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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME COMMÉMORE LE 70ÈME ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, une réunion-débat de haut niveau à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide.

Y ont participé la Haut-Commissaire des Nations aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, et le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, M. Zohrab Mnatsakanyan, ainsi qu’un groupe de panélistes composé de M. Adama Dieng, Secrétaire général adjoint et Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide; Mme Kimberly Prost, Juge à la Cour internationale de justice et ancienne juge au Tribunal pénal international sur l’ex-Yougoslavie; M. William Schabas, Professeur de droit international à l’université Middlesex (Royaume-Uni); et M. Fabian Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-répétition.

Dans sa déclaration liminaire, Mme Bachelet a déclaré que la réunion-débat était importante car le « fléau odieux » du génocide, tel que décrit dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, demeure à la fois une menace et une réalité au XXIe siècle. Elle a rappelé que cet instrument a été le premier traité relatif aux droits de l’homme à être adopté par l’Assemblée générale (9 décembre 1948), suivi, le lendemain (10 décembre 1948), par l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Après avoir invité à méditer sur la gravité des actes récents perpétrés contre les Rohingya (au Myanmar) et les Yézidis (en Syrie) et à tout mettre en œuvre pour que leurs auteurs rendent des comptes, la Haut-Commissaire a axé son intervention sur l’importance de la reddition de comptes et les processus de justice transitionnelle à la lumière du droit international, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des traités. Elle a en outre souligné que les deux volets de la Convention – prévention et répression - ne doivent jamais être perçus séparément tant il importe de faire cesser l’impunité. Mme Bachelet a également insisté sur la nécessité d’améliorer la manière dont on repère et prend des mesures face à des signes précurseurs ou avant-coureurs, notamment face aux discours de haine hors ligne et en ligne.

Le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, M. Zohrab Mnatsakanyan, a souligné que la prévention exige une approche intégrée continue, y compris au sein des Nations Unies, afin de collecter des données et d’identifier les risques. Le chef de la diplomatie arménienne a indiqué qu’avec la création du Forum mondial contre le crime de génocide en 2015, son pays offre une plateforme solide de coopération internationale pour la prévention du génocide. Tous les mécanismes des Nations Unies, dont les procédures spéciales, le Haut-Commissariat et les organes de traités doivent donc y porter une attention particulière et utiliser tous les moyens à leurs dispositions pour ce faire. Cela est d’autant plus urgent que le déni de génocide et l’impunité sont des obstacles au travail de prévention et que le déni de justice hante les générations de survivants, a souligné M. Mnatsakanyan.

M. Dieng a pour sa part souligné que « le génocide n’est pas un hasard; c’est notre passivité ou notre inefficacité à réagir à ses signes précurseurs qui le transforment en réalité ». « Le crime de génocide n’a pas commencé avec cette Convention et, malheureusement, il n’a pas cessé après », a constaté le Conseiller spécial, ajoutant que beaucoup d’événements auraient pu être qualifiés de génocide. En République centrafricaine, en Iraq, au Myanmar, au Soudan du Sud, en Syrie, au Yémen et dans d’autres lieux, les peuples ont souffert et souffrent des pires crimes, sous nos yeux, a rappelé M. Dieng.

Mme Prost a quant à elle invité les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, soulignant que celle-ci sera plus efficace si elle devient universelle.

Le Professeur Schabas a expliqué pour sa part que l’approche stricte du terme « génocide », tout comme l’approche plus large qui inclut le nettoyage ethnique et les atrocités de masse, montrent que le génocide reste considéré comme « le crime des crimes ».

Pour M. Salvioli, la solidarité avec les victimes du génocide serait l’une des manières de célébrer le 70e anniversaire de la Convention. Cette solidarité ne doit pas être seulement formelle: elle doit s’accompagner d’un travail de conscientisation des sociétés, afin que chacun prenne la mesure de ce crime et que l’on parvienne ainsi à sa « non-répétition », a expliqué le Rapporteur spécial.

Un grand nombre d’intervenants* ont pris part au débat. Il a en particulier été rappelé que la communauté internationale avait été passive et incapable de prévenir un certain nombre de génocides. Plusieurs délégations ont ainsi renvoyé aux situations en Palestine, en ex-Yougoslavie, au Cambodge, au Rwanda et au Myanmar.

