Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA GAMBIE
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, les mesures adoptées par la Gambie pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
M. Cherno Marenah, Avocat général au Ministère de la justice de la République de Gambie, qui a notamment expliqué que le pays était en transition suite à une période prolongée de régime autocratique et a assuré le Comité que les droits de l'homme étaient au cœur du nouveau gouvernement. Depuis son entrée en fonction il y a 18 mois, il a mis en œuvre une série de réformes en vue de protéger et promouvoir les droits de l'homme. Il a ainsi mis en place la Commission de réforme constitutionnelle, qui doit réfléchir durant deux ans à une nouvelle constitution dont le projet sera soumis par referendum au peuple gambien. La Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations a par ailleurs été créée afin de faire la lumière sur les graves violations des droits de l'homme commises durant la période précédente. Cette commission devrait commencer concrètement ses travaux dans les mois prochains. En outre, pour la première fois dans l'histoire du pays, une institution nationale des droits de l'homme sera mise sur pied afin de promouvoir et protéger tous les droits de l'homme pour toutes les personnes qui se trouvent sur le territoire gambien.
La délégation gambienne était également composée de représentants du cabinet du Président, du Ministère de la santé et de la protection sociale, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'enseignement primaire et secondaire, du Bureau des affaires féminines et du Ministère de la justice. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la constitution actuellement en cours d'élaboration; des nouvelles dispositions envisagées s'agissant de la peine de mort; de la lutte contre l'impunité et les poursuites contre les membres de groupes paramilitaires ayant sévi par le passé; des travaux de la Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations; de la création récente de l'institution nationale des droits de l'homme; des préoccupations s'agissant de la définition trop large du terrorisme dans la législation gambienne; des mesures prises pour lutter contre les violences faites aux femmes et contre les discriminations à leur encontre; des efforts pour interdire le mariage des enfants; de la lutte contre les mutilations génitales féminines; de l'interdiction de l'avortement; de la scolarisation des jeunes filles; de la prévention de la torture; l'application de la loi incriminant l'homosexualité; de la liberté de la presse; de la lutte contre la traite; de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Des membres du Comité ont estimé que le nouveau gouvernement allait dans la bonne direction s'agissant de la promotion et la protection des droits de l'homme après la période de troubles qu'a connue le pays. Certains ont souligné la tension entre la modernité et les traditions religieuses, notamment s'agissant du mariage précoce, des mutilations génitales féminines ou de la reconnaissance des droits des homosexuels.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Gambie. Elles seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 27 juillet prochain.
Le Comité des droits de l'homme reprend cet après-midi, à 15 heures, l'examen de son projet d'observation générale sur le droit à la vie.
Présentation de la Gambie
Le Comité a examiné la mise en œuvre des dispositions du Pacte en Gambie en l'absence de rapport. L'État partie a néanmoins soumis des réponses (CCPR/GMB/Q/2/Add.1 - en anglais uniquement) à une liste de points à traiter (CCPR/C/GMB/Q/2) que lui avait adressée le Comité.
M. CHERNO MARENAH, Avocat général (Sollicitor general) au Ministère de la justice de la République de Gambie, a expliqué que le pays était en transition suite à une période prolongée de régime autocratique. Les droits de l'homme sont au cœur du nouveau Gouvernement, a affirmé le chef de la délégation. La Gambie s'est longtemps targuée d'être le cœur des droits de l'homme en Afrique, c'est d'ailleurs en Gambie que se trouve le siège de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.
Depuis son entrée en fonction il y a 18 mois, le nouveau gouvernement a adopté une série de réformes en vue de protéger et promouvoir les droits de l'homme. Il a ainsi mis en place la Commission de réforme constitutionnelle, qui doit réfléchir durant deux ans à une nouvelle constitution dont le projet sera soumis par referendum au peuple gambien.
La Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations a par ailleurs été créée afin de faire la lumière sur les graves violations des droits de l'homme commises durant la période trouble. Cette commission devrait commencer concrètement ses travaux dans les mois prochains, a poursuivi le chef de la délégation.
