Fil d'Ariane
LE CONSEIL TIENT UN DÉBAT SUR LES MOYENS DE COMBATTRE LA MONTÉE DU POPULISME NATIONALISTE ET DES IDÉOLOGIES SUPRÉMACISTES EXTRÉMISTES
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, en fin d’après-midi, une réunion-débat sur « les moyens d’enrayer et de combattre la montée du populisme nationaliste et des idéologies suprémacistes extrémistes ».
En ouverture de la séance, sur demande de la Nouvelle-Zélande, le Conseil a observé une minute de silence en hommage aux victimes de la double attaque perpétrée ce jour contre deux mosquées à Christchurch. La Représentante de la Nouvelle-Zélande a ensuite fait part de sa très grande tristesse après la mort, ce matin, d’au moins 49 personnes dans ce qui semble être un acte terroriste contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Cette attaque terroriste semble motivée par des vues extrémistes qui n’ont pas leur place en Nouvelle-Zélande, en Australie, ni ailleurs, a déclaré la délégation néo-zélandaise.
Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l'homme, a prononcé une déclaration liminaire ouvrant le débat en soulignant que le racisme contredisait tout ce que défend le Conseil. L’attaque terroriste, meurtrière et islamophobe qui vient d’avoir lieu contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande rappelle de façon terrible que le racisme tue, a-t-elle insisté. A la question de savoir ce qu’est exactement le populisme nationaliste, elle a cité Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, qui avait décrit les populistes comme des individus charismatiques, de faux prophètes qui promettent des solutions simplistes aux préoccupations des gens par le biais de politiques radicales disqualifiant les institutions ou les lois. La Haut-Commissaire a aussi mis l’accent sur les cadres régionaux et internationaux traitant de ces questions, en premier lieu la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Ont ensuite pris part au débat en tant que panélistes: Mme Sithembile Nombali Mbete, professeure de science politique à l’Université de Pretoria en Afrique du Sud; M. Pedro Marcelo Mouratian, Directeur chargé de la diversité au Centre argentin d’études pour la gouvernance; M. Rafal Pankowski, de l’association « Never Again » et du Collegium Civitas (Pologne); et Mme Irene Santiago, spécialiste des questions de paix et de sécurité et conseillère auprès du maire de Davao City (Philippines).
Mme Mbete, a rappelé que son pays, l’Afrique du Sud avait été gouverné durant un demi-siècle par un système cruel et injuste, basé sur l’idéologie suprémaciste: l’apartheid. M. Mouratian a noté que le populisme de droite à caractère nationaliste projetait la figure d’un ennemi nouveau et commun, celui de « l’étranger-envahisseur », comme on peut le voir dans les programmes politiques de chefs d’État comme Donald Trump ou Jair Bolsonaro. Selon M. Mouratian, le cadre international est plus que propice pour œuvrer à inverser la situation; il a notamment cité les engagements pris à Durban et les Objectifs de développement durable.
M. Pankowski a noté quant à lui que face à la « mondialisation du racisme », à l’internationalisation du révisionnisme et à la négation du génocide, la culture populaire pouvait servir de force émancipatrice dans les batailles pour la justice raciale. Un véritable message antiraciste peut être diffusé par divers canaux de la culture populaire contemporaine, a-t-il insisté.
Quant à Mme Santiago, elle a déclaré que venant du Sud-Est asiatique, elle constatait que les populismes d’Europe et d’Amérique du Nord se manifestaient différemment de ceux que l’on trouve dans sa région et en Afrique. Les variations de ce phénomène sont importantes à comprendre, si l’on veut développer des stratégies pour y répondre, a-t-elle souligné. Aux Philippines, le populisme est une réaction au statu quo, selon elle.
De nombreux intervenants* ont ensuite pris part à la discussion. Un très grand nombre d’entre eux ont exprimé leur émotion et leurs condoléances après les attaques perpétrées ce matin à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Plusieurs délégations ont mis en avant les outils dont dispose selon elles la communauté internationale pour contrer les discours de haine et d’exclusion, en particulier les instruments internationaux des droits de l’homme tels que la Convention déjà citée par la Haute-Commissaire. Si rien n’est fait contre la « maladie épidémique » populiste, celle-ci pourrait représenter une menace sérieuse pour la paix et à la sécurité internationales, a-t-il été affirmé.