Certains intervenants ont plaidé pour une réforme du Conseil de sécurité, en particulier pour ce qui est du droit de veto, ainsi que pour une meilleure coordination entre le Conseil de sécurité, le Conseil des droits de l'homme et l’Assemblée générale. Dans ce cadre, l’assistance technique aux États aux fins du renforcement des capacités de leurs mécanismes d’alerte rapide a été jugée nécessaire. La mise sur pied de systèmes d’alerte précoce du génocide a également été suggérée. Il a également été recommandé de veiller à ce que les droits des victimes soient préservés et à ce que l’imprescriptibilité de ce crime soit maintenue. A également été maintes fois évoqué et discuté le concept de « responsabilité de protéger ».

Le Conseil poursuivait ses travaux ce midi en poursuivant son dialogue interactif groupé – entamé hier après-midi – avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement et le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des déchets et des produits dangereux.

Réunion-débat de haut niveau pour le 70ème anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

Déclarations liminaires

MME MICHELLE BACHELET, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que la réunion-débat était importante car le fléau odieux du génocide, tel que décrit dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, demeure à la fois une menace et une réalité au XXIe siècle. À titre d’exemple récent, Mme Bachelet a indiqué qu’il y a deux semaines, la Mission d’établissement des faits dépêchée par le Conseil des droits de l’homme au Myanmar avait publié un rapport choquant sur la campagne d’assassinats, de viols et d’agressions par l’armée birmane contre le peuple rohingya de l’État Rakhine. Le nombre de morts est estimé à dix mille au moins, avec un nombre incalculable de personnes estropiées, mutilées, violées et traumatisées, et alors même que près de 800 000 autres ont été forcées de fuir vers le Bangladesh voisin.

Ces faits ne laissent aucun doute sur l’importance de la Convention aujourd’hui, au même titre que lors de son adoption le 9 décembre 1948, a affirmé la Haut-Commissaire. Elle a précisé que cet instrument avait été le premier traité relatif aux droits de l’homme à être adopté par l’Assemblée générale, suivi, le lendemain, par l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce double événement a marqué l’avènement d’une nouvelle ère des droits de l’homme: une vision du monde où le génocide de l’Holocauste ne se reproduirait jamais plus. La Haut-Commissaire a invité à méditer sur la gravité des actes récents perpétrés contre les Rohingya et les Yézidis et à tout mettre en œuvre pour que leurs auteurs rendent des comptes.

Mme Bachelet a mis l’accent sur la notion d’obligation redditionnelle, non seulement parce qu’elle rend justice aux victimes et sanctionne les auteurs, mais surtout parce que le fait de mettre un terme à l’impunité est central pour en finir avec le génocide. Concrètement, a ajouté la Haut-Commissaire, la reddition des comptes s’appuie sur le droit international relatif aux droits de l’homme, lequel impose la réalisation d’enquêtes efficaces, promptes, détaillées et impartiales, ainsi que des poursuites, un accès à la justice et des réparations concrètes aux victimes. Et Mme Bachelet d’ajouter que l’approche des Nations Unies embrasse tous ces aspects, depuis l’établissement des faits jusqu’aux procédures judiciaires.

La Haut-Commissaire a ensuite rappelé qu’il y a six mois, un autre aspect crucial de la reddition de comptes – la justice transitionnelle – était au centre d’une étude importante présentée au Conseil par le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, M. Adama Dieng, et par l’ancien Rapporteur spécial sur la promotion de la justice, la vérité, la réparation et les garanties de non-répétition, M. Pablo de Greiff.

Pour Mme Bachelet, le message central de ce rapport est on ne peut plus clair: les processus de justice transitionnelle aident à prévenir les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, le génocide, les crimes de guerre et le nettoyage ethnique plus particulièrement. Ces processus conduisent à la vérité, à la justice et aux réparations et sont en conséquence un outil vital pour briser le cycle de l’impunité. La Haut-Commissaire a souligné que le rapport mettait aussi en évidence le rôle préventif potentiel du Conseil des droits de l’homme et du Haut-Commissariat. Mme Bachelet a salué en outre la décision prise, la semaine dernière, par la Cour pénale internationale de se déclarer compétente à l’égard de la déportation alléguée du peuple rohingya du Myanmar au Bangladesh. Si cette décision ne traite pas du génocide de manière spécifique, elle offre néanmoins un réel espoir de reddition de comptes pour les crimes commis, a commenté la Haut-Commissaire.

