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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE MAURICE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par Maurice sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport a été présenté par le Ministre de la justice, des droits de l'homme et des réformes institutionnelles de Maurice, M. Maneesh Gobin, qui a insisté sur la volonté de son pays de devenir une nation inclusive à haut revenu et sur la priorité qu'il accorde aux mesures visant à attirer les investisseurs étrangers tout en veillant à développer un secteur privé compétitif et diversifié. Des mesures financières ont été prises pour en faveur de l'amélioration du niveau de vie qui ont permis d'améliorer les revenus de quelque 100 000 travailleurs. En outre, le salaire minimum a été revalorisé et un plan de lutte contre la pauvreté a été mis en place en faveur de 11 000 familles. Maurice œuvre constamment à la consolidation de son État providence, preuve en étant que les trois ministères les mieux dotés sont ceux chargés de la sécurité sociale, de l'éducation et de la santé. En outre, ces dernières années, l'État a amélioré de manière importante le régime universel de pensions de base non contributives à destination des personnes âgées, des veuves, des personnes handicapées et des orphelins. Il a aussi attiré l'attention sur la création, en 2017, du Ministère des droits de l'homme.

La délégation mauricienne était également composée de représentants du Ministère de la justice, de la santé et de la qualité de la vie, du Ministère des finances et du développement économique et de Ministère des affaires étrangères, de l'intégration régionale et du commerce international. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du rôle du Ministère des droits de l'homme; de l'éventuelle ratification du Protocole facultatif au Pacte; de la lutte contre les inégalités salariales; de la situation des travailleurs immigrés; des prérogatives de l'inspection du travail; des emplois domestiques; et des quotas d'embauche des personnes handicapées; des problèmes de maltraitance des personnes âgées; des pensions de retraite; de la couverture des soins de santé; de la pauvreté et du développement de l'île Rodrigues; du statut de la langue créole; du conflit juridique avec le Royaume-Uni sur le statut de l'archipel des Chagos.

La délégation a donné beaucoup de précisions sur les programmes de lutte contre la pauvreté et sur le filet de protection sociale mis en place en faveur des populations vulnérables. Elle a aussi insisté sur les investissements économiques en faveur des petites et moyennes entreprises, destinés notamment à développer plus encore le tourisme.

Les membres du Comité ont en effet axé leurs questions sur les programmes de lutte contre le chômage, la pauvreté ou le décrochage scolaire des jeunes. Leur intérêt s'est aussi porté sur l'emploi des femmes, des personnes handicapées et des travailleurs étrangers en provenance du sous-continent indien. Le cas spécifique de l'île de Rodrigues a été abondamment souligné en raison du fort taux de pauvreté qui y sévit avec pour corollaire la marginalisation de la population locale. Le statut facultatif de l'enseignement du créole a aussi été abordé, alors que cette langue est parlée massivement par la population. Les experts se sont par ailleurs inquiétés des statistiques montrant une prévalence élevée des cas de maltraitance des personnes âgées. L'absence des organisations non gouvernementales mauriciennes à l'occasion de l'examen du rapport a suscité l'incompréhension des membres du Comité, la délégation s'en étonnant elle-même et assurant qu'une concertation étroite avait été établie entre le gouvernement et la société civile.

Les observations finales sur le rapport de Maurice seront rendues publiques à l'issue de la session qui se termine le 8 mars prochain.


Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport du Kazakhstan (E/C.12/KAZ/2 et annexe).


Présentation du rapport de Maurice

Le Comité est saisi du rapport de Maurice (E/C.12/MUS/5), ainsi que de ses réponses (E/C.12/MUS/Q/5/Add.1) à une liste de points à traiter (E/C.12/MUS/Q/5) que lui a adressée le Comité.

