Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU ROYAUME-UNI
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport présenté par le Royaume-Uni sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Présentant le rapport de son pays, Mme Elysia McCaffrey, Directrice adjointe du Bureau des égalités gouvernementales, a assuré que le Gouvernement britannique prenait très au sérieux les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Elle a précisé que, si le Gouvernement est responsable de la législation en matière d'égalité, certains pouvoirs relèvent de la compétence des Gouvernements de l'Écosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord, dont plusieurs concernent les questions relatives à l'égalité. L'accord de décentralisation du Royaume-Uni signifie que les administrations décentralisées assument la responsabilité principale en matière de respect et de mise en œuvre des obligations internationales dans les domaines qui leur ont été confiés. Afin d'éliminer toute forme de violence à l'égard des femmes et des filles, la législation a été renforcée et de nouvelles infractions ont été introduites, portant notamment sur les mutilations génitales et le mariage forcé. Mme McCaffrey a indiqué avoir pris note des inquiétudes formulées par les experts du Comité s'agissant du départ imminent de son pays de l'Union européenne, précisant que son pays s'apprêtait à quitter l'Europe de la meilleure manière possible et que cela ne changerait rien quant aux engagements pris en faveur du respect des droits de l'homme.
L'importante délégation du Royaume-Uni était également composée de représentants des gouvernements de l'Écosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord, ainsi que d'experts du gouvernement dans les domaines de l'égalité des sexes, de l'emploi, de la justice, des migrations. Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, de la représentation des femmes au sein du gouvernement; de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre la traite et la prostitution; du phénomène des mariages forcés; des femmes en détention.
Plusieurs expertes ont exprimé des inquiétudes sur l'absence de transposition juridique de la Convention dans la législation interne du pays. Des discriminations persistent au Royaume-Uni, notamment à l'encontre des femmes en détention ou des femmes migrantes. Les autres préoccupations ont principalement porté sur la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne et des conséquences sur les femmes et les travailleurs.
Le Comité doit adopter, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Royaume-Uni qui seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 8 mars prochain.
Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport périodique de l'Angola (CEDAW/C/AGO/7).
Présentation du rapport
Le Comité est saisi du rapport périodique du Royaume-Uni (CEDAW/C/GBR/8 et annexe) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait adressée le Comité (CEDAW/C/GBR/Q/8/Add.1).
MME ELYSIA MCCAFFREY, Directrice adjointe du Bureau des égalités gouvernementales, a rappelé l'importance pour son pays de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Gouvernement britannique prend très au sérieux les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et s'efforce de les respecter. Il dispose de solides protections en matière des droits de l'homme et respecte ses obligations internationales inscrites dans la loi de 2010 sur l'égalité et la loi de 1998 sur les droits de l'homme.
Si le Gouvernement britannique est responsable de la législation en matière d'égalité, certains pouvoirs relèvent de la compétence des gouvernements de l'Écosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord, dont plusieurs concernent les questions relatives à l'égalité. L'accord de décentralisation du Royaume-Uni, a précisé Mme McCaffrey, signifie que les différentes administrations assument la responsabilité principale du respect et de la mise en œuvre des obligations internationales dans les domaines qui leur ont été confiés. Le transfert des responsabilités a été un processus positif et habilitant. Pour l'Irlande du Nord, l'accord de Belfast conclu en 1998 - lui-même un accord international - a créé un règlement de décentralisation en Irlande du Nord, a rappelé la chef de la délégation. Il a toutefois souligné que l'Assemblée d'Irlande du Nord, créée en 1998, est aujourd'hui suspendue depuis janvier 2017. La priorité absolue du Gouvernement demeure le rétablissement d'un gouvernement décentralisé de partage du pouvoir en Irlande du Nord. La situation actuelle ne doit pas déroger au principe selon lequel il appartient aux administrations décentralisées de veiller au respect des droits de l'homme.