Le Conseil des droits de l’homme reprendra ses travaux lundi matin, à 9 heures, en tenant un dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, ainsi qu’avec la Commission indépendante d’enquête sur les manifestations de 2018 dans le territoire palestinien occupé.
Débat sur les moyens d'enrayer et de combattre la montée du populisme nationaliste et des idéologies suprémacistes extrémistes
Déclaration liminaire de la Haute-Commissaire aux droits de l'homme
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a d'emblée souligné que le racisme contredisait tout ce que défend le Conseil des droits de l'homme, à savoir la fin du racisme, de l'intolérance, de la xénophobie et de la discrimination sous toutes ses formes. L'attaque terroriste, meurtrière et islamophobe qui vient d'avoir lieu contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande rappelle de façon terrible que le racisme tue, a-t-elle lancé. Aujourd'hui de même que le 21 mars, Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, « nous renouvelons notre promesse au peuple du monde que nous soutenons les victimes, dans leur douleur et leur demande de justice, et que nous nous battrons tous les jours contre toutes les formes de racisme », a dit Mme Bachelet.
Le débat du jour résulte de la résolution 73/262 de l'Assemblée générale, qui se dit alarmée par la propagation dans de nombreuses régions du monde de mouvements racistes et extrémistes fondés sur des idéologies destinées à promouvoir des programmes populistes, nationalistes et d'extrême droite ainsi que la supériorité raciale, des pratiques qui alimentent le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, a rappelé la Haute-Commissaire.
À la question de savoir ce qu'est exactement le populisme nationaliste, Mme Bachelet a cité feu Kofi Annan qui, en 2017, avait décrit les populistes comme des individus charismatiques, ou de faux prophètes, promettant des solutions simplistes aux préoccupations des gens par le biais de politiques radicales qui disqualifient les institutions ou les lois. Le populisme nationaliste fait son lit de la diabolisation des migrants et des minorités; les responsables politiques qui s'en réclament, ou leurs partisans, font preuve de racisme, d'islamophobie, d'antisémitisme et d'autres formes de haine et de bigoterie, a poursuivi la Haute-Commissaire.
Le nationalisme et le populisme n'offrent pas de véritables solutions aux défis complexes auxquels les sociétés sont confrontées, a poursuivi la Haute-Commissaire. Ils reposent souvent sur des théories conspirationnistes, amplifiées par les médias sociaux, où les mensonges deviennent des vérités. Le nationalisme est l'exact contraire du patriotisme, a ajouté la Haute-Commissaire, car il accroît les divisions, induit la violence et rend les sociétés moins sûres. Quant aux idées de supériorité ou de suprématie raciales, elles ont conduit à des guerres, à l'oppression, à l'exploitation et à de terribles souffrances.
La Haute-Commissaire a ensuite mis l'accent sur les cadres régionaux et internationaux traitant de ces questions. Ainsi, la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale encourage à adopter une législation ferme pour prévenir la dissémination d'idées fondées sur la supériorité raciale ou la haine raciale, les actes de violence ou d'incitation à la violence. La Déclaration et le Programme d'action de Durban soulignent, quant à eux, le rôle essentiel des politiciens et des partis politiques et encouragent à prendre des mesures concrètes et spécifiques pour promouvoir l'égalité, la solidarité et la non-discrimination.
La Haute-Commissaire a rappelé que le Comité sur l'élimination de la discrimination raciale recommandait aux États de prendre des mesures contre les discours de haine allant au-delà de leur simple pénalisation. Le Plan d'action de Rabat suggère également d'importants garde-fous relatifs aux restrictions à la liberté d'expression: comme la Déclaration de Beyrouth, il souligne que les responsables politiques et religieux ont un rôle essentiel à jouer contre l'intolérance, les stéréotypes discriminatoires et les discours de haine.
Mme Bachelet a appelé à condamner ouvertement tous les messages fondés sur la supériorité raciale ou la haine, ou qui incitent au racisme et à la discrimination raciale. Quant aux programmes éducatifs, ils devraient s'attaquer aux stéréotypes négatifs issus du colonialisme et autres formes d'injustice historique. Les pouvoirs publics et les entreprises doivent, pour leur part, protéger les droits fondamentaux en ligne face à la diffusion des discours de haine sur les médias sociaux. Promouvoir des droits particuliers au détriment de ceux d'autrui ouvre la voie à la destruction de toute la société, a mis en garde Mme Bachelet.