M. MANEESH GOBIN, Ministre de la justice, des droits de l'homme et des réformes institutionnelles de Maurice, a déclaré que son pays aspirait à devenir une nation inclusive à haut revenu, notant qu'il se classait déjà au vingtième rang sur 190 pour les facilités données aux activités commerciales, selon la Banque mondiale. Il a énuméré les investissements en infrastructures de transport actuellement en cours, dont la construction d'une ligne ferroviaire électrique de petit gabarit. Les îles périphériques ne sont pas exclues, M. Gobin mentionnant les investissements effectués dans le domaine des infrastructures à Rodrigues et dans l'archipel d'Agaléga, notamment en matière d'accès à internet. L'une des priorités du pays est d'attirer les investisseurs étrangers tout en veillant à développer un secteur privé compétitif et diversifié. L'État reconnaît que les petites et moyennes entreprises constituent le pilier du développement socio-économique. Les agriculteurs ne sont pas oubliés dans cet effort.

Depuis le précédent examen de Maurice devant le Comité, a été créé un Ministère des droits de l'homme en 2017 qui a mis sur pied un mécanisme spécial de rapport et de suivi. C'est ce dernier qui organise les consultations avec les organisations de la société civile. Le ministre a aussi fait valoir qu'une commission des plaintes avait été mise en place au sein de la police l'an dernier. Quant aux policiers, ils ont désormais le droit de se syndiquer.

Des mesures financières ont été prises en faveur de l'amélioration du niveau de vie qui ont permis d'augmenter les revenus de quelque 100 000 travailleurs. Le salaire minimum a été revalorisé et un « Plan Marshall contre la pauvreté » a été mis en place en faveur de 11 000 foyers, notamment en assurant la gratuité des fournitures scolaires. Le ministre a également fait valoir que des logements sociaux sont en cours de construction. Maurice prend des mesures pour consolider constamment son État providence, preuve en étant que les trois ministères les mieux dotés sont ceux chargés de la sécurité sociale, de l'éducation et de la santé.

En outre, ces dernières années, l'État a amélioré de manière importante le régime universel de pensions de base non contributives à destination des personnes âgées, des veuves, des personnes handicapées et des orphelins. Les personnes âgées bénéficient du transport gratuit et d'un certain nombre d'installations de loisir. Par ailleurs, quelque 3000 enfants handicapés ont droit à une allocation.

Maurice étant partie à la Convention 100 de l'Organisation internationale du travail, sur l'égalité de rémunération, le pays a transposé dans sa législation la notion «à travail égal, salaire égal». Le congé de maternité est passé de 12 à 14 semaines. Les pères ont droit à un congé de paternité de cinq jours. Près de 22 000 jeunes ont trouvé un emploi entre 2013 et 2018 grâce à un programme gouvernemental en leur faveur.

Le ministre a fait valoir que la loi a élargi la notion de violence domestique. Par ailleurs, un plan d'action contre la traite des personnes est en cours d'élaboration, tandis qu'une brochure à destination des travailleurs étrangers destinée à leur faire connaître leurs droits et leurs recours possibles doit être publiée le mois prochain qui contiendra des informations sur la traite.

La discrimination raciale et les discours de haine ne sont pas tolérés à Maurice, le Gouvernement étant attentif à tout ce qui pourrait menacer l'harmonie ethnique régnant dans l'archipel.

Un programme national de contrôle de la drogue et de la toxicomanie, en cours de finalisation, doit être mis en œuvre pour les trois prochaines années. Un Conseil de la drogue et du VIH/sida a été mis sur pied en début d'année, a aussi fait valoir le ministre, précisant que le taux de séropositivité demeurait inférieur à un pour cent, notamment grâce à la distribution gratuite de seringues. En outre, un centre de désintoxication des drogues synthétiques, dont l'usage est en hausse dans la jeunesse, est en place depuis l'an dernier. Les soins de santé sont gratuits à Maurice grâce aux investissements massifs de l'État dans ce domaine.

