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LE CONSEIL DIALOGUE AVEC LES MEMBRES DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE INTERNATIONALE INDÉPENDANTE SUR LA SYRIE

Compte rendu de séance
La Commission identifie de nombreux obstacles au retour des réfugiés et autres personnes déplacées

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, un dialogue avec les membres de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, présidée par M. Paulo Sérgio Pinheiro et composée également de Mme Karen Koning AbuZayd et M. Hanny Megally.

Présentant le rapport de la Commission, M. Pinheiro a notamment salué l’accord entre la Turquie et la Fédération de Russie pour établir une zone démilitarisée dans le nord-ouest de la Syrie, qui a permis d’éviter un assaut militaire à Idlib et d’enregistrer une nette baisse de la violence. Cependant, la majorité des quelque 3 millions de civils vit toujours sous le régime oppressif des terroristes d’Hay’at Tahrir al-Sham qui contrôlent désormais largement Idlib, a-t-il souligné. Le nombre de personnes déplacées s’élève à 6,2 millions à l’intérieur et il y a 5,6 millions de réfugiés, a poursuivi M. Pinheiro. La question est de savoir si, après 8 ans de chaos, les conditions sur le terrain leur permettent de rentrer en toute sécurité et dignité, a-t-il souligné. Or, la Commission a identifié de nombreux obstacles à ce retour, a-t-il indiqué.

Pour la Commission, ceux qui portent la responsabilité des violations massives des droits de l'homme doivent rendre des comptes. En conclusion, M. Pinheiro a appelé à soutenir le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Geir Pedersen, et a affirmé que c’est à la table de négociations que les problèmes dont souffrent les civils pourront être discutés et qu’une solution pourra être trouvée.

En tant que pays concerné, la République arabe syrienne a estimé que le débat qui s'est déroulé ce matin constituait une nouvelle illustration de la politisation du Conseil. Le rapport présenté au Conseil est truffé de contre-vérités, a affirmé la délégation syrienne. Elle a rappelé que la Syrie ne reconnaissait pas le mandat de la Commission, laquelle continue de faire la part belle à la coalition internationale sous égide américaine et fait en outre fi du fait que la Turquie est un État occupant d’une partie du territoire syrien. S'agissant des opérations de l’armée syrienne dans les « régions de désescalade », la délégation a rappelé qu'elles visaient à réagir aux menées des groupes armés terroristes afin d’en protéger la population.

De nombreuses délégations* ont pris part au dialogue qui a suivi. La plupart ont déploré la persistance des hostilités dans différentes parties du pays et ont exprimé leur préoccupation face au manque général d’état de droit en Syrie. Elles ont exprimé leur soutien au mandat de la Commission d’enquête, ainsi qu’à celui du Mécanisme international impartial et indépendant sur la Syrie, notamment aux fins de la promotion de l’obligation redditionnelle face aux atrocités commises durant le conflit, afin d’assurer que l’impunité ne prévale pas. Il a été maintes fois souligné que seule une solution politique permettrait de mettre un terme au conflit en Syrie. Plusieurs intervenants ont dans ce contexte insisté sur la nécessité de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie.

De nombreuses préoccupations ont été exprimées s’agissant de la situation humanitaire suscitée par cette crise, s’agissant en particulier des camps de réfugiés et autres personnes déplacées.


Le Conseil poursuivait ses travaux dans l’après-midi en engageant son dialogue avec la Commission d’enquête sur le Burundi.


Dialogue interactif avec la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie

Le Conseil est saisi du rapport (A/HRC/40/70) de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie.

Présentation de rapport

M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, a salué l’accord entre la Turquie et la Fédération de Russie pour établir une zone démilitarisée dans le nord-ouest de la Syrie, qui a permis d’éviter un assaut militaire à Idlib et d’enregistrer une nette baisse de la violence. Cependant, la majorité des quelque 3 millions de civils vit toujours sous le régime oppressif des terroristes d’Hay’at Tahrir al-Sham qui contrôlent désormais largement Idlib.

