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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE MAURICE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par Maurice sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, M. Maneesh Gobin, Procureur général et Ministre de la justice, des droits de l’homme et des réformes institutionnelles de Maurice, a indiqué que la plupart des dispositions de la Convention faisaient déjà partie intégrante du droit national et de la Constitution de Maurice. En ce qui concerne les plaintes relatives à des faits de discrimination raciale, les institutions nationales de droits de l’homme compétentes mènent des campagnes de sensibilisation, a poursuivi le Ministre. Les citoyens peuvent déposer leurs plaintes et leurs demandes dans une base de données créée en 2017 par les services du Premier Ministre. De 2013 à 2017, a précisé M. Gobin, 534 plaintes ont été reçues par la Commission nationale des droits de l’homme et 435 ont été traitées; pendant la même période, 2611 plaintes ont été déposées auprès de l’instance chargée de recevoir les plaintes contre la police.

Le Code pénal sanctionne les délits liés à la discrimination raciale basée sur la couleur et la croyance, a souligné le Ministre mauricien. Le Gouvernement au plus haut niveau est déterminé à garantir que nul, indépendamment de son rang, ne compromette l’harmonie raciale de Maurice, a assuré M. Gobin; cela explique qu’un ancien Vice-Premier Ministre ait été obligé de démissionner de son poste pour des paroles tendant à créer des tensions intercommunautaires. Une enquête policière est en cours sur cette affaire, a insisté le Ministre.

M. Gobin a ensuite précisé que l’archipel des Chagos, qui a toujours fait partie intégrante de Maurice, en avait été séparé illégalement par le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale. Tous les Mauriciens et toutes les Mauriciennes qui résidaient dans les Chagos au moment de la séparation (les Chagossiens) ont été évacués de force par le Royaume-Uni, au mépris de leurs droits de l’homme, a souligné M. Gobin. La plupart d’entre eux résident maintenant sur l’île principale. Le Gouvernement mauricien n’épargne aucun effort pour améliorer les conditions de vie des Chagossiens, y compris par le biais de mesures spéciales en leur faveur, a indiqué le Ministre.

La délégation mauricienne était également composée de représentants du Ministère de la justice, des droits de l’homme et des réformes institutionnelles, de la Mission permanente de Maurice auprès des Nations Unies à Genève, et du bureau du Procureur général affaires étrangères de Maurice. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la situation des minorités, y compris les créoles; la discrimination fondée sur la caste; les recours disponibles pour les victimes de discrimination raciale; la réforme de la loi électorale et la représentation des minorités ethniques dans la vie politique; la communauté rastafari; la collaboration entre l’État et les organisations non gouvernementales; la collecte de statistiques; la protection des travailleurs migrants; la situation des Chagossiens; ou encore l’indépendance des institutions nationales de droits de l’homme.

Mme Yemhelha Taleb Mohamed, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Maurice, a relevé que Maurice se caractérisait par sa diversité. « Le Comité s’intéresse aux aspects de cette diversité pour demander au Gouvernement mauricien d’être vigilant pour mieux profiter de cette richesse culturelle et éviter toute forme de discrimination », a-t-elle souligné. Mme Mohamed a constaté que les créoles restaient considérablement défavorisés en ce qui concerne l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. La rapporteuse a en outre rappelé que, dans des observations finales antérieures, le Comité avait recommandé à Maurice de poursuivre la révision de la loi sur l’égalité des chances conformément à la Convention afin d’y ajouter la langue parmi les motifs de discrimination. Elle a regretté l’existence dans la société mauricienne d’une hiérarchie fondée sur la couleur, l’ascendance, la caste ou la race.

Mme Mohamed a par ailleurs encouragé Maurice à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Regrettant la persistance, sous certaines formes, de la traite des êtres humains à Maurice, elle a demandé ce qui avait été fait pour combattre plus efficacement la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Maurice et les rendra publiques à l’issue de la session, le vendredi 30 août prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de Cuba (CERD/C/CUB/19-21).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du rapport regroupant les vingtième à vingt-troisième rapports périodiques de Maurice (CERD/C/MUS/20-23) et couvrant la période de 2009 à 2016.

