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LE CONSEIL TIENT UN DIALOGUE INTERACTIF AVEC L’EXPERT INDÉPENDANT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME AU MALI

Compte rendu de séance
Il entend une présentation orale de la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme sur l’Ukraine

Le Conseil des droits de l’homme a tenu, en fin d’après-midi, un dialogue interactif avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, M. Alioune Tine, et a entendu une présentation orale de la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Kate Gilmore, concernant l’Ukraine. Mme Gilmore a notamment déploré que des vies soient toujours perdues dans le conflit armé dans l’est de l’Ukraine, qui perdure depuis cinq ans et a des conséquences négatives pour tout le pays.

Présentant son rapport, M. Tine a pour sa part brossé un tableau contrasté de la situation au Mali, notant que si des progrès avaient été accomplis depuis la signature de l’Accord de paix et de réconciliation en 2015, il avait également constaté une nette détérioration de la situation sur les plans sécuritaire et humanitaire et sur le plan du respect des droits de l'homme. Cette situation souligne la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de cet Accord, d’autant que les retards dans sa mise en œuvre ont eu pour conséquence l’expansion de l’insécurité au nord et au centre du pays, a insisté l’Expert indépendant. Les autorités ont perdu le contrôle de nombreuses régions passées aux mains d’acteurs non étatiques, y compris de groupes signataires de l’Accord, a-t-il indiqué.

Selon les informations collectées à Mopti, principale ville du centre du pays, des communautés entières vivent dans la peur, victimes qu’elles sont quotidiennement de menaces, assassinats ciblés, enlèvements et attaques indiscriminées, a souligné M. Tine. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) elle-même est ciblée, a insisté l’Expert indépendant. Il a également dit avoir eu connaissance d’allégations de graves violations de droits de l'homme commises par les force de défense et de sécurité maliennes. Les auteurs de ces actes devraient être traduits en justice afin de regagner la confiance des populations, a-t-il souligné. L’Expert indépendant a recommandé au Conseil de renouveler son mandat.

Le Représentant permanent du Mali auprès des Nations Unies à Genève a également demandé le renouvellement du mandat de l’Expert indépendant, après avoir fait état « d’avancées encourageantes ». Les autorités sont à la recherche d’un consensus national devant déboucher dès cette année sur un référendum de révision constitutionnelle, ainsi que sur des élections législatives et locales, a-t-il indiqué. Les attaques des groupes islamistes dans le centre et le nord du pays se poursuivent avec pour corollaire la dégradation de la situation humanitaire, a reconnu M. Konaté, avant d’assurer que la justice faisait son travail de lutte contre l’impunité.

Plusieurs délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec l’Expert indépendant. Nombre d’intervenants ont fait part de leur préoccupation face à la situation sécuritaire régnant dans le pays, y compris face à la hausse des tensions intercommunautaires.

En fin de séance, le Rwanda a exercé son droit de réponse.


Demain matin, à 9 heures, le Conseil tiendra son dialogue interactif sur la situation des droits de l’homme en Ukraine à la suite du point de la situation fait cet après-midi par Mme Gilmore. Il se penchera ensuite sur le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme relatif à Sri Lanka.


Dialogue avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali

Présentation du rapport

Le Conseil était saisi du rapport de l’Expert indépendant sur situation des droits de l’homme au Mali (A/HRC/40/77), soumis conformément à la résolution 37/39 (2018) du Conseil et couvrant la période du 1er avril au 30 novembre 2018.

M. ALIOUNE TINE, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Mali, présentant son premier rapport en tant que titulaire de ce mandat, a indiqué s’être rendu au Mali à trois reprises, du 24 au 30 juin, du 1er au 10 octobre 2018 et du 3 au 9 février dernier. Au cours de ces missions, il a bénéficié de la coopération des autorités et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a-t-il insisté.

M. Tine a observé que des progrès avaient été accomplis depuis la signature, en 2015, de l’Accord de paix et la réconciliation. Cela dit, lors de ses visites, il a également constaté une nette détérioration de la situation sur les plans sécuritaire, humanitaire et des droits de l'homme. Cette situation souligne la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de cet Accord, d’autant que les retards dans sa mise en œuvre ont eu pour conséquence l’expansion de l’insécurité au nord et au centre du pays, entraînant une perte du contrôle des autorités de nombreuses zones et régions passées aux mains d’acteurs non étatiques, y compris des groupes signataires de l’Accord, a dit l’Expert indépendant.

