idée du lieu où se trouve leurs proches détenus ni de la date de leur éventuelle libération. Or, en vertu du droit international, les prisonniers ont des droits, a rappelé la Rapporteuse spéciale. On sait toutefois que certains sont mort en détention, a-t-elle ajouté.
L’accord de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie a créé des attentes selon lesquelles l’Erythrée se réformerait; mais cela tarde à se concrétiser. En particulier, il n’est toujours pas question d’une réduction du service national ni de projets de démobilisation, a souligné Mme Kravetz.
En conclusion, la Rapporteuse spéciale a signalé que, si elle n’avait toujours pas de contacts avec les autorités d’Asmara, elle n’en demeurait pas moins toujours disponible, dans un esprit de dialogue constructif et de coopération. Elle s’est dite prête à se rendre dans le pays.
M. TESFAMICAEL GERAHTU, chef de la délégation de l’Érythrée à la quarantième session du Conseil des droits de l’homme, a déclaré qu’en dépit de défis dans les domaines de la paix, de la sécurité et du développement, y compris sous le prétexte des droits humains, la réalité de terrain de l’Érythrée attestait que le pays n’avait jamais été confronté à une crise systémique. « Une forte unité nationale reflétant une diversité et une citoyenneté garantissant une participation responsable dans le développement national est révélatrice du succès de l’effort accompli », a-t-il affirmé.
Un espoir sans précédent de paix, de sécurité et de développement s’est levé dans la corne de l’Afrique, a poursuivi M. Gerahtu. L’Érythrée et l’Éthiopie ont conclu un accord de paix, d’amitié et de coopération qui s’épanouit en une vague de rapprochements entre les pays de la région, a-t-il fait valoir. Cette nouvelle situation nécessite la reconnaissance et la considération objective du Conseil afin qu’il agisse en conséquence et de manière responsable, a-t-il déclaré. À cet égard, la levée des sanctions onusiennes envers l’Érythrée constitue un développement bienvenu qui a libéré de nouvelles possibilités, à la fois dans le pays et pour l’ensemble de la région, s’est-il réjoui, avant d’appeler chacun à appréhender de manière objective la réalité et les effets considérables des retards induits depuis deux décennies. Il a rappelé que ces huit dernières années, son pays avait été ciblé par des résolutions spécifiques et par des mécanismes du Conseil; les approches hostiles s’inscrivaient dans la poursuite de tentatives futiles de soumettre le pays sous le prétexte des droits humains, a-t-il affirmé.
M. Gerahtu a indiqué que son pays était engagé dans le processus de l’Examen périodique universel et était disposé à remplir ses obligations en matière de présentation de rapports aux organes conventionnels. Le pays est déterminé à renforcer ses institutions et à mettre en œuvre les recommandations qu’il acceptera, a-t-il insisté. En conclusion, il a appelé le Conseil à considérer la réalité des faits sur le terrain et plus particulièrement les nouvelles dynamiques de paix, de sécurité et de développement dans la région de la corne de l’Afrique.
MME VANESSA TSEHAYE, Fondatrice de One Day Seyoum s’est présentée comme la nièce de Seyoum Tsehaye, un photojournaliste, militant des droits de l'homme, qui s’est battu pour l’indépendance du pays avant d’être emprisonné sans jugement depuis 2001. A cette date, il faisait partie de ceux qui avaient publiquement demandé du changement et à cette même époque, la liberté de la presse a été restreinte, donnant à l’Érythrée le visage qu’on lui connaît aujourd'hui, a-t-elle expliqué.
Mme Tsehaye a ensuite affirmé que lors des derniers contacts qu’elle a eus avec des officiels à propos de son oncle, il lui a été répondu que ce dernier serait libéré une fois que la situation aux frontières serait résolue – conformément à la position officielle du Gouvernement pour expliquer tous les évènements qui se sont produits depuis 2001. Or, a souligné l’oratrice, la situation aux frontières ne peut justifier des actes tels que la conscription indéfinie en rapport avec le service militaire national, pas plus qu’elle ne peut justifier les viols, la torture et tous les autres crimes commis. Le refus de l’Éthiopie de se retirer des frontières ne saurait justifier que l’on ne puisse tenir des élections en Érythrée, que l’on ferme la seule université du pays ou que les journaux soient fermés, a insisté Mme Tsehaye.
