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LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME TIENT UNE TABLE RONDE SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, une table ronde annuelle sur les droits des peuples autochtones axée sur la participation des peuples autochtones à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies et de projets dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et leur inclusion dans ces stratégies et projets.

Dans sa déclaration liminaire, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Kate Gilmore, a rappelé que la mise en œuvre du droit au développement était revitalisée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour honorer la promesse faite aux peuples de les sortir de la pauvreté et de la persécution. Le développement qui « remplit les poches des riches et oublie les plus vulnérables », n’est pas le développement, mais de la corruption morale, sinon légale, a souligné Mme Gilmore. Le développement qui détruit les traditions, les cultures, les langues, les terres et l’héritage de l’humanité n’est pas, non plus, le développement, a-t-elle insisté. Partant, elle a estimé qu’il était primordial de définir les termes du développement en incluant les normes des droits de l'homme au profit de tous

La table ronde, qui était animée par Mme Erika Yamada, Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts (des Nations Unies) sur les droits de peuples autochtones, a bénéficié de la participation de trois panélistes: Mme Joan Carling, Coprésidente du « grand groupe » des peuples autochtones pour le développement durable; M. Q’apaj Conde, Coprésident du Global Indigenous Youth Caucus et point focal du « grand groupe » des peuples autochtones pour le développement durable; et Mme Maria Luisa Silva, Directrice du Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 contient six références aux peuples autochtones, a indiqué Mme Carling, qui a insisté sur la participation et l’inclusion des peuples autochtones. Or, leur participation reste très limitée, en particulier en Amérique latine et en Afrique; et dans la région Asie-Pacifique, ces peuples sont visibles dans le Forum Asie-Pacifique sur le développement durable mais les recommandations qui en émanent ne font pas référence à la protection de leurs droits, a fait observer Mme Carling. Les peuples autochtones sont aussi invisibles dans les partenariats public-privé, ce qui aggrave les inégalités, a-t-elle ajouté.

M. Conde, jeune Aymara, a quant à lui donné un aperçu du deuxième rapport régional sur la situation quant à la mise en œuvre des Objectifs de développement durable en Amérique Latine et aux Caraïbes, présenté dans le cadre du Forum politique de haut niveau de 2018. Les objectifs y sont abordés sous l’angle des droits de l’homme et de l’approche interculturelle, et y sont interprétés au regard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les conclusions et recommandations analysent, de façon objective, les inégalités vécues par les peuples autochtones.

Maria Luisa Silva a indiqué pour sa part que le PNUD s’emploie à comprendre les raisons pour lesquelles des personnes sont laissées de côté, afin d’apporter des réponses effectives. Il a d’ailleurs publié il y a un mois un document intitulé « Que signifie ne laisser personne de côté ? » dans lequel il identifie cinq facteurs de discrimination: la discrimination basée sur des aspects assumés ou attribués, y compris l’appartenance ou non à une communauté autochtone; la géographie; la gouvernance; le statut socioéconomique et enfin l’exposition aux vulnérabilités et aux chocs, comme les changements climatiques, le déplacement ou les catastrophes naturelles.

Bon nombre des intervenants* ayant pris part au débat qui a suivi ces présentations ont pointé du doigt les discriminations qui persistent à l’encontre des peuples autochtones, la pauvreté extrême dont ils pâtissent et leur exclusion ou marginalisation des processus de prise de décisions.

L’accent a été également mis sur l’importance de l’autonomisation et de la création de capacités pour les femmes et les jeunes autochtones; de la ratification de la Convention n°169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux; de la prise en compte des cultures et de la cosmovision des autochtones; et de l’établissement de mécanismes nationaux spécifiques censés faciliter la réalisation des Objectifs de développement durable par les peuples autochtones. Des délégations ont en outre présenté leurs politiques visant à l’inclusion de ces peuples dans le développement.


Le Conseil poursuivait ses travaux en milieu de journée en engageant son dialogue interactif avec le Comité consultatif des droits de l’homme, dont la Présidente devait présenter le dernier rapport.


