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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'ESTONIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par l'Estonie sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politique.

Présentant ce rapport, Mme Annely Kolk, Secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques et consulaires au Ministère des affaires étrangères de l'Estonie, a souligné l'importance, à la fois, de la connaissance de l'estonien en tant que langue nationale et de la promotion des cultures des minorités nationales, ajoutant qu'un effort particulier est apporté pour soutenir l'apprentissage de l'estonien. Parmi les défis à relever par le pays, figure la nécessité de réduire le nombre de personnes n'ayant pas de nationalité déterminée afin qu'elles accèdent à la pleine citoyenneté. Le nombre de personnes dans ce cas se situe actuellement autour de 75 000, soit 5,5% de la population, en diminution de 0,4% par rapport à 2017. Les procédures de naturalisation ont été allégées, particulièrement pour les mineurs et les personnes âgées et l'État poursuit ses efforts dans ce domaine, offrant des cours de langue gratuits notamment, ou en permettant d'avoir un congé payé de l'employeur à des fins d'apprentissage de la langue nationale. Les statistiques montrent que ces efforts portent leurs fruits. Mme Kolk a aussi fait valoir que les relations entre les Estoniens de différentes origines s'améliorent.

La délégation estonienne était également composée du Représentant permanent de l'Estonie aux Nations Unies à Genève, M. Andre Pung, ainsi que de hauts fonctionnaires des Ministères de l'intérieur, de la culture, de la justice, des affaires sociales et des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de l'acquisition de la nationalité estonienne et de la connaissance de la langue nationale; de l'exercice du droit de grève; de la lutte contre la violence domestique; de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes; du respect des droits des personnes en détention. Interrogée sur les mesures en faveur de l'égalité des sexes et pour réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes, la délégation n'a pas caché que le pays a rencontré des difficultés à cet égard tout en soulignant la poursuite de ses efforts de sensibilisation auprès, à la fois, de la population et des employeurs.

Parmi les thèmes abordés, les membres du Comité ont en particulier porté leur attention sur le problème posé par l'apatridie qui, en dépit de la diminution du nombre de cas, demeure un problème dans le cas estonien s'agissant en particulier de la minorité russophone. Les experts ont aussi insisté sur l'importance de prendre des mesures visant à faire reculer de façon décisive la discrimination fondée sur la langue. Un membre du Comité a ainsi relevé que les personnes en situation d'apatridie étaient découragées par la difficulté de parvenir à un niveau linguistique suffisant pour passer l'examen exigé par les autorités en vue de leur naturalisation. Les droits des personnes en détention ont aussi été abordés, s'agissant en particulier de la possibilité pour un détenu de communiquer dans sa langue avec l'administration.

Les observations finales sur le rapport de l'Estonie seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 29 mars prochain.


Cet après-midi et demain matin, le Comité procèdera à l'examen de la situation s'agissant de l'application du Pacte par Saint-Vincent-et-les-Grenadines en l'absence de rapport périodique. Le pays a toutefois présenté des réponses (CCPR/C/VCT/Q/2/Add.1), en anglais seulement) à une liste de questions écrites du Comité.


Présentation du rapport de l'Estonie

Le Comité est saisi du rapport périodique de l'Estonie (CCPR/C/EST/4), qui contient ses réponses à la liste de point à traiter que lui avait adressé le Comité.

MME ANNELY KOLK, Secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques et consulaires au Ministère des affaires étrangères de l'Estonie, a d'emblée rappelé que des élections parlementaires s'étaient tenues hier dans le pays, précisant que plus du quart des électeurs avait opté pour le vote électronique.

Mme Kolk a ensuite fait valoir que l'institution estonienne chargée de la promotion et de la protection des droits de l'homme était désormais régie par les Principes de Paris, ainsi que l'avait souhaité le Comité lors de l'examen du précédent rapport de l'Estonie. En outre, en juin dernier, le Parlement a adopté un texte de loi selon lequel le chancelier de justice remplissait les fonctions d'une institution nationale des droits de l'homme. Celui-ci vient d'être admis comme membre du Réseau européen des institutions nationales des droits de l'homme.

