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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DANS LES QUATRE PAYS QUI SERONT EXAMINÉS CETTE SEMAINE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir Maurice, l’ex-République yougoslave de Macédoine, le Tadjikistan et la République démocratique populaire lao.

S'agissant de Maurice, l’attention s’est plus particulièrement portée sur les questions relatives aux personnes LGBTI, au mariage et aux violences intrafamiliales.

En ce qui concerne le Tadjikistan, la situation des travailleuses du sexe, les discriminations à l’encontre des femmes séropositives, la discrimination à l’encontre des personnes handicapées, le niveau d’éducation des jeunes femmes, ou encore les préjugés sexistes et la situation des femmes sur le marché du travail étaient au cœur de la discussion.

Pour ce qui est de l’ex-République yougoslave de Macédoine, les violences sexistes, la discrimination à l’encontre des personnes LGBTI, la situation des travailleuses du sexe, la situation des femmes roms et celle des femmes vivant en zones rurales ont été particulièrement évoquées.

S'agissant enfin de la République démocratique populaire lao, une ONG a dénoncé la pénalisation du travail du sexe dans le pays.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport de Maurice.


Audition d'organisations de la société civile

S'agissant de Maurice

Gender Links Mauritius a déclaré que la situation est très mauvaise à Maurice s’agissant de la représentation politique des femmes, qui forment 52% de la population mais sont sous-représentées dans tous les postes électifs. Le sexe est un sujet tabou à Maurice, de sorte que nombre de jeunes filles n’ont pas accès à des informations précises sur la sexualité; il faudrait que la question de la santé sexuelle soit abordée dans le programme scolaire, a en outre affirmé l’ONG. Les personnes LGBTI luttent pour leur existence dans ce pays, a-t-elle ajouté, rappelant que la Gay Pride y a été annulée en raison de la menace pesant sur la vie des participants. Il faudrait par ailleurs que les autorités mauriciennes mettent tout en œuvre pour lutter contre les avortements clandestins.

Musawah a fait observer que les mariages religieux musulmans sont permis par la législation du pays, sans que l’on sache si le législateur entend amender la législation à ce sujet; Maurice n’ayant pas élaboré de code de la personne global, les femmes musulmanes qui ont conclu un mariage religieux n’ont en fait aucun droit. Il faudrait que l’État mauricien protège légalement les jeunes filles contre le mariage précoce, a insisté l’intervenant, plaidant pour que l’État interdise les mariages en-dessous de l’âge de 18 ans. Quant à la nouvelle loi sur violence intrafamiliale, elle est certes solide et peut englober le viol conjugal; cependant, le système patriarcal très présent dans le pays empêche la bonne mise en œuvre de cette législation, a-t-il été souligné.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte du Comité a demandé des informations sur les défenseurs des droits de l’homme à Maurice et a souhaité savoir ce qu’il en était de la législation sur le châtiment corporel dans ce pays. Une autre experte s’est enquise de la reconnaissance du viol conjugal dans la législation. Qu’en est-il de la législation en matière de transmission de la nationalité par les femmes, a demandé une experte ?

Les organisations de la société civile ont indiqué que le pays ne compte que trois centres d’accueil pour les femmes victimes de violences intrafamiliales et ont fait observer que c’est l’auteur des violences qui reste généralement à domicile alors que la victime doit quitter les lieux. Une ONG a précisé qu’il n’y avait eu aucune affaire de viol conjugal portée devant les tribunaux mauriciens. Par ailleurs, la loi sur la nationalité a été amendée et il y a égalité entre hommes et femmes en matière de transmission de la nationalité lorsqu’ils sont mariés à une personne étrangère.

S’agissant du Tadjikistan

From Equality de Jure to Equality de Facto Coalition a déclaré que la mise en œuvre de la Convention au Tadjikistan se heurte à plusieurs obstacles: absence de mécanismes efficaces et de suivi des politiques dans ce domaine, faible financement, faible sensibilisation et absence de stratégie de communication pour contrer les stéréotypes sexuels. Le niveau d’éducation des jeunes femmes diminue par rapport aux générations précédentes, a en outre fait observer l’ONG. D’autre part, l’accès des femmes à la terre et aux prêts est trop limité, a-t-elle ajouté. Il faut que l’État prenne des mesures pour promouvoir l’autonomisation des femmes, a-t-elle insisté. Par ailleurs, les femmes ne représentent que 22% des fonctionnaires, a regretté l’ONG. Les mesures prises pour lutter contre les violences intrafamiliales n’ont pratiquement eu aucun effet, notamment en raison de l’absence de définition légale de ce type de violence et de l’absence de mécanismes pour lutter contre. L’ONG a également déclaré que les anciens prisonniers, mais aussi les femmes et filles handicapées, sont victimes de discriminations multiples. Le Tadjikistan devrait ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et adopter une loi globale contre les discriminations.

Tajikistan Network of Women Living with HIV a déclaré que le programme national de lutte contre le VIH/sida ne tient pas compte de la féminisation de cette maladie et a déploré que les femmes n’aient pas leur mot à dire concernant l’utilisation du préservatif. L’État devrait apporter aux personnes séropositives un programme complet de soutien et se doter d’une politique de lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes séropositives, lesquelles – avec leurs enfants – sont souvent expulsées de leur maison.

