Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DIALOGUE AVEC LA COMMISSION D’ENQUÊTE INTERNATIONALE SUR LA RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE
Le Conseil des droits de l’homme a entendu, à la mi-journée, la présentation du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, avant de tenir avec les trois membres de cette Commission un dialogue au cours duquel de très nombreux intervenants* ont pris la parole. La Commission d’enquête, qui n’a pas eu accès au pays, est composée de M. Paulo Sérgio Pinheiro, son Président, ainsi que de Mme Karen Koning AbuZayd et M. Hanny Megally.
Contrairement à Dara'a ou à la Ghouta, les millions de civils d'Idlib n'ont nulle part où fuir; une offensive globale pour reprendre Idlib engendrerait une catastrophe inimaginable du point de vue humanitaire et des droits de l'homme – une catastrophe dans laquelle les violations que nous avons documentées seraient très probablement massivement amplifiées, a averti M. Pinheiro.
Au cours de six batailles, les forces progouvernementales ont repris cette année des parties importantes du territoire aux groupes armés et aux organisations terroristes - à Alep, dans le nord de Homs, à Damas, dans le Rif-Damas, dans les gouvernorats de Dara'a et d'Idlib - avec un coût élevé pour la population civile. La plupart des campagnes ont été marquées par des crimes de guerre perpétrés par toutes les parties. M. Pinheiro, a aussi rappelé que cette année marque le vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, étude exhaustive et cadre pragmatique de protection des personnes déplacées. Il s’est en conséquence étonné que ces Principes soient totalement ignorés lorsqu'il s'agit du conflit en Syrie: aujourd'hui, plus de six millions de Syriens sont déplacés dans leur propre pays, dont un million au premier semestre de cette année.
S’exprimant en tant que pays concerné, la République arabe syrienne a rejeté le parti pris de la Commission d’enquête et un rapport qui n’a pour but que d’accuser le seul Gouvernement syrien. Elle a dénoncé les accusations sans fondement lancées à son encontre concernant les bombardements de civils et a rejeté les accusations d’utilisation de gaz chimiques.
Les nombreuses délégations qui se sont exprimées ont fermement condamné les violations massives des droits des populations civiles syriennes. Compte tenu de l’escalade des hostilités et de la situation tragique à Idlib, plusieurs d’entre elles ont insisté sur la nécessaire protection des civils et ont plaidé pour l’acheminement immédiat d’une assistance humanitaires et la reprise des négociations inter-syriennes sous les bons offices de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Staffan de Mistura, rappelant que la seule solution au conflit est politique. À cet égard, plusieurs délégations ont plaidé pour l’application de la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Toute solution devrait notamment prendre en considération la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, ont insisté certains, alors que d’autres insistaient sur la nécessité d’assurer l’obligation redditionnelle pour tous les crimes commis, y compris le cas échéant, en saisissant la Cour pénale internationale (CPI).
Après une brève suspension de séance, le Conseil doit poursuivre ses travaux dans l’après-midi en engageant un dialogue avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.
Dialogue avec la Commission d’enquête sur la Syrie
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne (A/HRC/39/65).
M. PAULO SERGIO PINHEIRO, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a fait observer que cette année marquait le vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, fruit d’une étude exhaustive présentée à l’ancienne Commission des droits de l'homme à la demande des États membres. Pour la première fois, a dit M. Pinheiro, un cadre pragmatique de protection des personnes déplacées était alors détaillé, traitant des zones d'ombre et des lacunes, afin d’améliorer la protection des civils qui sont très vulnérables pendant les conflits armés. Il est donc étonnant, a poursuivi M. Pinheiro, que ces principes soient totalement ignorés lorsqu'il s'agit du conflit en Syrie, alors qu’aujourd’hui, plus de six millions de Syriens sont déplacés dans leur propre pays, dont un million au premier semestre de cette année.
Au cours de six batailles, les forces pro-gouvernementales ont repris cette année des parties importantes du territoire aux groupes armés et aux organisations terroristes - à Alep, dans le nord de Homs, à Damas, dans le Rif-Damas, dans les gouvernorats de Dara'a et d'Idlib - avec un coût élevé pour la population civile. La plupart des campagnes ont été marquées par des crimes de guerre perpétrés par toutes les parties, y compris le lancement d'attaques indiscriminées, l'attaque délibérée de biens protégés, l'utilisation d'armes interdites et le déplacement forcé, a déploré M. Pinheiro. Les parties responsables des déplacements n'ont pu protéger ceux qui avaient été déplacés collectivement, a-t-il insisté. En outre, l'approbation de l'aide humanitaire internationale, dont il est grand besoin, est souvent refusée ou utilisée comme monnaie d'échange, a critiqué M. Pinheiro.