S'agissant des territoires d'outre-mer, ils ne font pas constitutionnellement partie du Royaume-Uni et, par conséquent, la protection et la promotion des droits de l'homme relèvent principalement de la responsabilité des gouvernements de ces territoires. Mme McCaffrey a précisé que le Gouvernement britannique avait fait passer de trois à sept le nombre de territoires d'outre-mer auxquels s'applique la Convention. Plus de 70 000 femmes et filles d'Anguilla, des Bermudes, des îles Caïmans et du groupe territorial de Sainte-Hélène bénéficient ainsi d'une meilleure protection contre la discrimination et la violence.
Sur la question de la représentativité des femmes, la représentante britannique a fait valoir que les femmes occupent aujourd'hui des postes plus élevés qu'auparavant dans la haute fonction publique; 71 % de femmes de 16 à 64 ans occupent un emploi; l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes n'est plus que de 17,9 %; tandis qu'1,2 million d'entreprises sont dirigées par des femmes. Ces résultats ont été obtenus grâce à une combinaison de réformes et de mesures qui transforment la vie des femmes. En novembre 2018, le Gouvernement a octroyé un financement supplémentaire de 500 000 livres sterling pour aider les personnes confrontées à des obstacles à intégrer le marché du travail.
Afin d'éliminer toute forme de violence à l'égard des femmes et des filles, la loi a été renforcée et de nouvelles infractions ont été introduites, portant notamment sur les mutilations génitales et le mariage forcé. Des efforts considérables ont été consentis pour lutter contre la violence, le harcèlement et les attitudes intimidantes et dégradantes.
Concernant l'avortement, le chef de la délégation a reconnu qu'il s'agissait d'une question délicate au Royaume-Uni. C'est ainsi que le Gouvernement a pris des dispositions pour aider les femmes résidant en Irlande du Nord à pouvoir bénéficier de services d'avortement médicalisés en Angleterre.
Enfin, abordant la question du départ imminent de son pays de l'Union européenne, Mme McCaffrey a indiqué avoir pris note des inquiétudes formulées par les experts du Comité. Elle a tenu à les rassurer en précisant que son pays s'apprêtait à quitter l'Europe de la meilleure manière possible et que cela ne changerait rien quant aux engagements pris en faveur du respect des droits de l'homme. Le Royaume-Uni a toujours été un pays avant-gardiste dans la formulation de lois conformes au respect des droits de l'homme.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a d'emblée fait part de ses inquiétudes concernant la sortie du Royaume-Uni de l'Europe et de son impact sur la condition de la femme et sur la situation économique et sociale, notamment pour les plus pauvres.
Plusieurs experts ont exprimé leurs préoccupations concernant à la transposition de la Convention dans le droit interne britannique. La Convention, a rappelé une experte, appelle une véritable démarche de transposition juridique dans la Constitution d'un pays. Pourtant, le Royaume-Uni n'a toujours pas amendé sa législation afin de transposer toutes les dispositions de la Convention. Des discriminations persistent au Royaume-Uni, notamment à l'encontre des femmes en détention ou des femmes migrantes et cela montre, a dit l'experte, qu'il existe des pans de la législation qui ne sont toujours pas suffisamment couverts. Un autre membre du Comité a voulu savoir comment le Royaume-Uni s'assurait que les différents gouvernements comprennent les responsabilités qui leur incombent, notamment s'agissant du Gouvernement d'Irlande du Nord. Il serait utile que le Gouvernement du Royaume-Uni réaffirme l'intention du pays de faire de la Convention un moteur positif du développement, notamment à l'approche du Brexit, et construise un modèle de société qui repose sur les fondements de la Convention.
Un expert a abordé la question des territoires d'outre-mer qui sont toujours en attente d'initiatives relatives à la lutte contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes afin de mettre en œuvre la Convention. Le Royaume-Uni ne devrait-il pas plutôt jouer un rôle actif de chef de file, a-t-il demandé.
Un expert a rappelé que le Royaume-Uni avait été l'un des premiers pays au monde à accorder aux femmes le droit de vote. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées pour parvenir à une meilleure parité, mais à ce jour le Parti travailliste est le seul à avoir instauré des quotas internes. L'expert a demandé à la délégation comment le Gouvernement envisageait de parvenir à la parité.