Selon les informations collectées par M. Tine à Mopti, située dans le centre du pays, des communautés entières vivent dans la peur, victimes qu’elles sont quotidiennement de menaces, d’assassinats ciblés, d’enlèvements et d’attaques indiscriminées. La MINUSMA elle-même est ciblée par des attaques asymétriques, notamment celles du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) ou des éléments de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). L’Expert indépendant a également eu connaissance d’allégations de graves abus de droits de l'homme commis par les forces de défense et de sécurité maliennes (MDSF) et par les forces internationales dans le cadre des opérations antiterroristes.

Les auteurs de ces actes devraient être traduits en justice afin de regagner la confiance des populations et de ne pas renforcer l’argument du « deux poids, deux mesures » véhiculé par les groupes extrémistes, a recommandé l’Expert indépendant, insistant sur le fait que la question de l’impunité devait être abordée de manière « sérieuse », dans le contexte où, à ce jour, seules 37 victimes de violences sexuelles ont pu avoir accès à un juge. Dans le même temps, M. Tine s’est réjoui de l’annonce faite le 27 février 2018, par le Gouvernement, que des enquêtes allaient être ouvertes sur les événements de Sokolo, dans la région de Mopti, au cours desquels au moins sept personnes auraient été sommairement exécutées par les Forces armées maliennes (FAMa).

Concernant le projet de loi prévoyant de « ne pas poursuivre tous ceux qui sont impliqués dans les rebellions armées et n’ayant pas du sang sur les mains », l’Expert indépendant a estimé que la loi, si adoptée, risquait d’introduire des mesures d’amnistie en faveur de personnes qui auraient commis des violations des droits de l'homme, étant donné que celles-ci ne se limitent pas à avoir « du sang sur les mains ». Il regrette aussi, entre autres, que le projet de loi interdisant la « violence sexiste » n’ait pas été adopté, dans le contexte où il y a un manque de progrès dans la poursuite des affaires dénoncées entre 2014 et 2015 et qui concernent au moins cent femmes. En attendant, l’Expert indépendant s’est félicité que la Commission nationale des droits de l'homme, la Commission vérité, justice et réconciliation et la Commission d’enquête internationale soient désormais opérationnelles. L’Expert indépendant a recommandé au Conseil de renouveler son mandat.

Pays concerné

M. MAMADOU HENRI KONATÉ, Représentant permanent du Mali auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré qu’une amélioration significative de la situation des droits de l’homme au Mali passait indubitablement par la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, lui-même issu du processus d’Alger. L’application de cet Accord « demeure la priorité du Gouvernement », a assuré M. Konaté. Selon lui, « des avancées encourageantes ont été enregistrées (qui) résultent d’une volonté politique affirmée ». C’est le sens que le Gouvernement donne à la signature en octobre 2018 du Pacte pour la paix entre le Mali et l’ONU qui engage les parties à « diligenter les mesures prévues par la résolution 2423 (2018) du Conseil de sécurité ». Quelque 1600 combattants ont été désarmés et démobilisés et une dizaine d’administrations intérimaires mises en place dans quatre régions, dont celle de Tombouctou, a précisé M. Konaté.

Sur le plan politique et institutionnel, le « Comité d’experts pour la réforme constitutionnelle » créé en janvier dernier a engagé des consultations avec les acteurs politiques et sociaux, y compris les mouvements signataires de l’Accord. Il s’agit d’obtenir « un consensus national » devant déboucher, dès cette année, sur un référendum de révision constitutionnelle, ainsi que sur des élections législatives et locales.

Parmi les autres progrès enregistrés, M. Konaté a cité « la tenue d’un second atelier de haut niveau qui a permis de progresser vers la mise en place d’une armée reconstituée, d’unités spéciales antiterroristes et d’une police territoriale ». Il a aussi mentionné l’établissement d’un fonds de développement pour le Nord. S’agissant du redéploiement de l’administration sur toute l’étendue du territoire, le pourcentage d’administrateurs civils présents sur leurs lieux d’affectation dans le centre et le Nord est passé de 31% à 34%, a fait valoir le Représentant permanent.

