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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: DERNIÈRE SÉANCE SOUS LA PRÉSIDENCE DU ROYAUME-UNI

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a poursuivi aujourd'hui l'examen d'un projet de programme de travail présenté par son président, l'Ambassadeur Aidan Liddle du Royaume-Uni. Au terme du débat, le Président a constaté l'impossibilité de parvenir à un consensus sur sa proposition, sept délégations au moins ayant indiqué ne pouvoir s'y associer. Il s'agissait de la dernière séance plénière de la présidence britannique de la Conférence, la présidence étant assumée par les États-Unis à partir du 18 mars et jusqu'au 29 mars, puis, dans la deuxième partie de la session, du 13 au 26 mai.

Le Secrétaire général de la Conférence, M. Michael Møller, a dit craindre que l'absence de décision sur un programme de travail n'érode encore davantage la confiance du public envers la capacité de la Conférence de s'acquitter de son mandat. Les nouvelles technologies sont en train de bouleverser nos vies et il serait anachronique de ne pas en discuter à la Conférence, a notamment fait observer le Secrétaire général de la conférence.

En début de séance, le Président a estimé que le projet de décision qu'il soumettait proposait une solution de compromis bien équilibrée à même de permettre à la Conférence d'approfondir les travaux réalisés en 2018. Il a insisté sur le fait que rien dans le projet ne préjugeait du résultat des discussions sur quelque sujet que ce soit, ni ne touchait aux intérêts sécuritaires des délégations. Ce texte prévoyait la création de quatre organes subsidiaires chargés de différents points de l'ordre du jour de la Conférence et la nomination de coordonnateurs spéciaux.

Pendant le débat qui a suivi, les délégations ont généralement rendu hommage aux efforts déployés par la présidence pour synthétiser des points de vue très différents. Mais plusieurs d'entre elles ont notamment regretté que le projet ne prévoie pas la création d'un organe subsidiaire chargé de la question des « menaces nouvelles et technologies émergentes », confiée plutôt à un coordonnateur spécial. D'autres délégations ont déploré que la proposition ne reprenne pas le format des organes subsidiaires qui avaient été créés en 2018, estimant qu'il avait bien fonctionné. Des préoccupations ont également été exprimées s'agissant de la portée du mandat du coordonnateur spécial qui aurait été chargé de l'amélioration du fonctionnement de la Conférence et de l'élargissement de sa composition.

Les délégations suivantes ont pris part au débat: République arabe syrienne, République bolivarienne du Venezuela, Fédération de Russie, Cuba, Pays-Bas, Turquie, République populaire démocratique de Corée, États-Unis, France, République islamique d'Iran, Brésil, Australie, Suède, Zimbabwe, Mexique, République de Corée, Japon, Afrique du Sud, Espagne et Équateur.


La prochaine réunion plénière de la Conférence aura lieu le mardi 19 mars à 10 heures, sous la présidence des États-Unis. Elle doit à cette occasion entendre Mme Yleem D.S. Poblete, Sous-Secrétaire d'État des États-Unis pour le contrôle des armements, la vérification et le respect des obligations.


Déclarations

Le Président de la Conférence du désarmement, M. AIDAN LIDDLE (Royaume-Uni), a estimé que le projet de décision qu'il soumet pour adoption à la Conférence (document de travail à distribution limitée CD/WP.619/rev.2) propose une solution de compromis bien équilibrée à même de permettre à la Conférence d'approfondir les travaux réalisés en 2018. Il a insisté sur le fait que rien dans le projet ne préjugeait du résultat des discussions sur quelque sujet que ce soit, ni ne touchait aux intérêts sécuritaires des délégations. M. Liddle a ensuite donné lecture d'un certain nombre d'amendements au texte examiné mardi dernier (séance du 12 mars), de nature technique et explicative, qu'il a ajoutés à la suite des demandes d'éclaircissement qui lui ont été adressées par les délégations à cette occasion.

