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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND DES ÉCHANGES SUR DES QUESTIONS SOULEVÉES LORS DU DÉBAT DE HAUT NIVEAU QUI S'EST TERMINÉ HIER

Compte rendu de séance
Elle examine par ailleurs une proposition de programme de travail soumise par la présidence britannique

La Conférence du désarmement a entendu ce matin des déclarations du Venezuela, de la République islamique d'Iran, de la Roumanie, des États-Unis, de la Pologne et de la Fédération de Russie, qui ont abordé des questions soulevées lors du débat de haut niveau qui s'est tenu au cours de la première moitié de cette semaine. Elle a également porté son attention sur une proposition de programme de travail soumise par le Président du Conseil, M. Aidan Liddle.

Le Venezuela est intervenu pour dénoncer les préparatifs et menaces d'intervention des États-Unis contre son pays. Il a aussi condamné les tentatives de spolier le peuple vénézuélien du résultat des élections de mai 2018. Les États-Unis ont nié préparer une guerre contre le peuple vénézuélien, tout en mettant en doute la légitimité du résultat des élections de 2018. Ils ont aussi jugé catastrophique le fait que la Conférence du désarmement sera présidée par le Venezuela au mois de juin.

Pour sa part, la République islamique d'Iran a relevé que le Vice-Président des États-Unis cherchait à inciter les alliés des États-Unis à abandonner eux aussi l'accord sur le nucléaire iranien. La délégation a en outre déclaré que les États-Unis avaient financé des mouvements terroristes, notamment les moujahidines qui se sont battus contre l'Union soviétique en Afghanistan. À cet égard, les États-Unis ont estimé incontestable que l'Iran avait retenu quarante diplomates américains en otage pendant plus de 400 jours, qu'il développe un programme nucléaire et qu'il fournit des armes au Hezbollah.

La Fédération de Russie a fait observer que personne n'avait jamais présenté de preuves que le système de lancement vertical Mk 41 VLS déployé en Roumanie et en Pologne était vraiment différent de celui qui est utilisé pour lancer des missiles à portée intermédiaire. Les délégations de Roumanie et de Pologne ont tenu à préciser que les lanceurs de missiles évoqués avaient un but uniquement défensif. S'agissant de la déclaration faite hier par la délégation russe dans le cadre du débat de haut niveau au sujet du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, les États-Unis ont estimé que les «sources de tension» résidaient dans les violations par la Fédération de Russie de nombreux traités et dans son annexion de la Crimée, entre autres.

Le texte concernant le programme de travail de la conférence pour 2019, soumis par le Président de la Conférence, M. Aidan Liddle du Royaume-Uni, prévoit la création de quatre organes subsidiaires chargés des questions suivantes: désarmement nucléaire ; matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ; prévention d'une course aux armements dans l'espace ; et arrangements internationaux efficaces pour garantir les États non dotés d'armes nucléaires contre l'emploi ou la menace de ces armes. La paragraphe 2 du projet précise que le but des organes subsidiaires serait notamment d'envisager des mesures efficaces, y compris des instruments juridiques pour des négociations et d'approfondir les discussions techniques. Le texte prévoit aussi la nomination de coordonnateurs sur chacun de ces points et propose également que la Conférence nomme un coordonnateur spécial chargé des questions émergentes et des nouvelles technologies, ainsi qu'une «troïka» de coordonnateurs chargés des méthodes de travail et de l'élargissement de la Conférence.

Les délégations suivantes ont pris part à la partie publique du débat sur cette question : Argentine, Pologne, Bélarus, États-Unis, Équateur, Indonésie, Finlande, Chili, Brésil, Afrique du Sud, Mexique, Australie, France, Égypte, Chine, Iran, Pakistan, Turquie, Fédération de Russie, Cuba et Inde.

En fin de séance, le Président a remercié les délégations de leurs observations sur son projet de programme de travail et indiqué qu'un nouveau projet de proposition était en cours de rédaction, qui tiendra compte de toutes les observations faites par les délégations s'agissant, notamment, des mandats des organes subsidiaires et de la conduite des travaux des coordonnateurs spéciaux. M. Liddle a assuré les membres de sa disponibilité pour des consultations bilatérales.


La prochaine réunion plénière de la Conférence aura lieu mardi 5 mars à 10 heures.