Dans ses recommandations à l'Estonie, le Comité avait également souligné l'importance de l'égalité des sexes, a rappelé le chef de la délégation. Depuis 2016, le principal document politique à cet égard définit la politique à suivre jusqu'en 2023 et un programme d'égalité de genre a été lancé dans ce cadre. Ce plan porte sur plusieurs domaines, incluant des mesures spéciales visant à promouvoir l'égalité des sexes et les activités allant en ce sens. L'attention est particulièrement portée sur la lutte contre les stéréotypes sexuels et leur impact négatif. Parmi les défis à relever figure le différentiel de salaire entre hommes et femmes en Estonie, cet écart étant le plus élevé de l'Union européenne. L'action de sensibilisation menée à ce sujet se poursuivra dans les prochaines années.

En ce qui concerne la protection, la dignité et les droits des victimes, Mme Kolk a souligné que le Code pénal avait été amendé en 2015 afin de permettre de mieux lutter contre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique. Elle a ajouté qu'un certain nombre de crimes violents avaient été redéfinis. Ainsi, l'agression physique lorsqu'elle est commise contre un proche ou dans le cadre d'une relation de subordination entraîne une peine alourdie par ce facteur aggravant. Autre facteur aggravant, la commission d'un acte envers un mineur, une femme enceinte, une personne âgée, handicapée mentale, ou en présence d'un mineur. Cela a permis d'enregistrer et de traiter de manière plus efficace ce type de cas et de mieux appréhender le phénomène s'agissant notamment des victimes – mineurs, femmes et toute personne vulnérable.

En 2015 également, la torture a été définie en s'inspirant de la Convention de l'ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En 2017, le harcèlement, sexuel ou autre, a été pénalisé. L'Estonie a aussi ratifié la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique - dite Convention d'Istanbul.

Au chapitre de la promotion des cultures des minorités nationales, Mme Kolk a notamment indiqué qu'une attention particulière avait été portée aux services soutenant l'apprentissage de la langue estonienne. Les musées sont équipés de dispositifs techniques de traduction en différentes langues étrangères. En outre, la disponibilité de cours de langue estonienne gratuits a été améliorée et les possibilités d'apprendre la langue nationale ont été diversifiées.

Parmi les défis que le pays doit encore relever figure la nécessité de réduire le nombre de personnes n'ayant pas de nationalité déterminée afin qu'elles accèdent à la pleine citoyenneté. Au début de l'année, le nombre de personnes dans ce cas vivant en Estonie était d'un peu plus de 75 000, soit 5,5% de la population, ce qui représente une diminution de 0,4% par rapport à 2017. Des mesures gouvernementales ont été prises ces dernières années pour renforcer l'intérêt des personnes à la nationalité indéterminée à demander la citoyenneté estonienne. Les procédures de naturalisation ont été allégées, particulièrement pour les mineurs et les personnes âgées. L'État poursuit ses efforts visant à renforcer la motivation des populations concernées, en offrant des cours de langue gratuits notamment, ou en permettant d'avoir un congé payé de l'employeur à des fins d'apprentissage de la langue nationale. Sont concernées les personnes désireuses d'acquérir la nationalité estonienne et résidant légalement depuis au moins cinq années dans le pays.

La dernière enquête de l'observatoire de l'intégration, en 2017, montre que les efforts dans ce domaine portent leurs fruits. La connaissance de la langue estonienne par les non-locuteurs s'améliore, particulièrement chez les jeunes, et Mme Kolk a assuré le Comité que les relations entre les Estoniens de différentes origines s'améliorent.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Parmi les membres du Comité, une experte s'est félicitée des réponses reçues aux observations et conclusions du Comité suite à l'examen du précédent rapport, en 2010. Elle a souhaité savoir si les observations finales adoptées par le Comité avaient été diffusées auprès de la population. Dans le même ordre d'idées, la société civile a-t-elle été associée à l'élaboration du rapport, a demandé l'experte, notant le faible nombre d'organisations de la société civile estoniennes présentes à l'occasion de l'examen du rapport de l'Estonie.

Les dispositions du Pacte sont-elles invocables directement devant les tribunaux, a souhaité savoir l'experte. Elle a aussi demandé des précisions sur les fonctions et attributions du chancelier de justice, dont les prérogatives semblent étendues. Elle a d'autre part souhaité avoir des informations sur les plaintes liées à la violence domestique, ainsi que sur l'existence d'une loi dans ce domaine et sur son application.

Un membre du Comité a insisté sur l'importance de la sensibilisation du grand public et du financement des campagnes de promotion de l'égalité des sexes, notant que ce financement en Estonie ne semble pas pérenne. S'agissant du scrutin électoral du dimanche 3 mars, l'expert s'est félicité qu'un tiers des députés élus soient des femmes, tout en relevant que le parlement restait très majoritairement masculin.