La République arabe syrienne a ensuite constaté que des améliorations substantielles avaient en effet été apportées au rôle des organes subsidiaires. Mais le choix des coordonnateurs de ces organes doit obéir à des règles qui en garantissent la neutralité et l'indépendance, a souligné la Syrie. Elle s'est également dite opposée à la création du mandat peu clair de coordonnateur spécial sur le renforcement de l'efficacité de la Conférence. La délégation a expliqué la prudence de la Syrie sur ces questions par la très grande politisation qui règne à la Conférence. Elle a aussi estimé que les amendements proposés par la présidence touchaient en réalité au fond du projet, et ne se limitait pas à des questions de forme.

Le Venezuela a constaté que les amendements apportés par le Président portaient bien sur le fond et que la délégation n'est donc pas encore prête à se prononcer sur le projet. Elle a rappelé qu'elle avait demandé des garanties expresses quant aux organes subsidiaires et aux coordonnateurs spéciaux, mais que ses recommandations n'avaient pas été prises en compte. Elle a dénoncé toute tentative d'exclure ou de donner une place moindre à certains membres de la Conférence, comme cela est l'intention pour l'avenir, et mis en cause l'agressivité notoire de certains ambassadeurs vis-à-vis de son pays.

Le Président a précisé que les amendements avaient été proposés par les délégations lors de la séance précédente et qu'ils portaient essentiellement sur des questions de forme.

La Fédération de Russie, après avoir fait un rapide historique des consultations autour du projet de décision, a estimé que toutes les modifications proposées par le Président n'avaient pas uniquement un caractère technique, notamment celles qui traitent de la tâche dévolue aux organes subsidiaires – en l'espèce, des instruments juridiquement contraignants. La Fédération de Russie a aussi plaidé pour un cadrage du mandat des coordonnateurs spéciaux. La délégation a souligné que toute modification d'un document aussi important qu'un projet de décision de la Conférence devait obtenir l'aval de la capitale.

Cuba a regretté la démarche suivie par la présidence britannique, rappelant que toute décision prise à la Conférence exigeait un consensus. Rien dans les règlements n'autorise la présidence à obliger la Conférence de se prononcer sur une décision ne recueillant pas le consensus parmi les membres, a insisté la délégation.

Les Pays-Bas ont estimé que les interventions du jour et la présence du Secrétaire général de la Conférence, M. Michael Møller, témoignaient de l'importance de la réunion. Les Pays-Bas se sont dits étonnés du tour qu'a pris le débat, contraire à l'esprit constructif qui a marqué les dernières semaines. On pourrait discuter de procédure pendant des semaines, mais toute la question est de savoir si la volonté politique existe de mettre la Conférence en position de continuer de discuter sur les questions de fond. Si la décision est négative, les États membres devront tous en porter la responsabilité, a mis en garde la délégation.

La Turquie a estimé que le texte pourrait encore être amélioré pour recueillir le consensus.

La République populaire démocratique de Corée a recommandé, pour que la décision soit libre d'éléments controversés ou ambigus, de prendre du temps pour l'améliorer encore.

Les États-Unis ont souligné que la Conférence travaillait depuis plusieurs semaines maintenant sur ce texte. On pourrait discuter encore seize semaines supplémentaires que certains trouveraient encore des raisons de refuser le texte. Il existe à la Conférence un groupe de pays opposés à l'adoption de la proposition, ont regretté les États-Unis.

La Fédération de Russie a regretté qu'au terme de la présidence du Royaume-Uni, aucun progrès n'ait été réalisé à la Conférence vers l'adoption du programme de travail. Elle a rappelé qu'elle avait plaidé depuis le début pour une double approche, axée parallèlement sur les organes subsidiaires et sur le programme de travail. La Fédération de Russie a aussi rappelé qu'elle avait défendu le lien direct entre l'ordre du jour de la Conférence et les activités prévues des organes subsidiaires, ainsi que la création d'un organe consacré aux points 6 et 7 de l'ordre du jour, qui portent sur le programme global de désarmement et la transparence dans le domaine des armements.