Déclarations

Le Venezuela a regretté que la Conférence soit utilisée pour porter des jugements de valeurs sur des affaires internes relevant du peuple et du Gouvernement du Venezuela. La délégation a dénoncé le coup d'État encouragé par le gouvernement de Donald Trump contre le Gouvernement vénézuélien, ainsi que les préparatifs et menaces visant à envahir son pays. Elle a aussi déploré que l'on tente actuellement de spolier le peuple vénézuélien du résultat des élections de mai 2018. La délégation a mis en garde contre les conséquences dramatiques d'une guerre lancée par le gouvernement des États-Unis. Elle a cité le porte-parole de la Commission de l'Union européenne, Mme Maja Kocijanèiè, selon laquelle «l'Union européenne estime indispensable d'éviter une intervention militaire des États-Unis contre le Venezuela». La délégation a dénoncé en outre le vol de 35 milliards de dollars, propriété du peuple vénézuélien. Elle a affirmé que la prétendue aide humanitaire des États-Unis, composée d'aliments et de médicaments contaminés, avait en réalité entraîné des dégâts pour 20 millions de dollars.

La République islamique d'Iran a constaté que la longue déclaration faite par les États-Unis hier matin non seulement n'avait aucun rapport avec l'ordre du jour de la Conférence, mais aussi contenait des accusations sans fondement. Elle a relevé que le Vice-Président Pence a incité les alliés des États-Unis à abandonner eux aussi l'accord sur le nucléaire iranien. Elle a en outre assuré que les États-Unis avaient eux-mêmes financé des mouvements terroristes, notamment les moudjahidines qui se sont battus contre l'Union soviétique en Afghanistan. La Conférence n'est pas un théâtre, a fait observer l'Iran.

La Roumanie a jugé sans fondement l'établissement d'un lien entre le système Deveselu de défense contre les missiles balistiques qui se trouve sur son sol et le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), puisque ce système n'est pas couvert par le Traité. La Roumanie a insisté sur le fait que le système Deveselu, partie intégrante du dispositif de l'OTAN de défense contre les missiles balistiques, a une fonction uniquement défensive. Elle a assuré que la Fédération de Russie avait reçu de la part de la Roumanie et de ses alliés de l'OTAN toutes les explications et assurances nécessaires.

Les États-Unis ont expliqué que plusieurs pays s'étaient levés et avaient quitté la salle du Conseil et le Conseil des droits de l'homme, hier, en protestation contre les visites de dignitaires du régime de Maduro. Il est faux de dire que les États-Unis orchestrent une guerre contre le peuple vénézuélien : au contraire, le gouvernement Maduro mène la guerre à son propre peuple, ce dont témoigne le départ de trois millions de Vénézuéliens de leur pays, ce qui a de graves conséquences au niveau régional. Les États-Unis ont aussi mis en doute la légitimité du résultat des élections de 2018. Il serait catastrophique pour la Conférence du désarmement d'être présidée par le Venezuela, ont mis en garde les États-Unis.

S'agissant de l'Iran, les États-Unis ont dit qu'il était incontestable que l'Iran avait retenu quarante diplomates américains en otage pendant plus de 400 jours ; qu'il développe un programme nucléaire ; et qu'il fournit des armes au Hezbollah.

Concernant la déclaration faite hier par la Fédération de Russie, les États-Unis ont estimé que les «sources de tension» résident dans les violations par la Fédération de Russie de nombreux traités, notamment le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et la Convention sur les armes chimiques et le document de Vienne. En outre, hier a marqué le cinquième anniversaire de l'occupation illégale et de l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie. La Fédération de Russie doit commencer à se comporter de façon responsable, à mettre un terme à ses actes pernicieux, ont demandé les États-Unis.

La Pologne a dit avoir informé son partenaire russe, à plusieurs occasions, que les lanceurs de missiles évoqués par la Fédération de Russie hier ont un but uniquement défensif. La Pologne n'est pas intéressée par l'achat de systèmes de missiles offensifs, a-t-elle assuré.

L'Iran a rappelé que la prise d'otage de diplomates américains s'était inscrite dans la révolte du peuple iranien, il y a quarante ans, contre une dictature brutale soutenue par les États-Unis. L'Iran a dit qu'il n'y avait aucune excuse à fournir pour un tel mouvement de révolte. Il a aussi évoqué le sort du Premier Ministre Mossadegh, dans les années 1950, et la livraison d'armes à l'Iraq en guerre contre l'Iran, dans les années 1980.