Exposés des panélistes
MME SITHEMBILE NOMBALI MBETE, de l'Université de Pretoria, a rappelé que son pays, l'Afrique du Sud, avait été, cinquante durant, gouverné par un système cruel et injuste, basé l'idéologie suprémaciste: l'apartheid. C'est ce système qui a en partie inspiré la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Mais alors que la Déclaration et le Programme d'action de Durban, adoptés par consensus en 2001, avaient détaillé les propositions concrètes pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, il faut observer qu'un populisme raciste extrémiste et xénophobe de droite réapparaît dans divers endroits du monde ces dernières années. On le voit à l'œuvre dans le récent attentat qui a tué 49 personnes ce matin en Nouvelle-Zélande. Il l'est également au sein des idées suprémacistes défendues aux États-Unis par le mouvement « alt-right » - la droite alternative. L'Afrique du Sud n'est pas en reste avec le mouvement Afriforum, qui se présente comme un groupe défendant les intérêts des Afrikaners et dont les activités visent à éroder ce qui fait le socle même de la société sud-africaine.
Alors qu'une étude de Southern Poverty Law Centre a révélé en 2018, qu'au moins 40 personnes aux États-Unis et au Canada ont été tuées par des individus qui se réclamaient ou étaient attirés par des idées suprémacistes de l'Alt-Right, et que, selon une étude du journal britannique The Guardian, un quart des Européens vote pour des partis politiques populistes, le temps est venu de prendre des mesures pour combattre ces phénomènes, a déclaré l'universitaire sud-africaine. Présentant ses recommandations, Mme Mbete a estimé qu'il fallait d'abord adopter des lois et prendre des mesures pour mettre en œuvre l'article 4 de Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il faudrait ainsi interdire l'ancien drapeau sud-africain, symbole de racisme, Mme Mbete déplorant que l'on puisse encore, de façon légale, arborer et hisser ce drapeau.
Il faut ensuite que les États suivent les recommandations de l'article 7 de la Convention, qui les invite à prendre des mesures immédiates et efficaces, notamment dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale. Il faut par ailleurs que les États se mobilisent davantage contre ce phénomène, notamment en mettant en œuvre les activités prévues recommandées par la résolution 73/262.
M. PEDRO MARCELO MOURATIAN, Directeur chargé de la diversité au Centre d'études pour la gouvernance, d'Argentine, a rappelé que l'Amérique latine avait fini par connaître un profond changement social qui a vu certains secteurs de la société revendiquer une plus grande participation aux affaires publiques. Un nombre important d'États ont su accompagner ce processus en édictant des textes de loi et en mettant en œuvre des politiques visant à garantir les droits de la majorité silencieuse. Pourtant, ces derniers temps, il est préoccupant de constater que la région est parcourue de discours et postures mettant en péril les progrès accomplis. Il s'agit de discours qui alimentent la haine de l'autre. Ce populisme de droite à caractère nationaliste projette la figure d'un nouvel ennemi commun, celui de l'étranger-envahisseur décrit dans les programmes politiques de chefs d'État comme Donald Trump ou Jair Bolsonaro.
L'exclusion est une des conséquences principales de la pratique raciste, croisée avec la problématique de l'inégalité de classe. Ainsi, le racisme renforce la stigmatisation des groupes en situation de pauvreté. On se doit de noter que ces discours nationalistes de droite surgissent dans des contextes démocratiques faibles. Ils se présentent comme une alternative dans la quête de solutions aux problèmes issus du néolibéralisme.
M. Mouratian estime impérieux d'asseoir des bases qui permettront de repenser les stratégies fondées sur la reconnaissance de la richesse de la diversité sociale et culturelle et qui puissent contribuer à renforcer la profondeur démocratique aux États de la région. Sous la forme d'une citoyenneté nouvelle, ce processus doit se faire au travers de la logique de politiques publiques visant à incorporer les secteurs précédemment exclus.