Table ronde annuelle sur les droits de l’homme des peuples autochtones

Déclarations liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que la mise en œuvre du droit au développement avait été redynamisée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030. En adoptant par acclamation, en 2015, le Programme 2030, l’Assemblée générale a en effet reconnu que le développement sans ses bénéficiaires, les peuples, n’était pas le développement, mais seulement de l’économie, a observé Mme Gilmore. De même, le développement qui remplit les poches des riches et oublie les plus vulnérables n’est pas le développement, mais de la corruption morale sinon légale, a-t-elle ajouté. Le développement qui détruit les traditions, les cultures, les langues, les terres et l’héritage de l’humanité n’est pas, non plus, le développement. Il est primordial de définir les termes du développement: ni destruction, ni exclusion, ni indicateurs, mais au contraire inclusion des normes des droits de l'homme au profit de tous, a déclaré la Haut-Commissaire adjointe.

Mme Gilmore a également déclaré que les inégalités que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 s’engage à éliminer sont vécues au quotidien par les 370 millions de personnes issues des communautés autochtones dans quelque 70 pays. Ce sont ces communautés qui sont le plus souvent « laissées de côté », a-t-elle dit. De son point de vue, il y a trois dimensions à mettre en avant. D’abord, mesurer précisément le fossé à combler: les États doivent identifier et mesurer les défis à relever; octroyer les ressources adéquates et mesurer les progrès. Il faut ensuite que les voix des peuples autochtones soient entendues et amplifiées, a dit Mme Gilmore, plaidant pour des relations étroites entre les agences gouvernementales et les organisations des peuples autochtones, afin que les Objectifs de développement durable soient mieux intégrés aux plans et budgets nationaux. Troisième dimension enfin, la protection des peuples autochtones contre la discrimination et contre la répression de leurs dirigeants, a expliqué la Haut-Commissaire adjointe.

MME ERIKA YAMADA, Présidente-rapporteuse du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, modératrice du débat, a insisté sur le fait que cette discussion annuelle serait l’occasion pour le Conseil de mettre en évidence les liens entre la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Exposés des panélistes

MME JOAN CARLING, Coprésidente du « grand groupe » des peuples autochtones ayant participé aux préparatifs de l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a souligné que les peuples autochtones ont toujours plaidé pour la reconnaissance et la réalisation de leurs droits affirmés par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 contient six références aux peuples autochtones, a indiqué Mme Carling.

S’agissant de la participation et de l’inclusion des peuples autochtones, Mme Carling a insisté sur l’importance tant des processus que de la substance, deux éléments liés permettant de ne pas laisser ces peuples de côté. Certains projets visant la réduction de la pauvreté – par exemple – sont menés sans que les peuples autochtones aient pu y donner leur assentiment, a dit Mme Carling: cela donne souvent lieu à des conflits et à des violations des droits des peuples autochtones. On voit ainsi que l’approche habituelle du développement néglige la protection des droits humains et de l’équité sociale, a expliqué Mme Carling. Des mécanismes de participation accrue des peuples autochtones sont d’autant plus nécessaires que les principales priorités des Objectifs de développement durable privilégient la croissance et négligent les dimensions sociales, a fait observer Mme Carling. Elle a précisé que si certains États consultent les peuples autochtones, cela reste exceptionnel.

Un environnement favorisant la participation et l’inclusion des peuples autochtones est nécessaire pour réaliser les Objectifs de développement durable, a poursuivi Mme Carling, citant à cet égard l’existence nécessaire de systèmes efficaces de sensibilisation; le respect de la liberté d’expression et de réunion; la protection des droits de l'homme et de l’état de droit, garants de la participation des citoyens; le renforcement des capacités; et la fourniture des ressources nécessaires.

Pour l’heure, la participation des peuples autochtones reste très limitée, en particulier en Amérique latine et en Afrique. Dans la région Asie-Pacifique, ils sont visibles dans le Forum Asie-Pacifique sur le développement durable, dont les recommandations ne font cependant pas référence à la protection de leurs droits. Les peuples autochtones sont malheureusement invisibles dans les partenariats public-privé, ce qui aggrave les inégalités. Si le Programme à l’horizon 2030 demande de ne « laisser personne de côté », les peuples autochtones souffrent encore d’une moindre participation pour réaliser ces objectifs, a conclu Mme Carling.