La Fédération de Russie a déclaré que personne n'avait jamais présenté de preuves que le système de lancement vertical Mk 41 VLS déployée en Roumanie et en Pologne est vraiment différente de celle qui est utilisée pour lancer des missiles à portée intermédiaire. Elle a demandé aux États-Unis de montrer les éléments dont ils disposent pour lever cette préoccupation et une discussion de fond et professionnelle pourrait alors s'engager. La Fédération de Russie est prête à prendre des mesures de confiance mutuelle, contrairement aux États-Unis, qui n'ont jamais répondu aux propositions de Moscou, a-t-elle regretté.

Les États-Unis ont déclaré que l'Iran avait fait passer un message important en refusant de s'excuser pour la violation du droit international qu'avait été la prise en otage des diplomates américains.

Répondant à la Fédération de Russie, les États-Unis ont assuré n'avoir ménagé aucun effort pour essayer de résoudre la question de la violation par la Fédération de Russie du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. À ce stade, plus personne n'écoute les discours de la Fédération de Russie sur cette question, ont relevé les États-Unis : ce pays doit respecter le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, tel est le jugement de la communauté internationale, ont dit les États-Unis.

L'Iran a assuré que son pays ne s'excuserait pas d'avoir expulsé, il y a quarante ans, un dictateur soutenu par les États-Unis. Il a aussi condamné la privation de médicaments au détriment de la population iranienne du fait des sanctions américaines.

Les États-Unis ont rappelé qu'ils condamnaient toute prise de diplomates en otage.

Examen de la question du programme de travail

Le Président de la Conférence, M. AIDAN LIDDLE, du Royaume-Uni, a invité les délégations à s'exprimer sur le projet de programme de travail qu'il a fait circuler la semaine dernière.

Pour l'Argentine, la proposition du Président offre l'occasion de réanimer la Conférence alors qu'elle marque cette année son quarantième anniversaire. Les mandats proposés par la présidence britannique reflètent l'état d'avancement des débats sur les différents thèmes, a constaté l'Argentine. Elle a estimé utile la proposition de désigner une « troïka » de coordonnateurs représentant les groupes régionaux, qui seraient chargés de la question de l'élargissement et des méthodes de travail de la Conférence.

La Pologne a estimé que l'adoption du programme permettrait d'avancer dans le débat sur les thèmes des organes subsidiaires, ce qui irait dans le sens d'une reprise des négociations au sein de la Conférence.

Le Bélarus a jugé logique l'approche consistant à rationaliser les activités de la Conférence en vue de lui faire reprendre ses travaux de fond. Le Bélarus s'est dit opposé à la division des points à l'ordre du jour entre questions «principales» et «accessoires». Il a suggéré que le coordonnateur spécial sur les méthodes de travail s'inspire du mode de fonctionnement d'autres instances internationales. Le Bélarus a regretté enfin la politisation croissante des travaux de la Conférence.

Les États-Unis ont salué un document «robuste» et estimé que la désignation de coordonnateurs spéciaux sur les méthodes de travail et l'élargissement était une très bonne manière d'aller de l'avant.

Faute de pouvoir encore adopter un mandat de négociation clair, l'Équateur a jugé que la proposition du Président était bien équilibrée. Il n'a pas émis d'objection à la proposition de nommer des coordonnateurs. Pour pouvoir adopter les propositions du Président, l'Équateur devra connaître les noms des coordonnateurs et le calendrier des réunions.

L'Indonésie a regretté que la Conférence ait fait un pas en arrière du fait qu'elle soit saisie d'un projet de décision plutôt que d'un programme de travail. Elle a aussi constaté un déséquilibre dans l'importance accordée aux mandats des organes subsidiaires qu'il est proposé de créer. L'Indonésie a rappelé que les garanties négatives de sécurité sont une priorité pour le G21. Elle a proposé d'instaurer une rotation parmi les coordonnateurs.

La Finlande a estimé que le projet était susceptible de trouver un consensus parmi les membres. Elle a salué la méthode de travail inclusive du Président.

Le Chili a jugé important que, face au manque de volonté politique, des efforts soient faits pour préserver le rôle délibératif de la Conférence en prévision de la réalisation d'un mandat de négociation. Le projet reflète un effort sincère d'équilibrer les intérêts des États membres, a relevé avec satisfaction le Chili. Il a aussi salué l'idée de nommer un coordonnateur spécial chargé d'étudier les conséquences des questions émergentes et des nouvelles technologies, et fait observer que les nouvelles technologies doivent être analysées sous différents angles. Le Chili s'est aussi dit favorable depuis toujours à l'élargissement de la composition de la Conférence dans le respect de la représentation géographique et de ses objectifs.