Selon M. Mouratian, le cadre international est plus que propice pour œuvrer à inverser la situation. Les engagements pris, entre autres à Durban ou dans le cadre des Objectifs de développement durable sur la réduction des inégalités, se présentent comme des scénarios historiques. Ils permettent un travail consistant combattre le racisme depuis sa base, à savoir par l'inclusion socioéconomique, culturelle et politique des populations affectées parmi lesquelles les personnes d'ascendance africaine, les autochtones et les migrants.
Pour M. RAFAL PANKOWSKI, de l'Association « Never Again » et du Collegium Civitas (Pologne), le racisme est non seulement largement et universellement condamné mais il semble également totalement discrédité en tant que doctrine. Pourtant, il persiste au XXIe siècle comme mouvement politique aux multiples visages, à la fois comme phénomène culturel et en tant qu'idéologie. Évoquant les génocides et les attaques menés au nom de la haine, de la xénophobie et du nationalisme extrême depuis 1945, jusqu'à ce matin contre des musulmans à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, M. Pankowski a souligné qu'il fallait se rendre à l'évidence: il s'agit d'un immense échec, d'une tache honteuse sur la conscience collective de l'humanité.
Les mouvements racistes et xénophobes sont de plus en plus actifs dans le monde entier et trouvent souvent des adeptes chez les jeunes, y compris en Pologne, son pays, qui a pourtant historiquement beaucoup souffert d'idéologies racistes et totalitaires. À propos de la notion de « mouvement », M. Pankowski a expliqué que nous ne sommes pas seulement face à des partis politiques populistes prenant part aux élections, mais aussi face à des mouvements de rue violents, des réseaux extrémistes construits autour de la culture du football et des groupes informels qui se forment autour de la propagande raciste sur Internet. Ces mouvements opèrent dans le contexte de culture populaire contemporaine mais ils prennent racine dans une longue histoire de développement de l'idée de « race », qui varie au gré du temps et de l'espace et n'est qu'une construction culturelle et sociale. En outre, a fait observer M. Pankowski, la « race » est inévitablement liée à des aspects ou connotations historiques et politiques de pouvoir et de domination. « Ce n'est pas une idée innocente » puisqu'elle a servi à justifier les pires persécutions et les génocides de l'histoire humaine, comme l'esclavage et l'Holocauste.
Au cours de l'histoire, le racisme a pris diverses formes, fortement liées à d'autres formes de discrimination, comme l'intolérance religieuse et culturelle. Aujourd'hui, a relevé M. Pankowski, les technologies offrent des conditions sans précédent de diffusion de toutes les formes d'expression, y compris pour les messages racistes et xénophobes. Pour le panéliste, on peut parler de « mondialisation du racisme », d'internationalisation du révisionnisme et de la négation du génocide.
Mais la culture populaire peut également servir de force émancipatrice dans les batailles pour la justice raciale, a-t-il souligné. Un véritable message antiraciste peut être diffusé par divers canaux de la culture populaire contemporaine. Ainsi, la campagne polonaise « Music Against Racism » de l'association « Never Again » est un exemple d'initiative en ce sens, un contre-mouvement utilisant le véhicule de la culture de la jeunesse alternative et indépendante pour promouvoir les valeurs de respect pour la diversité.
MME IRENE SANTIAGO, Conseillère à la paix du maire de Davao City (Philippines), a constaté que les populismes d'Europe et d'Amérique du Nord sont et se manifestent différemment que ceux que l'on rencontre en Afrique et dans sa région, l'Asie du Sud-Est. Les variations de ce phénomène sont importantes à comprendre, si l'on veut développer des stratégies pour y répondre.
Mme Santiago a estimé que le populisme tel qu'il se manifeste dans le Sud-Est asiatique, était une réaction au statu quo. Il y a un sentiment de peur et d'insécurité pour un présent et un futur pleins d'incertitudes. Les « autres » deviennent l'objet de la haine, de la peur et de l'élimination. Les populistes autoritaires d'Asie du Sud-Est se présentent alors comme des sauveurs et protecteurs des peuples. Parmi eux on trouve des trafiquants de drogues, des criminels ou des gouvernements qui ont failli à leurs obligations.