Pour la première fois dans l'histoire du pays, une institution nationale des droits de l'homme sera mise sur pied afin de promouvoir et protéger tous les droits de l'homme pour toutes les personnes qui se trouvent sur le territoire gambien. Cette institution doit commencer ses travaux avant la fin de l'année. Le chef de la délégation a dit espérer que cette institution obtienne le statut A conformément aux Principe de Paris.
Le Gouvernement a par ailleurs entrepris une vaste réforme du système judiciaire afin de lui rendre l'autorité et l'indépendance nécessaires. Le gouvernement espère pouvoir aboutir à ces réformes rapidement, a expliqué M. Marenah.
Des mesures ont été aussi prises dans le domaine des forces de sécurité, soulignant que, par le passé, « elles faisaient fi des droits de l'homme dans le cadre de leurs fonctions ». Les règles ont été changées dans les procédures régissant le domaine de la sécurité afin de les rendre conformes aux normes internationales.
Enfin, l'Assemblée nationale a approuvé l'adhésion de différents traités internationaux dont les instruments de ratification devraient être déposés rapidement, a expliqué le chef de la délégation gambienne.
Examen de la situation en Gambie
Questions et observations des membres du Comité
Un expert s'est félicité des avancées du nouveau Gouvernement dans le domaine des droits de l'homme. Il a demandé des précisions sur les dispositions prises dans le cadre des mesures de transition suite au changement de gouvernement. Le Comité souhaite que les dispositions du Pacte soient rapidement incluses dans la législation interne afin qu'il soit invocable devant les tribunaux et a voulu savoir quelles étaient les intentions des autorités à cet égard. L'expert a aussi relevé que la Gambie était un des rares pays à avoir aboli puis réintroduit la peine de mort dans son arsenal législatif, un autre expert souhaitant savoir où en était le processus de modification de la Constitution afin d'abroger la référence à la peine de mort.
Plusieurs experts ont demandé des informations sur le fonctionnement de la Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations, s'agissant notamment de la procédure de nomination de ses membres, du mandat et des ressources. Ils ont voulu savoir si ce mécanisme allait à lui seul permettre de mettre fin à l'impunité.
Un membre du Comité a en particulier voulu savoir quelle était la situation des « Junglers », anciens membres des groupes paramilitaires actuellement en détention pour des faits commis à l'époque du président Yahya Jammeh (qui a quitté le pouvoir en janvier 2017). Il a aussi demandé dans quelle mesure le pays envisageait d'intenter des actions en justice contre différents agents de sécurité ayant commis des actes délictueux et répréhensibles sous l'ancienne présidence. Il a demandé des informations sur l'enquête qui concerne l'assassinat de cinquante Guinéens en 2009 et si des enquêtes avaient été ouvertes suite à la découverte de deux fosses communes dans le pays.
Un expert a par ailleurs demandé quels efforts avaient été menés pour améliorer les conditions de vie en prison, notamment face à la surpopulation carcérale.
Ce membre du Comité a également sollicité des informations concernant les poursuites à l'encontre des personnes homosexuelles. Il a aussi demandé des informations concernant trois cas spécifiques, notamment un cas de torture à l'encontre d'un journaliste.
L'expert a souhaité savoir où en était le processus de mise en œuvre de la Commission nationale des droits de l'homme, quel était son mandat et comment était organisé son budget. Un autre expert a demandé si la Gambie envisageait de mettre en place un mécanisme pour examiner les violations des droits de l'homme, en particulier les actes de torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et les arrestations et détentions arbitraires qui ont été commises sous le régime précédent, et accorder des réparations aux victimes.
Il a également été demandé à la délégation s'il était envisagé d'abroger l'article de la Constitution qui accorde à titre rétroactif l'immunité aux membres du Conseil révolutionnaire provisoire des forces armées.
Un expert s'est inquiété que la définition de l'acte terroriste dans la loi gambienne, qui utilise des expressions qui ne relèvent pas de la spécificité de l'acte terroriste en tant que tel et est assimilé aux actes collectifs de violence. Il a incité les autorités à s'inspirer de la définition de l'acte terroriste mettant l'accent sur l'intention de l'acte, comme dans le Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme.