Le Brésil a dit soutenir la proposition du Président, qui est une alternative « naturelle par rapport à un programme de travail complet pour lequel il faudra quand même tenter des efforts sérieux, comme ce fut le cas pendant la présidence de l'Ukraine ». Le Brésil a insisté en particulier sur l'importance, en 2019, de progresser et de ne pas se contenter de reprendre ce qui a été fait en 2018.

L'Afrique du Sud a recommandé que soient clairement définis, dans le projet du Président, le mandat des coordonnateurs ainsi que la notion de «méthodes de travail».

Le Mexique, a souhaité un lien plus direct entre les compétences des organes subsidiaires et les thèmes inscrits à l'ordre du jour de la Conférence. Il a regretté que le texte soumis à la Conférence limite le champ de la discussion sur le désarmement nucléaire à la seule réduction des risques, et souhaité que le mandat de l'organe subsidiaire sur les garanties négatives de sécurité soit plus clair. S'agissant du but des organes subsidiaires, le Mexique a insisté sur la nécessité d'identifier des éléments spécifiques qui permettent de négocier des mesures efficaces – et notamment des instruments juridiques contraignants. Le Mexique a par ailleurs félicité l'Afrique du Sud et le Zimbabwe de leur ratification récente du Traité d'interdiction des armes nucléaires pour l'un et du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires pour l'autre.

L'Australie a jugé intéressante la recommandation du Bélarus relative à l'examen, par le coordonnateur chargé des méthodes de travail, des meilleures pratiques d'autres forums.

Pour la France, si le réalisme impose de privilégier la voie des organes subsidiaires, cette démarche permet aussi de renouer avec le mandat de négociation de la Conférence, en préparant le terrain grâce à une meilleure compréhension des enjeux. La France estime notamment qu'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles est le sujet le plus mûr et qu'il doit rester la priorité de la Conférence. S'agissant de l'organe subsidiaire relatif à la prévention d'une course aux armements dans l'espace, l'adoption d'un document politique, tel qu'un code de conduite, est pour la France la solution la plus réaliste dans ce domaine.

L'Égypte a regretté le manque de clarté quant au mode d'adoption des rapports finals des organes subsidiaires qu'il est proposé de créer. Elle a douté que la nomination d'un coordonnateur spécial sur les «nouveaux enjeux» soit à même de faire avancer le débat.

La Chine a souligné l'attente générale pour que la Conférence reprenne ses travaux sur la base d'un programme de travail complet, équilibré et consensuel, conformément aux vœux de la communauté internationale. Ce serait un signe positif avant la prochaine réunion préparatoire de la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, en 2020. La Chine a estimé que les mandats et les champs de compétence des organes subsidiaires devraient être définis de manière plus précise et alignés sur l'ordre du jour de la Conférence. La Chine pense par ailleurs que les propositions s'agissant des coordonnateurs spéciaux ne seront pas suivies par la Conférence. Elle juge aussi utile de créer un organe subsidiaire sur les technologies émergentes et le programme de désarmement, comme l'an dernier.

L'Iran a plaidé pour un document plus court et plus ciblé, et pour l'ajout, dans la description des organes subsidiaires de la mention d'un instrument juridique contraignant. L'Iran n'est pas convaincu de la pertinence d'un coordonnateur spécial sur la question des méthodes de travail

Le Pakistan a estimé qu'en l'état, des discussions de fond sans préalable seraient les plus utiles. Il a recommandé que les rapports des coordonnateurs soient factuels et établis à titre personnel, sans préjudice des positions nationales. Le Pakistan a ensuite fait des propositions concernant le libellé relatif aux mandats des organes subsidiaires.

La Turquie a recommandé que les organes subsidiaires adoptent des rapports de consensus qui permettent de poursuivre les débats jusqu'à la session suivante. Elle a aussi recommandé que les questions de procédure fassent l'objet d'un projet séparé.

La Fédération de Russie et Cuba ont demandé que la conférence tienne maintenant des débats informels sur d'autres questions.

Les États-Unis ont dit ne pas accepter que les questions de fond et les méthodes de travail, ainsi l'élargissement de la Conférence, fassent l'objet de décisions séparées.

L'Inde a salué les efforts de la présidence pour faire avancer les travaux de fond de la Conférence. Elle a insisté sur l'importance de préserver le format des organes subsidiaires. L'Inde estime que la Conférence pourrait ouvrir une négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, ce sujet étant actuellement le plus mûr.


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CD19.016F