L'éducation est gratuite aux niveaux primaire et secondaire. Le «Certificat d'éducation primaire», qui donnait lieu à un examen traumatisant, selon le Ministre, a été supprimé et remplacé par une nouvelle forme d'évaluation qui donne lieu à la délivrance d'un diplôme appelé « Certificat d'évaluation de l'école primaire » (Primary School Assessment Certificate). Une autorité spéciale a été créée pour répondre aux besoins spécifiques des élèves handicapés. Le ministre a également précisé que l'éducation sexuelle avait été mise au programme du secondaire de en place l'an dernier.

Des centres culturels subventionnés agissent en faveur de la promotion du dialogue interculturel. Ils visent aussi à préserver le patrimoine culturel et linguistique de la population. Un musée de l'esclavage devrait voir le jour dans un avenir proche.

Sur le plan juridique, Maurice envisage de donner un statut légal au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels afin que ses dispositions soient incorporées dans l'ordre juridique interne.

Le ministre a enfin annoncé qu'hier, la Cour internationale de justice avait rendu un avis sur les conséquences juridiques de la séparation de l'archipel des Chagos de Maurice en 1965*. Cela, a-t-il conclu, devrait permettre à terme de permettre aux citoyens mauriciens d'origine chagossienne de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux.

*La Cour a dit que le processus de décolonisation de Maurice n'a pas été validement mené à bien lorsque le pays a accédé à l'indépendance et que le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l'archipel des Chagos.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a tout d'abord félicité Maurice pour le fait qu'il ait tout juste obtenu un avis favorable de la Cour internationale de justice selon lequel celle-ci recommande au Royaume-Uni de reconnaître les droits des habitants des îles Chagos ou qu'ils soient dédommagés pour le tort subi depuis les mesures prises par la puissance coloniale en 1965.

L'expert a par ailleurs émis l'espoir que la charte des droits en cours d'élaboration donne la place nécessaire à l'invocation du Pacte devant les tribunaux.

Sur le plan économique et social, il a attiré l'attention sur le fait que les appels d'offre pour des marchés publics n'intégraient pas la prise en compte des conditions de travail. Si Maurice se classe au vingtième rang sur le plan des facilités commerciales du pays pour attirer les investissements, il existe un risque de faire passer les droits sociaux au second plan. L'expert a demandé par ailleurs si Maurice envisageait de renforcer les lois sur la discrimination en fonction du genre. Dans le même ordre idée, il a suggéré de prendre des mesures temporaires spéciales (discrimination positive), notamment en faveur des personnes d'ascendance africaine. Quant aux réfugiés, les demandeurs d'asile et l'apatridie, le même expert a souhaité savoir si Maurice envisageait de ratifier les conventions les concernant.

En moyenne, les femmes ne gagnent pas plus de 57% du salaire des hommes et là encore des mesures temporaires spéciales pourraient être utiles, a-t-il dit. Une experte a observé que les différences de tâches des hommes et des femmes dans les plantations ne justifiaient qu'en apparence des disparités salariales, la pénibilité de la tâche ne devant pas être le seul critère. La même experte s'est étonnée du fait que le salaire minimum varie selon les secteurs d'activité, entre ceux orientés vers le marché intérieur ou l'exportation.

Un membre du Comité s'est étonné de l'existence d'un Ministère des droits de l'homme alors qu'il existe une Commission nationale des droits de l'homme, ce qui semble poser la question de l'indépendance de cette dernière.

Une série de questions a concerné le problème du chômage, s'agissant des jeunes et des femmes en particulier, une experte demandant à la délégation de dresser le bilan des programmes de retour à l'emploi. Elle s'est intéressée aux possibilités de travail à domicile, souhaitant savoir si celles-ci étaient réservées aux femmes. Elle s'est aussi enquise du niveau de rémunération du congé maternité. Existe-t-il un congé parental pour les hommes ?