Un expert a demandé en quoi les travaux du Conseil national des femmes avaient produit des effets positifs sur la vie des femmes et pour modifier les attitudes patriarcales et les stéréotypes traditionnels au sein de la société gambienne. Il a demandé quel était le pourcentage de femmes au sein du Gouvernement, du Parlement, à la Haute Cour et dans les représentations diplomatiques. Il a demandé des informations concrètes sur le programme de subvention visant à assurer la gratuité de l'enseignement dans le système de l'école subventionnée et sur le taux de scolarisation des jeunes filles.
Ce même expert a relevé que, selon la Charia, les femmes ne peuvent accéder à la propriété que par le mariage et qu'elles ne peuvent pas hériter. Il a demandé si cette prescription était codifiée dans la loi sur les femmes de 2010. Selon une enquête du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), 46,5% des femmes ont été mariées avant 18 ans en Gambie. Il a demandé quelles mesures avaient été prises pour lutter contre la polygamie et le mariage précoce et a souhaité des informations sur les poursuites en justice intentées à cet égard.
Un autre expert a rappelé que les fonctionnaires chargés de l'application de la loi ont utilisé diverses méthodes d'intimidation, y compris, dans certains cas, des disparitions forcées et des arrestations arbitraires. Il a demandé quels résultats avaient déjà été obtenus par le groupe de travail sur les disparitions forcées et par la Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations dans la mise en œuvre de leur mandat d'investigation sur les violations et abus des droits de l'homme commis entre juillet 1994 et janvier 2017. L'expert a rappelé qu'il était essentiel que la police et les autres forces de sécurité soient réorientées et formées à nouveau sur leur responsabilité de respecter et de protéger les droits de l'homme des citoyens.
Ce même expert a demandé si le nouveau gouvernement prévoyait de mettre l'article 18 de la Constitution – qui autorise une grande latitude dans l'utilisation de la force par les forces de l'ordre – en conformité avec les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois. L'expert a expliqué que plusieurs sources avaient fait état détentions, de tortures et de disparitions dont se serait rendu responsable l'Agence nationale de renseignement, notamment dans un lieu de détention situé dans les locaux de son quartier général et appelé le bambadinka, (le trou du crocodile).
Au cours de 2016, il ne semble pas y avoir eu de poursuites devant les tribunaux des membres des forces de sécurité accusés de mauvais traitements. Ces mêmes sources font état d'une impunité généralisée pour les exécutions extrajudiciaires et les homicides commis contre des personnes considérées comme des opposants ou une menace pour le régime.
Une experte a demandé davantage d'informations sur la protection des victimes de violences intrafamiliales. Elle s'est enquise du nombre de plaintes déposées dans le cadre de violences domestiques. L'experte a relevé qu'un grand nombre de jeunes filles subissaient l'excision et a souhaité savoir quelles étaient les mesures prises pour lutter contre cette pratique et quelles suites avaient été données dans le cas du décès d'une petite fille de cinq mois suite à une mutilation génitale. L'experte a demandé si des campagnes de sensibilisation étaient organisées à l'intention des exciseuses.
Un autre expert a félicité la Gambie pour la qualité de ses réponses à la liste de points à traiter. Il a demandé des informations sur le taux de mortalité maternelle et infantile au cours de ces dernières années. Le nombre de femmes décédées suite à des accouchements ayant fait l'objet de complications est passé de 130 pour 100 000 en 2003 à plus de 433 pour 100 000 en 2013. L'expert a souhaité savoir quelles mesures avaient été prises pour inverser cette tendance.
Un expert a constaté que la torture ne figurait pas en tant que délit dans le code pénal gambien et a demandé si le pays comptait adhérer à la Convention contre la torture. Il a aussi demandé quelles mesures étaient prises pour lutter contre les actes de torture en prison. L'expert s'est enquis des changements législatifs s'agissant des dispositions régissant les forces de police, demandant en particulier s'il existait une formation spécialisée pour les policiers s'agissant de la torture. Il a par ailleurs fait état d'informations selon lesquelles la police et les autres membres des forces de sécurité arrêtent arbitrairement des citoyens et les détiennent au-delà des 72 heures de garde à vue prévues par la loi, sans inculpation.