Le nombre de personnes déplacées s’élève à 6,2 millions à l’intérieur et il y a 5,6 millions de réfugiés, a poursuivi M. Pinheiro. La question est de savoir si, après 8 ans de chaos, les conditions sur le terrain leur permettent de rentrer en toute sécurité et dignité, a-t-il souligné. Or, la Commission a identifié de nombreux obstacles à ce retour, a-t-il indiqué. D’abord, les hostilités permanentes menacent la vie de ceux qui tentent de rentrer, a-t-il précisé. Si la Commission d’enquête reconnaît le droit de combattre le terrorisme, elle déplore que les attaques menées par les forces progouvernementales à Idlib et dans l’ouest d’Alep et celles des Forces démocratiques syriennes et de la coalition internationale à Deir ez-Zor fassent de nombreuses victimes parmi les civils. Les violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire sont endémiques de la part de toutes les parties, a ajouté le Président de la Commission d’enquête.

Le conflit armé ne constitue toutefois que l’un des obstacles auxquels se heurtent les personnes déplacées. La persécution, la discrimination et d’autres mauvais traitements à Idlib, Douma, Dara’a et dans le nord de Homs ainsi que des arrestations, des détentions arbitraires et des exécutions dans les zones sous contrôle gouvernemental sont à déplorer, a en outre déclaré M. Pinheiro. Les familles ont le droit de connaître le sort des milliers de personnes détenues ou disparues, a-t-il souligné.

Les objectifs militaires sont placés au-dessus de la gouvernance civile par toutes les parties au conflit, créant un vide en termes d’état de droit dans de nombreuses parties du pays, a poursuivi M. Pinheiro. Alors que les violations flagrantes des droits de l'homme se poursuivent, d’autres éléments encore aggravent la survie quotidienne des civils syriens, ce qui ne cessera d’avoir des conséquences sur la faisabilité des retours potentiels. Même ceux qui ne craignent plus pour leur sécurité physique se heurtent toujours à des difficultés insurmontables pour vivre dans la dignité, comme l’absence de services essentiels tels que l’accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins de santé. En outre, l’accès des convois humanitaires aux plus vulnérables a trop souvent été restreint. Ce à quoi M. Pinheiro a ajouté encore un autre facteur empêchant le retour des civils: le manque, dans les zones contrôlées par les groupes armés, de documents officiels tels que les certificats de naissance et de décès et les titres de propriété. Cela peut se traduire par de fortes discriminations et l’exclusion des femmes de leurs droits d’héritage, a précisé le Président de la Commission d’enquête.

La Syrie fait face à d’immenses défis au vu de l’ampleur des destructions de logements et d’infrastructures, ainsi que de la contamination des mines et autres objets non explosés dans des zones résidentielles. Les parties au conflit ne respectent souvent pas le droit international et la protection des civils. Pour la Commission, ceux qui portent la responsabilité des violations massives des droits de l'homme doivent rendre des comptes.

En conclusion, M. Pinheiro a appelé à soutenir le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Geir Pedersen, et a affirmé que c’est à la table de négociations que les problèmes dont souffrent les civils pourront être discutés et qu’une solution pourra être trouvée.

Pays concerné

La République arabe syrienne a estimé que le débat qui s'est déroulé ce matin constituait une nouvelle illustration de la politisation du Conseil des droits de l’homme. Le rapport présenté au Conseil est truffé de contre-vérités, a affirmé la délégation syrienne, qui a rappelé qu’elle ne reconnaissait pas le mandat de la Commission qui, a-t-elle ajouté, continue de faire la part belle à la coalition internationale sous égide américaine. En outre, la Commission fait fi du fait que la Turquie est un État occupant d’une partie du territoire syrien et elle continue de disculper la Turquie. S'agissant des opérations de l’armée syrienne dans les « régions de désescalade », la délégation a rappelé qu'elles visaient à réagir aux menées des groupes armés terroristes afin d’en protéger la population. La délégation a dénoncé le rôle des « casques blancs », qui sont – de notoriété publique – une émanation du groupe Al-Nosra. La méthodologie utilisée par la Commission étant totalement erronée, la République arabe syrienne demande que le mandat de la Commission ne soit pas prolongé.