Présentant ce rapport, M. MANEESH GOBIN, Procureur général et Ministre de la justice, des droits de l’homme et des réformes institutionnelles de Maurice, a précisé que son pays avait accédé à pratiquement tous les instruments internationaux fondamentaux de droits de l’homme des Nations Unies et de l’Union africaine. Quant à la Constitution mauricienne, elle garantit le droit à la vie, le droit à la liberté personnelle et à la protection contre l’esclavage et le travail forcé, a ajouté le Ministre. Maurice dispose de plusieurs institutions chargées de faire respecter les droits de l’homme, à savoir la Commission nationale des droits de l’homme, la Commission pour l’égalité des chances, le Médiateur pour les enfants ainsi qu’une nouvelle commission indépendante chargée de recevoir les plaintes contre la police, a précisé M. Gobin.

Le Ministre a ensuite présenté plusieurs mesures prises par son pays depuis l’examen de son précédent rapport pour améliorer la protection des droits de l’homme, attirant notamment l’attention sur la réforme du système électoral visant – entre autres – à assurer une représentation plus équitable et une plus grande présence des femmes à l’Assemblée nationale. Il a également précisé que 90% des mesures envisagées par le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2012-2020) avaient été appliquées, sous la supervision constante du Ministère de la justice.

S’agissant plus particulièrement de l’application de la Convention, M. Gobin a indiqué que la plupart des dispositions de cet instrument faisaient déjà partie intégrante du droit national et de la Constitution de Maurice. Il a ajouté que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme étaient nommés par le Président de la République sur les conseils du Premier Ministre, et que ce dernier consultait le chef de l’opposition avant de rendre son avis. Indépendante, la Commission rend compte directement au Premier Ministre, a précisé M. Gobin. Il a en outre assuré que l’indépendance du mécanisme national de prévention de la torture était garantie, de même que celle des juges, magistrats et fonctionnaires en général.

En ce qui concerne les plaintes relatives à des faits de discrimination raciale, les institutions nationales de droits de l’homme compétentes mènent des campagnes de sensibilisation, a poursuivi le Ministre. Les citoyens peuvent déposer leurs plaintes et leurs demandes dans une base de données créée en 2017 par les services du Premier Ministre. De 2013 à 2017, a précisé M. Gobin, 534 plaintes ont été reçues par la Commission nationale des droits de l’homme et 435 ont été traitées; pendant la même période, 2611 plaintes ont été déposées auprès de l’instance chargée de recevoir les plaintes contre la police.

Le Code pénal sanctionne les délits liés à la discrimination raciale basée sur la couleur et la croyance, a souligné le Ministre mauricien. Mais la loi sur l’égalité des chances ne mentionne pas la langue en tant que motif de discrimination, a-t-il relevé. Le Gouvernement au plus haut niveau est déterminé à garantir que nul, indépendamment de son rang, ne compromette l’harmonie raciale de Maurice, a assuré M. Gobin; cela explique qu’un ancien Vice-Premier Ministre ait été obligé de démissionner de son poste pour des paroles tendant à créer des tensions intercommunautaires. Une enquête policière est en cours sur cette affaire, a insisté le Ministre.

M. Gobin a ensuite précisé que l’archipel des Chagos, qui a toujours fait partie intégrante de Maurice, en avait été séparé illégalement par le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale. Tous les Mauriciens et toutes les Mauriciennes qui résidaient dans les Chagos au moment de la séparation (les Chagossiens) ont été évacués de force par le Royaume-Uni, au mépris de leurs droits de l’homme, a souligné M. Gobin. La plupart d’entre eux résident maintenant sur l’île principale. Le Gouvernement mauricien n’épargne aucun effort pour améliorer les conditions de vie des Chagossiens, y compris par le biais de mesures spéciales en leur faveur, a indiqué le Ministre.

