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LE CONSEIL DÉBAT DE LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE ET DE LA PROMOTION DE LA VERITÉ, DE LA JUSTICE, DE LA RÉPARATION ET DES GARANTIES DE NON-RÉPÉTITION

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi un débat interactif groupé avec M. Fabian Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, et M. Adama Dieng, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide.

Présentant son premier rapport, M. Salvioli a insisté sur la nécessité de lutter contre l’impunité et de renforcer l’efficacité des procédures en coopérant avec d’autres instances de justice. Il a rappelé que le bon déroulement des processus de justice transitionnelle reposait sur la confiance et que la lutte contre l’impunité devait contribuer au rétablissement de la confiance civile en l’État.

Le Rapporteur spécial a aussi insisté sur la notion de garantie de non-répétition: il a indiqué qu’il comptait se concentrer à cet égard sur l’éducation à travers l’art et la culture. Il a précisé, de même, qu’il se proposait d’examiner les formes éducatives nationales susceptibles de contribuer au processus de justice transitionnelle. M. Salvioli a fait savoir enfin qu’il entendait accorder la priorité aux victimes et que, dans cette optique, il désirait œuvrer en étroite collaboration avec les organisations de la société civile et les associations de victimes.

M. Adama Dieng – qui était déjà intervenu ce matin au cours du débat de haut niveau consacré au 70e anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du génocide – s’est inquiété de la montée des discours de haine, des mouvements populistes qui encouragent l’intolérance et la haine ou encore de l’abus de la religion pour inciter à la violence. Malgré l’engagement sans précédent pris par tous les États Membres, en 2005, de protéger les populations contre les crimes atroces, aucune amélioration n’a été constatée, a-t-il déploré. Il a notamment souligné l’échec de la communauté internationale à prévenir les crimes atroces contre les Syriens, contre les Yéménites et contre les Rohingya au Myanmar.

Le Conseiller spécial a rappelé avoir toujours plaidé auprès des États Membres en faveur de la prévention et de la lutte contre l’impunité, laquelle alimente des cycles de violence. Une société qui ne s’investit pas dans un processus de justice transitionnelle risque de recourir de nouveau à la violence pour régler les problèmes, a mis en garde M. Dieng. Le génocide et d’autres crimes atroces peuvent être évités si les intérêts politiques étroits sont mis de côté et si la communauté internationale travaille de concert, a-t-il conclu.

Dans le cadre du débat interactif qui a suivi les présentations de ces deux intervenants, de nombreuses délégations* ont pris la parole. Plusieurs d’entre elles ont fait part de leur propre expérience en matière de justice transitionnelle. Il a été souligné que les mécanismes de vérité, justice, réparation et garanties de non-répétition doivent s’adapter au contexte spécifique de chaque pays. S’agissant de la prévention du génocide, nombre d’intervenants ont évoqué la lutte contre l’impunité pour enrayer les cycles de violence.

En fin de séance, l’Azerbaïdjan, la République populaire de Chine, le Japon et la République de Corée ont exercé leur droit de réponse.


Le Conseil achèvera ce débat interactif demain matin, à partir de 10 heures.


Promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition et prévention du génocide

Présentations

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition (A/HRC/39/53).

Présentant son premier rapport, M. FABIAN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a donné un aperçu des activités menées par son prédécesseur, M. Pablo de Greiff, entre août 2017 et avril 2018, s’agissant notamment de l’étude de ce dernier sur la contribution de la justice transitionnelle à la prévention des violations et transgressions manifestes des droits de l’homme et des violations graves du droit international humanitaire. Présentée au Conseil le 2 mars 2018, cette étude a été conjointement menée avec le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du crime de génocide.

M. Salvioli a ensuite fait part de son intention d’approfondir les aspects de la prévention s’agissant de la commission d’atrocités de masse. Il a en outre brièvement exposé la manière dont il conçoit son mandat et donné un premier aperçu des domaines qui méritent, selon lui, de retenir l’attention, la justice transitionnelle en particulier.