Débat interactif

Alors que le dernier rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante montre que les hostilités qui perdurent dans différentes parties du pays continuent d’engendrer des décès de civils et que la situation de centaines de milliers de Syriens reste précaire, même dans des zones où les hostilités ont diminué, l’Union européenne exprime sa grave préoccupation face au manque général d’état de droit, y compris dans les zones récemment reprises par les forces pro-gouvernementales, a souligné l’Union européenne, soulignant le rôle vital joué par la Commission présidée par M. Pinheiro, avec le Mécanisme international impartial et indépendant sur la Syrie, pour promouvoir l’obligation redditionnelle face aux atrocités commises durant le conflit et assurer que l’impunité ne prévale pas. L’Union européenne appelle toutes les parties à mettre immédiatement un terme aux détentions arbitraires et exhorte le régime syrien à mettre un terme aux disparitions forcées et à révéler le sort des personnes détenues et des personnes portées disparues. L’Union européenne est engagée à continuer à mobiliser tous les instruments politiques et humanitaires à sa disposition pour soutenir le peuple syrien, et à trouver une solution politique négociée conforme à la résolution 2254 du Conseil de sécurité.

La Finlande, au nom des pays nordiques, a également salué ce rapport de la Commission d’enquête et a appelé le « régime » syrien à mettre fin à toutes les violations des droits de l'homme qui lui sont reprochées, notamment celles affectant les femmes. Les Pays nordiques continueront leurs efforts pour protéger les civils et soutiennent fermement le mandat du Mécanisme international impartial et indépendant sur la Syrie créé par l’Assemblée générale, a indiqué la délégation finlandaise. L’Espagne a indiqué appuyer elle aussi ce Mécanisme et estimer que tous les crimes commis en Syrie doivent être renvoyés devant la Cour pénale internationale. L’Estonie a partagé cet avis concernant le renvoi de ces crimes à la Cour pénale internationale et a appelé le Gouvernement syrien à coopérer avec l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) afin de régler toutes les préoccupations liées à l’utilisation d’armes chimiques.

Le Koweït, qui s’est dit solidaire de ce que vit le « peuple syrien frère », a demandé que tous les crimes constatés qui doivent l’être soient qualifiés de crime contre l’humanité et a appelé à la mise en œuvre de toutes les résolutions du Conseil de sécurité. La délégation koweïtienne estime que la résolution de la crise ne pourra se faire que par le biais d’une solution politique, conformément au communiqué de Genève et à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.

Pour le Soudan, la situation en Syrie, « ce pays frère », montre bien les conséquences de l’ingérence dans les affaires internes des États, de la sélectivité et de la politisation. Alors que le Soudan accueille des Syriens, il constate qu’aucun « des pays occidentaux » qui alimentent ce conflit n’accueille, lui, de Syriens.

Israël a jugé que ce rapport arrive à point nommé, au moment même où le « régime » syrien est en train de regagner une « légitimité diplomatique non méritée » alors qu’il continue de bombarder des zones civiles et de refuser les droits politiques et économiques à sa population déplacée. La délégation israélienne a appelé le Conseil à dénoncer « la complicité de l’Iran et de l’organisation terroriste Hezbollah dans les atrocités commises par le Gouvernement syrien».

Un grand nombre de délégations se sont exprimées sur les conditions susceptibles de favoriser le retour des réfugiés et personnes déplacées, afin qu’ils n’aient pas à le regretter.

La Belgique a estimé essentiel de continuer à étayer les enquêtes sur les crimes commis en Syrie. Elle a déploré que le retour des réfugiés ne soit pas assuré et a souligné que toutes les parties devaient garantir qu’ils ne feront pas l’objet de représailles. Un système de protection en leur faveur doit être mis en place, a insisté la Belgique. La Jordanie a estimé qu’il est temps que la communauté internationale assume ses responsabilités alors que la Jordanie accueille à elle seule 1,3 million de réfugiés sur son territoire. Le pays a attiré l’attention sur la situation précaire régnant dans un camp situé en plein désert syrien et a appelé au retour des déplacés dans leurs foyers. L’Iraq a exprimé ses préoccupations face aux informations des acteurs humanitaires qui font état de mauvaises conditions de vie dans les camps de réfugiés. Le sort des réfugiés et des personnes déplacées ne doit pas faire l’objet de marchandages politiques, a souligné la délégation iraquienne. La République tchèque a partagé l’avis de la Commission d’enquête selon lequel la situation actuelle sape la possibilité du retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs foyers. Elle a souligné que tout retour devait se faire selon des modalités respectueuses des droits fondamentaux des personnes concernées. Quant à l’Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, ONU Femmes, elle a souligné l’importance de permettre un retour durable de tous les citoyens syriens, femmes, hommes et enfants, ce qui – a-t-elle souligné – ne peut se concrétiser que par une approche basée sur les droits humains. Le Brésil a souligné que les réfugiés et les personnes déplacées internes ont un rôle clé à jouer dans la reconstruction du pays. L’Égypte a souligné que toutes les parties devaient contribuer à réhabiliter les infrastructures du pays, condition sine qua non d’un retour des réfugiés et personnes déplacées. Une solution durable à la crise syrienne ne peut être atteinte que par un large dialogue politique.

