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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT SE PENCHE SUR UN PROJET DE PROGRAMME DE TRAVAIL RÉVISÉ

Compte rendu de séance
Elle débat avec Mme Hulan en sa qualité de Présidente du Groupe d'experts de haut niveau chargé de l'élaboration du traité sur les matières fissiles

Ce matin, la Conférence du désarmement a tenu une séance plénière publique durant laquelle elle a eu un échange de vues avec la Représentante permanente du Canada auprès des Nations Unies à Vienne, Mme Heidi Hulan, en sa qualité de Présidente du Groupe d'experts de haut niveau chargé de l'élaboration du traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes et autres dispositifs nucléaires. Les délégations ont ensuite commenté le projet révisé de programme de travail pour la Conférence présenté par le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Yurii Klymenko de l’Ukraine.

Dans son intervention devant la Conférence, Mme Hulan a fait observer qu’il restait beaucoup à faire pour adopter un traité contraignant visant à interdire la production de matières fissiles. L’adoption d’un tel traité, étape vers le désarmement nucléaire, n’a guère avancé depuis vingt-cinq ans, a-t-elle regretté. Aucun élément de fond ne s’oppose en réalité à la négociation d’un traité, a-t-elle souligné. Le groupe préparatoire a proposé dans son rapport final, l’an dernier, un certain nombre de dispositions que pourrait contenir un tel instrument ainsi que les points qui devraient être pris en considération par les négociateurs. La Représentante permanente du Canada a regretté que les perspectives d’un début de négociation à Genève ne soient pas ce qu’elles devraient être et a recommandé que la Conférence réfléchisse aux conséquences qu’un échec aurait pour l’institution. Le temps du débat concernant la production de matières fissiles est terminé ; le moment est venu de négocier un traité sur cette question, a-t-elle insisté.

Dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi cette présentation, les délégations des pays suivants ont pris la parole : Argentine, Australie, Pakistan, France, Pays-Bas, Roumanie (au nom de l’Union européenne), Allemagne, République de Corée, Fédération de Russie, Japon, Brésil, Etats-Unis, Chine et Pologne.

Après avoir entendu une déclaration du nouveau Représentant permanent de la Turquie, la Conférence a ensuite entendu les commentaires de plusieurs délégations concernant le projet révisé de programme de travail (CD/WP.618/Rev.1) présenté par le Président de la Conférence, lequel a ensuite indiqué qu’il allait poursuivre le processus de révision de son projet.

Se sont exprimées les délégations des pays suivants : Equateur, Syrie, Cuba, Mexique, Iran, Egypte, Pologne, Indonésie, Brésil, Inde, Chili, Fédération de Russie, Etats-Unis, Argentine, Turquie, Venezuela, Autriche.


La prochaine réunion publique de la Conférence aura lieu jeudi 14 février, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

Le Canada, par la voix de sa Représentante permanente auprès des Nations Unies à Vienne, MME HEIDI HULAN, laquelle a également présidé le Groupe d'experts de haut niveau chargé de l'élaboration du traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes et autres dispositifs nucléaires, a fait observer qu’il restait beaucoup à faire pour adopter un traité contraignant visant à interdire la production de matières fissiles. L’adoption d’un tel traité, étape vers le désarmement nucléaire, n’a guère avancé depuis vingt-cinq ans, a regretté le Canada, avant de faire état des travaux dans ce domaine au sein des Nations Unies et à la Conférence du désarmement. Aucun élément de fond ne s’oppose en réalité à la négociation d’un traité, a souligné le pays. Le groupe préparatoire a proposé dans son rapport final [voir ici], l’an dernier, un certain nombre de dispositions que pourrait contenir un tel instrument ainsi que les points qui devraient être pris en considération par les négociateurs.

Le Canada a regretté que les perspectives d’un début de négociation à Genève ne soient pas ce qu’elles devraient être. Il a recommandé que la Conférence réfléchisse aux conséquences qu’un échec aurait pour l’institution. Le Canada a insisté à cet égard sur l’importance de maintenir un dialogue ouvert, transparent et inclusif ; il faut que la communauté internationale se responsabilise pour le traité. Les mesures de confiance sont également importantes, même avant le début des négociations, a poursuivi le Canada. Il a souligné la nécessité de faire bénéficier le processus diplomatique des compétences d’experts.