La Fédération de Russie avait aussi recommandé le regroupement dans un seul organe des questions en lien avec les armes nucléaires et le désarmement nucléaire. En effet, du fait de sa spécificité et de sa composition, la Conférence semble être la plateforme unique pour réfléchir à ces questions. La délégation russe a regretté que sa proposition ait été ignorée, tout comme l'avait été le projet russo-chinois de lancement d'une négociation sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace. La Fédération de Russie a regretté que ses remarques sur le coordonnateur spécial chargé de la question du fonctionnement de la Conférence n'aient pas été prises en compte. Compte tenu des nombreuses objections à ce texte en l'état, la Fédération de Russie propose de continuer à travailler sur le projet afin qu'il recueille le consensus.

La France a estimé que le Royaume-Uni avait conduit les travaux en pleine conformité du règlement intérieur de la Conférence. Sa proposition permet de préparer le terrain pour de futurs accords de désarmement. C'était d'ailleurs la méthode de travail de la Conférence du temps où elle obtenait des résultats. Une volonté politique est indispensable, a insisté la France.

La République islamique d'Iran a pris acte des efforts de la présidence. Elle a mis en garde contre toute précipitation et contre le risque que la Conférence ne se transforme en un lieu de division politique. La délégation iranienne a, elle aussi, insisté sur l'importance de la volonté politique de tous.

Le Brésil a salué la souplesse de la présidence. Il a estimé que la meilleure solution aurait été d'adopter le projet de décision pour ne pas perdre l'acquis des travaux réalisés en 2018 à la Conférence. Face à l'incapacité de la Conférence de s'atteler à l'examen des questions de fond, le Brésil a attiré l'attention des processus en cours à l'Assemblée générale au sujet de la prévention d'une course aux armements dans l'espace, notamment.

L'Australie a déclaré que, faute de décision aujourd'hui, la politisation des travaux de la Conférence risquerait de s'aggraver encore.

La Suède a salué le travail exemplaire de la présidence. Elle a fait observer que la nature du compromis exige de chacun de renoncer à certains souhaits.

La République arabe syrienne a fait part de son inquiétude face à la politisation de la Conférence et devant l'abandon de l'idée d'adopter un ordre du jour au profit de la création d'organes subsidiaires, qui ne feraient que faire double emploi avec les travaux réalisés ailleurs. La délégation a demandé au Président de dire quelle serait la portée du mandat du coordonnateur chargé des méthodes de travail et a exprimé son désaccord avec le calendrier proposé, qui ne tient pas compte des préoccupations exprimées.

Le Zimbabwe a rendu hommage au professionnalisme de la présidence et de ses efforts pour synthétiser des points de vue très différents. Il est encore possible de rapprocher les points de vue, a estimé le Zimbabwe.

Cuba a rappelé que les organes subsidiaires en 2018 avaient été conçus pour débattre afin de rapprocher la Conférence d'une négociation, ce que Cuba avait accepté. En 2019, il aurait fallu reprendre ce format, qui avait bien fonctionné. Cuba refuse, en l'état, que les questions relatives au fonctionnement de la Conférence soient utilisées pour politiser ses travaux. Il regrette que certains pays aient fait des propositions qui tendent à saper la confiance et déplore que le texte proposé accorde un « chèque en blanc » aux coordonnateurs spéciaux.

Le Mexique a déclaré que son objectif principal était la reprise des négociations à la Conférence. Le Mexique juge important de nommer un coordonnateur chargé de la question de l'élargissement de la Conférence et de ses méthodes de travail. Malgré ses réticences vis-à-vis du projet, le Mexique, désireux de débattre sur le fond, se joindra au consensus.

La République de Corée a dit être déçue par la perte de temps et d'argent que constituent huit semaines de travail qui ne donnent aucune visibilité sur la suite des travaux de la Conférence en 2019.