Le Rapporteur spécial a indiqué avoir eu, entre autres, des réunions avec les délégations de l’Espagne, de la Tunisie, du Guatemala, du Népal et de la Suisse, ainsi qu’avec plusieurs entités de la société civile nationales et internationales, et avec des représentants des victimes. M. Salvioli a en outre précisé avoir renouvelé ses demandes de visite à la Côte d’Ivoire, au Guatemala et au Népal. Il a ajouté attendre toujours des réponses pour les demandes de visite qui avaient été adressées au Brésil, au Cambodge, à la Guinée, à l’Indonésie, au Japon, au Kenya, à la République démocratique du Congo et au Rwanda.

Revenant à la question de la justice transitionnelle, M. Salvioli a expliqué qu’il envisageait d’enrichir le contenu des quatre piliers de son mandat par l’identification de nouvelles normes émanant du caractère dynamique des droits de l’homme et de la production des organes internationaux, comme des bonnes pratiques des États. Concernant les processus de justice au sortir d’un conflit, il a jugé indispensable d’analyser les causes structurelles potentielles et d’orienter les mesures de réparation vers la résolution de ces causes aux fins de garantir la non-répétition. Il a assuré que l’assistance technique figure au titre de ses priorités et que le droit international relatif aux droits de l’homme serait l’axe central de sa démarche. Insistant sur la nécessité de lutter contre l’impunité et de renforcer l’efficacité des procédures en coopérant avec d’autres instances de justice, il a rappelé que le bon déroulement des processus de justice transitionnelle repose sur la confiance; la lutte contre l’impunité doit contribuer au rétablissement de la confiance civile en l’État, a-t-il souligné.

M. Salvioli a aussi insisté sur la notion de garantie de non-répétition et a indiqué qu’il compte se concentrer à cet égard sur l’éducation à travers l’art et la culture. Le Rapporteur spécial a précisé qu’il se propose d’examiner les formes éducatives nationales susceptibles d’aider dans le processus de justice transitionnelle. Il s’intéresse également à la dimension de genre dans ce processus, en particulier en termes de réparation, et envisage un rapport thématique sur cette question, plus particulièrement une étude sur les facteurs sociopolitiques qui limitent l’inclusion des femmes dans les processus de justice transitionnelle. Le temps est venu d’examiner avec sérieux la relation entre ce type de justice et les acteurs non étatiques, a-t-il par ailleurs suggéré.

Le Rapporteur spécial a fait savoir qu’il se propose également d’accorder la priorité aux victimes. Dans cette optique, il désire œuvrer en étroite collaboration avec les organisations de la société civile et les associations de victimes dans le but de garantir leur participation et leur inclusion dans les processus de justice transitionnelle.
M. Salvioli a conclu en déclarant que le développement et les droits de l’homme étaient deux concepts inséparables, ce qui fait que les processus de justice transitionnelle peuvent être transversaux au regard des Objectifs de développement durable. Par ailleurs, le phénomène de la corruption pose de graves défis à cette forme de justice, défis que le Rapporteur spécial entend analyser en étudiant la corrélation entre ce fléau et la violation des droits civils, économiques, sociaux, politiques et culturels. De la même façon, le Rapporteur spécial a indiqué qu’il examinerait les pratiques des mécanismes de justice transitionnelle aux prises avec la corruption.

M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, s’est inquiété des tendances inquiétantes que sont les discours de haine, le soutien aux mouvements populistes qui encouragent l’intolérance et la haine, ou encore l’abus de la religion pour inciter à la violence, et qui dégénèrent parfois en crimes atroces. Malgré l’engagement sans précédent pris par tous les États Membres en 2005 de protéger les populations contre les crimes atroces, aucune amélioration n’a été constatée, a-t-il déploré. Il a souligné avoir vu de ses propres yeux l’échec de la communauté internationale en se rendant dans les camps de réfugiés rohingya de Cox’s Bazaar au Bangladesh et a dénoncé à cet égard une tragédie humaine dont la responsabilité principale incombe au Gouvernement du Myanmar et à la communauté internationale. La campagne des forces de sécurité birmanes contre cette population était prévisible et évitable mais la communauté internationale a fait l’autruche, s’est-il insurgé.