Le Canada a recommandé que la production de matières fissiles à des fins de production d’armes nucléaires soit explicitement interdite, et qu’une réflexion soit menée sur les modalités de surveillance du démantèlement des armes nucléaires. Le temps du débat concernant la production de matières fissiles est terminé ; le moment est venu de négocier un traité sur cette question, a insisté le Canada. Le pays n’a pas exclu la possibilité de négocier le traité au sein de l’Assemblée générale ou d’un autre forum, même « s’il y a beaucoup à gagner à négocier au sein de la Conférence ».

Au cours de l’échange de vues qui a suivi cette déclaration, l’Argentine s’est enquise auprès du Canada de l’utilité qu’il y aurait à réunir un nouveau groupe de travail si la Conférence venait à rester dans l’impasse. L’Australie a recommandé à tous les pays d’examiner soigneusement le rapport du Groupe d’experts, en particulier s’agissant des mesures de confiance qu’il préconise. L’Australie a en outre voulu savoir si des travaux avaient lieu à Vienne sur le même sujet.

Le Pakistan a, quant à lui, souligné l’ambiguïté qui persiste, dans les travaux actuels au sujet d’un traité sur les matières fissiles, quant au sort des stocks existants de ces matières. L’approche fondamentale de cette question est un échec, que traduit malheureusement le rapport final du Groupe d’experts, a regretté le Pakistan. Il a aussi déploré que la composition du Groupe ne reflétait pas tous les intérêts en jeu. Le pays a insisté sur le fait que, selon lui, le mandat de négociation devrait couvrir les stocks existants de matières fissiles.

Pour la France, la méthode retenue par le Groupe d’experts, qui a consisté à passer en revue l’ensemble des options possibles, a permis de mieux appréhender les multiples enjeux. Les vingt-cinq membres du Groupe ont pu s’accorder sur une série de recommandations incluses dans le rapport, parmi lesquelles figure l’importance qui s’attache à ce que la Conférence puisse considérer le rapport du groupe préparatoire de 2017-2018 en conjonction avec celui du groupe d’experts gouvernementaux de 2014-2015.

La France a ensuite expliqué que « le FMCT, comme le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), constitue une étape indispensable pour la poursuite des efforts internationaux de désarmement nucléaire ». Le traité d’interdiction de la production de matières fissiles mettrait définitivement fin à toute possibilité de relancer une nouvelle course aux armements nucléaires et permettrait d’avancer de manière réaliste dans la mise en œuvre de l’article VI du TNP, sans remettre en cause la stabilité régionale et internationale, et conformément au principe de sécurité non diminuée pour tous, a affirmé la France.

Les Pays-Bas ont regretté que la négociation sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles n’ait pas commencé, malgré les nombreux éléments préparatoires dont dispose déjà la Conférence, en particulier le rapport présenté par le Groupe d’experts ainsi que les travaux de l’organe subsidiaire créé par la Conférence en 2018.

La Roumanie, au nom de l’Union européenne, a souligné que les réserves sur un traité d’interdiction des matières fissiles pourraient être présentées au moment de la négociation et que le lancement de négociations ne constituerait pas une menace pour les intérêts sécuritaires nationaux de quiconque. Elle a rappelé que la résolution présentée l’an dernier à l’Assemblée générale sur cette question par le Canada, l’Allemagne et les Pays-Bas avait été adoptée à une majorité écrasante de 182 États, avec cinq abstentions et un seul refus. La Roumanie a en outre enfin fait savoir que l’Union européenne était prête à contribuer financièrement à la participation des pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes aux consultations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles.

L’Allemagne a salué l’engagement dont ont fait preuve les membres du Groupe d’experts (sur un traité d’interdiction des matières fissiles) et a appelé les membres de la Conférence à avancer rapidement dans le débat : à défaut, l’instance risquerait de voir le processus se poursuivre dans un autre forum.

La République de Corée a estimé que l’interdiction de la production de matières fissiles était le sujet le plus mûr pour une négociation à la Conférence.

La Fédération de Russie a fait observer qu’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles n’était peut-être pas un élément clé de l’ordre du jour de la Conférence. Elle s’est néanmoins dite prête à commencer des travaux sur un tel traité, dans le cadre d’un programme de travail équilibré.

Le Japon a demandé que la Conférence s’emploie maintenant à compléter les travaux très utiles de l’organe subsidiaire créé en 2018 (sur la question des matières fissiles).

Le Brésil a demandé aux États de faire preuve de souplesse dans la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, en particulier de se départir de la position selon laquelle la négociation doit être fondée sur le mandat Shannon (contenu dans le rapport CD/1299 du Coordonnateur spécial).