Qu'en est-il des quotas d'emploi de travailleurs handicapés, le rapport mentionnant uniquement le secteur privé, alors que c'est dans le secteur public qu'est mis en place ce type de mesure en général, a-t-elle demandé. Des aménagements raisonnables sont-ils mis en place sur le lieu de travail ? La même experte s'est inquiétée du traitement précaire des travailleurs domestiques et migrants: les cas de violation font-ils l'objet de sanctions ? Par ailleurs, les autorités sont-elles vigilantes vis-à-vis des cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ? Qu'en est-il du droit syndical, a-t-elle demandé. Elle s'est enfin enquise de l'étendue de la couverture assurée par la sécurité sociale.

Une experte a posé une série de questions sur la protection des personnes âgées, les statistiques faisant état de nombreux cas de maltraitance, à tel point que le Ministère de la sécurité sociale a dû créer une unité spéciale de protection. Elle a notamment souhaité savoir quelles mesures concrètes étaient prises par les autorités et quel était leur impact. En matière de violence domestique, elle a demandé où en était la réflexion entamée sur l'opportunité d'inscrire dans la loi un crime de viol conjugal. Elle a aussi abordé le problème posé par les «mariages non reconnus», notamment les unions musulmanes non enregistrées, la question se posant de manière cruciale quant à la répartition des biens en cas de séparation.

La même experte a aussi évoqué l'importance du problème de la pauvreté, en particulier celle affectant la population de l'archipel de Rodrigues, qui touche massivement les Créoles, ceux-ci vivant dans des quartiers informels séparés. Quel est l'impact des programmes sociaux, notamment du «Plan Marshall sur la pauvreté», a-t-elle demandé. Comment est géré le Registre social de Maurice (SRM) censé recenser les personnes défavorisées ? Par ailleurs, des mesures sont-elles prises en faveur du dépistage des maladies non-transmissibles comme l'alcoolisme ? Il n'y a que 1,6 psychiatres pour 100 000 habitants, ce qui est peu dans un pays où existe une forte prévalence de maladies mentales comme la schizophrénie, a-t-elle relevé. En outre, les cas d'hépatite C sont nombreux chez les toxicomanes, la même experte souhaitant savoir quelle était l'action des pouvoirs publics en la matière, alors que plus de la moitié des personnes incarcérées le sont pour des délits liés à la drogue et la toxicomanie.

Un autre membre du Comité a abordé le thème de l'éducation et de la culture. Si le créole est parlé par plus de 85% de la population, il reste facultatif à l'école. C'est parmi les enfants créolophones que l'on compte le plus fort taux d'abandon scolaire et un grand nombre d'élèves échouent au certificat d'éducation primaire, a-t-il observé. Un autre expert s'est inquiété de l'insuffisance de l'éducation inclusive pour les enfants handicapés.

Une experte a souhaité connaître les mesures prises par l'État partie face au phénomène de l'absentéisme scolaire. Un autre membre du Comité s'est étonné par ailleurs du fait que les ONG ne se soient guère manifestées auprès du Comité, en préparation de l'examen. Non seulement celles-ci ont été totalement absentes mais aucun document de leur part n'est parvenu au Comité.

Réponses de la délégation

Dans le cadre des réponses fournies par la délégation, le chef de la délégation a tenu avant tout à souligner l'intérêt de prendre en compte le caractère progressif des progrès accomplis, en matière d'éducation notamment, depuis que l'enseignement universitaire public a été rendu gratuit, alors qu'auparavant les droits d'inscription constituaient un obstacle financier insurmontable pour nombre de familles. Il a d'autre part insisté, s'agissant sur les droits des personnes transsexuelles, que le Gouvernement se devait de prendre en compte le degré d'acceptation de la population dans son ensemble. Par ailleurs, bien que le pays n'ait pas ratifié les conventions relatives aux réfugiés, demandeurs d'asile et apatrides, Maurice respecte le droit au non-refoulement, a-t-il précisé.

S'agissant des questions relatives à l'égalité salariale, la délégation a attiré l'attention sur les «différences perçues» en fonction de ce qui est fait par les femmes et par les hommes. Il n'existe pas de disparités salariales entre les sexes dans quelque activité que ce soit, a assuré le ministre, citant plus particulièrement les secteurs du sucre, du thé et du sel.