Au Yémen, les alertes sur les dangers auxquels se heurtent les civils n’ont pas été prises en considération et de graves violations du droit international humanitaire ont été commises, a poursuivi M. Dieng.

Toutefois, le Conseiller spécial a indiqué n’avoir pas trouvé de pire échec de la responsabilité collective que dans l’incapacité à protéger les populations de crimes atroces en Syrie. Cet échec prend toute sa mesure non seulement dans l’ampleur de la tragédie humaine, mais également dans la longue période pendant laquelle cela a duré sans que rien ne soit résolu et dans le nombre de pays impliqués. La Syrie et les Syriens auront besoin de plusieurs générations pour se remettre de ce niveau de violence et des souffrances infligées, s’ils y parviennent, a ajouté M. Dieng.

Le Conseiller spécial a rappelé avoir toujours plaidé auprès des États Membres au sujet de l’importance de la prévention. L’un des principaux aliments des cycles de violence est l’impunité endémique dont bénéficient les graves violations des droits de l'homme et les crimes atroces. Au Soudan du Sud par exemple, aucun processus de redevabilité crédible n’a été mené, malgré un accord avec l’Union africaine en vue de mettre en place un tribunal hybride pour enquêter sur les crimes depuis le déclenchement du conflit en 2013. L’impunité est patente et des civils continuent à être tués, torturés et victimes d’abus sexuels. De la même manière, M. Dieng a prié les États Membres de soutenir le Tribunal pénal spécial en République centrafricaine en lui fournissant des ressources. Sans justice pour les crimes commis dans ces pays, il sera difficile de briser les cycles de violence, a insisté le Conseiller.

Une société qui ne s’investit pas dans un processus de justice transitionnelle risque de recourir de nouveau à la violence pour régler les problèmes, a poursuivi M. Dieng. Aussi, a-t-il fait part de son inquiétude à propos de la lenteur des progrès de Sri Lanka dans la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle. Les incidents récents de discours de haine, d’incitation à la violence et de violence contre des minorités religieuses et ethniques témoignent de l’importance et de l’urgence du processus, a-t-il insisté.

En revanche, a fait observer M. Dieng, le processus de paix en Colombie est sur les rails, même si le Gouvernement est face à des défis, en particulier dans la mise en place d’un système pour la vérité, la justice, la réparation et la garantie de non-répétition.

M. Dieng s’est ensuite inquiété de la xénophobie et de la discrimination encouragées par des politiques en Europe et aux États-Unis et dont les victimes ont d’abord été les migrants et les réfugiés. Dans la région des Balkans occidentaux, un risque de violence sectaire a de nouveau émergé en raison d’un refus de tirer les leçons du conflit armé des années 1990. Le Conseiller spécial a également cité une campagne de répression contre la minorité musulmane des Ouïghours en Chine; le risque d’apatridie que courent des millions de Bengalis musulmans dans l’État d’Assam en Inde; ainsi que la marginalisation des coptes en Égypte et les violences dont ils sont les victimes. M. Dieng a également attiré l’attention sur des situations requérant l’attention du Conseil dans les Amériques, où plusieurs États ont tourné le dos aux populations fuyant le Venezuela et où les communautés autochtones appellent à une protection.

Malgré l’émergence de groupes armés non étatiques brutaux, les plus sérieuses violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l'homme, qui pourraient être qualifiées de crimes atroces, sont le fait des forces armées des États ou des coalitions qui les soutiennent, a dénoncé M. Dieng. Le génocide et d’autres crimes atroces peuvent être évités si les intérêts politiques étroits sont mis de côté et si la communauté internationale travaille de concert, a conclu le Conseiller spécial.

Débat interactif

S’agissant de la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, l’Union européenne a dit avoir été l’une des premières parties à avoir, dès 2015, adopté un cadre de justice transitionnelle. Elle apprécie l’approche du Rapporteur spécial portée sur les victimes et la perspective de genre, mais souhaite savoir comment il entend intégrer la société civile dans ce contexte. L’Argentine, au nom d’un groupe de pays, a apprécié l’analyse des cadres structurels et le fait entre corruption et justice transitionnelle par le Rapporteur spécial, une approche qui force les pays au nom desquels s’exprime l’Argentine à soutenir ce mandat.