Les civils déplacés perdent leurs maisons, leurs emplois et leurs liens sociaux, a poursuivi le Président de la Commission d’enquête. Dans le nord-ouest instable de la Syrie, comprenant les gouvernorats d'Idlib et de l'ouest d'Alep – tous deux actuellement sous le contrôle d'un ensemble complexe de groupes armés ou d'organisations terroristes – les déplacements internes rendent les victimes encore plus vulnérables aux risques de violence, d'abus et de discrimination. Les enfants déplacés dans le nord-ouest du pays manquent d’alimentation équilibrée et d’accès à l'éducation.
Les femmes et les filles qui vivent dans des camps de fortune, des villages de tentes et des bâtiments abandonnés sont vulnérables à la violence et aux abus sexuels; dans les zones d'Idlib contrôlées par des groupes extrémistes, leurs droits à l'emploi, à l'éducation et aux soins médicaux sont gravement restreints.
Les hommes syriens, traditionnellement chefs de famille, manquent de possibilités d'emploi et risquent de se rallier à des groupes armés ou à des organisations terroristes. S'ils tentent de rentrer chez eux, ils risquent d'être enrôlés de force par les forces gouvernementales, a en outre fait observer M. Pinheiro.
Pour aggraver les difficultés qui accompagnent le déplacement, les familles sont confrontées à de nombreux obstacles qui les empêchent de rentrer chez elles, notamment la destruction à grande échelle de maisons et d'infrastructures, d'hôpitaux, d'écoles et d'autres biens protégés, comme dans le camp de Yarmouk. Et les civils déplacés n'ont aucune garantie concernant leurs droits au logement, à la terre et à la propriété, a souligné le Président de la Commission d’enquête.
La guerre n'est pas finie, a rappelé M. Pinheiro. On estime que jusqu'à trois millions de civils résident actuellement à Idlib, dernier bastion des groupes armés antigouvernementaux et des organisations terroristes en Syrie. Nombre de ces civils ont été déplacés depuis le début du conflit. Cette année seulement, plus de 500 000 civils ont été déplacés à l'intérieur d'Idlib et vers Idlib. Ils n'ont souvent pas les biens de première nécessité nécessaires à leur survie, a souligné M. Pinheiro.
En août, les forces pro-gouvernementales ont commencé à distribuer des tracts sur Idlib, exhortant les groupes armés et les organisations terroristes à se rendre. Mais, contrairement à Dara'a ou à la Ghouta, les millions de civils d'Idlib n'ont nulle part où fuir; une offensive globale pour reprendre Idlib engendrerait une catastrophe inimaginable du point de vue humanitaire et des droits de l'homme – une catastrophe dans laquelle les violations que nous avons documentées seraient très probablement massivement amplifiées, a averti M. Pinheiro.
Il est essentiel que les questions relatives aux droits de l'homme et à la responsabilité demeurent des priorités, a ajouté M. Pinheiro. Récemment, des centaines de familles syriennes ont commencé à être informées par les registres de l'état civil que le statut de proches qu'elles croyaient avoir été arrêtés, détenus ou être disparus avait été modifié pour refléter leur décès en détention. Quelques familles ont reçu des avis de décès indiquant que leurs proches étaient décédés il y a plusieurs années et que la cause de leur décès était une crise cardiaque ou un AVC. Les familles ont le droit de savoir pourquoi, comment, quand et où leurs proches sont morts, a insisté M. Pinheiro.
Enfin, dans les régions où les combats se sont apaisés, le retour dans la sécurité et la dignité des personnes déplacées et des réfugiés devrait être volontaire, sans entraves inutiles; et, s'il est nécessaire de procéder à un contrôle des rapatriés, il doit être réduit au minimum et mené au cas par cas, en toute transparence, a plaidé le Président de la Commission d’enquête.
Pays concerné
La République arabe syrienne a déclaré que ce rapport montre, une fois de plus, le parti pris et l’approche empreinte de deux poids, deux mesures de la Commission d’enquête. Il contient des informations erronées et témoigne d’un traitement partial des faits, a insisté la délégation syrienne. Ce rapport ne fait pas mention des forces turques, ni de celles de la coalition qui envahissent la République arabe syrienne et ciblent des infrastructures civiles, notamment des hôpitaux et des écoles, en contravention avec le droit international. Le rapport n’apporte non plus aucune analyse légale de ces faits et justifie les agissements de la Turquie et les crimes commis par la coalition menée par les États-Unis, celle-là même qui a détruit la ville de Raqqa et facilité l’exfiltration de terroristes, ajouté la délégation syrienne.