Si le Ministère des droits de l'homme relève du Gouvernement, la Commission des droits de l'homme est totalement indépendante, a assuré le Ministre. Le Ministère est le point focal pour les questions politiques, il est chargé de la coordination des questions relatives aux droits de l'homme. Le mécanisme national des rapports et de suivi, pour sa part, est une instance qui coordonne les activités entre les acteurs étatiques et la société civile et permet de mener des consultations à part entière.

La délégation a précisé qu'une brochure relative aux droits sociaux, actuellement en cours d'impression, serait distribuée sur les lieux de travail et de résidence à destination des travailleurs immigrés. Cela devrait contribuer à réduire les cas d'abus, s'il y en a. De nombreux travailleurs migrants ne savent pas comment et auprès de qui porter plainte. La délégation a reconnu que des recruteurs se rendaient en Inde, au Bangladesh et au Népal où ils font miroiter des conditions mirobolantes de travail à Maurice. Pour lutter contre les abus, un mémorandum d'entente est en cours de discussion avec le Népal. Des discussions sont en cours avec le Bangladesh également en vue d'un protocole d'accord portant sur le recrutement de travailleurs bangladais. En attendant la finalisation de ce protocole d'accord, on veille à ce qu'un contrat de travail entre le travailleur et l'employeur soit signé. Des inspections sont effectuées régulièrement par le service chargé des travailleurs migrants pour s'assurer du respect des conditions d'emploi. Aucun contrat de travail d'un ressortissant étranger n'est moins favorable que celui d'un travailleur recruté localement. Cela s'applique à tous les travailleurs.

Pour ce qui est du travail domestique, les inspecteurs du travail n'ayant pas le droit d'entrer dans des domiciles privés, il est difficile de constater d'éventuels abus, sauf en cas de plainte. Dans ce cas, l'employeur est convoqué à l'inspection du travail afin d'instruire le dossier.

La délégation a reconnu que la question de l'emploi des personnes handicapées ne relevait pas de la législation mais des mentalités, qui demeurent un frein. Seule une sensibilisation des employeurs permettra d'améliorer la situation et de faire respecter un quota de 3%.

La pension de retraite de base est universelle, a-t-il été répondu au sujet des questions relatives à la sécurité sociale. Fin 2016, quelque 15 000 employeurs du secteur privé cotisaient à la Caisse nationale des retraites et des cotisations étaient versées en faveur de près de 300 000 salariés. Les salariés âgés de 15 à 18 ans ne versent pas de cotisations. Lorsqu'il a atteint l'âge de 65 ans, le salarié qui continue de travailler peut choisir de toucher sa pension contributive de retraite et, dans ce cas, l'employeur ne verse que sa part des cotisations. Le salarié peut aussi décider de différer jusqu'à l'âge de 70 ans l'exercice de son droit à la pension de retraite contributive.

La question du harcèlement sexuel est d'abord une question d'information, a estimé la délégation mauricienne. Un court-métrage a été produit récemment à ce sujet. Plus l'on informera la population par les nouvelles technologies, et mieux on luttera contre le phénomène, notamment en incitant à porter plainte.

Dans le domaine de la santé, la délégation a fait valoir que le ratio médecins-population est supérieur aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé. Environ un Mauricien sur cinq se fait soigner dans le secteur privé. Par ailleurs, le coût des traitements contre l'hépatite C sont, certes, efficaces mais ils sont très coûteux, a déclaré la délégation. Des solutions vont devoir être trouvées pour les financer. Par ailleurs, une «caravane médicale» circule dans l'archipel pour se rendre auprès des patients et des personnes souhaitant subir des examens et n'ayant pas les moyens ou la possibilité de se déplacer.

Un certain nombre de programmes ont été lancés au bénéfice de la population de l'île de Rodrigues. Le réseau routier est en voie d'amélioration, ce qui devrait permettre de favoriser le tourisme et d'accroître les retombées pour l'économie locale. Maurice est en quête de financements, notamment pour construire une nouvelle piste d'atterrissage.