Un génocide n’arrive jamais sans signes précurseurs, a dit Mme Bachelet. Elle a affirmé que, dans le cas des Rohingya, ces signes abondaient: des personnes opprimées de la naissance à la mort, une armée qui ne rend de comptes à personne et des violations systématiques des droits de l’homme sous l’égide de l’État et restées impunies pendant des décennies. La Haut-Commissaire a donc insisté sur la nécessité d’améliorer la manière de détecter et de réagir aux signes précurseurs ou avant-coureurs, notamment les discours de haine hors ligne et en ligne.

M. ZOHRAB MNATSAKANYAN, Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, a déclaré que depuis vingt ans, son pays n’avait cessé de travailler avec les Nations Unies et les autres partenaires afin de mieux faire connaître la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Le Ministre a dit saisir cette tribune pour réaffirmer la détermination de son pays à défendre les droits de l'homme et à prévenir le génocide et autres atrocités.

Le Ministre a ensuite déclaré qu’alors que l’on célébrerait le soixante-dixième anniversaire de l’adoption de la Convention le 9 décembre prochain, le génocide n’était pourtant pas totalement éradiqué, comme le montrent les tendances à l’exclusion et à l’extrémisme dont est saisie la communauté internationale. Même s’ils ne sont pas nombreux, les génocides représentent le crime ultime, a déclaré le Ministre, déplorant que certains se demandent encore s’il faut légiférer dans ce domaine. Il a également déploré qu’à ce jour la Convention ne soit pas universellement ratifiée, un quart des États Membres des Nations Unies n’y étant toujours pas parties.

Le Ministre a aussi estimé que la prévention du génocide exigeait une approche intégrée et constante, y compris au sein des Nations Unies, afin de collecter des données et identifier les risques. Tous les mécanismes des Nations Unies, y compris les procédures spéciales du Conseil, le Haut-Commissariat et les organes de traités, doivent y porter une attention particulière en utilisant tous les moyens à leur disposition. Cela est d’autant plus urgent que le déni du génocide et l’impunité sont des obstacles au travail de prévention, tandis que le déni de justice hante les générations de survivants, a-t-il dit.

En ce qui la concerne, l’Arménie est d’avis que l’éducation et la promotion d’une culture de respect des droits de l'homme sont indispensables au travail de prévention. Ainsi, en créant le Forum mondial contre le crime de génocide en 2015, l’Arménie offre une plate-forme solide de coopération internationale pour la prévention du génocide. La prochaine réunion de ce forum aura lieu le 9 décembre prochain à Erevan, a indiqué le Ministre des affaires étrangères arménien.

Présentations des panélistes

M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide, a d’emblée souligné l’importance de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en rappelant qu’il s’agissait du premier traité sur les droits de l'homme adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 9 décembre 1948, un jour avant l’adoption de la Déclaration universelle sur les droits de l'homme. Le crime de génocide n’a pas commencé avec cette Convention et, malheureusement, il n’a pas cessé après, a-t-il ajouté, précisant que beaucoup d’événements auraient pu être qualifiés de génocide. En République centrafricaine, en Iraq, au Myanmar, au Soudan du Sud, en Syrie, au Yémen et dans d’autres lieux, les peuples ont souffert et souffrent des pires crimes, sous nos yeux, a continué M. Dieng.

Le génocide n’est pas un hasard, c’est notre passivité ou notre inefficacité à réagir à ses signes précurseurs qui le transforment en réalité, a fait observer le Conseiller spécial. « Une réalité où les peuples sont déshumanisés et persécutés pour ce qu’ils sont, la religion qu’ils pratiquent, la culture dans laquelle ils ont grandi ou simplement en raison de leurs caractéristiques physiques différentes. » L’échec collectif à prévenir les crises qui font le lit de ce crime a des conséquences humaines et économiques désastreuses, qui vont bien au-delà des frontières nationales, a continué M. Dieng. Le Conseiller spécial a mis en garde contre la menace que le génocide représente pour la paix et la sécurité mondiales.

À ce jour, 149 États ont ratifié ou adhéré à la Convention, mais 45 États Membres des Nations Unies ne l’ont pas encore fait: vingt sur le continent africain, 18 en Asie et sept dans les Amériques. M. Dieng s’est dit troublé par le défaut d’engagement d’un tel nombre de pays, se demandant quel message ils veulent envoyer à la communauté internationale. C’est la raison pour laquelle le Conseiller spécial a lancé l’année dernière avec le Secrétaire général un appel à la ratification universelle de la Convention. Cet instrument a joué un rôle essentiel dans le développement du droit pénal international: le ratifier, a insisté M. Dieng, c’est témoigner d’un véritable engagement en faveur des principes fondamentaux des Nations. La Convention reste pertinente car la menace de génocide reste présente et la détermination à prendre des mesures doit être sans faille. Rien ne justifie de ne pas ratifier cette Convention, a conclu M. Dieng.