La Syrie a par ailleurs dénoncé les accusations sans fondement lancées à son encontre concernant les bombardements de civils. Cela est injustifié au regard des engagements pris, en tant que Gouvernement devant protéger sa population, par la République arabe syrienne. Des zones tenues par des groupes terroristes ont été libérées et le Gouvernement est résolu à reprendre Idlib, tenue par le mouvement Al Nosra, reconnu comme groupe terroriste par le Conseil de sécurité, a expliqué la délégation syrienne.
Le Gouvernement syrien dénonce également les accusations d’utilisation de gaz chimiques lancées par la Commission d’enquête, laquelle avec de telles accusations outrepasse son mandat, a d’autre part affirmé la délégation syrienne, s’étonnant par ailleurs que ladite Commission n’ait pas repris les informations transmises au Secrétariat, pas plus que le communiqué du 10 juillet, émanant du Gouvernement syrien. La délégation syrienne a conclu en indiquant que la Syrie rejette un rapport qui n’a pour but que d’accuser le seul Gouvernement syrien.
Dialogue interactif
L’Union européenne a réitéré son appel aux autorités syriennes afin qu’elles coopèrent avec la Commission d’enquête et lui accordent un accès sans entrave dans le pays. Elle a demandé à toutes les parties au conflit de tout faire pour éviter un massacre à Idlib, de mettre un terme aux hostilités et d’assurer la protection des civils. L’impunité est inacceptable, a rappelé l’Union européenne, soulignant qu’elle allait soutenir la documentation des violations des droits de l'homme commises.
Au nom d’un groupe de pays, la Norvège s’est dite très préoccupée par la catastrophe qui se profile à Idlib et a appelé toutes les parties à respecter leurs obligations. Toute utilisation d’armes chimiques est inacceptable et les responsables doivent en être poursuivis, a ajouté la Norvège. Le Liechtenstein a réitéré la nécessité d’une reddition de comptes pour les graves violations du droit international et a appelé tous les États à coopérer pleinement avec le mécanisme international, impartial et indépendant que constitue la Commission d’enquête. Le Qatar a demandé à la Syrie d’autoriser la Commission d’enquête à entrer sur le territoire syrien et a condamné la stratégie militaire syrienne, notamment les bombardements d’installations médicales. Tous les responsables de crimes et de violation des droits de l'homme doivent en répondre devant la justice, a insisté le Qatar, appelant à une cessation complète de toutes les hostilités en Syrie.
Le Canada a rappelé que la Commission d’enquête avait trouvé de nombreuses preuves d’exactions qui relèvent de crimes de guerre. Il s’est dit très inquiet du décret visant à confisquer les biens des personnes déplacées, qui sont dans l’incapacité de rejoindre leur foyer. La Commission d’enquête travaillera-t-elle avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques pour identifier les responsables d’attaques à l’arme chimique, a demandé la délégation canadienne ?
Le Koweït s’est dit outré face à l’exode interne provoqué par les combats ces six derniers mois et a attiré l’attention sur la catastrophe qu’entraînerait l’attaque contre Idlib. Il a appelé à traiter des crimes qui s’apparentent à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité. L’Estonie a évoqué les déplacements forcés de millions de civils et a demandé au régime syrien de mettre un terme au désastre humanitaire et de reprendre les négociations dans le cadre du processus de Genève.
Le Brésil s’est dit très préoccupé par la situation à Idlib, rappelant que toute personne détient des droits et ne saurait en aucun cas constituer un dégât collatéral. Le Brésil a dit condamner vivement toute utilisation d’armes chimiques et a dit attendre des progrès vers une solution politique en Syrie.
La France s’est alarmée des violations majeures des droits de l'homme et du droit international humanitaire, prenant note des violations commises en Syrie qui sont susceptibles de constituer des crimes de guerre. Elle a dénoncé la stratégie de prédation et de terreur du régime syrien envers les réfugiés et les personnes déplacées. Seule une solution politiques crédible, telle que prévue par la résolution 2254 du Conseil de sécurité, permettra d’atteindre une paix durable et inclusive en Syrie, a déclaré la France.
Après avoir souligné que les responsables de crimes doivent être traduits en justice, Israël a estimé que le Conseil ne portait pas assez attention à la présence militaire accrue de l’Iran en Syrie et qu’il devrait dénoncer sa complicité avec la Syrie, y compris dans les violations des droits de l'homme. Israël a fait part de son intention de poursuivre sa politique d’assistance humanitaire aux Syriens dans le besoin, tout en protégeant sa frontière avec la Syrie.