L'expert s'est par ailleurs inquiété de l'absence de traduction russe de certains textes officiels, alors qu'il s'agit de la principale minorité du pays. Il a aussi demandé si les recommandations du Comité avaient été traduites. Il a aussi exprimé sa préoccupation s'agissant de déclarations xénophobes et racistes de la part de personnalités publiques.

Tout en saluant les efforts de l'Estonie pour pénaliser la torture et les mauvais traitements, l'expert s'est inquiété du fait que les organes compétents chargés d'enquêter sur ce type d'allégations ne jouissaient pas de l'indépendance nécessaire, une lacune que le Comité a déjà relevée par le passé.

Une experte s'est inquiétée que la loi sur l'égalité de traitement ne prévoit pas de procédure de recours en cas de discrimination en dehors du lieu de travail. La délégation peut-elle dire si cette loi a été néanmoins interprétée de manière à interdire aussi la discrimination au-delà des relations de travail, a-t-elle demandé. Peut-elle citer des cas qui illustreraient de tels cas ?

Pour le Comité, le problème de l'apatridie demeure un problème en Estonie, l'État partie n'ayant pas adhéré à la Convention de 1954 relative à l'apatridie, a noté l'experte. Elle a estimé à cet égard que l'interdiction de la discrimination sur la base de la citoyenneté au sens large pourrait permettre d'aller vers une meilleure protection des droits des personnes apatrides. Un autre membre du Comité a relevé que les personnes en situation d'apatridie étaient découragées par la difficulté de parvenir à un niveau linguistique suffisant pour passer l'examen exigé par les autorités en vue d'une naturalisation.

Le Code pénal a-t-il été amendé de manière à renforcer la protection contre la discrimination, particulièrement s'agissant de la haine et de la violence fondées sur la race, l'orientation sexuelle et l'identité de genre, a demandé une experte. Est-il envisagé de pénaliser la promotion publique du génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, des organisations incitant à la discrimination raciale ? La justice a-t-elle eu à connaître des cas de crimes contre des personnes LGBT ?

Un autre membre du Comité a demandé de quel recours disposent les victimes de la traite, ajoutant que des informations semblent indiquer que l'aide juridictionnelle offerte aux réfugiés et demandeurs d'asile est insuffisante. Cette experte a demandé à la délégation d'indiquer les modalités et la durée de la procédure d'enregistrement des demandes d'asile. Elle a jugé excessivement courts – trois jours – les délais prévus pour déposer une demande. En outre, la formation des fonctionnaires présents aux frontières semble insuffisante. L'experte a par ailleurs voulu savoir si le recours contre le refus d'une demande d'asile était suspensif. Une experte a fait état de cas de refus d'examen de demandes d'asile de ressortissants étrangers s'étant présentés à la frontière.

Des mesures ont-elles été prises pour mieux intégrer les russophones sur le marché du travail, aussi bien dans le secteur public que dans le privé, notamment en faisant un plus grand effort de formation linguistique ? La même experte a souligné l'importance pour l'Estonie de prendre des mesures visant à faire reculer de façon décisive la discrimination fondée sur la langue.

Une autre experte a posé une série de questions sur les droits des détenus. Elle s'est étonnée de la possibilité de ne pas informer une personne en détention préventive sur la raison de sa privation de liberté, détention qui serait motivée entre autres dans l'intérêt de l'établissement de la vérité ou pour empêcher la commission éventuelle d'un acte délictueux. Tout en se félicitant par ailleurs de l'amélioration notable de l'accès aux soins médicaux, elle s'est particulièrement inquiétée des très mauvaises conditions de détention à la maison d'arrêt d'Haapsalu, ainsi que dans le quartier disciplinaire de la prison de Tallinn.

La même experte a demandé quelles mesures étaient prises pour éviter les situations linguistiques discriminatoires pour les détenus appartenant à une minorité. Le Comité a en effet été informé que les autorités pénitentiaires avaient refusé d'accepter et de traduire des plaintes de prisonniers qui n'étaient pas rédigées en estonien. Elle a rappelé que les «règles Nelson Mandela» (Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus) prévoient la mise à disposition gratuite d'interprètes compétents lorsque les détenus ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue de l'administration pénitentiaire. Elle s'est enfin inquiétée du fait que 20% des prisonniers étaient en détention préventive, pour des durées atteignant sept mois en moyenne avant l'ouverture de leur procès, la règle étant théoriquement au maximum de six mois, avec toutefois possibilité d'un allongement dans certains cas.