Ce même expert a demandé quelles mesures étaient prises pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention et les prisons, notamment s'agissant du grave problème de la surpopulation. Il a voulu savoir si les libérations de masse ayant suivi le changement de gouvernement avaient permis de résorber en partie ce problème. Il a souhaité recevoir davantage d'informations sur la commission chargée des visites en prison.
Un autre expert a souligné que la Gambie était un pays d'origine, de transit et de destination pour les femmes et les enfants victimes de travail forcé et du trafic sexuel des femmes et des filles. Dans une moindre mesure, des garçons sont victimes de trafic sexuel et de servitude domestique, y compris des enfants talibés forcés à la mendicité par des marabouts. L'expert a estimé que la Gambie n'avait pas fait suffisamment d'efforts dans ce domaine. Dès lors, il a demandé à la délégation si le Gouvernement était prêt à renforcer les capacités financières et humaines de l'Agence nationale de lutte contre la traite des personne et à créer des refuges pour accueillir les victimes.
S'agissant de l'indépendance du judiciaire, un expert a demandé des informations détaillées sur le processus de nomination des juges et sur la façon dont le Comité d'éthique judiciaire avait été formé. L'expert a aussi souligné qu'il était crucial de mettre des garde fous contre le harcèlement des avocats. Il a par ailleurs souhaité avoir davantage d'informations sur l'aide juridictionnelle gratuite. Il a demandé ce qui avait été fait pour modifier les tribunaux militaires afin de les rendre compatibles avec le droit international.
Un autre expert a souligné que le nouveau gouvernement avait une attitude extrêmement positive envers les médias et les défenseurs des droits de l'homme. Il a par ailleurs demandé quels étaient les grands projets de loi visant à inscrire la presse dans un grand projet démocratique. L'expert a par ailleurs demandé où en était la question de l'abrogation ou de l'amendement du décret de 1996 sur les organisations non gouvernementales.
Un expert a souligné les failles dans l'enregistrement des naissances en zone rurale. Il a demandé quelle était la procédure d'enregistrement pour les enfants nés de parents hors mariage.
Une experte a demandé des informations sur le déroulement des dernières élections, sur le fonctionnement des partis politiques et sur le programme de la coalition au pouvoir. L'experte a souhaité que la Gambie lève l'incrimination de l'homosexualité dans le pays et adopte une législation contre les discriminations au motif de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre.
Un expert a demandé quelles mesures le pays allait prendre pour limiter le recours à la force par les forces de l'ordre. Il a demandé s'il un enseignement des droits de l'homme était prévu dans les programmes scolaires en Gambie.
Réponses de la délégation
La délégation gambienne a déclaré que les dispositions du Pacte seront assurément reprises dans la nouvelle constitution de la Gambie, précisant néanmoins que la Commission chargée de sa rédaction est indépendante, le Gouvernement n'intervenant pas dans ses travaux.
S'agissant de la peine de mort, la signature prochaine du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'application d'un moratoire devraient permettre de tracer la voie vers l'abolition de la peine de mort, a expliqué la délégation, tout en reconnaissant des avancées et des reculs successifs des différents gouvernements du pays dans ce domaine. Le Gouvernement actuel souhaite que la suppression de la peine de mort devienne une disposition consacrée par la nouvelle constitution.
La délégation a expliqué que les Junglers en détention, anciens membres de groupes paramilitaires responsables de graves atrocités, seront poursuivis en justice. La Gambie a pris la décision pour que les agissements des groupes paramilitaires seraient examinés par la Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations, qui décidera si ces personnes devront faire l'objet de poursuites pénales. La délégation a expliqué que la question du président en exil n'était pas à l'ordre du jour. Les poursuites pénales contre lui ont été mises en attente en vue de recueillir toutes les informations utiles. Certains groupes de droits de l'homme étudient la possibilité de juger l'ancien président au Ghana en raison du meurtre de plusieurs ressortissants ghanéens sous sa présidence.