S'agissant de l'avis de la Cour internationale de justice sur les îles Chagos, pendant plus d'un demi-siècle, la délégation a souligné que l'archipel avait été administré de manière illégale par le colonisateur. La question se pose maintenant du rétablissement des droits des Mauriciens d'origine chagossienne, Maurice comptant sur l'assistance internationale pour résoudre la question.

La délégation a par la suite ajouté que l'archipel des Chagos faisait partie intégrante du territoire de Maurice selon le droit mauricien et le droit international. Le Gouvernement mauricien ne reconnaît pas le « territoire britannique de l'Océan Indien » que le Royaume-Uni a créé en coupant l'archipel des Chagos du territoire mauricien avant que le pays n'accède à l'indépendance. Lorsque l'archipel des Chagos a été coupé du territoire mauricien, les autorités britanniques ont sans vergogne expulsé les Chagossiens qui y résidaient à l'époque, au mépris total de leurs droits fondamentaux, afin de rendre possible l'établissement d'une base militaire américaine dans l'île de Diego Garcia, a expliqué la délégation. La majorité des Chagossiens ont été transférés à Maurice. Citoyens à part entière de Maurice, ils jouissent des mêmes droits que les autres Mauriciens. Le Gouvernement mauricien reconnaît le droit légitime et la revendication des anciens habitants de l'archipel des Chagos, en tant que Mauriciens, d'être réinstallés dans l'archipel.

S'agissant de l'éventuelle ratification du Protocole facultatif au Pacte sur l'examen de plaintes, une question posée de façon récurrente à Maurice, a noté la délégation, la position du pays demeure inchangée. Tout un éventail de recours est disponible pour les citoyens, a assuré la délégation.

Le taux d'imposition des particuliers est de 10% pour les revenus modestes, 15% pour ceux supérieurs à 650 000 roupies. Le régime fiscal des sociétés est clair et transparent. Depuis 2017, a été mis en place un impôt «négatif», sous forme d'une allocation versée mensuellement par le fisc aux personnes gagnant moins de 10 000 roupies par mois.

Les inspecteurs du travail peuvent effectuer des visites sans préavis dans les entreprises au cours desquels ils informent en particulier les travailleurs immigrés de leurs droits. Le bureau des plaintes de l'inspection du travail a été renforcé et compte 16 personnes. Le Ministère de la santé dispose de son propre service d'inspection pour veiller notamment au respect des règles en matière de sécurité.

S'agissant de la perpétuation des rôles traditionnels au sein de la famille, les pouvoirs publics, avec l'appui d'ONG, font un travail de sensibilisation en direction des familles pour inciter les hommes à une plus grande participation aux tâches quotidiennes et à une plus grande implication dans les questions de santé de leurs proches.

La question de la maltraitance des personnes âgées est un sujet de préoccupation des autorités, les chiffres les plus récents faisant état de plus de 700 cas répertoriés. Les sanctions ont été renforcées mais une sensibilisation s'impose, a reconnu la délégation. Un numéro de téléphone gratuit a été mis en place pour les personnes voulant signaler tout cas de maltraitance. La définition de la violence intrafamiliale a été précisée récemment en y incluant le droit de refuser des rapports sexuels, toutefois sans que la notion de viol conjugal soit spécifiquement mentionnée dans la loi.

Des examens de santé et des opérations de dépistage sont effectués régulièrement dans les établissements scolaires. En matière de santé mentale, les services psychiatriques ont été décentralisés. Le plan national stratégique pour la santé mentale s'inspire des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, qui fournit par ailleurs une assistance à Maurice dans ce domaine. Le pays compte un nombre suffisant de professionnels en psychiatrie, a assuré la délégation.

Entre 12 et 15 000 personnes souffrent de l'hépatite C. Les capacités d'accueil dans les établissements publics de santé sont de 200 patients séropositifs. Si les traitements sont efficaces mais extrêmement onéreux, il existe néanmoins désormais des médicaments génériques pour le traitement du sida.