M. DANIEL EYASU, chef de la coopération et des relations internationales de l’Union nationale des jeunes et des étudiants érythréens, a indiqué que son organisation regroupe plus de 300 000 membres à travers tout le pays et représente en outre les vues de nombreuses couches de la population érythréenne. Il a expliqué que l’Union souhaite apporter ici des éléments différents de ceux que l’on peut lire dans les rapports du Conseil.
L’Érythrée se trouve dans une situation où la population entière a fait preuve d’une grande résilience, a poursuivi M. Eyasu. Le service national est un programme central pour bâtir la société, a-t-il souligné, ajoutant avoir lui-même participé à ce programme. À ce jour, a-t-il fait valoir, le Gouvernement a démobilisé de très nombreuses personnes du service national – dont lui-même – et d’autres démobilisations sont en cours cette année. Malheureusement, a déploré l’orateur, les rapports des mécanismes du Conseil reprennent des affirmations qui assimilent ce service national à de l’esclavage moderne; cela est profondément injuste, a-t-il déclaré, appelant le Conseil et chacun à prendre conscience de ce qu’est ce programme de service national pour la société érythréenne.
Débat
L’Union européenne s’est félicitée des nouvelles perspectives de paix et de coopération entre l’Érythrée et l’Éthiopie et d’autres pays de la corne de l’Afrique, espérant que cela stimulerait l’Érythrée à améliorer sa situation interne en matière de droits de l'homme et à réformer le service militaire. Restant néanmoins préoccupée par la situation dans le pays, l’Union européenne a réitéré son appel à l’Érythrée, en tant qu’État membre du Conseil, à pleinement coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme. Elle l’a également encouragée à soutenir la création d’un bureau du Haut-Commissariat dans le pays. L’Union européenne a demandé à Mme Kravetz de commenter le processus de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Le Royaume-Uni a encouragé le Gouvernement de l’Érythrée à communiquer avec la Rapporteuse spéciale, rappelant au pays qu’il est désormais membre du Conseil. Le Royaume-Uni a exhorté l’Erythrée à libérer tous les prisonniers politiques et a demandé à la Rapporteuse spéciale des précisions sur les conditions de détention dans le pays.
Au nom du Groupe africain, l’Angola a considéré que l’accord de paix et la normalisation des relations dans la corne de l’Afrique sont positifs, avant d’exhorter les pays concernés à poursuivre leurs efforts. La coopération de l’Érythrée, notamment dans le cadre de l’EPU, représente également une avancée majeure, a souligné l’Angola. L’Éthiopie a confirmé que l’évolution positive dans la corne de l’Afrique a permis des améliorations en renforçant les relations et la coopération entre les pays de la région. La délégation éthiopienne a encouragé l’Érythrée à poursuivre ses engagements en faveur de la protection des droits de l'homme et a demandé à la communauté internationale de lui apporter son soutien. Le Soudan a évoqué les principes des droits de l'homme et la réalité sur le terrain, estimant que la meilleure façon de protéger les droits de l'homme est de promouvoir le dialogue et la coopération et de s’abstenir de toute politisation. Le Soudan a encouragé l’Érythrée à poursuivre son engagement avec la communauté internationale et a appelé celle-ci à fournir une assistance technique à ce pays.
La Belgique a salué les récents efforts de l’Érythrée et a exprimé l’espoir que les autorités érythréennes prendraient des mesures ambitieuses pour améliorer la situation des droits de l'homme et mettre en œuvre les réformes nécessaires. Pour autant, la Belgique s’est inquiétée du caractère non déterminé de la durée du service national en Erythrée, ainsi que des restrictions pesant sur l’espace civique, du trafic d’êtres humains et des violences faites aux femmes. La Croatie a appelé le Gouvernement érythréen à accélérer les réformes afin que les changements positifs soient également ressentis par la population. La délégation croate a espéré que l’Érythrée accepterait les recommandations de l’EPU en tant que feuille de route et a demandé à la Rapporteuse spéciale quels sont, selon elle, les principaux obstacles auxquels se heurte le pays sur la voie des réformes. L’Allemagne a encouragé le Gouvernement érythréen à prendre les mesures nécessaires afin que la population puisse jouir des libertés fondamentales, notamment en mettant un terme au service militaire involontaire. La délégation allemande a également appelé à mettre fin aux mauvais traitements à l’encontre des détenus. La République tchèque a encouragé le Gouvernement de l’Érythrée à améliorer la situation des droits de l'homme, soulignant que les membres du Conseil – dont l’Erythrée fait désormais partie – doivent montrer l’exemple. La délégation tchèque a également encouragé le pays à organiser des élections générales, de telles élections n’ayant pas eu lieu depuis 1993.