La panéliste de Philippines a attiré l'attention sur le triangle élaboré par Johan Galtlung (politologue norvégien, présenté comme le fondateur de l'irénologie, la science de la paix), qui peut être utile pour analyser les populismes. Le point A de ce triangle est appelé la « violence directe », le point B la « violence culturelle » et le point C, au sommet du triangle est la « violence structurelle ». Elle a expliqué que le concept de la « guerre contre la terreur », né au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, a conduit à une guerre qui ne faisait plus la différence entre les groupes armés et les terroristes, pas plus qu'entre le droit pénal et l'action militaire. Le nouveau concept de la prévention contre l'extrémisme a élargi les mesures à prendre contre le terrorisme et promu l'approche « toute la société », signifiant que le problème pouvait être réglée de manière multidimensionnelle. Cette approche a mis en avant un cadre sécuritaire inclusif. Dans ce contexte, ne peut-on pas considérer le populisme comme un autre concept né dans cette dynamique, s'est-elle interrogée.
La spécialiste a alors proposé « quatre solutions avec la lettre C, comme culture civique, connections, conversation et vision claire comme le cristal». Citant Elise Boulding, une sociologue et pacifiste américaine, elle a déclaré que ces concepts appellent à cesser de voir le monde comme un ensemble de nations, mais comme une communauté d'êtres humains. Il faudrait donc créer des réseaux locaux, nationaux et internationaux d'éducation et d'institutions connectées, avec pour mission de réduire les divisions et tenir des dialogues avec des stratégies claires pour combattre les phénomènes liés au populisme.
Débat
La Nouvelle-Zélande, au nom également de l’Australie, a fait part de sa très grande tristesse après la mort, ce matin, d’au moins 49 personnes dans ce qui semble être un acte terroriste contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Cette attaque terroriste semble motivée par des vues extrémistes qui n’ont pas leur place en Nouvelle-Zélande, en Australie, ni ailleurs, a déclaré la délégation néo-zélandaise. La Nouvelle-Zélande et l’Australie condamnent dans les termes les plus forts ces actes, de même que le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui les alimentent, y compris l’islamophobie.
La délégation a ensuite cité la Première Ministre néo-zélandaise, Mme Jacinda Ardern, selon laquelle son pays a été ciblé « non parce qu’il justifie le racisme ou qu’il serait une enclave extrémiste; au contraire, nous avons été ciblés précisément parce que (…) nous représentons la diversité, la bonté, la compassion, un foyer pour celles et ceux qui partagent nos valeurs. »
Oman, au nom des pays du Conseil de coopération du Golfe, a déclaré que cette attaque (perpétrée ce matin en Nouvelle-Zélande) confirmait que le terrorisme dépasse les religions et les cultures. Face à la progression du populisme nationaliste, Oman a rappelé l’importance de la Déclaration et du Plan d’action de Durban, et a appelé tous les États à s’inspirer des droits de l’homme universels. L’Angola, au nom du Groupe africain, a présenté ses condoléances à la Nouvelle-Zélande à la suite de l’attaque terroriste qu’elle a subie ce jour. Préoccupé par la progression du nationalisme populiste, le Groupe africain a ensuite appelé à réfuter l’assertion des populistes selon laquelle ils s’exprimeraient « au nom du peuple » et à rejeter la rhétorique qui alimente la colère.
La Commission permanente indépendante des droits de l’homme de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a condamné l’assassinat de 49 musulmans en Nouvelle-Zélande. Elle s’est dite très préoccupée par les vagues de nationalisme populiste qui montent sur tous les continents, et en particulier par la progression de forces politiques d’extrême droite dans plusieurs pays européens ainsi qu’en Inde, au détriment de l’égalité raciale et en violation des droits des minorités à la sécurité, à la participation aux affaires publiques et à l’accès aux biens et aux services sociaux.
De nombreuses autres délégations ont pris la parole, exprimant leur émotion après les attaques de ce matin à Christchurch. L’Arabie saoudite, qui a exprimé ses condoléances pour les victimes de Christchurch, au nombre desquelles figuraient des étudiants saoudiens, a souhaité exprimer sa préoccupation face à la situation régnant dans un certain nombre de pays, parmi lesquels la France et la Suède. Elle a appelé ces pays à promulguer des lois pour lutter contre le racisme. La Tunisie a condamné l’attentat terroriste de ce matin en Nouvelle-Zélande, faisant observer que cette manifestation directe et extrême de racisme pourrait se produire dans n’importe quel pays. L’Iraq a déclaré que les attaques de Christchurch prouvaient le caractère destructeur du phénomène raciste. L’Iraq a rappelé les agissements de Daech et a jugé essentiel que chaque pays ratifie la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Bahreïn a rappelé que le populisme comme le nationalisme se caractérisaient par le rejet de l’autre. Le pays a plaidé pour des efforts de tous, aux niveaux tant régional qu’international, visant à créer des mécanismes susceptibles de neutraliser les discours haineux et xénophobes.