Une experte a interrogé la délégation sur les mesures que le Gouvernement britannique envisageait de prendre en matière d'orientation professionnelle afin de garantir notamment l'égalité d'accès aux professions et de lutter contre toutes formes de discrimination et de harcèlement à l'école.
Le service de santé au Royaume-Uni est gratuit et représente l'un des meilleurs exemples internationaux, a noté une experte. Toutefois, il semble aujourd'hui qu'il soit victime d'une forme de surcharge. En l'absence d'exécutif fonctionnel en Irlande du Nord, il n'y a toujours aucune avancée sur la question de l'avortement, a observé l'experte. S'agissant de la santé mentale, l'experte s'est dit surprise par l'augmentation du nombre de cas, notamment parmi les jeunes femmes, les femmes en prison, les femmes migrantes et les victimes de la traite.
Une experte a noté que le Royaume-Uni était la cinquième puissance économique mondiale, avec toutefois un cinquième de sa population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Quelles sont les mesures temporaires spéciales prises par le Gouvernement face à cette situation. Par ailleurs, qu'en est-il de l'augmentation des politiques d'austérité et de leurs effets sur les femmes et les enfants, a-t-elle demandé.
Une experte a souhaité davantage de précisions sur les divorces et notamment dans le cadre de divorces religieux. Les femmes demeurent-elles mariées religieusement après un divorce civil. Quelles mesures le Gouvernement prend-il pour lutter contre les mariages forcés, qui représenteraient 25% des mariages au Royaume-Uni.
Une experte a aussi souhaité davantage de précisions s'agissant des femmes en détention et sur les procédures migratoires et les détentions des femmes migrantes. Il semble que le taux de femmes en détention au Royaume-Uni soit parmi les plus élevés d'Europe.
Réponses de la délégation
S'agissant de la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne, la délégation a indiqué que cela n'empêcherait pas son gouvernement de continuer à prendre des mesures en vue d'assurer la place des femmes dans la société et de respecter les droits de l'homme
Concernant la transposition de la Convention dans le droit interne, la délégation a rappelé que les droits prévus dans la Convention sont déjà largement pris en compte dans sa législation nationale. Le Royaume-Uni reste attaché à mettre en œuvre toutes les obligations qui lui incombent au titre de la Convention. Répondant aux questions sur l'Irlande du Nord et les négociations en cours sur le partage du pouvoir, la délégation a rappelé que tous les gouvernements décentralisés sont dans l'obligation de faire respecter la Convention.
S'agissant des territoires d'outre-mer, la délégation a précisé qu'il y avait encore un certain nombre de territoires dans lesquelles la Convention n'a pas été étendue.
Abordant la question de la représentativité des femmes dans tous les domaines de la société, la délégation a, une nouvelle fois, énuméré les nombreux progrès réalisés, à savoir l'augmentation à 71% du nombre de femmes employées, la réduction de l'écart salarial, ou une meilleure représentation en politique. Dans le cadre de la célébration en 2018 du centenaire de droit de vote des femmes au Parlement britannique, quelque 5 millions de livres ont été allouées par le Gouvernement pour diverses campagnes de sensibilisation sur ces questions. Des fonds ont également été alloués pour permettre une meilleure représentation des femmes dans les partis politiques ou aux femmes de se présenter à des élections. En résulte un Parlement particulièrement diversifié et représentatif du peuple. En Écosse, la représentation des femmes au sein du gouvernement se situe autour de 50% au niveau des cabinets ministériels. En Irlande du Nord, il existe depuis 1998 une responsabilité de respecter l'égalité homme-femme dans le secteur public. Actuellement, l'absence de gouvernement en fonction ne permet pas d'examiner ces politiques d'égalité et d'évaluer leur impact.
Répondant à des questions sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention relatives aux violences faites aux femmes, à la traite et la prostitution, la délégation a d'emblée précisé le rejet de son gouvernement de la pratique des mutilations génitales féminines. Beaucoup reste à faire pour une meilleure compréhension de cette question et sur la manière dont cela impacte les femmes. La publicité est réglementée par des normes et les publicitaires doivent les respecter notamment lorsqu'il s'agit des stéréotypes de genre.