Enfin, M. Gobin a fait savoir que conformément à ses obligations au titre de la Convention, Maurice s’efforçait de combattre toutes les formes de préjugés qui pourraient entraîner des situations de discrimination raciale ou de haine contre une communauté. En outre, des efforts constants sont consentis pour favoriser le respect du pluralisme et la tolérance au sein de la jeunesse, par le biais du système éducatif et des médias.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME YEMHELHA TALEB MOHAMED, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Maurice, a regretté que le rapport n’ait pas été établi avec l’implication de représentants des organisations de la société civile. L’experte a relevé que Maurice se caractérisait par sa diversité, étant « un véritable mélange culturel ». La majorité (65%) des Mauriciens est d’origine indienne; viennent ensuite les créoles (27%), les Sino-mauriciens (3%) et une minorité blanche (2%). « Le Comité s’intéresse aux aspects de cette diversité pour demander au Gouvernement mauricien d’être vigilant pour mieux profiter de cette richesse culturelle et éviter toute forme de discrimination », a indiqué la rapporteuse.

Mme Mohamed a prié la délégation de dire quelles dispositions de la Convention avaient été incorporées dans la loi mauricienne. Elle lui a également demandé quels dédommagements les familles pauvres pouvaient recevoir en termes de logement et d’éducation. La rapporteuse a voulu savoir en outre si une politique de « discrimination positive » avait été adoptée pour pallier les déséquilibres socioéconomiques qui ont émergé pendant les périodes d’esclavage et de colonialisme. Elle a constaté que les créoles restaient considérablement défavorisés en ce qui concerne l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels et a demandé des informations sur les initiatives prises pour adopter des mesures spéciales visant à accélérer la réalisation des droits des groupes protégés par la Convention.

La délégation a en outre été priée de donner des renseignements sur l’application des dispositions du Code pénal concernant l’interdiction de l’incitation à la haine raciale et les autres actes visés à l’article 4 de la Convention. Elle a rappelé que, dans des observations finales antérieures, le Comité avait recommandé à Maurice de poursuivre la révision de la loi sur l’égalité des chances conformément à la Convention afin d’y ajouter la langue parmi les motifs de discrimination: Mme Mohamed a donc voulu savoir quelles mesures avaient été prises pour modifier la loi dans ce sens.

La rapporteuse, notant avec satisfaction la création à Maurice d’un bureau de lutte contre la discrimination, a souhaité des informations actualisées sur les progrès accomplis dans l’application des recommandations de cette instance, surtout en ce qui concerne la création d’une société moins raciste et moins élitiste. Mme Mohamed a aussi salué l’introduction de l’enseignement de la langue créole et du bhojpuri à l’école primaire, tout en s’interrogeant sur les mesures prises pour officialiser et préserver la langue créole.

Mme Mohamed a encouragé Maurice à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Elle a prié la délégation de donner des renseignements sur la protection contre la discrimination dans l’accès à l’emploi prévue par la loi sur l’égalité des chances et sur les mesures prises pour améliorer les conditions de travail des travailleurs migrants, y compris les employés de maison.

Regrettant la persistance, sous certaines formes, de la traite des êtres humains à Maurice, Mme Mohamed a demandé ce qui avait été fait pour combattre plus efficacement la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail. Elle a demandé des informations sur la prévention de l’incitation à la haine contre les ethnies et les minorités, notamment les créoles. Mme Mohamed a posé d’autres questions concernant la situation des personnes ayant besoin d’une protection internationale et sur les formations aux droits de l’homme dispensées aux agents de police et autres responsables de l’application des lois.