M. Konaté a ensuite expliqué qu’en réponse aux violences intercommunautaires, le Gouvernement exécutait actuellement le « Plan de sécurisation intégrée des régions du centre avec un accent particulier sur le renforcement des dispositifs de sécurité dans ces régions ». Le Gouvernement s’est aussi attelé à une meilleure gestion des parcours pastoraux pour minimiser les risques de confrontation entre éleveurs et agriculteurs.

En revanche, les attaques des groupes islamistes dans le centre et le nord du pays se poursuivent avec, pour corollaire, la dégradation de la situation humanitaire, a-t-il reconnu. M. Konaté a assuré que la justice faisait son travail de lutte contre l’impunité. En outre, « le Gouvernement a pris des mesures aux fins de poursuivre les membres des forces de sécurité impliqués dans les cas d’abus de droits de l’homme ». Le Gouvernement soutient la création d’une commission d’enquête internationale pour mener des investigations sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes sexuels et d’autres violations graves.

« Nous avons pleinement conscience du fait que les mesures sécuritaires à elles seules ne suffisent pas dans un contexte où les groupes terroristes travaillent sans relâche à détruire la cohésion sociale afin d’affaiblir l’État et étendre leur domination territoriale », raison pour laquelle est privilégiée l’action politique, administrative et sociale avec l’implication de l’ensemble des forces vives » du pays, a encore déclaré M. Konaté.

Le Représentant permanent a enfin fait part d’un certain nombre de réserves vis-à-vis du rapport, regrettant notamment que soient passées sous silence certaines améliorations telle que l’exécution en cours du Plan triennal d’urgence 2018-2020 pour le retour des services sociaux de base dans le centre du pays. Le Mali souhaiterait aussi que l’Expert indépendant fasse ressortir les efforts consentis par l’État dans le cadre de la lutte contre la corruption.

En dépit des efforts accomplis, « la situation des droits de l’homme au Mali demeure fragile », a reconnu le Représentant permanent. Il a sollicité le renouvellement du mandat de l’Expert indépendant.

Débat interactif

L’Union européenne s’est inquiétée de la hausse des tensions intercommunautaires et de la dégradation sécuritaire dans certaines régions du Mali. La délégation a estimé que l’amélioration de la situation des droits de l'homme était une condition indispensable au succès du processus de paix. Elle a appelé toutes les parties à respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire et à assumer la responsabilité d’accélérer la mise en œuvre des dispositions de l’Accord, tout en améliorant substantiellement la participation des femmes dans le processus de paix. L’Union européenne a aussi appelé le Gouvernement malien à abolir la peine de mort, à accentuer ses efforts de lutte contre le mariage d’enfants, contre le mariage précoce et contre les mutilations génitales féminines.

L’Espagne s’est dite préoccupée de la détérioration de la situation sécuritaire dans le centre et le nord du Mali, de son extension aux pays voisins et de l’incapacité de l’État à protéger sa population. Dans ce contexte difficile, la délégation espagnole a demandé au Gouvernement malien d’accélérer le rétablissement de l’autorité de l’État dans l’ensemble du pays et de remplir ses obligations en matière de respect des droits de l'homme. Elle a considéré que la création de la Commission de la vérité, de la justice et de la réconciliation et de la Commission internationale d’enquête constituait une avancée positive dans la lutte contre l’impunité au Mali. Le Danemark a également estimé que la lutte contre l’impunité était essentielle pour résoudre la crise. Il a soutenu la recommandation de prendre des mesures spécifiques pour mettre un terme à la culture d’impunité qui a mené à la commission de violations graves des droits de l'homme par des groupes armés et par les forces de sécurité. Le représentant danois a demandé à l’Expert indépendant comment il envisageait le soutien de la communauté internationale dans la lutte contre l’impunité au Mali.