Au Pays de Galles, une démarche globale a été adoptée sur l'esclavage et la prostitution. Le Gouvernement travaille en étroite collaboration avec des organisations du secteur public et privé pour déterminer l'aide à fournir aux victimes. Une formation pour accompagner les victimes a été mise en place et développée il y a quelques années et plus de 30 000 travailleurs ont ainsi été formés. Même si la Gouvernance en Écosse est solide, le gouvernement a estimé qu'il était important de sensibiliser sur ce fléau qu'est l'esclavage moderne. En Écosse également, un programme a vocation à combattre les violences à l'encontre des femmes sous toutes leurs formes, y compris les femmes victimes d'exploitation sexuelle, a fait valoir la délégation.
Le Gouvernement britannique prend très au sérieux tous les crimes de haine et a adopté en 2016 un Plan contre la haine, qui a été mis à jour en 2018. En juillet 2017, un plan d'action doté de 17 millions de livres a également été mis en place.
S'agissant d'une meilleure représentation des femmes dans les partis politiques et l'objectif d'une parité de représentation des femmes au Parlement, la délégation a assuré que le Gouvernement reconnaissait la nécessité d'une meilleure diversité à l'échelle politique et que cela incombait également aux différents partis politiques. La représentante du Ministère de la justice a assuré, chiffre à l'appui, que dans son domaine des progrès avaient été réalisés en matière d'équité tout en ayant conscience que davantage devait être fait.
Abordant les questions relatives à l'éducation, la déléguée d'Irlande du Nord a indiqué que son gouvernement avait adopté une stratégie de formation du personnel enseignant afin de permettre une meilleure inclusion des questions de genre dans l'enseignement. Une loi de 2016 s'attaque à toutes formes de harcèlement. Au Pays de Galles, il existe un plan d'éducation rural, ainsi que des bourses versées pour les plus petites écoles. L'objectif est d'encourager l'innovation et le recours aux technologies modernes, c'est pourquoi un appui administratif est fourni aux enseignants et un programme de formation numérique est destiné aux plus jeunes.
En réponse à des questions de membres du Comité, la délégation a déclaré que les personnes impliquées dans des activités terroristes au Royaume-Uni venaient de tous les horizons et qu'elles s'étaient radicalisées par différents moyens. Le gouvernement apporte un soutien aux personnes les plus vulnérables et met tout en œuvre pour faire face à cette menace.
Répondant à des questions concernant la situation dans les institutions carcérales, la délégation a indiqué que trois suicides ont eu lieu en prison l'an passé contre 12 en 2016. Il s'avère qu'en prison les femmes ont beaucoup plus de chances de s'infliger des blessures et quelque 2500 incidents sont relevés par an, ce qui est cinq fois plus que chez les hommes.
Une représentante du gouvernement écossais a indiqué que son administration avait pris des mesures en faveur de l'autonomisation des personnes handicapées et un document devrait prochainement être publié sur ce sujet, faisant écho aux engagements pris par le gouvernement.
La délégation a affirmé que toutes les garanties étaient prises par le Gouvernement britannique pour limiter le temps de détention. Ainsi, 90% des détenus ont quitté les centres de détention après quatre mois et 60% dans les 29 jours. La délégation a précisé que la limite maximum était de 72h pour les femmes enceintes.
En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment indiqué que des consultations étaient actuellement menées par le Gouvernement britannique sur la question du divorce et notamment du divorce dit «sans faute».
Conclusions
MME MCCAFFREY, chef de la délégation britannique, a remercié le Comité pour la poursuite sans faille en faveur de la cause des femmes. Elle a indiqué que sa délégation avait pris bonne note des question soulevées par le Comité et qu'elle répondrait par écrit à des questions qui n'ont pas obtenu de réponse dans le cadre des questions de suivi des experts. Il s'agit d'un moment extrêmement important en ce qui concerne toutes ces questions. Le Gouvernement britannique reste conscient qu'un long chemin reste encore à parcourir.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CEDAW/19/09F