Mme Mohamed a regretté l’existence dans la société mauricienne d’une hiérarchie fondée sur la couleur, l’ascendance, la caste ou la race. Elle a prié la délégation de dire quelles mesures sont prises, dans le cadre de la réforme électorale en cours, pour assurer une participation plus équilibrée à la vie politique et garantir la représentation de tous les groupes ethniques.

M. GUN KUT, rapporteur du Comité chargé du suivi des recommandations faites à Maurice, a rappelé à la délégation que le Comité attendait un rapport de suivi un an après l’adoption des précédentes observations finales, en février 2013. Le Comité demandait en particulier à Maurice de tenir compte de tous les éléments figurant à l’article 4 de la Convention et de faire de l’incitation à la haine raciale une circonstance aggravante sur le plan pénal. Depuis 2013, seules deux personnes ont fait l’objet d’amendes pour de tels faits, a regretté l’expert. Il a demandé à la délégation de donner toutes les informations dont elle dispose à ce sujet.

M. Kut a ensuite rappelé que, dans ses dernières recommandations, le Comité demandait à l’État partie de prévoir des recours juridiques pour les victimes de discrimination raciale. Il a constaté que depuis, plusieurs centaines d’affaires ont été traitées par les tribunaux sans que l’on puisse savoir combien d’entre elles avaient réellement trait à la discrimination raciale et combien avaient donné lieu à l’octroi de dédommagements. Le rapporteur a enfin insisté sur l’importance que le Comité accorde à l’établissement de rapports de suivi de ses recommandations.

Un autre expert a salué le fait Maurice préserve son patrimoine linguistique. Il a fait état d’allégations selon lesquelles des pratiques discriminatoires persistent à Maurice s’agissant de l’emploi des travailleuses migrantes. L’expert a regretté que les autorités ne collectent pas de statistiques sur ce problème. Il a aussi déploré la persistance des discriminations fondées sur la caste, y compris dans le secteur public. L’expert a recommandé à Maurice de mener des recherches sur la situation des différents groupes de population sur le marché du travail, en vue d’éliminer les discriminations dont ils peuvent être victimes dans ce domaine. Le même expert a prié la délégation de donner des informations sur l’application des recommandations de la Commission mauricienne pour l’égalité des chances.

Plusieurs experts ont évoqué le droit des Chagossiens de rentrer dans leur lieu de résidence d’origine. Un expert a voulu savoir dans quelle mesure les Chagossiens sont associés aux initiatives juridiques du Gouvernement mauricien visant à récupérer le territoire séparé au moment de l’indépendance.

Des membres du Comité ont prié la délégation de dire si la discrimination fondée sur la caste existait encore à Maurice.

Un expert a salué le fait que dans les affaires de discrimination raciale dans le domaine de l’emploi, la charge de la preuve incombe désormais à l’employeur et non plus à l’employé qui se dit victime de discrimination raciale.

Un expert a salué la stabilité de la démocratie mauricienne et a recommandé que le pays profite judicieusement de son caractère pluriethnique. L’expert a fait observer que seules les personnes s’identifiant comme appartenant à la religion hindoue sont correctement représentées au Parlement mauricien; les créoles, qui constituent la majorité de la population, sont en revanche sous-représentés dans la vie politique mais surreprésentés dans les prisons, a relevé l’expert. Une experte s’est enquise de l’efficacité des mesures destinées à favoriser l’accès des créoles à l’enseignement supérieur. Un autre membre du Comité a constaté que les créoles n’avaient pas de perspectives de carrière à Maurice et étaient bloqués aux échelons inférieurs de responsabilité.

Un autre expert a demandé des précisions sur l’utilisation des langues officielles dans les différents secteurs de la vie publique. Il a relevé que le Comité des droits de l’homme avait jugé arbitraire l’obligation faite aux candidats aux élections de déclarer leur appartenance à l’un des quatre groupes de population. L’expert a souligné que le dernier recensement remontant à 1972, il faudrait disposer de statistiques à jour sur la composition ethnique de la population mauricienne. Il a demandé si des mesures d’action affirmative sont prises au profit de certaines catégories de population.