La Somalie a déclaré que le nouveau chapitre qui s’ouvre dans la normalisation entre l’Éthiopie et l’Érythrée avait insufflé un nouvel espoir dans la région. Mais, a-t-elle ajouté, la représentation des femmes est indispensable à la résolution des difficultés rencontrées par l’Érythrée: aussi, la Somalie a-t-elle encouragé l’Érythrée à poursuivre ses efforts dans ce domaine.
L’Australie a plaidé pour une plus grande transparence dans la gouvernance de l’Érythrée. Elle a fait part de sa préoccupation face à la persistance du travail forcé et du service militaire obligatoire de durée indéterminée dans ce pays. L’Australie a relevé que l’Érythrée avait ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants: malgré cela, des informations font toujours état du recours à la torture et à la détention arbitraire en Érythrée, a-t-elle regretté. Les Pays-Bas se sont dits préoccupés par les allégations de recours, par l’Érythrée, à des moyens illicites pour collecter une taxe sur ses ressortissants expatriés. La délégation néerlandaise a en outre regretté que la situation des droits de l’homme sur le terrain en Érythrée ne montre aucun signe d’amélioration. La Suisse a déploré le manque d’informations vérifiables en raison de l’accès limité à l’Érythrée. Elle a estimé que l’accession de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme (en tant que membre du Conseil) offre au Gouvernement érythréen l’occasion de faire preuve d’une réelle volonté de collaboration afin d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays. La Suisse a noté que l’Érythrée serait examinée par le Comité des droits de l’homme cette semaine pour la première fois [ndlr: examen de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en l’absence de rapport du pays, à compter de demain après-midi].
La France a encouragé l’Érythrée à prendre toutes les mesures pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, mettre fin au service national à durée indéfinie et améliorer le respect de tous les droits et libertés fondamentaux de ses citoyens. La France a souligné qu’elle restait préoccupée par la situation des droits de l’homme en Érythrée, malgré quelques progrès en matière d’éducation et de santé. Elle a aussi relevé que la bonne coopération entre l’Érythrée et l’Éthiopie constituait un pas décisif en faveur de la paix, et a espéré que cette nouvelle donne se traduirait par des améliorations concrètes pour les citoyens érythréens. Pour sa part, le Luxembourg a rappelé que l’Union européenne est prête à soutenir l’Érythrée pour améliorer sa situation économique et permettre la création d’emplois en faveur des démobilisés du service national. Cela nécessitera un redoublement d’efforts pour consolider les institutions de l’état de droit et améliorer la situation des droits de l’homme, a souligné le Luxembourg.
L’Islande a souligné que la coopération avec la communauté internationale était essentielle pour améliorer la vie des Érythréens, alors même qu’ils continuent de fuir le pays en grand nombre. L’Islande a recommandé que l’Érythrée envisage l’ouverture d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le pays.
La Grèce a fait part de sa préoccupation face à la restriction de l’espace dévolu aux médias et à la société civile en Érythrée. Il faut espérer que sa nouvelle qualité de membre du Conseil des droits de l’homme amènera l’Erythrée à mieux collaborer avec les mécanismes de droits de l’homme des Nations Unies.