La Belgique s’est dite très préoccupée par les retards dans la mise en œuvre complète de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, en particulier pour mettre fin à la culture d’impunité. Le représentant a dit que la Belgique attachait une grande importance au rôle des femmes dans le processus de paix. Alarmée par l’impact destructeur qu’a la crise sur les enfants, la Belgique appelle à mettre en œuvre dans les plus brefs délais un cadre solide pour protéger les enfants.

La République tchèque a souligné que les civils maliens vivent dans la peur des actions des groupes extrémistes et a appelé le Gouvernement à donner la priorité à la protection de la population. Il l’a aussi encouragé à en finir avec la culture d’impunité et à renforcer le rôle de la société civile. La Fédération de Russie a jugé nécessaire que toutes les parties respectent l’Accord d’Alger de 2015 et les a appelées à garantir la mise en œuvre de la nouvelle version de la feuille de route. Indépendamment des progrès, les affrontements intercommunautaires se multiplient, de même que les actes terroristes: la représentante russe a constaté que les efforts conjoints n’ont pas encore porté leurs fruits.

Le Portugal a noté la persistance au Mali de problèmes tels que l’impunité, les conflits intercommunautaires ou la situation difficile des femmes, des enfants et des personnes déplacées. Il s’est dit préoccupé par la recrudescence des attaques dans la région stratégique du Sahel. Le Soudan a salué les efforts du Gouvernement malien pour restaurer la sécurité dans certaines régions visées par des attentats et dans sa lutte contre la corruption.

La France s’est inquiétée des atteintes aux droits de l'homme commises par les groupes armés et les groupes terroristes, qui menacent la sécurité des populations civiles. Elle est également préoccupée par la dégradation de la situation sécuritaire, l’augmentation des conflits communautaires et les cas rapportés d’abus des forces de sécurité, liés à l’impunité des responsables. Le représentant français a jugé nécessaire d’impliquer les femmes, la jeunesse et les réfugiés à tous les niveaux de prise de décision et du processus de paix. Il a appelé le Gouvernement malien à renforcer ses efforts pour restaurer l’autorité de l’État dans les zones considérées comme à risque.

L’Égypte a dit appuyer les efforts du Mali pour assurer la paix, la concorde nationale et la justice. Le Tchad, voisin et partenaire au sien du G5 Sahel, a appelé le Mali à renforcer sa coopération au sein de ce groupe de pays, composé de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad, avec pour objectif de lutter contre le terrorisme dans la région. Le Togo a estimé que les mesures de désarmement, démobilisation et réinsertion étaient de nature à permettre le retour de la paix et de la stabilité au Mali.

Autre pays voisin, l’Algérie, tout en félicitant le Mali pour ses efforts, a dit être toujours préoccupée par l’insécurité qui règne dans le nord et le centre de ce pays. La délégation algérienne a estimé que des mesures globales devraient être prises par les autorités maliennes afin de lutter contre cette insécurité. Également frontalier du Mali, le Sénégal a dit saluer l’établissement du mécanisme opérationnel de coordination dans la région de Kidal et de Tombouctou. Il a appelé la communauté internationale à financer le Plan de réponse humanitaire couvrant la période 2017-2019 et visant à prévenir le terrorisme, lequel se nourrit de la pauvreté et du désespoir des populations. La délégation a demandé quelles mesures additionnelles le Conseil des droits de l'homme pourrait prendre pour accroître les sanctions prises par le Conseil de sécurité. Le Cameroun a dit soutenir le Gouvernement malien confronté à une lutte contre le terrorisme. Il a invité les partenaires du Mali à œuvrer dans le sens d’une aide à ce pays.

La Chine a indiqué qu’elle apportait une aide bilatérale au Mali et qu’elle avait envoyé des troupes au sein de la MINUSMA. Elle a dit apprécier les efforts du Mali destinés à améliorer la situation des droits de l'homme. La Chine a demandé à la communauté internationale d’évaluer objectivement les efforts de ce pays et de lui fournir une assistance technique.

Le Royaume-Uni aussi s’est félicité du succès du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Il a recommandé au Gouvernement d’adopter une approche inclusive afin de permettre à tous de participer au processus de paix. La délégation a voulu savoir quelles devraient être, selon l’Expert indépendant, les priorités du Gouvernement. L’Australie a plaidé pour l’inclusion des femmes dans le processus de désarmement. Elle a regretté l’absence, au Mali, de lois contre la violence à l’égard des femmes, contre les violences sexuelles et contre les mutilations génitales féminines.