Le Costa Rica, au nom également de la Colombie, du Mexique et du Pérou, a fait part de sa préoccupation face à la propagation des discours de haine et de supériorité raciale, et des formes connexes d’intolérance au détriment des femmes et des filles. Le Costa Rica a regretté que certains partis politiques et politiciens exacerbent, par leurs discours, la haine et la discrimination. Contre ces phénomènes, le Costa Rica a appelé les États à éliminer les inégalités et à réduire la fracture de développement entre les peuples.
L’Union européenne, qui a réitéré la détermination des Vingt-Huit à combattre le racisme et la discrimination raciale, a énuméré les mesures qu’elle a prises à cette fin. Elle a cité le code de conduite de 2016 visant à contrer les discours de haine en ligne, précisant que ce code permet d’identifier le plus tôt possible les discours haineux afin qu’ils soient supprimés des plateformes des médias sociaux. L’Espagne a noté que le populisme s’appuyait sur le nationalisme en s’efforçant de hiérarchiser les personnes. Elle a appelé à réagir face à ce phénomène sous peine de porter atteinte à l’égalité s’agissant de nombreux droits.
Le Pakistan a noté que dans de trop nombreux pays, le populisme nationaliste croissant alimentait la discrimination fondée sur la race, la couleur, le genre, la langue, la religion, ou l’origine nationale ou sociale. Le Pakistan a dit déplorer une telle tendance chez son voisin indien, où l’on observe l’émergence du communautarisme et de l’intolérance religieuse. La Libye a, pour sa part, noté que les mouvements nationalistes et populistes, particulièrement en Occident, visaient à susciter la peur de l’autre, ce qui va à l’encontre de l’amitié entre les peuples. Si l’on ne s’y oppose pas vigoureusement, cela aura un impact négatif sur les droits humains en général. La Libye estime que l’éducation, la formation, l’assistance technique figurent parmi les outils susceptibles de permettre de combattre les discours de haine.
La Fédération de Russie a regretté que le thème du débat de ce jour soit malheureusement tout à fait d’actualité, compte tenu en particulier de la résurgence de mouvements racistes, extrémistes et nationalistes en Europe. C’est pourquoi la Fédération de Russie a rejoint les coauteurs de la résolution de l’Assemblée générale contre la glorification et la promotion du nazisme, a souligné la délégation russe.
L’Équateur a fait observer que la montée du populisme nationaliste se traduisait dans les discours politiques et notamment dans la remise en cause des programmes d’aide sociale. Le pays a plaidé pour la diversité et pour la pleine intégration des réfugiés.
L’État de Palestine a déploré l’adoption de la loi sur l’État-nation par Israël. Le caractère « ethnocratique » d’Israël a été confirmé par les discours récents de son Premier Ministre visant à exclure les Arabes israéliens, a déploré la délégation palestinienne.
Le Liban a déclaré que le Liban et les partis politiques qui le dirigent étaient opposés à toute suprématie de quelque type qu’elle soit, tant de telles idées sont « l’ennemi absolu » ayant justifié la colonisation, le néo-colonialisme et le racisme. Cette idéologie se répand chaque fois qu’elle se montre plus forte que le droit, a souligné le Liban, mettant en garde contre un échec dans la lutte contre ce phénomène.
La Gambie s’est, pour sa part, dite alarmée par la tendance de certains États à faire la leçon à d’autres tout en refusant de faire leur propre autocritique et en particulier de voir le populisme qui gangrène leurs sociétés. La Gambie appelle le Haut-Commissariat à se pencher de toute urgence sur cette situation. Pour sa part, la Gambie ne peut accepter que les discours de haine et autres « langages douteux », sous prétexte de liberté d'expression, continuent de se répandre pour diviser les sociétés. Elle appelle les Nations Unies à prendre des mesures concrètes pour « intervenir significativement dans des pays qui ferment les yeux et masquent leurs intentions pour diviser, polariser, marginaliser et même détruire des environnements où la liberté des peuples à choisir librement leur mode de vie devrait prévaloir ».