Les États-Unis ont rappelé que leur proposition, en 2015, de créer un nouveau mandat de négociation, autre que le mandat Shannon, avait été refusée. Ils ont appelé à ne pas insister trop sur les termes de « programme de travail équilibré ».

La Fédération de Russie a rappelé que la Conférence du désarmement s’était déjà prononcée sur la nécessité de lancer une négociation.

La Chine s’est dite heureuse d’entendre que la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles devrait être basée sur un programme équilibré. La question du traité d’interdiction de la production de matières fissiles est peut-être dépassée par certains autres problèmes, comme le risque de militarisation de l’espace, a-t-elle souligné.

Répondant à ces observations, le Canada a souligné que le Groupe d’experts, s’il n’a pu refléter toutes les positions et toutes les nuances, représentait néanmoins de nombreux États et de nombreux arrangements régionaux de sécurité. Il a regretté que le Pakistan ait choisi de ne pas participer aux travaux du Groupe d’experts. Le Canada a cependant appelé les membres de la Conférence à se pencher sur les raisons réelles qui empêchent les négociations de démarrer.

Répondant à une question de la Pologne, le Canada a dit ne pas voir comment il serait possible de compléter encore le contenu du rapport du Groupe d’experts, qui tient déjà compte de nombreux points de vue.

Répondant à une autre question, le Canada a précisé que les mesures de transparence et de vérification devraient être définies avant le début de la négociation. Un éventuel organe subsidiaire, à créer par la Conférence, pourrait réfléchir à des mesures de confiance susceptibles de faciliter la négociation, a ajouté le pays.

Par la voix de son nouveau Représentant permanent de la Turquie auprès de la Conférence, M. SADIK ARSLAN, la Turquie a rappelé que le prix Nobel de la paix avait été décerné, en 2013, à l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui est chargée de l’application de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'usage des armes chimiques et sur leur destruction. La Turquie a estimé que les membres actuels de la Conférence devraient être fiers de leurs prédécesseurs qui ont négocié cette Convention, laquelle a permis de détruire de manière vérifiable 96% des stocks d’armes chimiques déclarés et couvre maintenant 98% de la population mondiale. Ces chiffres montrent la nécessité de tirer parti du potentiel inexploité de la Conférence, a souligné la Turquie.

Le nouveau Représentant permanent a ensuite déclaré que l’application universelle du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) était la première étape nécessaire vers l’avènement d’un monde sans armes nucléaires. Il a ajouté que son pays, favorable à un désarmement nucléaire systématique et vérifiable, encourageait tous les États dotés d’armes nucléaires à prendre des mesures concrètes en ce sens. M. Arslan a par ailleurs estimé que l’entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais nucléaires et le lancement de négociations autour d’un traité sur les matières fissiles étaient déterminants pour les efforts mondiaux en matière de non-prolifération et de désarmement. Il a regretté qu’il manque à la Conférence une volonté politique forte pour s’atteler de nouveau à sa tâche fondamentale en adoptant un programme de travail.

La Conférence s’est ensuite penchée sur le projet de programme révisé soumis par sa présidence.

Le Président de la Conférence, l’Ambassadeur YURII KLYMENKO de l’Ukraine, a présenté un projet de programme de travail révisé (CD/WP.618/Rev.1) selon les termes duquel la Conférence, en particulier, nommerait deux coordonnateurs chargés d’étudier respectivement les questions liées à l'élargissement de la composition de la Conférence et les questions relatives aux méthodes de travail de la Conférence.

D’autre part, la Conférence, au titre du premier point de son ordre du jour intitulé « Cessation de la course aux armements nucléaires et désarmement nucléaire », négocierait, en vue de parvenir à un accord, sur les questions examinées dans le cadre de l’organe subsidiaire 1, créé par la Conférence en 2018 en vertu de ses décisions CD/2119 et CD/2126, et sur la base des progrès réalisés à ce jour par cet organe.

Au titre du point 2 de l’ordre du jour, concernant la « Prévention de la guerre nucléaire, y compris toutes les questions qui y sont liées », la Conférence négocierait, en vue de parvenir à un accord, sur les questions examinées dans le cadre de l’organe subsidiaire 2 – également créé en vertu des décisions précitées – sur la base des progrès réalisés à ce jour par cet organe ainsi que du rapport du Coordonnateur spécial (CD/1299) et du mandat qui y figure [Ndlr : « mandat Shannon », 1995].