L’Islande a déploré qu’aucun des auteurs de violences sexuelles pendant le conflit n’ait été traduit en justice. Le Mali doit lutter contre cette impunité et mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont ensuite intervenues. Le Bureau international catholique de l'enfance a souligné que l’insécurité est source de plusieurs violations des droits des enfants, évoquant notamment la conscription et l’utilisation des enfants dans les groupes et forces armés, les violences sexuelles, les enlèvements, les attaques contre des écoles et des hôpitaux et le refus d’accès à l’aide humanitaire. L’ONG s’est enquise des actions concrètes que le Gouvernement a mises en place ou envisage de mettre en place pour protéger les quelque deux millions d’enfants déscolarisés de force et a souhaité savoir si le Gouvernement malien a un calendrier pour l’adoption du projet de loi contre les violences basées sur le genre.

La Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO) s’est inquiétée de la situation sécuritaire dans le nord et dans le centre du Mali, où les groupes extrémistes se livrent à des attaques sporadiques, et de la persistance de l’impunité pour les violations des droits de l'homme commises par des forces armées. Face à la multiplication des violences intercommunautaires qui ont causé de nombreuses victimes parmi les Peuls, la RADDHO a constaté la formation de plusieurs groupes d’autodéfense qui représentent non seulement une menace pour la cohésion nationale du Mali mais aussi pour la paix, la sécurité et la stabilité de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest. L’ONG a demandé à l’Expert indépendant ce qu’il propose comme solution pour endiguer ce phénomène.

L'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale s’est dit très préoccupée par le manque de mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali. L’ONG a estimé que la lutte contre l’impunité est une condition préalable à la stabilisation et a plaidé pour la mise en place d’un système de justice indépendant. Elle a appelé les États à soutenir le Mali dans la protection de la population et dans la lutte contre l’impunité.

Réponses et conclusion de l’Expert indépendant

La question du genre est critique au Mali, selon M. TINE, qui a estimé nécessaires des efforts supplémentaires pour impliquer les femmes dans le processus de paix. Des efforts doivent aussi être accomplis en faveur de la protection de l’enfance dans le cadre du rétablissement des administrations dans les régions d’où elles étaient absentes. S’agissant par ailleurs de la lutte contre l’impunité, si des enquêtes ont été ouvertes sur les allégations d’abus par les forces de sécurité, elles n’ont pas encore débouché sur des actions en justice. L’important est de rassurer les populations civiles sur les questions relatives à l’impunité, a souligné l’Expert indépendant.

M. Tine a par ailleurs estimé que tout dépendait de la capacité de l’Etat à instaurer l’état de droit. Partout, les civils ont peur, a-t-il souligné, constatant que la population était complètement déstabilisée. Assurer la sécurité des biens et des personnes est la tâche prioritaire de l’État. M. Tine a par ailleurs souligné que les conflits intercommunautaires étaient aussi une question grave qui ne peut être résolue par les armes. Il y a un déficit énorme de participation citoyenne et de participation de la société civile, a-t-il fait observer. Personne ne connaît mieux que les Maliens eux-mêmes la situation, alors que les moyens traditionnels, séculaires, de résolution des conflits se sont effondrés, a-t-il noté. Les conflits communautaires font des métastases dans toute la sous-région, débordant les frontières jusqu’au Burkina Faso, par exemple, a-t-il averti.

Il faut renforcer les moyens de la justice, a poursuivi l’Expert indépendant, relevant que les juges ont peur de se rendre dans certaines zones. La communauté internationale doit réfléchir aux moyens supplémentaires à mettre pour faire face à la situation. M. Tine a noté qu’il n’y avait pratiquement plus d’écoles fonctionnelles dans le nord du pays, notamment à Kidal. La plupart des engins explosifs improvisés sont posés par des enfants qui en sont souvent victimes. Le Mali a besoin d’être assisté pour faire face à une telle situation, même si la MINUSMA fait déjà beaucoup. Les sanctions qui ont été imposées par le Conseil de sécurité ont néanmoins permis une certaine amélioration pour ce qui est de la circulation des armes.