M. Q’APAJ CONDE, Coprésident du Global Indigenous Youth Caucus et point focal du « grand groupe » des peuples autochtones, a expliqué que le Caucus est une plate-forme mondiale regroupant des jeunes autochtones de sept régions.

M. Conde a ensuite présenté le deuxième rapport sur la mise en œuvre des Objectifs de développement durable en Amérique Latine et aux Caraïbes, rapport présenté dans le cadre du Forum politique de haut niveau pour le droit au développement du Conseil économique et social des Nations Unies, en 2018. Il a indiqué que le document aborde ces objectifs sous l’angle des droits de l’homme et de l’interculturalité, et en les interprétant au regard de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.

Le document examine la réalisation des Objectifs de développement durable en Colombie, en Équateur, au Mexique, au Paraguay et en Uruguay, soit cinq pays qui participent cette année aux examens nationaux volontaires. Le rapport se distingue par le fait qu’il a été rédigé par de jeunes autochtones qui reprennent les recommandations des organes de traités, des procédures spéciales et du système interaméricain des droits de l’homme. Le processus de rédaction a dévoilé le manque de données ventilées sur les peuples autochtones, a-t-il observé.

Le rapport révèle que les États d’Amérique latine mentionnés ont posé des jalons importants dans la réalisation des Objectifs avec l’établissement en particulier de commissions interinstitutionnelles de coordination et l’adoption d’échéanciers. Vu le manque persistant de participation des peuples autochtones, le panéliste a conseillé de traduire ces Objectifs dans les langues autochtones et de mettre en place des stratégies d’application qui reflètent la vision du monde des autochtones. Il a également recommandé d’établir des mécanismes nationaux formels de participation autochtones.

Le panéliste a également souligné deux objectifs d’importance sur lesquels le rapport insiste: l’objectif 6, sur l’eau et l’assainissement; et l’objectif 11, sur les villes et les communautés durables. M. Conde a signalé que le changement climatique et les mégaprojets d’infrastructure, de même que l’exploitation des ressources naturelles, affectent grandement les eaux et cours d’eau, au détriment de l’objectif 6.

S’agissant de l’objectif 11, l’exode rural vers les centres urbains est un phénomène qui affecte aussi les peuples autochtones, en particulier entre 15 et 30 ans. Or, a dit M. Conde, les villes sont des lieux qui n’intègrent pas la diversité culturelle et où l’accès aux services de base se fait dans des conditions discriminatoires à l’égard des peuples autochtones. Il a estimé que, pour réaliser pleinement l’objectif 11, il faut créer des villes qui s’enrichissent de la différence culturelle. Il s’agit parallèlement de créer davantage d’opportunités pour les jeunes dans les zones rurales.

MME MARIA LUISA SILVA, Directrice du Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève, a assuré que l’objectif central du Programme de développement durable à l’horizon 2030 – « ne laisser personne de côté » – n’était pas qu’un slogan pour le PNUD. Pour réaliser ce programme de développement, le PNUD s’emploie à comprendre les raisons pour lesquelles des personnes sont laissées pour compte, afin d’apporter des réponses effectives. Le mois dernier, le PNUD a publié un document dans lequel il identifie cinq facteurs discriminants, à savoir la discrimination basée sur des aspects assumés ou attribués, y compris l’appartenance ou non à une communauté autochtone; la géographie; la gouvernance; le statut socio-économique; et enfin l’exposition aux vulnérabilités et aux chocs, comme les changements climatiques, les déplacements forcés ou les catastrophes naturelles.

Selon comment ces facteurs se conjuguent, ils constituent des barrières pour les peuples autochtones, les empêchant de réclamer ou de jouir de leurs droits, a expliqué Mme Silva. C’est pourquoi l’engagement avec les communautés autochtones est une des approches adoptées par le PNUD dans ses programmes d’assistance. Il appuie par exemple les pays qui préparent leur examen volontaire national en leur donnant des données ventilées sur les peuples autochtones. Il aide également les États dans le cadre du programme de collaboration des Nations Unies sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (UN-REDD), en établissant des mécanismes de consultation des peuples autochtones. Cette aide bénéficie à 55 pays, a indiqué Mme Silva.