Une experte a voulu savoir si les autorités avaient renoncé à poursuivre les musiciens de reggae, rappelant qu’un musicien était décédé en prison dans les années 1990.

D’autres questions ont porté sur l’indépendance de la Commission pour l’égalité des chances; sur le rôle des organisations de la société civile, quasiment absentes du débat avec le Comité à Genève; sur le nombre de plaintes pour des faits de discrimination raciale ayant abouti à des sanctions contre les coupables; sur la lutte contre la corruption à Maurice; sur le nombre de plaintes déposées pour des faits de discrimination raciale; ou encore sur la législation relative aux activités des organisations de la société civile.

Une experte s’est félicitée de l’application par Maurice des recommandations du Comité en ce qui concerne la restitution de terres confisquées il y a parfois cinquante ou cent ans. Elle s’est aussi félicitée de l’ouverture du Musée de l’esclavage, qui témoigne de l’apport des esclaves à Maurice. L’héritage du colonialisme persiste malgré tous les efforts, a toutefois regretté l’experte. Elle a fait observer que le système des castes était lui aussi porteur de discriminations.

Un expert a souligné que les membres du Comité étaient là pour aider Maurice à relever les défis auxquels le pays est confronté. Cet expert a jugé important que Maurice ait déjà ratifié la Convention n° 189 de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Une experte a demandé quels contrôles étaient effectués pour éviter que ces travailleurs ne soient victimes d’exploitation sexuelle.

Un autre expert a voulu savoir ce que faisaient les autorités pour combattre le problème persistant de la servitude pour dette. Il s’est également enquis des mesures adoptées pour supprimer le système de castes. La caste est un motif de discrimination en général à Maurice, a souligné une experte.

Une experte a souhaité connaître la proportion de femmes appartenant aux différents groupes ethniques, y compris aux groupes minoritaires, qui occupent des fonctions électives.

Réponses de la délégation

En préambule, le chef de la délégation s’est félicité de l’occasion qui lui est donnée de présenter des informations complémentaires sur un certain nombre de sujets. Il s’est d’emblée dit choqué par les demandes des experts au sujet de la composition ethnique de la population carcérale. Il s’est demandé si la collecte de telles données ne contribuait pas à la perpétuation de la discrimination et ne venait pas mettre en cause l’impartialité de la justice. Il a en outre assuré que le système des castes ne s’apparentait en rien à un critère de recrutement et a assuré qu’il mènerait une enquête sur toute allégation fondée à cet égard.

S’agissant des allégations selon lesquelles une ou plusieurs minorités vivraient à Maurice dans des conditions de pauvreté, sans accès aux services publics ni à l’emploi, la délégation a assuré que la pauvreté se moquait de l’origine ou de la caste de ses victimes et qu’elle touchait toutes les minorités. La pauvreté ne touche pas que les créoles, a insisté la délégation, assurant que les programmes gouvernementaux avaient pour objectif l’éradication de la grande pauvreté indépendamment de l’origine ou de la religion des personnes. L’état de droit interdit toute discrimination fondée, notamment, sur la race et la religion, a insisté la délégation. Ajoutant que l’objectif des autorités était de favoriser le mérite parmi les fonctionnaires, elle a dit renoncer à citer le nombre de hauts fonctionnaires créoles. Soulignant que le commissaire principal de police était lui-même créole, la délégation a mis en garde contre les conclusions hâtives.

La délégation a insisté sur le fait que Maurice avait mis longtemps à se muer en une société marquée par l’harmonie raciale. Elle s’est dite inquiète à l’idée de remettre en cause cette situation par la collecte de statistiques ventilées par origine ethnique. La délégation a d’autre part mis en doute l’idée que les Indiens vivant à Maurice subiraient aujourd’hui des discriminations basées sur leur caste.