La République islamique d’Iran a observé que le populisme est venu renforcer le discours du « nous contre eux », affirmant que c’est cela qui est arrivé aujourd'hui en Nouvelle-Zélande, avec l’assassinat de 49 musulmans. Le climat en Europe et Amérique du Nord est préoccupant, a poursuivi l’Iran. Si rien n’est fait contre cette « maladie épidémique », elle pourrait représenter une menace sérieuse pour la paix et la sécurité internationales, a insisté le pays.
La représentante de l’Afrique du Sud, citant Nelson Mandela, a rappelé que ce dernier haïssait le racisme, qu’il avait combattu toute sa vie et partout. De l’avis de l’Afrique du Sud, il faut combattre ce « nationalisme blanc ancré » et le Conseil des droits de l'homme ne peut se permettre de n’en parler qu’une fois par an. Que peut faire le Conseil en complément de ce que fait déjà le Haut-Commissariat, a demandé le pays à l’intention des panélistes ?
Le Brésil a souhaité répondre aux déclarations qui l’ont visé et a rappelé que le Président Jair Bolsonaro avait été élu avec 57 millions de voix, soit 55% des votes. Dès son investiture, il a exprimé publiquement son attachement aux droits de tous et des minorités et depuis son entrée en fonction, aucune mesure n’a été prise venant contredire cette position, a souligné la délégation brésilienne, assurant que son Gouvernement reste ouvert à la société civile sur ces questions.
L’Inde a également souhaité répondre aux allusions faites par le Pakistan et a affirmé que le Pakistan « est bien connu de la communauté internationale comme étant le sanctuaire du terrorisme »; il existe en outre dans ce pays des lois sur le blasphème, des discriminations et des agressions contre les minorités religieuses. Le Pakistan ferait mieux de mettre de l’ordre chez lui avant de s’en prendre à l’Inde, « la plus grande démocratie du monde », a conclu la délégation indienne.
Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont également pris la parole. Le Congrès juif mondial s’est alarmé de l’augmentation de l’antisémitisme de par le monde et a dénoncé la résurgence du populisme et du nationalisme exploitant la mémoire de l’Holocauste et glorifiant les nazis. L’ONG a par ailleurs déploré que le désaccord avec les politiques israéliennes se soit transformé en antisionisme virulent, qui n’est qu’une façon de déguiser un antisémitisme traditionnel. Le Congrès juif mondial s’est dit préoccupé des résultats d’une enquête européenne indiquant que la montée de l’antisémitisme coïncide avec une forte baisse des connaissances au sujet de l’Holocauste. Pour lutter contre l’ignorance, l’ONG a indiqué avoir récemment lancé, en partenariat avec l’UNESCO, un site web intitulé « Facts about the Holocaust ».
Le Mouvement international contre toutes les formes de discrimination a jugé particulièrement pertinente cette discussion mais s’est dit préoccupé par le choix de la terminologie de « populisme nationaliste » et d’«idéologies suprémacistes extrêmes » plutôt que racisme et idéologies racistes. L’ONG a fermement condamné l’abus de la liberté d’expression de la part des politiciens et de ceux qui souhaitent faire de la politique, qui tissent des liens de supériorité raciale/ethnique et de haine dans la société. L’ONG s’est dite de plus en plus préoccupée par la négation des principes d’égalité et de non-discrimination au sein du Conseil et a critiqué les propos du Ministre hongrois des affaires étrangères au cours de cette session, lorsqu’il a fait un lien entre migration et terrorisme, encourageant effectivement la haine raciale et ethnique à l’égard des migrants. Aussi, l’ONG a-t-elle demandé aux panélistes ce que le Conseil des droits de l'homme devrait faire, selon eux, pour veiller à ce que le droit à la liberté d’expression dans cette enceinte soit exercé pour lutter contre la haine et promouvoir l’inclusion ainsi que le droit à l’égalité et à la non-discrimination.