Le Qatar a dénoncé le recours aux armes chimiques, la politique de la terre brûlée et l’interdiction de l’aide humanitaire de la part du régime de Damas. Le peuple syrien est victime d’un Gouvernement qui a détruit le pays pour rester au pouvoir, ce qui a été mis à profit par des groupes extrémistes pour s’implanter.

L’Allemagne s’est dite alarmée par les informations de la Commission d’enquête concernant les attaques meurtrières commises dans plusieurs gouvernorats dont ceux d’Idleb et d’Alep, les femmes et les enfants ayant payé un lourd tribut. Elle est aussi gravement préoccupée par les informations sur les détentions arbitraires, les enlèvements et autres disparitions forcées. Elle est enfin convaincue que seule une solution politique peut régler le conflit. La Croatie a notamment fait part de son inquiétude à la suite d’informations faisant état d’une attaque chimique à Alep le 24 novembre dernier. La situation syrienne doit être renvoyée à la Cour pénale internationale, a estimé la délégation croate. Plusieurs délégations, dont celle du Liechtenstein, ont insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme d’établissement des responsabilités de tous les crimes tombant sous le coup du droit international. Le Liechtenstein a appelé tous les États à coopérer pleinement avec le Mécanisme international impartial et indépendant sur la Syrie.

L’Australie a réitéré son ferme soutien à l’interdiction de l’utilisation des armes chimiques et à l’enquête de la Commission sur une possible attaque chimique en novembre 2018, estimant que les auteurs de telles attaques doivent être identifiés et rendre des comptes. L’Australie s’est en outre dite troublée par les rapports faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires dans des régions sous contrôle gouvernemental.

L’Arabie saoudite a exprimé son appui aux travaux de la Commission et a déploré les attaques en Syrie qui n’épargnent pas les civils, en violation flagrante du droit international. En outre, le « régime » syrien s’obstine à poursuivre sa politique d’expulsions forcées afin de modifier la composition démographique du pays.

La Fédération de Russie a estimé que le rapport de la Commission d’enquête n’est pas objectif et qu’il est tendancieux, ce rapport considérant à tort la culpabilité du Gouvernement syrien. La Fédération de Russie a accusé la Commission de travailler pour le compte de ses « sponsors ». Réitérant sa solidarité avec le peuple et le Gouvernement syriens, le Venezuela a, quant à lui, condamné la manière dont le conflit syrien a été présenté. Le Venezuela a déploré la manipulation à laquelle se sont livrés les médias internationaux au service d’intérêts cachés. Le pays a demandé que soit pleinement respectées la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie.

Pour la France, ce serait une grave erreur de considérer que la tragédie syrienne est terminée. Soulignant que la situation humanitaire demeure catastrophique, la France a accusé le Gouvernement syrien de poursuivre une stratégie d’instrumentalisation de l’aide à des fins politiques. Toute approche de la question du retour des réfugiés doit s’appuyer sur les droits, selon des conditions qui ne sont actuellement pas réunies, a ajouté la France. Le Chili a déploré les violations systématiques des droits de l'homme et du droit international humanitaire, en particulier les détentions arbitraires, la torture, les enlèvements et les disparitions forcées en Syrie. Le pays a réitéré qu’une solution politique négociée est essentielle pour surmonter la crise syrienne. L’Italie s’est dite très préoccupée par le vide général de l’état de droit constaté par la Commission et par la souffrance des enfants en Syrie. L’Italie a appelé les parties à une action humanitaire, à protéger les civils et à autoriser un accès inconditionnel aux Nations Unies et aux acteurs humanitaires.