Shah-Aiym Network a dénoncé la répression et les violences dont les travailleuses du sexe sont victimes au Tadjikistan. Les amendes encourues par ces personnes ont doublé et la police peut arrêter toute femme et l’accuser de prostitution sans aucune preuve, a déploré l’ONG, ajoutant que des policiers entrent dans les maisons et emmènent les femmes dans les commissariats où il arrive qu’elles subissent des violences sexuelles.

Anti-Discrimination Centre Memorial a expliqué que la législation du travail dans le pays contient des dispositions discriminatoires contre les femmes. Au Tadjikistan, les femmes ne peuvent pas exercer certaines professions sous prétexte de la dangerosité du métier et beaucoup de femmes dépendent en fait totalement de leur mari car elles ne trouvent pas de travail. Les préjugés sexistes sont généralisés au Tadjikistan, a insisté l’ONG, affirmant que dans ce pays, les femmes qui donnent naissance à des filles peuvent être quittées par leur mari. Les filles des minorités sont particulièrement vulnérables en raison des préjugés et des stéréotypes les concernant.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi, une experte du Comité s’est dite inquiète qu’environ la moitié des femmes du Tadjikistan n’exercent pas de travail rémunéré et qu’il y ait en fait de plus en plus de femmes exerçant un travail non rémunéré. Elle s’est enquise des structures existantes pour l’accueil de la petite enfance et a souhaité savoir si elles étaient suffisantes pour permettre aux mères d’aller travailler. Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur l’égalité d’accès à l’éducation entre filles et garçons. Une experte a demandé s’il était possible que la société civile coopère avec le Gouvernement tadjike pour combattre les stéréotypes et les violences à l’encontre des femmes.

Les organisations de la société civile ont expliqué qu’un groupe de travail étudie actuellement la possibilité d’adopter un cadre législatif global de lutte contre les discriminations. Le manque de structure d’accueil de la petite enfance est surtout criant dans les zones rurales, a-t-il en outre été souligné. Mais d’autres obstacles empêchent les femmes d’avoir accès au marché du travail, notamment le fait que les jeunes filles n’ont pas accès aux formations professionnelles nécessaires car leurs familles ne les préparent qu’à devenir mère et à entretenir le foyer, a-t-il été précisé.

S’agissant de l’ex-République yougoslave de Macédoine

Une coalition d’ONG du pays a affirmé que la loi sur l’égalité reste insuffisamment appliquée dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. En outre, il n’y a pas de quotas visant à promouvoir la représentation politique des femmes et les femmes restent victimes de discriminations dans tous les domaines couverts par la Convention. L’État n’a pas relevé le défi des violences sexistes, a poursuivi la coalition d’ONG, faisant observer que le pays est confronté à de nombreux féminicides. Par ailleurs, le droit à l’indemnisation de la victime en cas de violence sexiste n’est pas appliqué, car les auteurs n’ont pas de ressources, a ajouté la coalition, avant d’attirer l’attention sur les problèmes qui se posent en matière d’accès à l’avortement et à la contraception. La coalition a également attiré l’attention sur le fort taux d’inactivité des femmes en ex-République yougoslave de Macédoine.

Helsinki Committee for Human Rights of Républic of Macedonia a déclaré que la violence et la discrimination qui s’exercent à l’encontre des personnes LGBTI ne sont pas reconnues par les autorités; l’État ne mène pas d’enquêtes approfondies sur les discriminations à l’encontre de ces personnes. Le harcèlement au sein des écoles est l’un des principaux problèmes que rencontrent les jeunes LGBTI, a dénoncé l’ONG.

Star-Star a fait observer que dans le pays, les travailleurs du sexe ne peuvent recourir à la loi pour lutter contre les discriminations dont ils sont victimes, l’État n’ayant pris aucune mesure pour lutter contre ces discriminations. En fait, la loi du pays sanctionne les travailleurs du sexe; le Code pénal interdit et sanctionne la prostitution, a précisé l’ONG.

National Roma Centrum a souhaité que le Gouvernement de l’ex-République yougoslave de Macédoine mette un terme aux pratiques discriminatoires à l’encontre des femmes roms. Il faut notamment que le Gouvernement permette l’accès de ces femmes à l’aide juridictionnelle gratuite, ainsi que leur accès au travail, y compris en recourant à des mesures temporaires spéciales. Contrairement aux autres femmes du pays, les femmes roms n’ont pas accès gratuitement à la santé reproductive et doivent, par exemple, payer les consultations gynécologiques, a en outre indiqué l’ONG.

National Federation of Farmers a déclaré que les femmes vivant dans les zones rurales du pays sont oubliées par l’État. Elles se voient privées de leurs terres, n’ont pas accès au congé de maternité et ne parviennent à consulter un gynécologue qu’une fois tous les cinq ans – voire plus rarement encore. Il est très rare que les femmes rurales soient propriétaires de leur logement; une majorité d’entre elles sont au chômage et exercent en fait un travail non rémunéré dans les fermes familiales – un travail qu’il conviendrait que l’État fasse reconnaître.

S’agissant de la République démocratique populaire lao

Asia Pacific Network of Sex Workers a indiqué que le travail du sexe est incriminé dans le pays, ce qui constitue une discrimination systémique à l’encontre des femmes travailleuses du sexe. Il faudrait que l’État lao dépénalise tous les aspects du travail du sexe exercé entre adultes consentants. La pénalisation du travail du sexe augmente les risques en matière de santé, plus particulièrement pour les femmes migrantes, a ajouté l’ONG.


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CEDAW/18/031F