MME KIMBERLEY PROST, Juge à la Cour internationale de justice, a dit avoir entendu, en tant qu’ancienne juge au Tribunal pénal international sur l’ex-Yougoslavie, durant quatre années, jour après jour, les témoins et les éléments de preuve du génocide perpétré à Srebrenica. La Chambre de première instance avait été saisie d’un très grand nombre de preuves, avec plus de 300 témoins et environ 90 000 pages de documentation détaillant les événements avant, pendant et après les attaques de juillet 1995 à Srebrenica et Zepa.

Mme Prost a fait observer que la haine et la division ethnique et religieuse, occultées ou réprimées, avaient fini par éclater en ex-Yougoslavie faute d’avoir été ouvertement abordées. « Un jour nous sommes voisins et le lendemain nous nous entretuons », a-t-elle résumé en citant un témoin. Autre leçon tragique de Srebrenica, a-t-elle poursuivi, les architectes de cet horrible massacre étaient convaincus de leur pouvoir absolu. Mme Prost a confié qu’elle n’oublierait jamais les vidéos de Radko Mladic au cours des événements ayant conduit au génocide, marchant fièrement dans l’enclave de Srebrenica.

Partant, Mme Prost a estimé, à l’instar de l’ancien Secrétaire général, Kofi Annan, que la complexité du problème exige une approche pluridisciplinaire. « La reddition de comptes est essentielle », a-t-elle insisté, rappelant la stratégie globale mise en œuvre par l’ancien Secrétaire général pour la prévention du génocide. La panéliste a aussi souligné que la Cour pénale internationale ne remplace pas l’autorité suprême des États de traiter ces crimes mais la complète. La Cour sera plus efficace si elle devient universelle, a souligné Mme Prost, arguant que même si certains États critiquent cette instance, « ils ne peuvent pas s’opposer à la justice ».

M. WILLIAM SCHABAS, professeur de droit international à l’Université du Middlesex (Royaume-Uni) et professeur de droit pénal international et des droits de l'homme à l’Université de Leyde (Pays-Bas), a insisté sur le fait que de nombreux crimes contre l’humanité et de massacres sont en réalité des génocides et que, selon le préambule de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, « à toutes les périodes de l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l'humanité ». L’expert a fait observer que si la Convention est souvent critiquée pour sa définition étroite du génocide, il faut bien comprendre que c’était une solution de compromis: son adoption était le reflet de la conception, largement partagée à l’époque, que les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale étaient une anomalie de l’histoire, a expliqué M. Schabas,

Dans les quarante années qui ont suivi l’adoption de la Convention, le droit pénal international a peu évolué jusqu’à une renaissance dans les années 1990, a continué l’universitaire. Avec la création de la Cour pénale internationale et le développement de la doctrine de la responsabilité de protéger, le concept de génocide est devenu d’une certaine manière moins important, ce qui peut en partie expliquer que nombre d’États n’aient pas ratifié la Convention. Toutefois, l’approche stricte du terme, tout comme l’approche plus large qui inclut le nettoyage ethnique et les atrocités de masse, montrent que le génocide reste considéré comme « le crime des crimes ».

M. FABIAN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a déclaré que l’une des manières de célébrer le 70e anniversaire de la Convention est d’être solidaire des victimes du génocide. Mais cette solidarité ne doit pas être seulement formelle: elle doit s’accompagner d’un travail de conscientisation des sociétés, afin que chacun prenne la mesure de ce crime et que l’on parvienne ainsi à sa « non-répétition ». L’autre manière serait de mettre fortement l’accent sur la prévention, tant au niveau mondial que national. Pour ce faire, les États doivent mettre en œuvre les droits de l'homme, promouvoir une culture de la paix et éliminer les discriminations. Il faut également respecter le principe d’égalité des droits et des hommes et rejeter toute discrimination, a ajouté le Rapporteur spécial.