Le Togo, au nom du Groupe africain, a dit prendre note avec intérêt de l’intention du Rapporteur spécial d’élargir son mandat pour établir le lien entre le travail lié à la justice transitionnelle et d’autres interventions politiques touchant en particulier le développement, la paix et la sécurité. Le Groupe africain invite le Rapporteur spécial à collaborer davantage avec les organisations régionales et sous régionales.

La Suisse s’est pour sa part dite intéressée de connaître les recommandations du Rapporteur spécial pour sortir la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) de la crise dans laquelle elle se trouve actuellement.

Le Togo a relevé que les situations de justice transitionnelle varient d’un pays à l’autre et n’ont pas toutes les mêmes origines. Aussi, a-t-il dit, les mécanismes de vérité, de justice, de réparation et de garantie de non-répétition doivent-ils s’adapter au contexte spécifique de chaque pays. Le Togo a dit partager l’idée du Rapporteur spécial quant à la nécessité de veiller à mettre en place des processus qui n’aient pas pour effet d’approfondir, ou de perpétuer, les stigmatisations et les discriminations.

L’Égypte a invité le Rapporteur spécial à prendre en compte le renforcement des capacités institutionnelles des États et de la législation nationale concernant la question de la réparation au profit des victimes. La justice transitionnelle est cruciale en période de post-conflit, a en outre souligné le pays. La République de Corée a constaté que le rapport de M. Salvioli met l’accent sur une approche transversale relativement aux victimes. La République de Corée a en outre évoqué la situation des femmes de réconfort et a assuré qu’elle demeurait à l’écoute de ces victimes, rappelant en outre qu’a été organisée la première de journée nationale de mémoire en hommage aux femmes de réconfort.

Les Maldives ont salué l’intention de M. Salvioli d’approfondir l’approche de l’égalité entre hommes et femmes dans son travail thématique et dans ses visites de pays. Cela est particulièrement important compte tenu de l’absence d’implication des femmes dans la formulation, la conception et la mise en œuvre des stratégies et mécanismes nationaux de justice transitionnelle et de l’insuffisance de leur représentation au sein des commissions de vérité, a souligné l’archipel.

La Tunisie a appuyé la vision du Rapporteur spécial relativement au lien étroit qui existe entre la justice, le développement et l’instauration de sociétés équitables et équilibrées. Il faut que la reddition de comptes et la lutte contre l’impunité s’inscrivent au cœur de son analyse, a souligné le pays.

La Fédération de Russie a exhorté le Rapporteur spécial à s’en tenir strictement à son mandat et à éviter des doublons.
L’Autriche a noté que le mandat de ce Rapporteur spécial a réussi à définir le cadre institutionnel en matière de justice transitionnelle et a relevé que le plan de l’actuel titulaire de ce mandat complète les travaux de son prédécesseur. La communauté internationale a des engagements clairs en matière de justice et de développement, qu’il importe d’appliquer concrètement. Les victimes jouent toutefois un rôle périphérique dans le domaine de la justice transitionnelle, défi auquel le Rapporteur spécial devra répondre, a souligné la délégation autrichienne.

Les Pays-Bas ont encouragé à redoubler d’efforts pour traduire le concept de « responsabilité de protéger » dans la pratique. Ils ont soutenu l’action du Conseil de sécurité en cas de crimes contre l’humanité, d’atrocités et de crimes de guerre. Il est impératif de rendre justice aux victimes et de s’efforcer d’assurer la non-répétition des crimes d’atrocités, a insisté la délégation néerlandaise.

Le Paraguay a indiqué avoir attribué cette année des ressources budgétaires à l’équipe nationale de recherche et d’identification de personnes disparues pour identifier les restes de personnes disparues durant la dictature. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour sa part dit travailler pour faire respecter le droit des familles à savoir ce qui est arrivé à leurs proches disparus durant un conflit, travail qui va souvent au-delà de la fin du conflit. Le CICR a lancé un projet de communauté mondiale d’experts sur les disparitions afin, notamment, de mieux répondre aux demandes des familles concernées.