Le Japon a espéré que les prochaines présidences appliqueraient un planning très clair pour permettre aux délégations de s'exprimer sur le fond.

Le Venezuela a assuré qu'il n'avait aucun doute sur la transparence des efforts de la présidence. Mais elle a regretté que sa proposition de créer un cinquième organe en charge des nouvelles technologies n'ait pas été acceptée et a dit craindre les buts politiques affichés par les promoteurs du mandat de coordonnateur spécial chargé d'améliorer le fonctionnement de la Conférence.

L'Afrique du Sud a estimé nécessaire de mieux préciser la portée du mandat du coordonnateur spécial chargé du fonctionnement de la Conférence. L'Afrique du Sud a demandé que davantage de temps soit accordé à la réflexion sur ce projet.

L'Espagne a estimé que le fait que les menaces nouvelles et technologies émergentes ne fassent pas l'objet d'un organe subsidiaire ne devrait pas empêcher la possibilité de discuter de ces questions par le biais d'un coordonnateur spécial. Elle a aussi défendu la pertinence d'une réflexion sur le fonctionnement et l'élargissement de la Conférence sous la houlette d'un autre coordonnateur spécial.

L'Équateur a regretté l'absence de volonté politique pour adopter le projet de décision du Président. Il a félicité la présidence pour la manière dont elle a dirigé les travaux.

Le Président a rappelé avoir consacré les quatre dernières semaines à intégrer les intérêts divergents qui se sont exprimés à ce jour et a insisté sur l'urgence de structurer rapidement les travaux de la Conférence. Malheureusement, au terme du débat, sept délégations au moins ont indiqué ne pouvoir s'associer au consensus sur le texte, a constaté M. Liddle, pour le déplorer. Il s'est dit déçu que la Conférence ait perdu la dynamique de l'année dernière.

Le Secrétaire général de la Conférence, M. MICHAEL MØLLER, a dit craindre que cette décision souveraine des États membres n'érode encore davantage la confiance du public envers la capacité de la Conférence de s'acquitter de son mandat. L'année dernière, la création des organes subsidiaires avait montré qu'il était possible de traiter de questions existentielles pour la Conférence.

La création en 2019 d'organes subsidiaires sur quatre points de l'ordre du jour et de deux coordonnateurs spéciaux aurait offert une occasion précieuse pour que la Conférence se penche sur des questions d'actualité, a relevé M. Møller, comme les nouvelles technologies et les questions émergentes, le fonctionnement de la Conférence et l'élargissement de sa composition. Les nouvelles technologies sont en train de bouleverser nos vies et il serait anachronique de ne pas en discuter à la Conférence, a estimé son Secrétaire général.

Les discussions sur le fonctionnement de la Conférence durent depuis plusieurs années et la nomination d'un coordonnateur spécial aurait été un signal positif pour son fonctionnement au quotidien, a ajouté M. Møller. Il va sans dire que l'élargissement doit être au minimum discuté à intervalles réguliers, comme le veut le règlement intérieur, a-t-il aussi fait observer. Cependant, la Conférence est un outil à la disposition de ses membres, dont ils usent comme ils l'entendent, a reconnu M. Møller.

Le Secrétaire général de la Conférence a enfin annoncé qu'il avait l'intention d'organiser un quatrième forum rassemblant la Conférence et la société civile au cours de l'année 2019.

Les États-Unis – qui assumeront la présidence tournante de la Conférence pour quatre semaines à partir du 18 mars prochain – ont dit avoir l'intention de procéder à des consultations pour trouver des éléments pouvant constituer la base d'un programme de travail. La délégation a par ailleurs annoncé que Mme Yleem D.S. Poblete, Sous-Secrétaire d'État des États-Unis pour le contrôle des armements, la vérification et le respect des obligations, s'adresserait à la Conférence mardi prochain 19 mars à 10 heures.


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DC/19/20F