Fil d'Ariane
LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT TIENT SA DERNIÈRE SÉANCE PLÉNIÈRE DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION DE 2019
La Conférence du désarmement a entendu, cet après-midi, M. Christopher Ford, Sous-Secrétaire d'État des États-Unis à la sécurité internationale et à la non-prolifération, avec lequel les délégations ont eu un dialogue autour de l’initiative de son pays intitulée « Créer un environnement propice au désarmement nucléaire » (CEND, selon l’acronyme anglais).
M. Ford a en effet annoncé que son pays était en train de préparer le déploiement d’une nouvelle initiative destinée à rassembler les pays dans un dialogue constructif visant à trouver des moyens d’améliorer les conditions de l’environnement sécuritaire mondial pour rendre ce dernier plus propice aux progrès en matière de désarmement nucléaire et – à terme – à sa réalisation effective. Intitulée « créer un environnement propice au désarmement nucléaire », cette initiative s’inspire du préambule du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), lequel appelle notamment les États à « promouvoir la détente internationale et le renforcement de la confiance entre États afin de faciliter la cessation de la fabrication d'armes nucléaires ».
Le dialogue que les États-Unis proposent aujourd’hui vise à recréer un environnement sécuritaire au sein duquel les États dotés de l’arme nucléaire estimeront qu’il est de leur intérêt mutuel de faire avancer le désarmement nucléaire; cela exigera une volonté politique ainsi des efforts concertés, a précisé M. Ford, espérant que de plus en plus de pays souhaiteront participer à cette initiative. Les États-Unis n’entendent pas imposer l’ordre du jour du dialogue dans le cadre de l’initiative CEND, a-t-il assuré.
Présents à la tribune aux côtés du Président, le Brésil, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont ajouté leurs points de vue à la discussion de fond. Le Brésil a insisté sur le fait que le dialogue devrait impliquer les États dotés comme les États non dotés d’armes nucléaires. Les Pays-Bas ont annoncé qu’ils organiseraient, le 15 avril prochain à Genève, un colloque sur le désarmement nucléaire, ici, à Genève. Dix invités, issus notamment du secteur universitaire, y animeront des tables rondes centrées – entre autres – sur la sécurité et la stabilité tout au long du processus de désarmement nucléaire. Le Royaume-Uni a recommandé que le dialogue porte sur la manière de garantir la sécurité dans un monde qui aurait renoncé aux armes nucléaires – alors que ces armes sont justement essentielles à la sécurité, à l’heure qu’il est; sur les moyens de faire en sorte que des acteurs étatiques ou non étatiques n’acquièrent pas d’armes nucléaires dans un contexte où elles auraient été abandonnées par les autres; sur la manière de se préparer à l’étape ultime de l’élimination des armes nucléaires; et enfin sur les mesures de confiance et de réduction des risques qu’il faudrait prendre pour commencer à faire de l’élimination des armes nucléaires une réalité.
Les délégations suivantes ont également fait des déclarations: Pakistan, Fédération de Russie, France, République islamique d’Iran, Chine, Australie, Japon, Mexique, Cuba, Espagne et Bélarus.
Ainsi s’est achevée la première partie de la session 2019 de la Conférence. La deuxième partie de la session commencera le 13 mai prochain, la prochaine séance plénière publique étant prévue le mardi 14 mai. Le Président a annoncé que cette première séance de la deuxième partie de session serait consacrée à la question de la dissuasion nucléaire.
Aperçu des débats
M. CHRISTOPHER FORD, Sous-Secrétaire d'État des États-Unis à la sécurité internationale et à la non-prolifération, a annoncé que son pays était en train de préparer le déploiement d’une nouvelle initiative destinée à rassembler les pays dans un dialogue constructif visant à trouver des moyens d’améliorer les conditions de l’environnement sécuritaire mondial pour rendre ce dernier plus propice aux progrès en matière de désarmement nucléaire et – à terme – à sa réalisation effective. Intitulée « créer un environnement propice au désarmement nucléaire » (creating an environment for nuclear disarmament, CEND), cette initiative s’inspire du préambule du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), lequel appelle notamment les États à « promouvoir la détente internationale et le renforcement de la confiance entre États afin de faciliter la cessation de la fabrication d'armes nucléaires ».