L’Allemagne a pris note avec grande inquiétude du fait que le régime syrien ait été trouvé, une fois de plus, coupable d’avoir utilisé du gaz de chlore dans plusieurs attaques contre Douma entre janvier et février derniers. Elle a demandé que la responsabilité de ces crimes, et de tous les autres crimes graves commis en Syrie, soit établie. L’Allemagne a aussi appelé les alliés du régime syrien à tout faire pour éviter la catastrophe humanitaire qu’entraînerait une offensive contre Idlib. De même, la Suisse a appelé les pays garants de la zone de désescalade de tout faire pour éviter une nouvelle intensification des combats. La Suisse a aussi dit être préoccupée par les déplacements internes forcés en Syrie dans le cadre d’accords dits « d’évacuation » négociés entre les parties au conflit. La Suisse a rappelé l’importance du respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, y compris le droit de propriété des personnes déplacées et celui de ne pas être forcé au retour. La délégation suisse a demandé à M. Pinheiro comment la communauté internationale pouvait aider à inverser la tendance préoccupante à l’accroissement du nombre des déplacements forcés en Syrie.
Les Pays-Bas ont appelé toutes les parties concernées à respecter le droit international, à accorder la priorité à la protection des civils et à réaliser que la lutte contre le terrorisme ne peut excuser des attaques aveugles ou disproportionnées. L’Italie s’est dite d’accord avec l’évaluation du Haut-Commissariat pour les réfugiés selon laquelle les conditions au retour volontaire des réfugiés syriens ne sont pas réunies. L’Italie s’est dite prête à soutenir les efforts au retour qui seront organisés par les Nations Unies quand l’évaluation du Haut-Commissariat changera.
L’Égypte a souligné que les principales victimes du conflit sont bien les Syriens eux-mêmes. Elle a condamné toutes les violations des droits de l’homme en Syrie et a demandé aux parties en présence d’y mettre fin. L’Égypte plaide pour une solution pacifique à ce conflit, grâce à des efforts plus intensifs, et pour le retour dans la dignité des personnes déplacées. Le Japon a déclaré que l’emploi d’armes chimiques ne saurait être toléré en aucune circonstance et a condamné fermement l’utilisation de telles armes en Syrie. Le Japon a également dit sa conviction que la crise en Syrie doit trouver une solution politique.
ONU-Femmes a attiré l’attention sur les travaux de la Commission d’enquête s’agissant des violations des droits des femmes en Syrie et les violences sexuelles et sexistes qu’elles y subissent. Depuis 2011, ONU-Femmes met à la disposition de la Commission des conseillères sur les questions de genre et des interprètes. ONU-Femmes a constaté que la Commission avait documenté le fait que la violence sexuelle est utilisée par tous les belligérants pour instiller la peur, humilier et punir. Selon la Commission, nombre de ces violations constituent des crimes contre l’humanité, a relevé ONU-Femmes.
Pour les Maldives, la situation en Syrie souligne l’échec de la communauté internationale à protéger les civils. La communauté internationale, et en particulier le Conseil de sécurité, doit faire un effort concerté pour désamorcer le conflit et venir en aide aux civils, ont demandé les Maldives.
L’Arabie saoudite a demandé à la communauté internationale de prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit mis fin aux mesures arbitraires que sont les déplacements forcés de populations civiles, entre autres souffrances qui leur sont infligées par le régime syrien et ses milices alliées. L’Arabie saoudite a appelé à un règlement de la crise en Syrie conforme au premier communiqué de Genève.
La Fédération de Russie a regretté que le rapport de la Commission d’enquête, qu’elle a qualifié de subjectif, soutienne les positions politiques d’un certain groupe de pays. Elle a regretté que la Commission n’ait pas réfléchi aux réalités objectives en Syrie. La Fédération de Russie a fait observer que les sanctions économiques aggravent les souffrances de la population civile syrienne et que les mesures coercitives – qui sont d’une manière générale contraires aux droits de l’homme et au droit international – sapent les efforts diplomatiques des États pour régler la crise. Enfin, les accusations d’utilisation d’armes chimiques proférées par la Commission ne sont pas prouvées et sont basées sur les allégations de pays qui cherchent des prétextes à leurs interventions militaires, a déclaré la Fédération de Russie.