Débat

Au nom des pays nordiques-baltes, le Danemark s’est dit favorable au mécanisme permettant aux peuples autochtones de participer au Programme de développement durable à l’horizon 2030 ainsi qu’à l’intégration de la promotion et de la protection des droits des peuples autochtones dans les politiques de développement. Il a demandé aux panélistes comment les parties prenantes peuvent mieux intégrer la protection des peuples autochtones. L’Union européenne a estimé qu’il faut s’attaquer aux causes profondes des violations des droits de l'homme par le biais d’efforts concertés aux fins de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’Union européenne a indiqué avoir adopté en mai 2017 le nouveau consensus pour le développement, qui a reconfirmé que l’approche axée sur le développement des peuples autochtones fera l’objet d’une attention particulière. L’Union européenne a demandé aux panélistes quels sont les principales inégalités identifiées dans l’intégration des droits des peuples autochtones dans les politiques de développement.

Au nom du Groupe africain, le Togo a fait observer que malgré les efforts consentis en faveur de l’affirmation des droits des peuples autochtones, ces peuples continuent de faire l’objet de discrimination, sont frappés par l’extrême pauvreté et exclus de l’exercice du pouvoir politique et économique. La délégation togolaise a jugé important que les programmes de développement qui leur sont dédiés tiennent compte du caractère spécifique de leurs cultures et de leurs identités. Au nom d’un groupe de pays, le Guatemala a souligné l’importance de l’autonomisation et de la création de capacités pour les femmes et les jeunes autochtones, y compris s’agissant de leur participation aux processus d’adoption de décisions sur les affaires qui les concernent directement, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi.

Le Canada a souligné qu’à l’heure de réfléchir à la façon d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies et des projets qui incluent des réalités autochtones, il faut reconnaître que les peuples autochtones ne constituent pas un groupe homogène. Certains sont confrontés à des inégalités croisées qui peuvent aggraver la discrimination, la marginalisation ou la vulnérabilité. La délégation canadienne a estimé qu’il faudrait identifier les possibilités d’inclure les peuples autochtones et leurs perspectives de façon significative dans les politiques et programmes. L’Australie a indiqué qu’elle entend prendre des mesures protégeant les droits des peuples autochtones, soulignant qu’ils doivent être inclus dans les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’Australie a noté la vulnérabilité de certains groupes et travaille avec l’OCDE à étudier comment la communauté internationale peut inclure les peuples autochtones dans les efforts nationaux de développement.

Le Brésil a fait observer qu’il est engagé depuis longtemps dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones, principe qui figure dans sa Constitution. Le Brésil est également l’un des 23 pays à avoir ratifié la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux et il a soutenu l’adoption d’instruments régionaux et universels sur la question, notamment la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Selon les données de 2010, le Brésil compte environ 900 000 autochtones, appartenant à 305 groupes ethniques. Le Paraguay a indiqué avoir lancé en 2015 l’élaboration d’un plan national pour les peuples autochtones, qui a compté avec la participation et la collaboration des communautés autochtones et a mis l’accent sur trois thématiques particulières: la terre, le territoire et les ressources naturelles. Ce plan doit être finalisé prochainement et vise à constituer une application efficace de politiques participatives, avec et pour les communautés autochtones, conformément à l’esprit de la Déclaration des Nations Unies et dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

La Fédération de Russie a assuré avoir toujours soutenu les peuples autochtones dans l’application de leurs droits et avoir accumulé une grande expérience en la matière, qu’elle est prête à partager. Elle a indiqué mettre en place des mesures visant à inclure au maximum les représentants des peuples autochtones dans l’élaboration des politiques visant le développement durable. La Malaisie a indiqué que la promotion et la protection des droits des peuples autochtones ont également toujours constitué l’une de ses priorités; elle considère à cet égard que l’inclusion est l’une des clés de réussite. Un plan national pour les peuples autochtones a été mis au point et fournit un cadre global pour satisfaire à leurs aspirations économiques, politiques, sociales et culturelles, a poursuivi la Malaisie. Des actions concrètes et durables ont été prises dans des secteurs tels que l’éducation, le développement des compétences, le développement économique, l’emploi, la santé, le logement et l’autonomisation des femmes. La délégation malaisienne a demandé aux panélistes comment mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 de manière appropriée sur la base des traditions et des valeurs de ces peuples.