Débat

Plusieurs délégations, dont des groupes de pays, ont observé qu’en dépit de l’adoption de la Convention, la communauté internationale n’a pas pu éviter la commission des crimes de génocides, pas plus que la prévention n’a été efficace. Ainsi, la Lituanie, au nom d’un groupe de pays, a observé que depuis le « plus jamais ça » lancé par la communauté internationale au lendemain du génocide du Rwanda, rien n’a été fait dans la prévention. Le Costa Rica, au nom d’un groupe de pays, a fait le même constat, soulignant que la Convention n’a pas pu éviter la commission d’actes de génocide et d’atrocités et que dans ce contexte, la communauté internationale doit être plus vigilante, car ce crime ne se commet pas du jour au lendemain; il est le fruit de politiques de discriminations et d’exclusion répétées.

L’Australie a elle aussi constaté que la communauté internationale avait été incapable de prévenir ou d’empêcher les génocides au Cambodge ou au Rwanda. Pour éviter que cela ne se reproduise, il faudrait que les États ratifient universellement la Convention et appuient le cadre d’analyse des crimes atroces élaboré par le Secrétaire général. Alors qu’une ratification universelle de la Convention pourrait aider, comment aider le Conseiller spécial à parvenir à cet objectif, a demandé le représentant australien ?

La Suisse, au nom d’un groupe de pays, a elle aussi observé que la prévention (du génocide) reste un des défis auxquels est confrontée la communauté internationale, qui n’a pu éviter des génocides. On a en effet assisté à des génocides, comme celui des Yazidis et l’on dispose aujourd'hui de plusieurs rapports montrant les responsabilités de la chaine de commandement de Tatmadaw, l’armée du Myanmar, dans les actes contre les musulman Rohingyas, ont pour leur part souligné les Pays-Bas, au nom d’un groupe de pays.

On attend que ce soit le Conseil de sécurité qui agisse, a fait observer le Liechtenstein, soulignant que le problème n’est pas que la communauté internationale ne dispose pas des informations nécessaires pour prévenir le génocide, mais plutôt que, souvent, elle manque de volonté politique pour le faire. On voit en effet que les génocides continuent de se produire sous les yeux de la communauté internationale, notamment à l’encontre du peuple palestinien et des Rohingyas, a souligné le Venezuela, déplorant que soit alors soulevé des arguments comme « le droit de se défendre » et estimant qu’il y a donc besoin de réformer les méthodes de travail du Conseil de sécurité. Il est également temps qu’ait lieu à l’Assemblée générale un débat sur la responsabilité de protéger, a ajouté le pays.

Du point de vue de l’Union européenne, la responsabilité de protéger les populations repose en premier lieu sur les gouvernements; mais en cas de défaillance, la communauté internationale a le devoir d’agir. Alors qu’il semble que l’on n’ait pas encore tiré toutes les leçons du passé, l’Union européenne est curieuse de savoir comment le Conseil peut aider à la prévention. Le Monténégro a insisté sur la nécessité de renforcer les systèmes de prévention au sein des Nations Unies. Or, à ce jour, la coordination entre le Conseil de sécurité, le Conseil des droits de l'homme et l’Assemblée générale continue d’être un sujet de préoccupation, a souligné le pays.

C’est l’impunité pour ces crimes (de génocide) qui encourage leur répétition, a estimé la République tchèque, avant de s’interroger elle aussi sur la manière d’améliorer les systèmes de prévention. Au nom du Groupe arabe, la Tunisie, a affirmé que le Conseil à un rôle à jouer dans la prévention du crime de génocide, afin que ce crime ne puisse se reproduire. Il faut également veiller à ce que les droits des victimes soient préservés et à ce que ce crime demeure imprescriptible. Le Togo, au nom du Groupe africain, a assuré que les pays de ce Groupe ont investi dans des mécanismes d’alerte précoces et continuent de coopérer avec les partenaires internationaux, y compris le bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général, mais aussi avec la société civile et les chefs religieux, dans le but de bâtir des sociétés plus inclusives et tolérantes.

L’Équateur a plaidé pour des mécanismes permettant d’éviter l’impunité et de garantir la non-répétition et le droit à la mémoire des victimes. Il est nécessaire de mettre en avant la responsabilité des États de respecter leurs obligations d’enquêter et de poursuivre les responsables de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, a insisté l’Équateur, rappelant que le crime de génocide est imprescriptible, sans aucune possibilité d’amnistie. La Grèce a insisté sur le devoir de se souvenir des victimes et sur l’importance de la Convention dont on célèbre ici le 70ème anniversaire et dont l’une de ses principales réalisations a été de permettre d’autres développements tels que la création de la Cour pénale internationale. L’imprescriptibilité du crime de génocide a été intégrée à la législation de la Grèce en 2011, a ajouté la délégation grecque.