Réponses de la délégation

S'agissant de la participation de la société civile dans le cadre de la présentation du rapport de l'Estonie, la délégation a expliqué que les observations finales adoptées par les organes conventionnels étaient envoyées aux organisations non gouvernementales, soulignant toutefois le peu de réactions suscitées. Il en va de même s'agissant de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme. Pour ce qui concerne plus précisément le présent examen, le processus de consultation s'est déroulé trois mois avant la présente session du Comité, a-t-elle précisé.

La Constitution dispose que les traités internationaux font partie de la législation estonienne et qu'ils prévalent sur tout autre texte. Il est donc possible de saisir la justice en invoquant le Pacte même si, en règle générale, les plaignants s'appuient sur la législation locale. La délégation a souligné qu'il était de plus en plus courant que les tribunaux estoniens, y compris la Cour suprême, étayent leurs décisions sur les dispositions d'instruments internationaux.

L'Estonie assure une diffusion des recommandations du Comité des droits de l'homme en langues estonienne et anglaise. Le Ministère des affaires étrangères convient qu'il conviendrait de les diffuser dans toutes les langues minoritaires en Estonie, et pas uniquement en russe. Cela n'étant pas financièrement possible à l'heure actuelle, il a été décidé de ne pas privilégier une langue plutôt qu'une autre à ce stade.

Un tiers de la population n'avait pas la nationalité estonienne au lendemain du rétablissement de l'indépendance en 1991. Ce pourcentage n'est plus que de 5,5% aujourd'hui. Cinquante-sept pour cent des personnes dont la citoyenneté est indéterminée déclarent vouloir acquérir la nationalité estonienne. La nationalité estonienne est attribuée par voie de naturalisation depuis le 1er janvier 2016 aux enfants de nationalité indéterminée âgés de moins de 14 ans. Ainsi, depuis 2016, les enfants âgés de moins de 14 ans de parents de nationalité indéterminée qui sont nés en Estonie ou arrivés dans le pays immédiatement après leur naissance acquièrent la nationalité estonienne par voie de naturalisation à leur naissance.

Plus d'une centaine de langues sont parlées en Estonie, a poursuivi la délégation. L'éducation en russe est disponible depuis l'école élémentaire jusqu'à l'université. La connaissance de la langue estonienne est en amélioration constante, dix pour cent seulement des non-Estoniens de souche ne parlant pas la langue nationale. Le Ministère de la culture subventionne les associations culturelles des minorités, qui sont au nombre de 300. Un conseil de la langue nationale évalue les besoins. Des « maisons de l'estonien » ont été ouvertes dans la capitale, ainsi que dans la région - majoritairement russophone - de Narva, où l'on peut suivre des cours de conversation. L'examen de langue qui doit être passé pour obtenir la nationalité a été simplifié pour les personnes âgées de 65 ans ou plus, lesquelles ne doivent passer qu'un examen oral.

Un soutien régional à la création d'emploi, par le versement de subventions, a été mis en place dans les régions où l'estonien est peu parlé, le Nord-Est en particulier. Des actions de sensibilisation auprès des employeurs vise à leur montrer les avantages d'un environnement professionnel multilingue. Les personnes ayant des difficultés à trouver du travail à cause d'une mauvaise connaissance de la langue peuvent suivre des cours d'estonien. L'assurance-chômage offre, par ailleurs, un soutien financier à la mobilité pour les personnes postulant loin de leur domicile.

La loi sur le règlement collectif des conflits du travail dispose que les employés et leurs associations ou fédérations ont le droit d'organiser des grèves d'avertissement pouvant durer jusqu'à une heure. Ils peuvent aussi mener une grève de solidarité avec d'autres grévistes. La durée de cette dernière est décidée par le représentant, l'association ou la fédération des employés ayant pris la décision d'organiser la grève mais elle ne peut pas durer plus de trois jours. Le représentant, l'association ou la fédération des employés doit soumettre par écrit un préavis de grève à l'employeur, à l'association ou à la fédération des employeurs ainsi qu'à la collectivité territoriale. Ce préavis doit être déposé au moins trois jours à l'avance pour une grève d'avertissement et au moins cinq jours à l'avance pour une grève de solidarité. Les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève.