World Evangelical Alliance a constaté la montée d’une forme de nationalisme qui prétend être fondé sur des racines chrétiennes et qui véhicule des références à des « valeurs chrétiennes » et à un « héritage chrétien ». L’ONG a souligné que les valeurs chrétiennes ne sont pas compatibles avec les discours anti-immigrants, antimusulmans, antisémites et xénophobes. Quand il blâme d’autres groupes dans la société et encourage la peur et la haine de l’autre, le nationalisme est tout sauf chrétien.
L'Article 19 - Centre international contre la censure a estimé que seule une approche reposant sur la société dans son ensemble peut faire reculer la haine et avancer l’inclusion, le pluralisme et la diversité. L’ONG a déploré que les démagogues populistes diffusent souvent la haine tout en prétendant être des défenseurs de la liberté d’expression et qu’ils soient les plus prompts à utiliser la violence pour faire taire ceux qui démontrent leurs mensonges. Elle a rappelé le cas de Marielle Franco, une défenseuse des droits de l'homme qui luttait contre le racisme, la misogynie et l’homophobie et qui a été assassinée au Brésil voici un an.
L’Action Canada pour la population et le développement a souligné que, comme premières victimes, les militantes féministes ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps sur les violences à leur encontre perpétrées au nom de valeurs culturelles – la rhétorique raciste, xénophobe et misogyne ayant en effet des conséquences réelles et immédiates pour les femmes et les filles. Mettant l’accent sur les stratégies féministes de résistance à ces forces, l’ONG a déploré que les recommandations politiques qui essaient de transformer le système patriarcal dont le populisme dépend soient rarement prises en considération.
Pasumai Thaayagam Foundation a rappelé que les politiciens cinghalais font appel au nationalisme bouddhiste cinghalais et à l’idée que la totalité de l’île de Sri Lanka leur appartient, depuis les années 1950. Les autres communautés, avant tout les Tamouls et les musulmans, sont considérées comme des citoyens de seconde classe et font souvent l’objet de discrimination et de violence. Qualifier tous les Tamouls de terroristes et tous les musulmans d’extrémistes revient à autoriser qu’on les traite autrement que comme des humains et des citoyens. Le populisme nationaliste continue à jouer un rôle alarmant à Sri Lanka, s’est inquiétée l’ONG.
Réponses et conclusion des panélistes
MME MBETE a répondu à l’Afrique du Sud que le Conseil pourrait par exemple créer une commission d’enquête sur le suprémacisme blanc – une question qui a des conséquences graves sur le bien-être des peuples du monde entier. Elle a encouragé tous les pays à prendre la mesure de l’ampleur de cette menace.
M. MOURATIAN a assuré n’avoir pas remis en cause la légitimité de l’élection au Brésil, mais simplement analysé l’impact de certains discours politiques sur le comportement social. Le racisme se présentant aussi sous la forme d’une haine profonde contre les migrants, il appartient aux États de donner une autre image des migrations, a souligné le panéliste.
M. PANKOWSKI a relevé, pour sa part, que l’islamophobie est l’un des principaux moteurs de la haine et de la discrimination, y compris en Pologne où l’on rencontre une « islamophobie sans musulmans » au même titre qu’un « antisémitisme sans juifs ». Il est aussi certain que la liberté d’expression doit s’accompagner du respect d’autrui; et que, de même, la majorité doit, dans une démocratie, respecter les minorités.
MME SANTIAGO a, quant à elle, souligné le besoin de faire preuve d’imagination pour ne pas répéter toujours les mêmes analyses et pouvoir trouver des stratégies vraiment efficaces.
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*Délégations ayant participé au débat: Afrique du Sud, Angola (au nom du Groupe africain), Arabie saoudite, Bahreïn (au nom du Groupe arabe), Brésil, Costa Rica (au nom également de la Colombie, du Mexique et du Pérou), Équateur, Espagne, État de Palestine, Fédération de Russie, Gambie, Inde, Iraq, Liban, Libye, Nouvelle-Zélande (au nom également de l’Australie), Oman (au nom des pays du Conseil de coopération du Golfe), Organisation de la coopération islamique, Pakistan, République islamique d’Iran, Tunisie, et l’Union européenne.
*Organisations de la société civile ayant participé au débat: Congrès juif mondial; Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; World Evangelical Alliance; Article 19 - Centre international contre la censure; Action Canada pour la population et le développement; et Pasumai Thaayagam Foundation.
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HRC/19/44F