Cuba a regretté que l’objectif de prévention et de sanction de ce crime se soit vu entaché par les tentatives d’appliquer des concepts tels que la « souveraineté limitée », l’« intervention humanitaire », la « guerre préventive » et la « responsabilité de protéger », qui sont utilisés pour masquer des politiques interventionnistes contre les pays du Sud. La délégation cubaine a en outre dénoncé le maintien de politiques génocidaires, comme le blocus des États-Unis contre Cuba. La Fédération de Russie a dit appuyer les efforts visant à assurer que le crime de génocide ne se répète pas. Il ne faut pas oublier que les crimes nazis, qui ont motivé la rédaction de la Convention, sont basés sur une idéologie de haine qu’il faut combattre, a ajouté la délégation russe. Elle s’est opposée aux tentatives d’interpréter, dans le droit national, le concept de génocide tel que défini dans le droit international en tentant d’y intégrer des violations des droits de l'homme.

Le Brésil a rappelé avoir pour sa part ratifié la Convention en 1952 et avoir fait des efforts pour son application. La délégation brésilienne s’est dite convaincue qu’il est essentiel de se concentrer sur l’application des dispositions du droit international existant et d’éviter de laisser proliférer des concepts imprécis, comme le « crime d’atrocité », qui ouvre la voie à la politisation et discrédite les efforts visant à protéger les civils contre les crimes dont il est ici question.

La Slovénie a appelé les États Membres qui ne l’ont pas fait à ratifier la Convention. La prévention des atrocités de masse nécessite des efforts soutenus sur une longue période pour renforcer la résilience d’une société, a-t-elle ajouté. Des alertes précoces doivent être complétées par des interventions précoces, a souligné la délégation slovène. Elle s’est enquise auprès des panélistes de la manière d’améliorer la mise en œuvre de la responsabilité de protéger les populations contre les crimes de masse, y compris le génocide.

Le Sénégal, qui a ratifié la Convention en 1983, a indiqué rester attaché à l’impératif de prévention des violations massives, graves et systématiques des droits de l'homme pouvant conduire à un génocide. Dans ce cadre, l’assistance technique aux États dans le renforcement des capacités de leurs mécanismes d’alerte rapide est nécessaire, a souligné le pays.

La Turquie a dit que pour protéger les populations il est important que les violations du droit international soient examinées. La Convention est importante pour la prévention et pour la sanction, a ajouté la Turquie, avant de déplorer que les auteurs de graves violations soient aujourd’hui souvent les descendants des victimes d’hier.

L’Italie a réaffirmé son engagement en faveur de la Convention et son soutien au multilatéralisme, se disant persuadée que le Conseil peut jouer un rôle pour la prévention de violations graves des droits de l'homme et en particulier du crime de génocide. L’Italie a souhaité savoir si le système multilatéral actuel peut prévenir et punir le crime de génocide et s’il y a des possibilités d’amélioration à cet égard.

Le Soudan a dit œuvrer pour la réalisation de tous les droits de l'homme, avoir ratifié tous les instruments internationaux de droits de l'homme et avoir mis sa législation en conformité avec eux. Le Soudan a rappelé avoir ratifié le Protocole pour la prévention et la répression du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ainsi que de toute forme de discrimination, adopté en 2006 à l’issue de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs. Le Rwanda a évoqué le génocide contre les Tutsis commis dans son propre pays et a regretté que le monde ne fasse que réagir au lieu de prévenir. À la suite de ce génocide, le Gouvernement du Rwanda a pris des mesures pour l’application de la Convention, a uni et réconcilié la population et investi pour améliorer le système économique et social, a déclaré la délégation rwandaise. Le déni est l’étape ultime du génocide, a-t-elle déploré, demandant comme la communauté internationale pouvait réagir au négationnisme.

L’Iraq a été confronté au terrorisme de Daech et a connu un grand nombre d’atrocités reconnues comme crimes contre l’humanité. Le pays a invité les États Membres à apporter leur soutien au mécanisme visant à enquêter sur les crimes de l’État islamique.