En réaction à ces premières réponses, le Président du Comité, M. NOUREDDINE AMIR, a souligné que le Comité n’avait d’autre mission que de surveiller la bonne application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les membres du Comité sont élus pour leur intégrité, leur compétence et leur indépendance, a-t-il rappelé. La question de la discrimination raciale touche tous les États parties à la Convention, a-t-il ajouté: le Comité veille à ce que les États parties prennent conscience du fait que l’application d’une Convention porte parfois sur ce qui n’est pas apparent. « Il convient de recenser les choses par des faits et par des chiffres », a insisté M. Amir: en effet, « c’est sur cette base que le Comité juge que telle personne jouit de plus ou moins de chances que d’autres ».

« Lorsque les membres du Comité invitent la délégation à décrire les différents groupes communautaires ou ethniques », a poursuivi le Président, « aucun ne songe à mettre en cause l’unité du peuple de Maurice. Mais les membres savent que certains éléments peuvent échapper à l’attention des autorités d’un pays: peut-être certaines minorités n’ont-elles pas la même possibilité que d’autres d’accéder à un emploi ou à un logement ? Et comment le savoir, si aucun chiffre ne vient montrer qu’il y a des problèmes ? », a expliqué le Président. Il a insisté sur le fait que les victimes de la discrimination ont parfois peur de dénoncer l’injustice dont elles sont victimes. Le Comité a pour objectif de réduire toutes les formes de discrimination raciale, partout dans le monde, a souligné M. Amir.

Un autre membre du Comité a précisé que les évaluations des experts se font sur la base d’études et d’évaluations. Il a rappelé que trois conférences contre le racisme et la discrimination raciale s’étaient tenues pour conclure que la discrimination et le racisme étaient des problèmes universels, qui n’épargnent aucun pays et dont les conséquences se font sentir aujourd’hui encore au détriment de certaines catégories de populations – et des femmes, en particulier. Les questions portant sur la population carcérale à Maurice reflètent la constatation générale que les prisons sont le reflet de la discrimination raciale et ethnique, comme en témoigne – par exemple – le fait que les Afro-américains sont six fois plus représentés dans les prisons des États-Unis que les Blancs, a ajouté cet expert. Des faits similaires sont constatés au Brésil, en Colombie et dans d’autres pays, a-t-il insisté. La demande d’informations statistiques a donc pour objet d’identifier les causes profondes de la discrimination raciale dans les États parties, a-t-il indiqué. L’expert a ensuite ajouté que le Comité était conscient et familier de la situation des Chagossiens à Maurice.

La délégation mauricienne a alors assuré que l’île Maurice comptait beaucoup sur la sagesse du Comité et qu’elle avait d’autant moins eu l’intention de mettre en doute l’intégrité et l’indépendance des experts du Comité que ce sont les États membres – y compris Maurice – qui les élisent. Mais la délégation a insisté sur la difficulté pour Maurice de récolter des statistiques ethniques, compte tenu des risques de stigmatisation et d’amalgame qu’une telle démarche comporte, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour le fragile tissu social du pays. La délégation a assuré qu’elle entendait trouver une solution à cette question en partenariat avec le Comité, dont elle a dit partager les objectifs.

Les plaintes pour discrimination raciale font l’objet d’une enquête indépendante, a d’autre part assuré la délégation. La loi relative aux discours de haine dans les médias électroniques est venue récemment combler les lacunes constatées auparavant dans ce domaine, a-t-elle précisé; contre ces discours, la loi prévoit des sanctions encore plus lourdes que celles du Code pénal, a insisté la délégation.

Il a été précisé que la loi électorale mauricienne était effectivement en cours de révision en vue d’améliorer la représentation. Le système électoral actuel approche de l’obsolescence et devra être remplacé, a admis la délégation, tout en niant qu’il soit à l’origine de tous les maux du pays.

La délégation a par ailleurs dit ne pas avoir le sentiment que Maurice soit « raciste »; Maurice est « élitiste » uniquement au sens où le pays croit dans la méritocratie.