La violence domestique est la forme de violence la plus répandue puisqu'elle représente plus de 80% des cas connus de la justice. Les cas de viol conjugal représentent 3% des cas y compris les cas commis par d'ex-conjoints. On s'efforce d'inciter les victimes à demander de l'aide, ce qui implique de les protéger afin qu'elles ne soient pas doublement victimes; des mesures de protection sont prévues dans ce cadre. Depuis deux ans, la victime a le droit de demander à ce que sa plainte soit examinée ou instruite par une personne du même sexe. Un service d'appui aux femmes victimes a été créé et la société estonienne est aujourd'hui plus consciente du problème.

Si la torture n'est pas spécifiquement définie par la loi, c'est pourquoi la justice estonienne s'appuie sur la définition prévue notamment par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a expliqué la délégation. La Convention européenne des droits de l'homme est une autre source du droit estonien en la matière. Ces normes internationales s'imposent à la loi estonienne.

Des sondages ont été réalisés sur l'égalité hommes-femmes, dont il ressort que les stéréotypes persistent et qu'il y a encore des efforts à faire pour y remédier. La loi impose des règles dans le domaine publicitaire par exemple et des actions de sensibilisation sont aussi menées. L'écart des rémunérations entre hommes et femmes est évalué à plus de 25%. Une journée annuelle de sensibilisation est menée là aussi pour que l'on prenne conscience de l'importance du problème. Un plan d'action a été lancé en 2012 visant notamment à réduire la discrimination salariale entre hommes et femmes.

La proportion d'un tiers de femmes parmi les députés peut paraître relativement faible mais dans un petit pays comme l'Estonie, cette performance n'est pas négligeable non plus, a estimé la délégation. Elle a attiré l'attention sur le fait que les femmes occupaient de plus en plus fréquemment des postes à responsabilité, un tiers des chefs d'entreprise par exemple étant des femmes. Quant à l'imposition éventuellement de quotas, l'Estonie privilégie l'évolution des mentalités dans ce domaine. Elle a aussi rappelé que la République d'Estonie était actuellement présidée par une femme.

La délégation a indiqué que diverses mesures avaient été prises contre la radicalisation et les discours de haine, précisant que les textes publiés sur Internet faisaient l'objet d'une surveillance des services de renseignement.

Répondant à des questions sur les droits des détenus, la délégation a fait valoir que le chancelier de justice assurait une supervision des autorités pénitentiaires: il peut se rendre dans n'importe quel centre de détention avec ou sans préavis. Les gardiens de prison reçoivent une formation approfondie, a assuré la délégation. Si un détenu est placé à l'isolement sans justification suffisante, il peut faire recours et, le cas échéant, obtenir réparation.

L'Estonie compte trois prisons au total qui sont de construction récente. Les maisons d'arrêt – où les incarcérations sont brèves - ont aussi été rénovées. Le pays n'est pas confronté à un problème de surpopulation carcérale. Contrairement aux informations mentionnées par un membre du Comité, la délégation a assuré que les détenus pouvaient déposer plainte ou faire une demande de réparation dans leur langue, des services de traduction étant garantis à tout détenu. Mais en règle générale, les surveillants de prison parlent suffisamment bien le russe et l'anglais pour pouvoir communiquer avec les détenus qui ne parlent pas la langue nationale et, si nécessaire, les aider à comprendre la teneur des documents rédigés en estonien. Les prisons font appel à des organismes d'enseignement de l'estonien, qui sont chargés de déterminer le niveau d'aptitude linguistique des prisonniers, d'encourager ces derniers à apprendre l'estonien et de leur enseigner la langue.

Pour ce qui concerne la délinquance juvénile, la priorité est donnée à la réinsertion des jeunes. On ne doit pas seulement les voir comme des déviants mais tâcher de faire la lumière sur ce qui les a fait sombrer dans la délinquance. On considère que les jeunes délinquants, ont plus besoin d'assistance que de châtiment, l'Estonie pouvant constituer un exemple la matière. Si on estime qu'il faut au moins un personnel d'encadrement sur la base d'un éducateur pour six enfants, on s'efforce de faire deux fois mieux en mettant un professionnel à disposition de trois mineurs en détention.