La République populaire démocratique de Corée a dit maintenir sa position qui consiste à s’opposer à la politisation, à la sélectivité et à toute approche fondée sur deux poids, deux mesures. Elle rejette en outre toute tentative de se servir des droits de l’homme comme moyen de pression, d’ingérence dans les affaires intérieures et de renversement des systèmes d’États souverains. Elle a donc fait part de son inquiétude quant aux rapports de certains mécanismes tels celui sur la Syrie, car ils ne reflètent pas correctement les efforts sincères du pays concerné tendant à une résolution du problème visé. Les droits de l’homme en Syrie ne pourront être pleinement réalisés qu’une fois que ce pays sera débarrassé du terrorisme, a-t-elle conclu.
Les Émirats arabes unis ont déclaré que les attaques gouvernementales et celles des groupes armés avaient conduit au déplacement de 12 millions de Syriens, tant à l’intérieur du pays que vers l’étranger. Les Émirats arabes unis ont exprimé leur profonde inquiétude face à l’escalade des hostilités et de la violence à Idlib, qui a des conséquences incalculables sur la population civile. Les Émirats arabes unis ont mis l’accent sur le rôle de la communauté internationale pour garantir l’acheminement de l’assistance humanitaire aux zones encore assiégées. Ils ont en outre souligné qu’ils apportaient une aide aux Syriens, et qu’ils en avaient également accueillis 242 000 à ce jour. Ils administrent également un camp abritant 7000 réfugiés syriens en Jordanie. Les Émirats arabes unis ont enfin recommandé de relancer les négociations de paix.
La Croatie a réitéré son appel visant à la saisine de la Cour pénale internationale (CPI) par le Conseil de sécurité en ce qui concerne la Syrie. Les sept années de guerre ont provoqué un niveau sans précédent de déplacements et des records risquent maintenant d’être battus avec la catastrophe à Idlib. Le rapport de la Commission d’enquête met en lumière le fait que les attaques sont menées en faisant totalement fi de la vie des civils, a ajouté la délégation croate, espérant qu’une solution durable serait trouvée rapidement.
L’Espagne a réaffirmé sa condamnation la plus ferme de toutes les violations massives des droits de l’homme et a appelé à la protection de la population civile en Syrie. Elle a partagé l’avis des membres de la Commission concernant les privations subies par les civils et les atteintes à leurs droits les plus élémentaires. Elle a appelé toutes les parties au conflit à respecter la protection des civils et à négocier une paix durable.
La République populaire de Chine a affirmé à son tour que la solution politique est la seule voie pour résoudre le conflit en Syrie et reconstruire le pays. La délégation chinoise a dit soutenir les négociations inter-syriennes sous la médiation de l’ONU. Il faut combattre les organisations terroristes et le Conseil de sécurité doit diligenter des enquêtes sur l’utilisation d’armes chimiques, a-t-elle ajouté. Le Conseil doit favoriser une solution politique en combattant le terrorisme, a-t-elle indiqué.
La République tchèque a déploré que les membres de la Commission d’enquête n’aient pu obtenir un accès en Syrie. Elle a appelé à une cessation immédiate de la violence à Idlib et à un apaisement dans cette zone pour empêcher qu’il n’y ait davantage de victimes civiles. Tous les responsables de crimes doivent rendre des comptes, a poursuivi la République tchèque. Elle a aussi défendu le droit de tous les Syriens à la vie, à l’eau, au logement, à la terre et à la propriété.
L’Australie a fermement condamné les violations des droits de l'homme en Syrie et l’utilisation répétée d’armes chimiques par les autorités syriennes et leurs soutiens; les responsables doivent être identifiés et poursuivis, a-t-elle ajouté.
La Géorgie s’est dite très préoccupée par la crise humanitaire en Syrie et a demandé aux autorités syriennes de coopérer et de permettre un accès sans entrave à la Commission sur tout le territoire syrien.
Cuba a réitéré son soutien à la recherche d’une solution pacifique et négociée en Syrie, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ce pays. Ceux qui ont contribué au conflit en fournissant des armes, des financements, du renseignement et de la logistique à des groupes terroristes sont les responsables des milliers de victimes du conflit, a ajouté la délégation cubaine. La République bolivarienne du Venezuela a condamné les actions de groupes terroristes et a demandé le plein respect du droit à l’autodétermination, de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriales de la Syrie. Le Venezuela a dit soutenir les efforts de paix pour trouver une solution politique au conflit en Syrie.
La République islamique d’Iran a condamné les violations des droits de l'homme en Syrie, qui constituent une menace pour la paix et la sécurité dans le monde. La population syrienne est victime du régime de sanctions imposé par l’Union européenne et d’autres, a affirmé la délégation iranienne, avant de plaider pour l’instauration d’un comité constitutionnel pour restaurer la paix. Elle a demandé aux États Membres d’éviter de politiser les questions à l’examen au Conseil.