Certes, ce processus ne constituera pas une panacée, compte tenu des défis sécuritaires du monde actuel, a relevé M. Ford. Mais les États-Unis sont convaincus qu’il importe de trouver un moyen d’aller de l’avant et que ce moyen devra nécessairement répondre aux raisons qui expliquent l’acquisition et la conservation d’armes nucléaires. Tous les États devront relever ce défi ensemble, conformément à l’article VI du TNP, a ajouté M. Ford: l’élimination des armes nucléaires au niveau international est en effet un objectif explicite du Traité, a-t-il rappelé.
M. Ford s’est dit conscient du fait que des tensions mondiales et régionales expliquent la crainte de certains États membres que les initiatives de la Conférence ne compromettent leurs intérêts nationaux. Dans ce contexte, les approches traditionnelles du désarmement ne suffisent plus pour répondre aux besoins contemporains, comme le montre l’effondrement prochain du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) résultant du déploiement par la Fédération de Russie d’un arsenal toujours plus important de missiles interdits par le FNI, a-t-il déclaré.
M. Ford a ajouté que son pays comprenait les frustrations dues au manque de progrès dans le domaine du désarmement depuis plusieurs décennies. Le dialogue que les États-Unis proposent aujourd’hui vise à recréer un environnement sécuritaire au sein duquel les États dotés de l’arme nucléaire estimeront qu’il est de leur intérêt mutuel de faire avancer le désarmement nucléaire; cela exigera une volonté politique ainsi des efforts concertés, a précisé M. Ford, espérant que de plus en plus de pays souhaiteront participer à cette initiative.
Le Brésil a estimé que le cadre pour un tel dialogue exigerait des négociations soigneuses quant au lieu, au contenu, aux approches, aux rôles et à la participation y associés. Le Brésil a insisté sur le fait que le dialogue devrait impliquer les États dotés comme les États non dotés d’armes nucléaires. L’objectif des travaux pourrait être de produire une évaluation conjointe de la stabilité et du risque stratégiques nucléaires et des prochaines étapes pertinentes. Le Brésil a aussi émis plusieurs propositions s’agissant de l’organisation des débats dans le cadre d’une initiative telle que celle proposée par les États-Unis. Le pays a insisté sur l’importance de thèmes tels que les zones exemptes d’armes nucléaires, les garanties négatives de sécurité et les conséquences humanitaires inacceptables d’une détonation nucléaire.
Les Pays-Bas ont estimé que, venant de la part d’une des grandes puissances nucléaires, l’initiative décrite par M. Ford pouvait constituer une voie constructive et créative permettant d’aller de l’avant. C’est dans cet esprit de dialogue large et inclusif que les Pays-Bas organiseront, le 15 avril prochain, un colloque sur le désarmement nucléaire, ici, à Genève. Dix invités, issus notamment du secteur universitaire, y animeront des tables rondes centrées sur l’action collective et institutionnelle en vue du désarmement nucléaire; sur les calculs nationaux qui justifient les armes nucléaires; et sur la sécurité et la stabilité tout au long du processus de désarmement nucléaire. Les Pays-Bas ont eux aussi insisté sur l’importance d’associer à l’initiative les États dotés et non dotés d’armes nucléaires.
Le Royaume-Uni a d’abord insisté sur le fait que sa force de dissuasion nucléaire restait essentielle à sa sécurité et que les changements récents dans le contexte sécuritaire international rappelaient qu’il ne saurait être question de baisser la garde. Dans un tel contexte, le Royaume-Uni a proposé que le dialogue au sein de l’initiative CEND porte sur la manière de garantir la sécurité dans un monde qui aurait renoncé aux armes nucléaires – alors que ces armes sont justement essentielles à la sécurité, à l’heure qu’il est; sur les moyens de faire en sorte que des acteurs étatiques ou non étatiques n’acquièrent pas d’armes nucléaires dans un contexte où elles auraient été abandonnées par les autres; sur la manière de se préparer à l’étape ultime de l’élimination des armes nucléaires; et enfin sur les mesures de confiance et de réduction des risques qu’il faudrait prendre pour commencer à faire de l’élimination des armes nucléaires une réalité.
Le Pakistan a déclaré que l’initiative présentée par M. Ford mettait à raison l’accent sur le fait que le contrôle des armements et le désarmement ne peuvent être découplés des problèmes et préoccupations en matière de sécurité qui obligent les États à recourir à la dissuasion nucléaire pour leur propre défense. Le Pakistan estime pour sa part que les discussions dans le cadre de l’initiative CEND devraient porter, notamment, sur la perception des menaces; la résolution des différends de longue date; les mesures de transparence et de confiance; les asymétries régionales; la nature des doctrines sécuritaires; le rôle des acteurs extrarégionaux; et la discrimination dans l’application des normes de non-prolifération et d’accès aux technologies à double usage.