Après avoir rendu hommage à Raphael Lemkin dont les efforts inlassables ont conduit à l’adoption de la Convention, Le Congrès juif mondial a indiqué qu’à ce jour, 149 États sont parties à la Convention; il n’en demeure pas moins que des crimes de génocide sont encore perpétrés de par le monde, notamment contre des civils qui sont ciblés pour ce qu’ils sont ou ce qu’ils défendent. L’ONG a fustigé à cet égard la passivité de toute la communauté internationale. Elle a d’autre part mis en garde contre les tendances actuelles à la négation de l’Holocauste. Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a appelé l’attention sur la situation des droits de l’homme au Myanmar et a exigé des mécanismes efficaces pour prévenir le crime de génocide. Comment renforcer les piliers des Nations Unies en matière de prévention, s’est interrogée l’ONG, qui a voulu savoir quelles autres mesures la communauté internationale pourrait prendre pour éviter un génocide ?

Center For Global Nonkilling a souligné que nul n’a le droit de tuer et a ajouté que la défense légitime ne devrait jamais aboutir à un décès. Tant que le droit à la vie ne sera pas pleinement respecté, des actes de génocide seront encore commis, a-t-il prévenu, appelant également à résoudre les effets du changement climatique, à cesser la course au nucléaire et à respecter la vie de tous pour instaurer des sociétés qui ne tuent pas.

Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO) a regretté que plusieurs États africains refusent de coopérer ou ne veulent pas adhérer au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Human Rights Watch a affirmé qu’aujourd’hui, la Cour pénale internationale est plus nécessaire que jamais. Cependant, celle-ci ne pourra pas pleinement s’acquitter de ses fonctions tant qu’on opposera un veto d’une puissance ou d’une autre au sein du Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité devrait pourtant renvoyer la situation des droits de l’homme au Myanmar à la Cour pénale internationale, qui gagnerait quant à elle à disposer de ressources supplémentaires.

Verein Südwind Entwicklungspolitik a souligné que le point de départ pour véritablement lutter contre le génocide réside dans la ratification universelle de la Convention. L’ONG a lancé un appel aux 44 États qui ne l’ont pas encore fait pour qu’ils adhèrent sans délai à cet instrument.

Remarques de conclusion des panélistes

M. DIENG a reconnu que le système multilatéral actuel n’était pas à même de prévenir ni d’empêcher les génocides. Il faut réfléchir à un mécanisme qui mette l’humain au cœur et préserve les intérêts des États, a dit le Conseiller spécial du Secrétaire général. Il s’est réjoui de l’appel lancé par l’Union africaine à tous ses membres afin qu’ils ratifient la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide.

MME PROST a ajouté que le cadre était en effet perfectible mais que, pour l’heure, il fallait utiliser les mécanismes existants, y compris le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale, qui devrait être ratifié par tous les États. Parallèlement, le Conseil des droits de l'homme doit continuer son mandat et servir de système d’alerte.

M. SCHABAS a rappelé qu’au lendemain des décisions du tribunal de Nuremberg, nombre de pays étaient sceptiques quant à la nécessité de reconnaître le crime de génocide. C’est à Cuba que l’on doit d’avoir présenté la résolution qui a permis l’élaboration de la Convention. L’Arabie saoudite avait également joué un rôle majeur dans ce processus, a dit le paneliste, affirmant que l’on peut dire ce sont des pays du Sud qui sont à l’origine de cette Convention.

M. SALVIOLI a également estimé que le système pouvait être amélioré. Il doit « réagir comme un seul homme », en coopération avec les mécanismes existants, a dit le panéliste. Il a également rappelé que les États ont le pouvoir de se reconnaître une compétence universelle en matière de crime de génocide. Ils ont également le pouvoir de coopérer avec la Cour pénale internationale, a-t-il conclu.

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*Délégations ayant participé au débat: Tunisie (au nom du Groupe des États arabes); Costa Rica (au nom d'un groupe de pays); Suisse (au nom d'un groupe de pays); Togo (au nom du Groupe africain); Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays); Lituanie (au nom d'un groupe de pays); République tchèque; Monténégro; Liechtenstein; Venezuela; Australie; Union européenne; Équateur; Grèce; Cuba; Fédération de Russie; Brésil; Slovénie; Sénégal; Turquie; Italie; Soudan ; Rwanda et Iraq.

**Organisations de la société civile ayant participé au débat: Congrès juif mondial; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Center for Global Nonkilling; Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme; Human Rights Watch et Verein Südwind Entwicklungspolitik.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC18/128F