La Chine a attiré l’attention sur le fait que la lutte contre l’impunité des crimes ne devait pas empêcher de respecter la souveraineté et les pratiques des pays.

Le Soudan a évoqué le dialogue organisé dans ce pays concernant la tenue d’élections libres et démocratiques en présence de groupes d’opposition armés et a prié toutes les parties qui ont jusqu’ici refusé d’y participer à y prendre part.

La Colombie a souligné que l’accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable dans le pays a prévu la création d’un système intégral de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition, dont le but est de contribuer à la lutte contre l’impunité, de répondre aux besoins des victimes et de contribuer à la réconciliation nationale.

Le Venezuela a indiqué que sa Constitution consacre l’obligation d’enquêter et de sanctionner les auteurs de crimes contre les droits de l'homme ainsi que l’indemnisation totale des victimes.

L’Iran a mis l’accent sur l’importance de l’éducation dans la prévention des atrocités et sur la contribution de l’éducation, également, dans le processus de réconciliation en période de post-conflit. La délégation iranienne a par ailleurs souligné que la lutte contre l’impunité est un élément essentiel du processus de justice transitionnelle.

Le Paraguay a informé le Conseil qu’il travaillait à la création d’une commission nationale pour la prévention du génocide et les atrocités de masse, dans le but de mettre en place des politiques de prévention et un système d’alerte précoce. Pour la Chine, la protection des civils contre les génocides est de la responsabilité de tous les pays; la communauté internationale doit encore renforcer la coopération pour assurer la prévention en la matière.

L’Iraq a rappelé que la prévention est meilleure que le traitement des crises et a indiqué que son Gouvernement est en train d’asseoir les fondements de la démocratie sur le respect des droits de l'homme, en dépit des défis sécuritaires, économiques et politiques auxquels le pays doit faire face. Le Venezuela a déploré que des atrocités soient toujours commises en toute impunité, comme celles commises contre le peuple palestinien.

Le Chili a insisté sur le caractère pluridimensionnel de la justice, qui va bien au-delà de la justice pénale pour englober les mécanismes de participation de la société civile et les mesures de confiance entre membres de la société. Il a encouragé à s’inspirer des expériences et pratiques nationales dans ce domaine. Le Chili a aussi endossé l’approche du Rapporteur spécial visant à examiner la problématique de genre dans cette optique. La Belgique a partagé cette vision, ajoutant que l’éducation, les arts et la culture peuvent eux aussi jouer un rôle important dans la garantie de non-répétition. Elle a voulu savoir comment le Rapporteur spécial entend aborder la question des États où ne règne pas de consensus sur leur propre histoire factuelle.

L’impunité et l’absence de justice transitionnelle efficace empêchent les plaies de cicatriser, a affirmé la Grèce, qui a voulu savoir à quelles difficultés se heurtait le titulaire de mandat s’agissant de la corruption.

L’Afrique du Sud a fait part de son expérience avec sa propre Commission de vérité et de réconciliation, qui a été obligée, pour préserver la transition politique, de faire des concessions quant à certains éléments de justice. Dans ce sens, cette Commission n’était pas une fin mais un moyen, a expliqué le représentant.

Le Botswana s’est dit encouragé par l’approche proactive plutôt que réactive du Rapporteur spécial sur les questions de justice transitionnelle. Il a accueilli positivement l’idée de se concentrer sur le potentiel de prévention de l’éducation formelle et informelle. Le Botswana a aussi estimé qu’un cadre de lutte contre la corruption est un élément essentiel pour renforcer la gouvernance et construire le lien de confiance entre l’État et la population.

L’État plurinational de Bolivie a dit avoir créé, en décembre 2016, une Commission de la vérité chargée de faire la lumière sur les assassinats, les disparitions forcées, les tortures, les détentions arbitraires et la violence sexuelle – crimes fondés sur des motivations politiques et idéologiques et survenus en Bolivie du 4 novembre 1964 au 10 octobre 1982.