L’État plurinational de Bolivie a fait valoir que 73 des 169 cibles/objectifs du Programme de développement durable étaient liés à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ce qui fait que celle-ci fournit un cadre de référence explicite des préoccupations des peuples autochtones, s’agissant notamment de la pauvreté et des inégalités. La délégation bolivienne a ensuite décrit l’expérience de la Bolivie pour traduire, dans sa Constitution, et dans la vie, les principes éthiques et moraux de la société plurielle et les principes de cosmovision des peuples autochtones comme le suma qamaña (bien-vivre), ñandereko (vie harmonieuse), teko kavi (bonne vie), ivi maraei (terre sans mal) et qhapaj ñan (chemin ou noble vie).

ONU-Femmes a salué l’inclusion par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme d’un segment consacré à la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones dans son rapport sur les droits aux peuples autochtones. L’Entité a en outre rappelé que le rapport initial de la Rapporteuse spéciale (2015) avait révélé que les femmes autochtones couraient davantage le risque de subir un viol et qu’une autochtone sur trois avait été violée à un moment ou un autre de son existence. ONU-Femmes a aussi renvoyé au rapport de 2012 de la Représentante spéciale sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences, qui avait fait état d’un taux élevé d’agressions, de meurtres, de violence sexuelle et de disparitions touchant les femmes et filles autochtones, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

Au Mexique, où 25,7 millions de personnes, soit 21,5% de la population, se disent issues de populations autochtone, on compte également 7, 4 millions de personnes qui parlent au moins une des 364 langues locales issues de 68 groupes autochtones. Pour cette raison, la délégation mexicaine est intéressée de savoir ce que les panélistes pensent de la diversité linguistique dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le Pakistan considère, de son côté, que la diversité doit faire partie des efforts des États pour bâtir des sociétés inclusives. C’est notamment pour cette raison qu’un membre de la communauté Kalash, peuple autochtone du nord du pays, a été élu Président du Parlement, a indiqué le Pakistan.

Aux Bahamas, où l’on retrouve un ensemble uni de divers peuples autochtones, on estime que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 se doit de répondre à leurs besoins spécifiques. Pour la promotion et la défense des droits des peuples autochtones, l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a, entre autres, adopté une déclaration sur le consentement préalable libre. Avec d’autres agences des Nations Unies, comme le PNUD, elle mène également une campagne contre les discriminations faites aux femmes autochtones parce que femmes, pauvres et autochtones. La FAO a cité un programme d’autonomisation de femmes mayas au Mexique.

Soulignant accueillir des entreprises transnationales sur son territoire, le Honduras a dit travailler avec ses partenaires onusiens à mettre en œuvre le principe de consentement préalable libre et éclairé des peuples autochtones. L’Espagne a souligné être l’un des rares pays à être doté d’un cadre stratégique axé sur les peuples autochtones dans sa politique de coopération. Elle a en outre rappelé être impliquée dans les négociations sur un projet de résolution portant sur la participation des organisations des peuples autochtones dans les activités des Nations Unies.

La Chine est d’avis que la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones doit être traduite dans les faits en reconnaissant les droits des peuples autochtones, en leur octroyant des droits, et notamment celui à la participation. Cependant, cette question ne doit pas être utilisée pour porter atteinte à l’l’intégrité territoriale des pays, a souligné la Chine.

Proceduria para la defensa de los derechos humanos de El Salvador a fait observer qu’El Salvador n’a pas ratifié la Convention n°169 de l’Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux.

Centre Europe-Tiers monde s’est dit inquiet pour les droits du peuple Mapuche au Chili. Dans le sud de ce pays, les multinationales et le mode macroéconomique de développement perpétuent ou reproduisent les inégalités depuis la colonisation; le principe du consentement libre et éclairé n’y est pas respecté. Le Chili ne devrait pas se retirer de la Convention n°169 de l’OIT car cela représenterait un recul pour les peuples autochtones, a ajouté l’ONG.

Dans une déclaration conjointe, International Lesbian and Gay Association, au nom également de Asistencia Legal por los Derechos Humanos, Asociación Civil a évoqué la question de l’identité culturelle, avant de déplorer le manque d’inclusion de la problématique des LGBTI dans nombre de mécanismes régionaux et de faire observer que les expériences de persécution et de violence sont les mêmes pour ces personnes et pour les peuples autochtones.