Les Pays-Bas apprécient l’approche axée sur les victimes adoptée par la Commission d’enquête, dans le contexte où les civils ont payé un lourd tribut. Les Pays-Bas ont voulu savoir comment la Syrie pourrait-elle être tenue responsable de la mise en œuvre des recommandations de la Commission.

Le Bélarus a estimé que le rapport de la Commission d’enquête continuait d’ignorer que ce sont les groupes terroristes et les États qui les soutiennent de l’extérieur qui rendent la situation difficile sur le terrain. On ne pourra améliorer la situation humanitaire ainsi, a assuré le Bélarus, se prononçant pour une résolution politique du conflit syrien, dans le plein respect de l’intégrité territoriale du pays. Cuba a dénoncé la responsabilité des groupes terroristes et des armes qu’ils reçoivent de l’étranger. La République populaire démocratique de Corée a dit rejeter toute politisation des droits de l'homme en Syrie. Seule la lutte « juste » du Gouvernement syrien contre le terrorisme sera garante du respect des droits de l'homme dans le pays, a affirmé la République populaire démocratique de Corée.

La Suisse a constaté que le climat d’impunité en Syrie entraîne une spirale alarmante de violations du droit international. Elle a en outre rappelé que la lutte contre le terrorisme ne peut en aucun cas justifier de contrevenir au droit international. La Suisse s’inquiète par ailleurs de la situation des femmes et des enfants, notamment dans le camp de Rukban. Constatant que les conditions pour un retour (des réfugiés et personnes déplacées) dans la dignité et la sécurité ne sont pas réunies, la Suisse a demandé à la Commission d’enquête quel était selon elle le besoin le plus pressant pour traiter cette question complexe. La Suisse a enfin réitéré son appel à soutenir le Mécanisme international, impartial et indépendant et demandé que la situation soit déférée devant la Cour pénale internationale.

L’Irlande a elle aussi dit soutenir ce Mécanisme et souhaiter la saisine de la Cour pénale internationale. Elle déplore elle aussi la situation humanitaire, en particulier dans le camp de réfugiés de Rukban. L’Irlande dénonce en outre les entraves mises par le Gouvernement syrien à l’aide humanitaire.

Pour la République islamique d’Iran, le Gouvernement syrien doit s’entourer de toutes les précautions avant d’accueillir l’aide humanitaire, notamment pour ce qui est de lutter contre les groupes terroristes. Pour cette raison, la délégation iranienne déplore que la communauté internationale reste silencieuse face aux violations des droits de l'homme commises par ces groupes, dont certains sont basés dans les territoires occupés de la Syrie.

Bahreïn a condamné les violations des droits de l'homme commises en Syrie et a demandé à toutes les parties de respecter le droit international humanitaire et de permettre un accès humanitaire sans entraves sur l’ensemble du territoire syrien. Bahreïn réitère en outre son appui à un processus politique de sortie de crise. La Chine aussi appuie un tel processus, dans le cadre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et avec le seul accompagnement de la communauté internationale. L’intégrité territoriale de la Syrie doit être respectée et préservée, a insisté la Chine. La Roumanie a souscrit à la nécessité de résoudre la crise par le biais d’une solution politique, sous l’égide des Nations Unies.

La Grèce s’est dite inquiète de la situation humanitaire en Syrie et a souligné la nécessité de mettre un terme aux hostilités afin de répondre aux besoins des personnes déplacées. Leur retour volontaire, sûr et dans la dignité est urgent, a insisté la Grèce, jugeant que les recommandations de la Commission d’enquête sont utiles à cet égard. Malte a dit soutenir le mandat de la Commission d’enquête et sa prorogation et souligne qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit en Syrie.

La Géorgie a insisté sur la nécessité de juger les crimes commis et a dit appuyer à cette fin les organes créés afin de documenter ces crimes, de manière à faciliter la reddition de comptes. En effet, obligation redditionnelle et justice sont essentielles à la réconciliation et servent comme moyen de mettre fin aux « souffrances effroyables » du peuple syrien, a souligné la délégation de l’Albanie.