L’Iraq s’est dit satisfait de constater que les zones syriennes le long de la frontière avec l’Iraq sont maintenant contrôlées par les autorités syriennes et non plus par des groupes armés qui semaient la terreur également en Iraq. La délégation iraquienne a insisté sur le besoin d’objectivité et d’honnêteté pour traiter avec égalité toutes les violations.
Le Chili a dit que les autorités syriennes doivent coopérer avec les mécanismes de protection des droits de l'homme et que toutes les parties doivent cesser leurs actes illicites. Le Chili a lancé un appel à la protection de tous les droits de l'homme en Syrie, estimant qu’une solution politique négociée est nécessaire pour sortir de la crise.
La Roumanie s’est dite très préoccupée par l’échec des parties au conflit à assumer leur responsabilité concernant la situation de la population civile, ce qui s’est traduit par une hausse sans précédent du nombre de personnes déplacées. Elle s’est également inquiétée de la situation à Idlib et de la menace de désastre humanitaire qui en découle.
L’Algérie a dit que le choix de la voie de réconciliation, dans plusieurs localités syriennes, est une démarche à saluer et qu’il serait important que toutes les parties puissent œuvrer en ce sens pour la fin de la crise en Syrie. Elle a jugé très souhaitable d’éviter l’escalade et de concentrer les efforts sur la promotion de la solution politique.
Bahreïn a appuyé le travail de la Commission et a regretté que le sang syrien soit encore versé pour la septième année consécutive. Le peuple syrien se trouve entre le marteau du Gouvernement et de ses milices et l’enclume des groupes armés, a fait observer Bahreïn. Le pays a en outre dénoncé l’exode ainsi provoqué de plus de 6,5 millions de personnes. Il a condamné les attaques à l’arme chimique avant d’exhorter à la reprise des négociations inter-syriennes, qui devraient déboucher sur une paix basée sur le respect de la souveraineté de l’État et de son intégrité territoriale.
L’Albanie a encouragé la Commission à poursuivre ses enquêtes sur les activités qui ont provoqué les déplacements massifs de population civile en Syrie et a soutenu l’appel aux autorités nationales de fournir une assistance humanitaire aux personnes déplacées et d’accorder l’accès aux organisations humanitaires internationales.
La Belgique a dit restée interloquée face à l’absence totale d’attention pour la vie des civils et pour le droit international s’agissant de la Syrie. Elle a noté à cet égard qu’aucune information de la Commission d’enquête ne laisse entendre que les parties au conflit auraient essayé de fournir des services de base aux personnes déplacées. Elle a appelé ces parties à appliquer les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays. La Belgique a jugé inacceptable tout usage d’arme chimique et a appuyé les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général (M. Staffan de Mistura).
La Grèce s’est dite alarmée par les signalements de prise d’otages par Daech et a invité à ne pas perdre de vue que l’extrémisme en Syrie a des conséquences dévastatrices sur la population. Le temps viendra où il faudra rendre des comptes pour les tueries, les violations massives de droits de l’homme et la destruction du patrimoine, a ajouté la Grèce, avant d’encourager à une solution politique intégrale et d’inviter à la pleine application de la résolution 2254 du Conseil de sécurité.
Le Royaume-Uni a pris note des commentaires de la Commission quant à la situation déjà difficile des personnes déplacées, qui risque de devenir encore plus catastrophique avec les hostilités qui font rage à Idlib et déplaceraient un autre lot de civils. Le Royaume-Uni a aussi partagé l’avis des membres de la Commission concernant la délivrance de certificats de décès.
L’Équateur a égrené une longue liste de violations des droits de l’homme en Syrie et a appelé toutes les parties au conflit à la cessation des hostilités. Il a espéré que les enquêtes aboutiront pour que les responsables des violations comparaissent un jour devant la justice, de même que les fournisseurs d’armes.
La Pologne a souligné qu’avec la détérioration de la situation à Idlib, il est impératif de protéger les civils. Il s’agit d’un devoir moral, a affirmé la Pologne, avant de soutenir le processus de Genève et de plaider pour la relance du processus de négociations à titre prioritaire afin de parvenir à une transition négociée en Syrie.
L’Irlande a condamné les attaques aveugles contre les infrastructures et installations civiles en Syrie. Elle a appelé au respect de la zone de désescalade et à la saisine de la Cour pénale internationale, ainsi qu’à la mise en œuvre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité.