Quant à la Commission de vérité et de justice, elle a enquêté sur les spoliations foncières à Maurice, a indiqué la délégation. La création d’un tribunal des questions foncières est à l’ordre du jour, a-t-elle ajouté.

Revenant par la suite sur le rapport de la Commission de vérité et de justice, la délégation a précisé que cette institution avait créé une « unité de recherche et de médiation sur les questions foncières » pour poursuivre les enquêtes sur les cas de dépossession. Si la Commission de la réforme du droit recommande la création d’un tribunal spécial pour traiter de tels cas, les autorités prendront les mesures nécessaires sans tarder, a assuré la délégation.

La délégation a indiqué que les autorités avaient collaboré avec un groupement d’organisations non gouvernementales pour préparer le rapport. L’importance des consultations entre les organes de l’État et la société civile a été maintes fois soulignée dans différents forums, a observé la délégation. Soulignant que l’État était régulièrement encouragé à créer un dispositif de dialogue permanent, la délégation a fait valoir qu’après avoir mendé des consultations avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et son représentant à Prétoria, Maurice avait mis sur pied un mécanisme national de rapport et de suivi regroupant des acteurs étatiques et non étatiques, y compris des représentants de la société civile, dont des organisations non gouvernementales. Le Mécanisme a déjà tenu cinq réunions mensuelles. S’agissant du rapport de suivi des dernières observations finales, la délégation est convenue d’un manquement qui s’explique par un changement de gouvernement; elle a fait valoir que le nouveau Mécanisme national de suivi et de rapport pourrait éviter de tels problèmes à l’avenir.

S’agissant du nombre de Chagossiens à Maurice, la délégation a expliqué que la Cour internationale de justice (CIJ) était actuellement saisie d’un litige entre Maurice et le Royaume-Uni. Maurice préfère repousser la discussion sur cette question après les plaidoiries devant la CIJ, qui doivent se dérouler en septembre prochain à La Haye. L’État tient des consultations officielles et régulières avec le porte-parole des Chagossiens à Maurice, a ajouté la délégation, précisant que cette personne a fait partie de la délégation officielle de Maurice à New York au moment du débat de l’Assemblée générale sur la saisine de la Cour internationale de justice.

La délégation a d’autre part assuré que l’indépendance de la Commission nationale et d’autres institutions de droits de l’homme était garantie, aucune influence politique ne venant entraver leur fonctionnement. La manière de mesurer l’indépendance d’une institution ne se limite pas à l’examen du mode de recrutement de ses membres, a souligné la délégation: l’intégrité individuelle des membres doit aussi être prise en compte. Personne ne cherchera jamais à influencer le travail de ces instances, qui ont déjà démontré leur indépendance, a insisté la délégation. La Commission nationale des droits de l’homme est présidée par un ancien juge de la Cour suprême, a-t-elle indiqué.

La délégation a précisé qu’à côté de l’anglais, langue officielle, et du français, largement utilisé, l’État et les habitants utilisaient de nombreuses autres langues écrites et orales – créole, arabe, bhodjpuri, telegu, tamoul, entre autres – la télévision nationale diffusant des émissions dans ces langues. Les débats à l’Assemblée nationale se font en français et en anglais, le créole n’y étant pas encore utilisé officiellement, a ajouté la délégation.

Maurice est fière d’avoir pu, après de nombreuses années d’efforts, instaurer dans la loi un salaire minimum obligatoire, a ensuite déclaré la délégation, faisant en outre valoir que cette mesure s’applique aussi aux travailleurs migrants. La délégation a admis que ces derniers n’étaient pas suffisamment informés de leurs droits, la faute en incombant peut-être aux agences qui les recrutent à l’étranger. L’État entend donc (leur) fournir ces informations par le biais d’une brochure gratuite (intitulée « Connaissez vos droits ») qui sera notamment diffusée par le service d’immigration de l’aéroport.