La Turquie a dit rejeter « les allégations infondées du régime syrien ». La Turquie n’a fait qu’exercer son droit à la défense à Afrin, conformément à l’article 51 de la Charte de Nations Unies et aux résolutions du Conseil de sécurité, et elle continuera de le faire, a assuré la délégation turque. Elle a affirmé que les opérations « Branche d’olivier » et « Boucliers de l’Euphrate » sont des exemples de lutte antiterroriste. Pour ces raisons, la Turquie rejette aussi les conclusions de rapport de la Commission d’enquête concernant ces opérations, qui, selon elle, dénaturent la réalité du terrain.

Le Japon a indiqué avoir fourni plus de 2,5 milliards de dollars d’aide à la Syrie et aux pays voisins depuis 2012 et continuer à procurer une aide humanitaire aux Syriens dans le besoin. Il a jugé essentiel de faire des progrès dans le processus politique pour améliorer la situation des droits de l'homme et restaurer une confiance mutuelle. Les Émirats arabes unis ont indiqué avoir eux aussi déployé des efforts pour apaiser les souffrances du peuple syrien, ayant en effet investi près de 1 milliard de dollars d’aide humanitaire d’urgence et financé des investissements dans des services de base comme l’eau et la santé. Les Émirats arabes unis ont appelé à intensifier les efforts pour la reconstruction de la Syrie et pour une solution politique, seule issue au conflit.

L’Équateur a condamné les violations des droits et le manque d’accès aux services de base auxquels sont confrontés les personnes déplacées et les réfugiés. Le pays a déploré la poursuite de telles violations systématiques et graves alors que le conflit a diminué dans plusieurs régions et malgré les accords de cessez-le-feu, ce qui est dû au manque d’état de droit, à l’impunité et au manque de protection de la population civile. L’Équateur a condamné les auteurs de ces violations ainsi que ceux qui ont fourni les armes ou assuré le financement du conflit. La Slovaquie s’est dite très préoccupée par les disparitions forcées, les détentions au secret et la torture, utilisées en raison de l’absence d’état de droit en Syrie. Elle a exhorté les parties à accorder un accès à tous les lieux de détention aux institutions pertinentes des Nations Unies et aux acteurs humanitaires. Elle a réitéré son appel en faveur d’un cessez-le-feu immédiat dans la quête d’une solution politique au conflit.

L’Algérie a condamné toutes les violations des droits de l'homme en Syrie et a appelé à apporter une attention soutenue aux populations des zones encore touchées par les combats et à celles des zones récemment reprises aux groupes terroristes.

Pour le Royaume-Uni, il est clair que la Syrie est loin d’avoir retrouvé une situation normale. La délégation britannique a notamment attiré l’attention sur le problème des arrestations arbitraires. Elle a en outre demandé si la Commission continuait d’enquêter sur les morts en détention depuis 2011. Chypre a condamné le ciblage, aveugle ou délibéré, des civils, soulignant que toutes les parties au conflit doivent éviter de toucher les civils, et s’abstenir également de toute arrestation arbitraire, disparition forcée, torture et autre violence sexuelle contre les détenus. Les Maldives ont noté que des civils innocents, dont des femmes et des enfants, sont devenus la cible de la violence. L’archipel a notamment dénoncé l’attaque d’une école primaire à Jarjanaz, le 24 novembre, par les forces progouvernementales.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont également intervenues. Physicians for Human Rights a déclaré que son organisation avait documenté des centaines d’attaques, y compris contre les personnels et les infrastructures de santé, de la part du « Gouvernement syrien et de ses alliés russes ». Plusieurs de ces attaques relèvent du crime contre l’humanité, a souligné l’ONG. La reconstruction des services de santé doit être une priorité, a précisément plaidé la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.