La Fédération de Russie a jugé encourageante la présence d’un deuxième haut fonctionnaire des États-Unis pour discuter, de manière pragmatique cette fois, de la question de la maîtrise des armements et du désarmement. La Fédération de Russie a rappelé sa position selon laquelle on pourrait passer à une étape suivante du désarmement nucléaire lorsque l’on serait parvenu à une nouvelle diminution des armes stratégiques offensives. Mais la proposition des États-Unis soulève de nombreuses questions: choix des participants, priorisation des thèmes, modalités d’adoption des conclusions et résumés, ainsi que leur statut, entre autres, a souligné la délégation russe. La Fédération de Russie a rappelé sa propre proposition de regrouper dans un des organes subsidiaires [qu’il est question de créer en 2019] les trois points de l’ordre du jour relatifs aux armes nucléaires. Elle a souligné que le dialogue multilatéral sur le désarmement était tout à fait d’actualité et que la Conférence était probablement le seul cadre adapté pour cela. La Fédération de Russie s’est dite prête à contribuer aux efforts pour que la Conférence reprenne ses travaux de fond. La Fédération de Russie a insisté sur l’importance de traiter ensemble tous les problèmes relatifs au désarmement
La France a insisté pour sa part sur l’importance de la régulation par le droit des rapports de puissance. Pour autant, il faut tenir compte des évolutions de l’environnement stratégique, en particulier la prolifération des armes nucléaires et de leurs vecteurs, mais aussi l’affaiblissement des cadres multilatéraux et l’accélération des bouleversements technologiques. La France a en outre regretté la banalisation de l’emploi des armes chimiques en Syrie. Une approche simpliste du désarmement qui ignore les réalités militaires ne peut produire aucune avancée concrète, a mis en garde la France, qui a réitéré à cet égard son opposition au traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
La France a demandé aux États-Unis et à la Fédération de Russie de poursuivre leurs efforts pour préserver le traité New Start jusqu’en 2021 puis 2026, et engager dès à présent des négociations sur un traité successeur. La France a aussi appelé les États qui ne l’ont pas fait à ratifier le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, et a estimé que la Conférence devrait ouvrir des négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles (à des fins d’armement nucléaire). Elle a insisté sur le fait que seule une approche s’appuyant sur une analyse réaliste de l’environnement stratégique est à même de crédibiliser les ambitions en matière de désarmement et de maîtrise des armements.
Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont relevé avec satisfaction qu’un dialogue constructif avait déjà commencé à se nouer ici à la Conférence. Le Royaume-Uni a insisté sur le fait que l’initiative CEND n’avait pas pour objectif de se subsister aux négociations à la Conférence.
La République islamique d’Iran a rappelé que l’objectif de la Conférence était de parvenir au désarmement nucléaire et qu’il était impératif de s’atteler à la réalisation de cet objectif. Elle a appelé les États dotés de l’arme nucléaire à respecter leur obligation d’œuvrer de bonne foi au désarmement nucléaire, conformément à l’article VI du TNP, et s’est dite préoccupée par le manque de résultat concernant l’application du document final de la Conférence d’examen du TNP de 2010. La délégation iranienne a souligné que les processus de modernisation des armes nucléaires étaient contraires aux objectifs du désarmement, et a appelé à renoncer aux doctrines militaires qui reposent sur l’utilisation d’armes nucléaires pour assurer la sécurité des États.
La Chine a rappelé les succès enregistrés par la Conférence, après la fin de la guerre froide, dans le domaine du contrôle des armements. Mais, dans la situation actuelle marquée par la montée du protectionniste, de l’unilatéralisme et de la mentalité qui prévalait jadis, les États doivent se demander quelles mesures prendre sur le plan national pour améliorer le bien commun, a recommandé la Chine. Elle a plaidé pour la redynamisation des organes subsidiaires au sein de la Conférence et s’est opposée à la politisation de cette instance. La Chine a demandé que les points de vue de chaque État soient pris en compte dans le cadre d’un dialogue axé sur la réalisation d’objectifs communs. Les deux principales puissances nucléaires assument encore la responsabilité principale en matière de désarmement nucléaire, a-t-elle souligné. Elle a insisté à plusieurs reprises sur le fait que la maîtrise des armements devrait se concentrer sur la continuité et la viabilité des efforts déjà réalisés.
La Chine a en outre mis en garde contre la tentation de créer un nouveau forum et de remettre ainsi en cause les acquis de la Conférence. Elle a indiqué qu’elle allait étudier plus avant la proposition formulée par les États-Unis cet après-midi.