La complexité de la situation tient à l’alliance de fait entre les groupes armés, la criminalité organisée et les trafiquants de toutes sortes, ce qui rend la situation extrêmement difficile à gérer en termes de lutte contre la corruption, a par ailleurs souligné M. Tine.

Présentation orale du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Ukraine

MME KATE GILMORE, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a présenté deux rapports: le 25e rapport trimestriel du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l'homme en Ukraine, qui couvre la période du 16 novembre 2018 au 15 février 2019; et un rapport thématique sur l’espace civique et les libertés fondamentales avant les élections présidentielle, législatives et locales de 2019-2020. Elle a remercié le Gouvernement de l’Ukraine pour son engagement constructif avec le Haut-Commissariat et s’est félicitée que le mandat de la Mission de surveillance des droits de l'homme en Ukraine ait été prolongée de six mois.

La Haute-Commissaire adjointe a déploré que des vies soient toujours perdues dans le conflit armé dans l’est de l’Ukraine qui perdure depuis cinq ans et a des conséquences négatives pour tout le pays. Le 25e rapport de surveillance des droits de l'homme a néanmoins enregistré le taux le plus bas de victimes depuis le début du conflit: un homme et une femme ont été tués et 11 hommes et trois femmes blessées sur la période, a-t-elle précisé. Toutefois, Mme Gilmore a prévenu que, depuis le 15 février, ce bilan est reparti à la hausse. Elle a appelé les parties à respecter le cessez-le-feu proclamé à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Elle a souligné que le conflit armé a affecté 5 millions d’individus dans leur vie quotidienne à travers tout le pays, en particulier ceux qui vivent dans des villages isolés des deux côtés de la ligne de contact. Aussi, a-t-elle prié les autorités de mettre en place une politique de compensation et de réparation pour les victimes. Le conflit divise les communautés et déchire les familles, a insisté la Haute-Commissaire adjointe. En outre, les procédures administratives complexes d’un côté à l’autre de la ligne de contact se sont alourdies. La situation des personnes vulnérables est exacerbée par le conflit et plus de 700 000 retraités enregistrés dans les territoires des Républiques autoproclamées Donetsk et Louhansk se sont vus privés du versement de leur pension. Des abus systématiques de droits de l'homme persistent dans ces territoires, notamment les détentions arbitraires, a ajouté Mme Gilmore.

Ces derniers mois, le Haut-Commissariat a documenté 315 violations des droits de l'homme touchant 202 victimes, ce qui représente une hausse par rapport à la période précédente, a indiqué Mme Gilmore. Elle a salué la reprise du transfert de prisonniers afin qu’ils soient plus proches de leur famille. Pendant ce trimestre, le Haut-Commissariat a documenté 89 violations du droit à un procès équitable, a ajouté la Haute-Commissaire adjointe.

En Crimée, les mêmes abus ont été identifiés que dans les précédents rapports, a-t-elle poursuivi: intimidation de défenseurs des droits de l'homme; répression par les autorités russes de la dissidence et des opinions critiques; conscription militaire de résidents criméens dans les forces russes; et répercussion disproportionnée des violations sur les Tatars. Le Haut-Commissariat a renouvelé son appel au Gouvernement de la Fédération de Russie à mettre fin à la pratique consistant à appliquer la législation sur l’extrémisme, le terrorisme et le séparatisme pour sanctionner la liberté d’opinion.

Droit de réponse

Le Rwanda, s’adressant à une organisation gouvernementale ayant pris la parole dans le cadre du dialogue renforcé sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a déclaré que son pays n’occupait aucune partie du territoire de la République démocratique du Congo. Cette organisation devrait cesser de dire des mensonges, a ajouté la délégation rwandaise.


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*Délégations ayant participé au débat: Union européenne, Espagne, Danemark, Belgique, République tchèque, Fédération de Russie, Portugal, Soudan, France, Tchad, Algérie, Sénégal, Cameroun, Chine, Royaume-Uni, Togo, Australie, Islande, et Égypte.

*Organisations de la société civile ayant participé au débat : Bureau international catholique de l'enfance ; Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme ; et Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.



Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC/19/50F