Les causes de la délinquance résident souvent dans des difficultés familiales quand ce ne sont pas des problèmes mentaux, a affirmé la délégation. Des membres du Comité s'étant émus d'une assertion semblant faire un lien entre délinquance et handicap mental, la délégation a expliqué que, de manière sous-jacente, les jeunes délinquants avaient fréquemment des difficultés psychologiques, particulièrement les récidivistes. Ils ont parfois des handicaps non diagnostiqués. Il s'agit, pour un petit pays comme l'Estonie de traiter ces enfants – au nombre d'une vingtaine actuelle - à la fois en fonction de leurs besoins psychologiques et de l'institution susceptible de mieux y répondre.

Des mesures ont été prises pour protéger les victimes de la traite des êtres humains, notamment en améliorant et en rendant plus rapide l'identification des victimes. Celles-ci sont logées et bénéficient d'un appui psychologique afin d'aider à leur réinsertion. Celles qui ont été contraintes de se prostituer ont droit à des soins médicaux.

Un centre de rétention des migrants a été ouvert avec une capacité d'une centaine de places. Le principe de non-refoulement est respecté par l'Estonie. La police et les gardes-frontière ont reçu une formation qui leur permet de déterminer quelles sont les personnes qui peuvent solliciter une protection internationale. Toute indication par la personne étrangère que le retour dans son pays est impossible suffit à garantir l'enregistrement et l'acceptation de la demande. Les requérants peuvent obtenir une assistance juridique, notamment en cas de rejet de la demande d'asile.

Un tiers de la population n'avait pas la nationalité estonienne au lendemain du rétablissement de l'indépendance en 1991, ce pourcentage n'étant plus que de 5,5% aujourd'hui. Cinquante-sept pour cent des personnes à la citoyenneté indéterminée déclarent vouloir acquérir la nationalité estonienne. La nationalité estonienne est attribuée par voie de naturalisation depuis le 1 er janvier 2016 aux enfants de nationalité indéterminée âgés de 0 à 14 ans. Depuis 2016, les enfants âgés de 0 à 14 ans de parents de nationalité indéterminée qui sont nés en Estonie ou arrivés dans le pays immédiatement après leur naissance acquièrent la nationalité estonienne par voie de naturalisation à leur naissance.

Plus d'une centaine de langues sont parlées en Estonie et l'éducation en russe est disponible depuis l'école élémentaire jusqu'à l'université. La connaissance de la langue estonienne est en amélioration constante, dix pour cent seulement des non-Estoniens de souche ne parlant pas la langue nationale. Le ministre de la culture subventionne les associations culturelles des minorités, qui sont au nombre de 300. Un Conseil de la langue nationale évalue les besoins. Des « maisons de l'estonien » ont été ouvertes dans la capitale, ainsi que dans la région - majoritairement russophone - de Narva, où l'on peut avoir des cours de conversation. L'examen de langue qui doit être passé pour obtenir la nationalité a été simplifié pour les personnes âgées de 65 ans ou plus, lesquelles ne doivent passer qu'un examen oral.

Un soutien régional à la création d'emploi, par le versement de subventions, a été mis en place dans les régions où l'estonien est peu parlé, le Nord-Est en particulier. Des actions de sensibilisation auprès des employeurs vise à leur montrer les avantages d'un environnement professionnel multilingue. Les personnes ayant des difficultés à trouver du travail à cause d'une mauvaise connaissance de la langue peuvent suivre des cours d'estonien. L'assurance-chômage offre, par ailleurs, un soutien financier à la mobilité pour les personnes postulant loin de leur domicile.

La loi sur le règlement collectif des conflits du travail dispose que les employés et leurs associations ou fédérations ont le droit d'organiser des grèves d'avertissement pouvant durer jusqu'à une heure. Ils peuvent aussi mener une grève de solidarité avec d'autres grévistes. La durée de cette dernière est décidée par le représentant, l'association ou la fédération des employés ayant pris la décision d'organiser la grève mais elle ne peut pas durer plus de trois jours. Le représentant, l'association ou la fédération des employés doit soumettre par écrit un préavis de grève à l'employeur, à l'association ou à la fédération des employeurs ainsi qu'à la collectivité territoriale. Ce préavis doit être déposé au moins trois jours à l'avance pour une grève d'avertissement et au moins cinq jours à l'avance pour une grève de solidarité. Les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève.

Un membre du Comité ayant constaté une participation électorale beaucoup plus faible dans une région russophone, la délégation a reconnu une tendance à la baisse de la participation électorale dans certaines régions du pays, mais elle a indiqué ne pas être en mesure de donner une explication. Les autorités ne manqueront pas de se pencher sur le problème, a-t-elle déclaré.



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CCPR/19/2F