L’Australie a jugé important d’encourager la diversité au sein du débat envisagé.
Le Japon a demandé des détails plus concrets sur l’initiative CEND, dont il est question depuis un an. Le pays a espéré que cette initiative puisse bénéficier de la compétence de fonctionnaires, d’universitaires et des mécanismes du désarmement des Nations Unies et qu’elle débouche sur des résultats applicables.
Le Mexique a relevé que l’initiative CEND venait en complément des travaux de la Conférence. Le pays a relevé la relation entre ce processus et celui du cycle d’examen du TNP, même si les deux ne sont pas assimilables.
La Fédération de Russie a assuré qu’elle souhaitait toujours un dialogue interactif à la Conférence sur des questions relatives au mandat de l’institution. Elle a observé que les États-Unis accusent la Fédération de Russie de disposer de missiles de portée interdite (selon le FNI), c’est-à-dire de 500 à 5500 kilomètres; or, la portée des missiles en question n’est que de 480 kilomètres: cela montre comment une même question est perçue de manière différente, a indiqué la délégation russe. Elle a demandé si les États-Unis lançaient une invitation ouverte à tous les États membres de la Conférence pour qu’ils participent à leur initiative.
Cuba a fait observer que l’on ne saurait parler de désarmement tout en procédant à la modernisation des arsenaux et au renforcement du volet nucléaire dans certaines doctrines militaires. Cuba a estimé que l’absence de progrès dans la réalisation des objectifs du TNP s’expliquait par le manque de volonté politique et non par un manque d’idées créatives. Cuba a recommandé la prudence face aux propositions risquant d’aboutir au monologue et non au dialogue.
L’Espagne a demandé que l’on tienne compte de la dimension humanitaire du désarmement. Elle a recommandé à tous les États de saisir la chance offerte par l’initiative présentée par M. Ford.
Répondant aux observations des délégations, M. FORD s’est dit encouragé par la réflexion déjà engagée sur des questions importantes et a dit avoir bon espoir de réunir de nombreux pays dans le dialogue. La bonne foi seulement est nécessaire pour améliorer le climat autour du désarmement nucléaire, a-t-il souligné. Les États-Unis n’entendent pas imposer l’ordre du jour du dialogue dans le cadre de l’initiative CEND, a assuré M. Ford. Il a espéré que l’initiative aurait une vie propre, qu’elle engagerait des intervenants non conventionnels et qu’elle ne serait pas associée trop étroitement au TNP dans l’esprit des États.
M. Ford s’est ensuite dit convaincu que l’effondrement du traité FNI en raison des violations de la Fédération de Russie était l’une des raisons qui doivent pousser à réfléchir à la voie à suivre pour améliorer le cadre de sécurité international. Il suffit d’être prêt à dialoguer de bonne foi pour participer à l’initiative CEND, a insisté M. Ford.
Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont relevé avec satisfaction qu’un dialogue constructif avait déjà commencé à se nouer ici à la Conférence. Les Pays-Bas ont mis en avant l’importance de solliciter des expertises très diverses, y compris au sein de la société civile. Le Royaume-Uni a insisté sur le fait que l’initiative CEND n’avait pas pour objectif de se subsister aux négociations à la Conférence, mais qu’elle devrait produire des propositions concrètes. La déclaration de Cuba montre à quel point un tel dialogue est important, a ajouté le Royaume-Uni. Il a expliqué que les États dotés de l’arme nucléaire estiment que leurs armes nucléaires sont importantes pour leur sécurité et que l’élimination des armes nucléaires doit nécessairement s’inscrire dans le contexte de sécurité tel qu’il est.
Le Bélarus, au nom de plusieurs États membres de la Conférence, a réaffirmé son attachement à la Conférence en tant qu’instance unique multilatérale de négociation sur le désarmement. Le Bélarus a mis en garde contre le risque pour la crédibilité de l’instance que constitue son enlisement. Il a plaidé pour l’adoption consensuelle d’un programme de travail et a jugé inacceptable toute politisation de la présidence de la Conférence.
Le Mexique ayant voulu savoir où en étaient les consultations du Président au sujet du programme de travail, M. ROBERT WOOD, en tant que Président de la Conférence, a indiqué que sa délégation avait organisé des discussions avec la Chine et le Pakistan, mais sans qu’aucun progrès ne soit perceptible à ce stade. La présidence poursuivra les consultations en vue de tomber d’accord sur un programme de travail, a assuré M. Wood.
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DC/19/24F