Maurice bénéficie de l’assistance des États-Unis dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes, a en outre précisé la délégation.

L’île Rodrigues reçoit une attention particulière du Gouvernement: elle n’est pas du tout laissée pour compte, a d’autre part assuré la délégation. Son assemblée régionale est composée de membres élus qui gèrent leur propre budget: 3,75 milliards de roupies, soit environ 95 millions d’euros, pour 40 000 habitants. L’île compte un « bureau de conseil au citoyen », où il est possible de contacter des représentants de l’État et une connexion à Internet par câble sous-marin doit y être bientôt inaugurée.

La délégation a par ailleurs assuré que la communauté rastafari ne faisait l’objet d’aucune discrimination à Maurice. L’impression selon laquelle la police ciblerait cette communauté est fausse, mais s’explique peut-être par des questions liées à la consommation de cannabis, a déclaré la délégation, alors qu’une experte du Comité suggérait à Maurice d’envisager de dépénaliser la consommation de cannabis. La loi est la loi et elle s’applique à toutes les communautés; l’État ne peut fermer les yeux sur certaines affaires, a insisté la délégation.

Maurice a ratifié en 2011 le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant qui concerne la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, de même que – l’année suivante – le Protocole facultatif à ce même instrument qui traite des communications (plaintes individuelles). La délégation a ajouté qu’elle communiquerait par écrit des statistiques sur les résultats de la lutte contre la traite des enfants, laquelle est menée en collaboration avec les services officiels des États-Unis et du Royaume-Uni.

Le problème de la servitude pour dette concerne surtout des travailleurs originaires du Bangladesh et résulte d’arrangements passés avec des agents recruteurs dans ce pays, a indiqué la délégation. Maurice, qui n’a pas de contrôle sur cette situation troublante, est à la recherche d’une solution durable, d’État à État, pour circonvenir les intermédiaires, a-t-elle déclaré. Un tribunal spécialisé est chargé de régler les litiges liés aux conditions de travail, a poursuivi la délégation; le Ministère du travail dispose d’un service chargé d’instruire les affaires portées devant ce tribunal pour le compte des travailleurs, a-t-elle précisé.

La commission anticorruption a été créée en 2003 sur le modèle de (celle de) Hong-Kong; toutes les affaires dont elle a connaissance sont transmises aux tribunaux, a en outre indiqué la délégation.

Des questions ayant porté sur la participation des femmes dans la vie publique, la délégation a précisé qu’il n’y avait pas de quotas de femmes. Il n’en demeure pas moins que dans les faits, les femmes représentent 50% des magistrats de la Cour suprême et la majorité des magistrats des instances inférieures. De nombreuses femmes occupent en outre des fonctions au sein du Gouvernement, grâce à leurs propres mérites. Malheureusement, il y a moins de femmes élues à l’Assemblée nationale, a admis la délégation: le fait est qu’il y a moins de femmes candidates, a-t-elle observé. Il existe en revanche un quota d’un tiers de femmes pour les élections locales, a précisé la délégation.

Remarques de conclusion

MME MOHAMED a remercié la délégation pour ce dialogue constructif et sincère. Elle a souligné la diversité culturelle et linguistique de Maurice, en recommandant aux autorités mauriciennes de profiter de cette richesse et d’éviter toute discrimination raciale.

M. GOBIN a assuré que ce dialogue avec le Comité aiderait son pays à éliminer toutes les formes de discrimination raciale. Il a réaffirmé que Maurice soutenait pleinement le travail du Comité, estimant que les organes de traités des Nations Unies étaient les meilleurs gardiens des droits de l’homme. Maurice s’efforcera, en fonction de ses ressources, de renforcer ses propres institutions garantes des droits de l’homme, en accordant une attention particulière aux franges les plus vulnérables de la société, a conclu le Ministre mauricien de la justice.


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CERD18.18F