Franciscain International a estimé que les peuples autochtones doivent être impliqués dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’ONG a demandé comment les États pourraient coopérer pour satisfaire aux besoins des peuples autochtones qui vivent dans des zones frontalières, où ils sont souvent très marginalisés.

Indigenist Missionary Council, par la voix d’une autochtone du Mato Grosso do Sul, a rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est un engagement pris par tous les pays pour défendre les droits des peuples autochtones, mais a demandé où sont dans ce contexte les efforts du Brésil, qui n’a présenté aucun plan d’action pour atteindre les objectifs fixés. L’ONG a invité les Nations Unies à demander au Gouvernement brésilien de déployer davantage d’efforts en faveur des peuples autochtones.

Indigenous World Association a souligné que le développement est un droit collectif et que les peuples autochtones exercent leurs droits pour le bien commun. L’ONG a demandé comment atténuer les conséquences des projets de développement d’infrastructures sur les peuples autochtones.

Foundation for Aboriginal and Islander Research Action Aboriginal Corporation a estimé que de nombreuses lacunes subsistent dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui met l’accent sur la croissance économique sans tenir compte des droits des peuples autochtones à conserver leur identité et leur culture. En outre, les représentants autochtones n’ont que très peu d’opportunité de participer aux forums de haut niveau les concernant.

Réponses et conclusions des panélistes

MME JOAN CARLING s’est dite encouragée par l’accent mis sur l’importance de la réalisation des Objectifs du développement durable, tout en constatant que les droits des peuples autochtones sont constamment bafoués. Pour combler les lacunes, il importe de dégager la volonté politique des États, qui doivent engager des réformes pour pallier aux inégalités et injustices sociales qui font obstacle au développement durable des peuples autochtones. Mme Carling a déploré qu’il n’y ait pas encore d’engagement cohérent des États.

On ne peut prétendre s’embarquer sur la route du développement sans le respect des terres ancestrales des peuples autochtones, a insisté Mme Carling. Elle a appuyé l’accès de tous les peuples aux énergies, notamment renouvelables. Le partenariat n’est pas un concept vain; raison pour laquelle il est indispensable de garantir une participation effective (des peuples autochtones) à travers des mesures concrètes sur le terrain.

M. Q’’APAJ CONDE a recommandé, comme bonne pratique, la mise en œuvre effective de la Convention n°169 de l’OIT, ainsi que la création de mécanismes spéciaux permettant aux autochtones de prendre part à l’élaboration des programmes de réalisation des Objectifs de développement durable. Dans cette optique, le cadre de consultation est incontournable. S’agissant des peuples vivant dans les zones transfrontalières, le panéliste a proposé de travailler directement avec eux et d’analyser, systématiquement, les données sur la situation des peuples autochtones. La traduction des Objectifs de développement durable dans les langues autochtones ne suffit pas à elle seule; il est vital d’inclure la cosmovision des peuples et de la traduire dans des projets concrets au plan national.

MME MARIA LUISA SILVA a notamment plaidé pour une analyse des causes sous-jacentes qui empêchent les peuples autochtones de participer au progrès. Des plans d’action nationaux pour la mise en œuvre des Directives sur les entreprises et les droits de l’homme doivent prendre en considération les besoins des peuples autochtones, a-t-elle souligné.


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*Délégations ayant participé au débat: Danemark (au nom d'un groupe de pays); Union européenne; Togo (au nom du Groupe africain); Guatemala (au nom d'un groupe de pays); Canada; Australie; Brésil; Paraguay; Fédération de Russie; Malaisie; Bolivie; ONU-Femmes; Mexique; UNESCO; Chine; Honduras; Pakistan; Espagne; Bahamas et FAO.

**Organisations de la société civile ayant participé au débat: Procuraduría para la Defensa de los Derechos Humanos de El Salvador; Centre Europe - Tiers Monde; International Lesbian and Gay Association, (au nom également de Asistencia Legal por los Derechos Humanos, Asociación Civil); Franciscain international; Indigenist Missionary Council; Indigenous World Association et Foundation for Aboriginal and Islander Research Action Aboriginal Corporation.


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HRC18.138F