La Turquie a regretté que le régime syrien ait pris pour cible sa propre population, en recourant à des tactiques d’un autre âge, comme la famine. Le dernier rapport de la Commission ne reflète pas correctement les faits sur l’Opération « Branche d’olivier » au cours de laquelle toutes les précautions ont été prises pour épargner et protéger la population civile, a ajouté la Turquie, avant de faire part de sa disposition à poursuivre ses efforts en vue d’une solution politique en Syrie.
La Nouvelle-Zélande a souscrit aux recommandations de la Commission d’enquête sur la Syrie. Les autorités syriennes doivent prendre les mesures appropriées pour le retour des réfugiés et des personnes déplacées, ainsi que pour la restitution de leurs biens et de leurs terres, notamment. Toutes les parties doivent en outre permettre un accès humanitaire libre et sans entraves à tous. La Nouvelle-Zélande a condamné l’emploi d’armes chimiques et a appelé à la reddition de comptes dans les cas d’emploi de telles armes contre la population civile.
Appuyant la Commission d’enquête, la Jordanie a souligné qu’il importe de préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. Appuyant également les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, elle a encouragé à des négociations menées de bonne foi sous les auspices de l’Envoyé spécial. La Jordanie a supplié la communauté internationale d’épargner le peuple syrien et d’éviter une catastrophe à Idlib.
Le Bélarus a relevé des lacunes dans la méthodologie adoptée dans le rapport de la Commission d’enquête. L’information sur les groupes armés qui utilisent des civils comme boucliers humains n’est pas très étoffée dans le rapport, a affirmé le pays. Le Conseil de sécurité devrait rejeter la pratique qui consiste à critiquer systématiquement le Gouvernement syrien, et la communauté internationale devrait tout faire pour régler ce conflit en prenant en compte les intérêts du peuple syrien.
Au nombre des organisations non gouvernementales (ONG) qui se sont exprimées, Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture a déclaré que peuple syrien est victime depuis huit ans d’une propagande politique, à travers des arguments fallacieux, des accusations contradictoires et de fausses informations relayées dans les rapports et les médias. Cette campagne est financée par les pays qui appuient le terrorisme en Syrie, notamment les États-Unis et le Qatar, a affirmé l’ONG. La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a attiré l’attention sur le sort des personnes déplacées par le conflit syrien, en particulier celui des femmes et des enfants. L’ONG a par ailleurs attiré l’attention sur les discriminations faites, dans la loi et dans la pratique, aux femmes, en particulier en matière d’héritage, de nationalité et de droits civils. Elle demande donc à la Commission d’enquête d’analyser les inégalités préexistantes et les causes profondes de ces discriminations en Syrie. L’Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud, a déclaré qu’avec la Syrie, on voit les effets de ce que l’on a appelé le « soi-disant printemps arabe », avec des conséquences, notamment, sur les enfants, lesquels sont victimes de bombardements et de recrutement forcé dans les groupes armés. La communauté internationale doit venir en aide aux enfants syriens, a souligné l’ONG.
Le Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droits de l’homme s’est félicité que la Fédération de Russie et ses alliés aient dévoilé la réalité qui se cache derrière ce que cette ONG a qualifié de comédie des armes chimiques et des « casques blancs ». L’ONG a dénoncé les États-Unis et les autres pays qui soutiennent le terrorisme en Syrie et y envoient des armes par l’intermédiaire de la Turquie. Elle a appelé à la levée des sanctions contre la Syrie.
Christian Solidarity Worldwide a appelé les forces syriennes et russes à accorder la priorité à la protection des communautés vulnérables, notamment les druzes, qui viennent de subir une attaque meurtrière de la part de l’État islamique. L’ONG a appelé à la création d’un mécanisme indépendant de justice transitionnelle en Syrie. Organisation for Defending Victims of Violence a demandé à toutes les parties au conflit de purger la Syrie des terroristes; d’identifier les terroristes et de les traduire en justice, de même que leurs soutiens financiers. Charitable Institute for Protecting Social Victims a fait observer que l’infrastructure économique et sociale syrienne avait été « désintégrée » par le conflit, notamment pour ce qui est des infrastructures éducatives et sanitaires. La solution de la crise en Syrie est nécessairement de nature politique, a affirmé la délégation, recommandant à toutes les parties d’éradiquer la menace terroriste.
The Palestinian Return Centre Ltd a déclaré que plusieurs centaines de Palestiniens détenus de manière arbitraire en Syrie attendaient toujours un procès équitable; plusieurs Palestiniens ont été torturés à mort et des familles entières de Palestiniens ont disparu, y compris des femmes enceintes, a insisté l’ONG. Le Gouvernement syrien doit faire connaître le sort des centaines de détenus palestiniens, a-t-elle demandé.