En réponse à des questions sur les addictions, la publicité sur l'alcool et les cigarettes est totalement interdite, y compris dans le cadre des retransmissions télévisées des rencontres sportives. Il est question de rendre neutres les paquets de cigarettes. On constate d'ores et déjà des changements de mentalité: il n'est plus considéré comme très chic de fumer.

L'âge minimal du mariage est fixé à 16 ans, sous réserve de l'accord des parents. Un expert s'étant étonné que la loi permette à des enfants de se marier, la délégation a noté qu'il y avait lieu d'obtenir un double consentement, à la fois des principaux intéressés, à savoir les futurs époux, et leurs parents.

La pauvreté touche tout le pays, aussi bien Maurice que Rodrigues. Le Registre social de Maurice (SRM) est la base de données nationale qui contient les informations sur les personnes qui vivent dans la pauvreté absolue et ont besoin de l'aide de l'État. Environ 8800 foyers de Maurice et 2200 de Rodrigues remplissant les conditions requises bénéficient de l'allocation mensuelle de subsistance.

Pour désenclaver Rodrigues, l'île est depuis peu reliée à Maurice par un câble sous-marin, ce qui, grâce à l'internet notamment, va permettre de développer localement de nouveaux emplois, sur le plan touristique en particulier, a indiqué la délégation. Rodrigues a été dotée d'une nouvelle piste d'atterrissage et l'aérogare a été agrandie. Le port maritime doit être agrandi lui aussi. Il est envisagé de créer un chantier de construction navale, sous réserve de l'obtention de financements. Rodrigues pâtissant d'une insuffisance de ressources en eau, une usine de désalinisation de l'eau de mer est prévue.

La délégation a indiqué que Rodrigues avait été frappée durement au début de ce mois par un cyclone. Les habitants ont fait preuve d'une grande réactivité pour remédier aux destructions avec l'assistance de l'État. La question de la lutte contre les catastrophes naturelles doit faire l'objet d'une réflexion approfondie afin de mieux protéger le littoral. Cela a d'ailleurs déjà commencé avec les pays membres du Commonwealth en particulier.

Tous les Mauriciens parlent créole, a précisé la délégation, qui a ajouté que la langue est couramment employée dans des enceintes publiques comme les tribunaux. Le créole est enseigné dans un certain nombre d'établissements primaires et secondaires. La mise en place de l'enseignement du créole mauricien en cycle primaire est progressive. Le créole mauricien est une matière soumise à l'examen de fin d'année en primaire, au même titre que les autres langues facultatives.

L'absentéisme scolaire est un problème récurrent, a reconnu la délégation. Les parents sont avertis par message téléphonique. La comptabilisation des absents, le versement d'allocation, la possibilité d'avoir un repas chaud font partie des mesures prises pour y remédier et l'on a constaté une diminution de cet absentéisme.

À l'instar d'un membre du Comité, le chef de la délégation s'est étonné lui aussi de l'absence de contributions des ONG mauriciennes dans le cadre du présent examen, alors même que les autorités entretiennent un dialogue constructif avec les représentants de la société civile.

Déclarations de conclusion

M. OLIVIER DE SCHUTTER, membre du Comité chargé du rapport de Maurice, s'est félicité de rencontrer une délégation parfaitement bilingue anglais-français, ne pratiquant pas la langue de bois et répondant avec franchise aux questions posées. Il a relevé que Maurice était dans une phase de transition, un certain nombre de projets de loi étant en cours d'élaboration. Le Comité en tiendra compte dans ses observations finales. Il formulera plus particulièrement trois recommandations prioritaires applicables à relativement bref délai.

M. MANEESH GOBIN, Ministre de la justice, des droits de l'homme et des réformes institutionnelles de Maurice, a qualifié d'extrêmement positif l'échange avec les membres du Comité. Il les a invités à se rendre à Maurice pour approfondir certaines questions.



Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CESCR/19/7F