Le Venezuela a rappelé qu’il refusait les initiatives visant des pays particuliers – qui ciblent toujours des pays en voie de développement – et a souligné que l’EPU était le forum adéquat pour aborder les questions relatives aux droits de l’homme. Le Venezuela a souligné que l’Érythrée avait pleinement collaboré dans le cadre de l’EPU. La Fédération de Russie a regretté les initiatives initiées hors de l’Afrique qui aboutissent à aggraver la précarité de la situation dans la corne de l’Afrique. La Fédération de Russie a rappelé avoir toujours soutenu que l’imposition de sanctions contre l’Érythrée était contre-productive. La délégation russe a appelé le Conseil à s’abstenir de devenir otage de considérations politiques. La Fédération de Russie a demandé la suppression du mécanisme consacré à la situation des droits de l’homme en Érythrée.
La République islamique d’Iran a dit être opposée à l’approche sélective du Conseil des droits de l’homme dans le cadre du point de l’ordre du jour consacré aux situations qui requièrent l’attention du Conseil (« point 4 » de l’ordre du jour). L’Iran a souligné que le Gouvernement de l’Érythrée continue de rencontrer des difficultés dans l’application des droits de l’homme: il convient donc de nouer un dialogue efficace pour aider ce pays à surmonter ses problèmes. La Chine a demandé à la communauté internationale de prendre acte des progrès réalisés par l’Érythrée dans le domaine économique et s’agissant du droit à la santé et à l’éducation, en particulier. La Chine a recommandé que la communauté internationale fournisse à l’Érythrée une aide correspondant aux besoins exprimés par ce pays.
Djibouti a annoncé avoir donné son accord pour que le Haut-Commissariat pour les réfugiés puisse examiner tous les cas individuels de prisonniers de guerre érythréens détenus à Djibouti depuis les affrontements de 2008 et qu’il fasse des recommandations s’agissant de leur statut et de leurs besoins de protection. En revanche, Djibouti demeure préoccupé par l’absence d’information sur les 13 prisonniers djiboutiens manquants et en détention en Érythrée. L’Arabie saoudite a évoqué l’accord de Jeddah ayant mis fin au conflit entre l’Éthiopie et l’Érythrée et émis l’espoir que les engagements réciproques des deux pays se concrétiseraient.
En tant qu’amie de longue date de l’Érythrée, la Norvège reste préoccupée par la situation des droits de l’homme dans le pays. Elle se félicite de la participation de l’Érythrée à l’Examen périodique universel et l’encourage à coopérer étroitement avec les différents mécanismes onusiens. La Hongrie a estimé que l’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme constituait une opportunité pour ce pays de renforcer sa coopération avec les mécanismes onusiens des droits de l’homme.
L’Algérie a appelé la communauté internationale à répondre favorablement aux besoins exprimés par l’Érythrée en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités afin de l’aider dans la réalisation de ses objectifs de paix, de sécurité et de stabilité.
Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) se sont ensuite exprimées. Europe External Programme for Africa a fait part de sa préoccupation face au fait que l’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme puisse être utilisée par le pays comme un bouclier pour cacher un bilan problématique en matière des droits de l’homme. East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a déploré que la déclaration faite par l’Érythrée dans le cadre de l’Examen périodique universel au mois de janvier dernier offre peu d’espoirs que son appartenance au Conseil puisse laisser entrevoir des progrès au niveau interne. Advocates for Human Rights a fait part de l’expérience de son association – spécialisée, a-t-elle précisé, dans le conseil aux demandeurs d’asile aux États-Unis - dans ses contacts avec ses clients érythréens qui font état d’arrestations, de détentions et de tortures sans que les intéressés soient clairement informés des charges pesant contre eux. L’ONG a aussi fait part de sa profonde préoccupation face à l’exode de milliers d’Erythréens qui continuent de fuir le pays.
Le Mouvement international de la réconciliation a dénoncé le fait que la conscription forcée se poursuive en Érythrée. Il n’existe aucun signe que des institutions démocratiques soient sur le point d’être mises en place dans ce pays, a ajouté l’ONG. Jubilee Campaign a engagé l’Érythrée à se mettre en conformité avec les normes des droits de l’homme et a appelé les autorités du pays à libérer les personnes accusées d’appartenir à des obédiences religieuses non reconnues. Christian Solidarity Worldwide a fait part de son étonnement face au fait que malgré le rapprochement avec l’Éthiopie, les évêques catholiques érythréens n’aient pu se rendre à une assemblée plénière épiscopale à Addis Abeba, ceux-ci s’étant heurtés à l’impossibilité d’obtenir des visas de sortie du pays.