Pour le Mexique, la complexité du génocide et son caractère abject obligent la communauté internationale à réfléchir aux dangers de l’indifférence et à la nécessité d’agir opportunément pour le prévenir. C’est pourquoi le Mexique est membre du Réseau latino-américain pour la prévention du génocide et des atrocités de masse. La stratégie de la communauté internationale en matière de génocide doit, pour le Mexique, s’articuler autour de trois axes: la prévention, la capacité de réaction quand un crime est en train d’être commis et la sanction des responsables. Pour l’Équateur, la construction de la paix repose aussi sur des conditions économiques, sociales et politiques favorisant et garantissant le plein développement des personnes, par la garantie de leurs droits.

S’agissant de la prévention du génocide, le Groupe africain, par la voix du Togo, a félicité M. Dieng pour sa coopération avec les organisations régionales et sous régionales et a pris note de son appel en faveur d’une ratification universelle de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide.

La France s’est dite engagée en faveur de la prévention du génocide et a expliqué que tel est le sens de son initiative visant à ce que les membres du Conseil de sécurité s’engagent à ne plus recourir au droit de veto en cas d’atrocités de masse. La France estime aussi que, le crime de génocide relevant de la Cour pénale internationale, cette dernière doit être en mesure d’exercer ses prérogatives sans entraves.

La Suisse a demandé à M. Dieng d’en dire plus sur le potentiel préventif du Conseil des droits de l'homme dans les cas de violations flagrantes des droits de l'homme, notamment celles constitutives de génocide.

L’Union européenne a demandé au Conseiller spécial quel rôle dissuasif pourrait jouer, selon lui, l’obligation redditionnelle pour prévenir la commission de crimes d’atrocités de masse.

Pour Israël, le génocide est sans conteste le pire crime international. Toute action ou politique qui pourrait aider à le prévenir doit être mise en valeur et appliquée, a insisté le pays. Le combat contre l’intolérance et l’antisémitisme est de la responsabilité de tous, si l’on veut éviter que des génocides ne se produisent à nouveau, a ajouté la délégation israélienne.

La Tunisie a fait observer que 70 ans après l’adoption de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, les discours de haine et l’intolérance sont encore présents. Le pays a donc appelé à lutter contre ces fléaux en vue d’établir des sociétés ouvertes.

La Fédération de Russie a souhaité que la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide soit respectée à la lettre et que ses dispositions ne soient pas utilisées à des fins politiques. En l’état, les instances internationales actuelles dans ce domaine ont discrédité la justice internationale, a ajouté la délégation russe.

Comment les États pourraient-ils mieux mettre en œuvre les cibles de l’Objectif de développement durable n°16 (relatif à la paix, à la justice et aux institutions efficaces), ont quant à eux demandé les Pays-Bas à l’intention de M. Dieng ?

La Belgique a estimé que la prévention du crime de génocide, les garanties de non-répétition et la justice transitionnelle doivent aller de pair avec les systèmes de garanties de reddition de comptes lors de la commission de crimes graves. Elle a demandé à M. Dieng quel rôle pourraient jouer les mécanismes internationaux de reddition de comptes qui ont été mis en place.

Le Royaume-Uni a encouragé les 45 États qui n’ont pas encore ratifié la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à le faire avant le 9 décembre, date du 70e anniversaire de cet instrument. Le Royaume-Uni a pour priorité d’appuyer la justice pénale internationale: il fournit une assistance aux systèmes judiciaires et d’enquête partout dans le monde et vise à mettre un terme à l’impunité pour prévenir de futures atrocités. Le Royaume-Uni a prié le Conseiller spécial de dire dans quelle mesure les États peuvent soutenir les Nations Unies dans leur rôle de médiateur.

Ayant connu l’Holocauste sur son territoire, la Pologne s’est attachée depuis longtemps à construire et renforcer l’architecture de la prévention du génocide et de la reddition de comptes. La délégation polonaise a appelé les États qui ne l’ont pas fait à ratifier la Convention pour la prévention du génocide.