Reprenant la parole à l’issue de ce dialogue, la République arabe syrienne a déclaré que ce sont les dizaines de milliers de terroristes étrangers qui devraient rentrer chez eux ou affronter leur destin. Le but des pressions actuelles exercées sur la Syrie est de trouver un moyen de sauver les groupes pourtant enregistrés comme terroristes par le Conseil de sécurité, a affirmé la délégation syrienne.
Réponses et conclusions des membres de la Commission d’enquête
M. PINHEIRO a précisé, à l’intention de la Fédération de Russie, que la Commission qu’il préside ne soutenait pas les sanctions économiques contre la Syrie, étant donné leurs répercussions humanitaires. M. Pinheiro a souligné l’importance du respect du droit des familles à la vérité. Il a demandé aux autorités syriennes de communiquer aux familles des renseignements sur les lieux de sépulture de leurs proches décédés. La Commission estime par ailleurs que les accords d’évacuation devraient être négociés avec la participation des civils concernés.
Quant aux moyens d’inverser la tendance aux déplacements forcés, M. Pinheiro a affirmé que tous les belligérants devraient renoncer à utiliser des tactiques illégales qui provoquent ces déplacements.
Dans son rapport, la Commission émet, au sujet des moyens de mettre fin au conflit, une série de recommandations pratiques qui n’exigent que la seule volonté des acteurs concernés, a d’autre part souligné M. Pinheiro.
M. Pinheiro a souligné que la Commission ne s’est jamais prononcée en faveur de mesures coercitives unilatérales contre la Syrie. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le paragraphe 8 du rapport, pour voir que la Commission s’est même penchée sur les conséquences de ces sanctions. Le Président de la Commission d’enquête a également estimé que la délégation syrienne n’a pas lu le rapport de le Commission d’enquête, auquel cas elle aurait vu que la Commission fait mention des groupes (terroristes) enregistrés (comme tels) par le Conseil de sécurité. Cependant, la Commission estime que la lutte contre le terrorisme ne doit pas être au-dessus des préoccupations humanitaires et que le sort de la population civile doit primer avant toute autre considération, a souligné M. Pinheiro.
MME KAREN KONING ABUZAYD, membre de la Commission d’enquête, a expliqué que ladite Commission continuait d’enquêter sur les violences sexuelles commises en Syrie, y compris les violences commises contre les hommes. À l’instar de M. Pinheiro, elle a souligné que les recommandations du rapport, comme celles des rapports précédents, contiennent des indications sur la manière de mettre fin au conflit et d’aider les personnes à rentrer chez elles. À cet égard, le droit de propriété de tous les Syriens doit absolument être respecté et le cadastre détruit par la guerre doit être recréé, a-t-elle indiqué.
La Commission d’enquête prend bien évidement note et connaissance des communications envoyées par les parties aux organes des Nations Unies, même si elles ne sont pas adressées directement à la Commission, a par la suite souligné Mme Abuzayd.
M. HANNY MEGALLY, membre de la Commission d’enquête, a demandé à la communauté internationale de ne pas oublier les six millions de personnes déplacées à l’intérieur même de la Syrie et qui ne bénéficient pas du même niveau d’aide que les Syriens expatriés. M. Megally a aussi recommandé que les autorités syriennes fassent preuve de transparence s’agissant des personnes toujours détenues et des raisons des décès de personnes détenues. Il faut que les parties examinent les recommandations de la Commission relatives aux personnes disparues et détenues, a-t-elle insisté.
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*Délégations ayant participé au débat: Union européenne; Norvège (au nom d’un groupe de pays); Liechtenstein; Qatar; Canada; Koweït; Brésil; Estonie; Israël; France; Suisse; Allemagne; Égypte; Maldives; ONU-Femmes; Arabie Saoudite; Fédération Russe; Pays-Bas; Italie; Japon; République Populaire Démocratique de Corée; Émirats Arabes Unis; Croatie; Espagne; Chine; République Tchèque; Cuba; Australie; Venezuela; Géorgie; Iran; Irak; Chili; Roumanie; Algérie; Bahreïn; Albanie; Belgique; Grèce; Royaume-Uni; Équateur; Pologne; Irlande; Turquie; Nouvelle-Zélande; Jordanie et Bélarus.
*Organisations de la société civile ayant participé au débat: Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud; Conseil International pour le soutien à des procès équitables et aux Droits de l'Homme; Christian Solidarity Worldwide; Organization for Defending Victims of Violence; Charitable Institute for Protecting Social Victims et The Palestinian Return Centre Ltd.
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HRC/18/134F