L’Union des juristes arabes a déclaré que la Commission d’enquête, créée selon l’ONG sur une base politique biaisée, continuait de cibler le Gouvernement légitime syrien qui lutte contre le terrorisme. La Commission ne parvient toujours pas à adopter une approche basée sur les faits du terrain, a insisté l’ONG, affirmant que les causes de ce conflit sont pourtant connues: ce conflit résulte de l’agression d’États étrangers, parmi lesquels les États-Unis, Israël et les pays du Golfe, qui selon l’ONG veulent démembrer la Syrie pour en faire des califats qui s’affronteraient mutuellement. Le Conseil International pour le soutien à des procès équitables et aux Droits de l'Homme a lui aussi affirmé que cette guerre était le résultat de l’action des « ennemis de la Charte de Nations Unies. » Tout le monde sait que des attaques sont lancées depuis le Golan syrien occupé par Israël, a souligné l’ONG, ajoutant que la solution à ce conflit réside dans la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies demandant à Israël de quitter ce territoire syrien. Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture a affirmé que la Syrie menait une guerre contre le terrorisme financé par les pays du Golfe. Leur soutien au terrorisme n’est plus nécessaire puisque la Syrie a gagné cette guerre, a affirmé l’ONG.

Le Mouvement indien «Tupaj Amaru» a exprimé sa solidarité avec le peuple syrien contre les forces obscures du terrorisme financées par les pays riches. Ce sont les puissances néocoloniales de l’Occident qui sont responsables des attaques en Syrie et ce sont elles qui doivent être traduites en justice, a déclaré l’ONG, jugeant illégitime une Commission [la Commission d’enquête présidée par M. Pinheiro] qui n’a jamais mis les pieds en Syrie.

The Palestinian Return Centre Ltd a lancé un appel à sauver les réfugiés palestiniens qui vivent dans les camps en Syrie, notamment à Afrin.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH a estimé que tout financement doit se faire une fois le calme, la justice et la paix revenus en Syrie. De fait, aucun projet ne doit être financé sans ces prérequis, a insisté l’ONG.

Réponses et conclusion des membres de la Commission

M. PINHEIRO a répondu à ceux qui ont pu avoir le sentiment que la Commission était opposée au retour des réfugiés en les invitant à bien lire le rapport de la Commission pour comprendre que tel n’était pas le cas. Il a souligné que ce retour ne pouvait se faire qu’avec des garanties que ces populations ne subiront pas de mesures de rétorsion ou de représailles.

M. Pinheiro a rappelé s’être rendu en Syrie en 2012 et a souligné que la Commission allait continuer à enquêter sur les personnes disparues en détention. Il a précisé que le rapport de la Commission se fonde exclusivement sur des enquêtes menées par ses membres. Les parties au conflit ne tiennent pas vraiment compte de la population, a-t-il déploré. Des violations flagrantes des droits de l'homme et leurs responsables ont été enregistrés depuis 2011, mais la Commission ne prend pas partie, car tel n’est pas son rôle, a par ailleurs indiqué M. Pinheiro. Le Président de la Commission d’enquête a salué la résilience de la population, des réfugiés et des personnes déplacées, qui méritent tout le soutien de la communauté internationale pour qu’il soit mis un terme à cette situation intolérable et qu’ils puissent rentrer chez eux.

MME KAREN KONING ABUZAYD, également membre de la Commission, a insisté sur la nécessité de se pencher sur le sort des femmes et sur la situation des réfugiés dans les pays d’accueil.

M. HANNY MEGALLY, également membre de la Commission, a appelé à appuyer les Syriens qui accumulent des éléments de preuve susceptibles de servir dans le cadre d’un futur processus judiciaire.


__________

*Ont participé au débat: Finlande (au nom également des pays nordiques), Union européenne, Koweït, Espagne, Estonie, Turquie, Soudan, Israël, Liechtenstein, Brésil, Belgique, Allemagne, Croatie, Jordanie, Iraq, République tchèque, Qatar, Égypte, Australie, Fédération de Russie, Arabie saoudite, Venezuela, France, Chili, Italie, Pays-Bas, Bélarus, Cuba, République populaire démocratique de Corée, Suisse, Irlande, République islamique d'Iran, Bahreïn, Chine, Géorgie, Albanie, Roumanie, Grèce, Malte, Inde, Japon, Équateur, Slovaquie, Émirats arabes unis, Algérie, Royaume-Uni, Chypre, et Maldives.

ONU Femmes

Physicians for Human Rights; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Union des juristes arabes; Conseil International pour le soutien à des procès équitables et aux Droits de l'Homme; The Palestinian Return Centre Ltd; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH; Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture; et le Mouvement indien «Tupaj Amaru».



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HRC/19/33F