Remarques de conclusion

M. SALVIOLI a déclaré que les systèmes de justice transitionnelle doivent éviter d’accabler davantage les victimes. Il faut au contraire inclure les victimes dans les processus judiciaires afin d’en garantir l’efficacité et la représentativité, et surtout d’y insuffler de la confiance. Il a également reconnu que la diversité culturelle revêt un caractère important dans les mécanismes de justice transitionnelle, à condition qu’elle respecte les principes des droits de l'homme et du droit international. La diversité culturelle ne peut servir à masquer le relativisme, a mis en garde le Rapporteur spécial.

Répondant à une question sur la non-prorogation du mandat de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, le Rapporteur spécial a estimé que l’affaiblissement d’une institution luttant contre l’impunité ne pouvait pas être considéré comme un bon signe.

M. DIENG a déclaré que si l’Afrique était le foyer de multiples conflits, elle avait aussi démontré sa capacité à les régler, comme le montre la manière dont la CEDEAO a réglé la crise gambienne. Un autre exemple est la manière dont le Sénégal a jugé l’ancien président tchadien, Hissène Habré, a dit M. Dieng, ajoutant que l’Afrique, « continent de demain », a montré qu’elle était capable de régler ses propres problèmes.

Le Conseiller spécial a également insisté sur le fait que la reddition des comptes et l’éducation jouent un rôle dans la prévention. À ce titre il s’est réjoui que le Sénégal ait décidé de traduire dans les langues locales un manuel sur l’Holocauste et autres génocides. La Slovénie a, pour sa part, traduit le cadre d’analyse des crimes d’atrocité publié par son propre office, a remarqué M. Dieng. Mais il y a encore des moyens d’améliorer la prévention, y compris dans le cadre de l’Examen périodique universel et par le biais de l’assistance technique, a-t-il conclu.

Droit de réponse

L’Azerbaïdjan a trouvé ironique que le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie parle d’atteintes aux droits de l’homme. L’Azerbaïdjan a assuré que la présence de l’armée arménienne était un facteur d’instabilité au niveau régional et a rejeté l’assertion selon laquelle le Haut-Karabakh ferait partie intégrante de l’Arménie.

La République populaire de Chine, répondant aux propos d’une organisation non gouvernementale, a déclaré que le Gouvernement chinois garantissait aux minorités ethniques leurs droits économiques, sociaux et culturels. Une grande importance est accordée au développement socioéconomique: c’est pourquoi des investissements importants ont été faits dans les régions où vivent ces minorités. Il en va de même pour la région autonome du Tibet, dont la stabilité est une priorité commune à tous les habitants, a dit la Chine.

Le Japon a répondu à la République de Corée s’agissant des « femmes de réconfort ». À la suite de consultations diplomatiques, la question a été résolue de façon irréversible et le Gouvernement nippon a reconnu que le bien-être des femmes de réconfort a été mis en péril, a dit la délégation. Le Japon œuvre au 21e siècle pour que les droits des femmes soient respectés, a-t-elle ajouté.

La République de Corée a répondu que la question des « femmes de réconfort » n’était pas une question bilatérale mais universelle, relevant des droits de l’homme. La République de Corée a souhaité que des leçons soient tirées des événements.

Reprenant la parole, le Japon a indiqué que son Gouvernement avait toujours respecté ses engagements et qu’il faisait tout ce qui est en son pouvoir pour que les droits des femmes ne soient plus bafoués.

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*Délégations ayant participé aux débats: Union européenne; Argentine (au nom d'un groupe de pays); Togo (au nom du Groupe africain et en son nom); France; Israël; Suisse; Égypte; République de Corée; Maldives; Tunisie; Fédération de Russie; Autriche; Pays-Bas; Paraguay; Chine; Colombie; Comité international de la Croix-Rouge; Soudan; Venezuela; Iran; Irak; Chili; Belgique; Grèce; Afrique du Sud; Royaume-Uni; Mexique; Équateur; Pologne; Botswana et Bolivie.


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HRC18/130F