Maat for Peace, Development and Human Rights Association a dénoncé – outre le service national obligatoire indéfini – le rétrécissement de la société civile et les graves violations des droits de l’homme perpétrées contre des milliers d’Érythréens qui cherchent à fuir le pays. L’ONG a appelé l’Érythrée à mettre en place une stratégie pour promouvoir le retour en toute sécurité des personnes déplacées et à garantir aux mécanismes internationaux de droits de l’homme et aux ONG l’accès au pays.
Human Rights Watch a exprimé l’espoir que le peuple de l’Érythrée profiterait de la fin de l’état de guerre avec l’Éthiopie, mais a souligné avoir très peu de preuves attestant d’une amélioration de la situation dans le pays. L’ONG a demandé à la délégation érythréenne s’il existait un calendrier de démobilisation s’agissant du service national.
Réponses et conclusions des invités
MME GILMORE a confirmé que le Haut-Commissariat a rencontré la délégation de l’Érythrée la semaine dernière et lui a réitéré son engagement à lui fournir une assistance technique. La Haute-Commissaire adjointe s’est félicitée que le Gouvernement puisse établir un contact avec les procédures spéciales et a espéré que cela contribuerait à une amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays.
MME KRAVETZ a souligné l’importance du processus de paix pour l’Érythrée, affirmant que le rapprochement avec le voisin est une chance pour elle de mettre un terme au service militaire indéfini et de se concentrer sur l’amélioration du sort de la population. L’un des principaux obstacles à cet égard sera le manque de cadre juridique adapté et de contrepouvoirs à l’action du Gouvernement, a relevé Mme Kravetz. Elle a jugé très importantes aussi la question des disparitions forcées de personnes en Érythrée et la nécessité de consulter les populations concernées par les projets d’infrastructure et d’équipement. La Rapporteuse spéciale a enfin dit n’avoir pas encore reçu de réponse à sa demande de rencontrer les autorités érythréennes.
M. GERAHTU a nié que son pays traverse une crise et a demandé que l’on montre de manière réaliste la réalité sur le terrain en Érythrée. Mais l’Érythrée sait, d’autre part, qu’elle doit saisir l’occasion qui s’offre aujourd’hui, a poursuivi le chef de la délégation érythréenne. Il a ajouté que l’Érythrée aurait besoin de ressources pour remédier aux problèmes créés par les approches hostiles à son pays qui ont été adoptées depuis vingt ans.
M. Gerahtu a aussi fait savoir que le service militaire avait déjà subi une transformation basée sur une conception réaliste: de très nombreuses personnes ont déjà été démobilisées, même si cela n’a été repris dans aucun rapport, a-t-il regretté. Il a enfin assuré que son pays était prêt à échanger avec la Rapporteuse spéciale et qu’il assumerait pleinement ses responsabilités de membre du Conseil des droits de l’homme, en dehors de toute politisation.
MME TSEHAYE a fait observer qu’entre les intérêts du Gouvernement érythréen et les préoccupations de la communauté internationale, il fallait aussi tenir compte de la population érythréenne, qui n’a aucun intérêt à politiser les droits de l’homme. Mme Tsehaye a fait observer que les populations sont les premières concernées par le problème du service militaire obligatoire de durée indéterminée.
Droit de réponse
Le Liban a réagi aux déclarations d’Israël lors du débat sur la situation en Iran en l’accusant de profiter de la situation pour masquer sa propre politique d’occupation. Le Liban a réitéré sa position ferme de refus de qualifier un parti libanais de terroriste.
____________
*Ont participé au débat : Algérie, Allemagne, Angola, au nom du Groupe africain, Arabie saoudite, Australie, Belgique, Chine, Croatie, Djibouti, Éthiopie, Fédération de Russie, France, Grèce, Hongrie, Islande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, République islamique d’Iran, République tchèque, Royaume-Uni, Somalie, Soudan, Suisse, Union européenne, et Venezuela.
Europe External Programme for Africa; East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project; Advocates for Human Rights; Mouvement international de la réconciliation; Jubilee Campaign; Christian Solidarity Worldwide; Maat for Peace, Development and Human Rights Association; et Human Rights Watch.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC/19/31F