Au titre du point 3 de l'ordre du jour, concernant la « Prévention d'une course aux armements dans l'espace », la Conférence négocierait, en vue de parvenir à un accord, sur les questions examinées par l'organe subsidiaire 3 – également créé en vertu des décisions précitées – sur la base des progrès réalisés à ce jour par cet organe.

Au titre du point 4 de l'ordre du jour, intitulé « Arrangements internationaux efficaces pour garantir les États non dotés d’armes nucléaires contre l’emploi ou la menace de ces armes », la Conférence négocierait, en vue de parvenir à un accord, sur les questions examinées par l'organe subsidiaire 4 – également créé en vertu des décisions précitées – sur la base des progrès réalisés jusqu'ici par cet organe.

Enfin, au titre du point 5, « Nouveaux types et systèmes d'armes de destruction massive ; armes radiologiques » ; du point 6, « Programme global de désarmement » ; et du point 7, « Transparence dans le domaine des armements », la Conférence négocierait, en vue de parvenir à un accord, sur les questions examinées par l'organe subsidiaire 5 – également créé en vertu des décisions précitées – en s'appuyant sur les progrès déjà réalisés par cet organe.

Au cours de l’échange de vues qui s’est noué autour de ce projet, l’Équateur a approuvé la volonté de revoir les méthodes de travail et la composition de la Conférence, de même que la prise en compte des travaux réalisés par les organes subsidiaires en 2018. Mais l’Équateur a regretté que le projet ne mentionne pas l’objectif final des négociations, soit l’adoption d’instruments internationaux contraignants. La République arabe syrienne, Cuba et le Mexique ont également insisté sur ce dernier point.

La République islamique d’Iran et l’Égypte ont demandé des précisions sur le mandat et les tâches des deux coordonnateurs dont la création est envisagée par la version révisée de ce projet de programme de travail. L’Iran a insisté sur le fait que les travaux devaient absolument rester centrés sur les mandats fondamentaux de la Conférence. La Pologne a estimé qu’une réflexion sur ces deux questions (méthodes de travail et composition) permettrait à la Conférence de mieux se préparer pour l’avenir. L’Indonésie a recommandé, pour sa part, que les deux mandats de coordonnateurs soient fusionnés en un seul.

Le Brésil a regretté que l’organe subsidiaire sur les garanties négatives de sécurité n’ait pu adopter de rapport l’an dernier. Le pays n’en a pas moins apporté son soutien au projet de programme de travail du Président.

L’Inde s’est dite favorable à l’ouverture de négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, conformément au mandat Shannon.

Le Chili a recommandé que la Conférence se focalise sur les domaines dans lesquels elle peut effectivement avancer, soit les matières fissiles et les garanties négatives de sécurité.

La Fédération de Russie a dit espérer que la mention à l’Agenda pour le désarmement présenté par le Secrétaire général en 2018 sera complètement et définitivement éliminée du programme de travail ; en effet, cet Agenda – « reflet du point de vue personnel de M. Guterres » – n’a pas de lien avec l’ordre du jour de la Conférence, a estimé la Fédération de Russie. Les États-Unis ont également fait part de leurs réserves quant à la mention de l’Agenda pour le désarmement du Secrétaire général, pour le même motif. Les États-Unis ont estimé que le seul objet « mûr » pour une négociation à la Conférence était un traité d’interdiction de la production de matières fissiles.

Pour l’Indonésie, l’Agenda du Secrétaire général, s’il peut contribuer aux efforts de désarmement, ne constitue cependant qu’une publication des Nations Unies. Le pays a dit craindre que la mention de ce document dans le préambule du programme de travail « ne constitue un précédent ». L’Argentine a proposé que la Conférence « prenne note » des questions soulevées par le Secrétaire général dans son Agenda.

La Turquie a, pour sa part, recommandé de prolonger les travaux des organes subsidiaires créés l’an dernier, à condition que cela ne détourne pas l’attention de la Conférence des enjeux fondamentaux. Le Venezuela a jugé particulièrement importante la question des garanties de sécurité accordées aux pays non dotés de l’armes nucléaires. L’Autriche a fait observer que le projet de programme allait mettre à l’épreuve la volonté politique des États en matière de désarmement.

Plusieurs délégations se sont interrogées sur le calendrier des travaux prévus par le projet de programme de travail soumis par le Président de la Conférence.

L’Équateur a d’autre part exprimé sa préoccupation suite à la décision des États-Unis et de la Fédération de Russie de suspendre leur participation au Traité sur les armes nucléaires à portée intermédiaire (FNI) : l’Équateur a appelé les deux pays à revenir sur cette décision.


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