Su la question de l'immunité des forces militaires, la délégation a expliqué que cette question était du ressort de la Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations. La délégation a cependant reconnu que cette immunité allait à l'encontre des obligations redditionnelles des agents de l'État.
La délégation a expliqué que les nominations au sein de la Commission de la vérité, de la réconciliation et des réparations allaient bientôt être terminées. Cette commission recevra des fonds de la coopération internationale, sans quoi l'État n'aurait pu assurer son fonctionnement. Elle a une mission d'établissement des faits et décider elle-même de son mandat. La Commission doit se saisir par ailleurs de tous les cas de disparitions forcées, a précisé la délégation. La délégation a expliqué que la Commission mènerait les enquêtes sur tous les cas individuels mentionnés par les membres du Comité.
La délégation a expliqué qu'il y avait eu une première série d'exhumations des fosses communes découvertes dans le pays mais qu'en raison du manque de moyens financiers, il fallait beaucoup de temps pour identifier les victimes. Le Gouvernement a décidé de reporter ces exhumations en attendant de disposer des ressources nécessaires. Les dépouilles qui restent seront exhumées dans le cadre du processus de vérité et de réconciliation. Il s'agit d'un processus délicat pour les familles des victimes.
La délégation a expliqué que l'institution nationale des droits de l'homme qui vient d'être créée dispose de son propre budget. Les postes à pourvoir ont été publiés et une procédure transparente a désigné ses membres. Elle aura la compétence d'ouvrir des enquêtes suite à des allégations de violations des droits de l'homme. La délégation a expliqué que cette institution devrait fonctionner de manière permanente.
Répondant aux questions sur la définition du terrorisme dans la législation gambienne, la délégation a invité le Comité à faire une recommandation dans ce sens afin qu'elle s'inscrive dans le processus de réformes législatives en cours. Elle a reconnu que la définition actuelle avait des faiblesses et qu'il fallait la revoir afin qu'elle soit la plus proche possible des normes internationales.
La délégation a affirmé qu'il n'y avait pas de discrimination à l'égard des femmes dans le domaine du droit foncier. Elle a néanmoins expliqué qu'effectivement, selon la Charia, les hommes et les femmes ne sont pas traités sur un pied d'égalité s'agissant de l'héritage. Changer cette disposition pose des difficultés du fait que la population du pays est musulmane et le tribunal de la Charia, s'il est saisi, applique la loi islamique. Il reste que les familles peuvent décider de faire autrement. La délégation a par ailleurs fait valoir qu'il n'y avait pas de discrimination à l'encontre des femmes dans la loi. Elle a par ailleurs rappelé que le pays avait pris de nombreuses mesures législatives pour la protection de la femme.
La délégation a expliqué que l'application de la loi sur l'interdiction du mariage des enfants posait de grandes difficultés dans une société largement islamisée. La Charia prévoit que dans certaines circonstances, il est possible de se marier après avoir atteint la puberté. À ce titre, une fille de 17 ans peut se marier en vertu de la Charia. Il faut essayer de régler le conflit d'intérêt entre la loi qui interdit le mariage des enfants et les dispositions de la Charia. L'application de la loi sur le mariage est donc très épineuse, a souligné la délégation. Dans ce domaine, l'éducation doit être la priorité pour sensibiliser les familles à ces questions.
La déclaration a assuré que le gouvernement souhaitait l'application de la loi sur l'interdiction des mutilations génitales féminines. Néanmoins, en Gambie, beaucoup de cas ne sont pas recensés car l'excision est souvent pratiqué par des membres de la famille. Aucun membre de la famille de la petite fille de cinq mois décédée suite à une excision n'a accepté de venir témoigner. Une fois de plus, l'éducation et la sensibilisation sont indispensables dans ce domaine.
La délégation a par ailleurs expliqué qu'une étude venait de se dérouler sur la mortalité infantile et maternelle en soulignant que ses résultats seraient disponibles sous peu. La cause de l'augmentation de la mortalité maternelle ces dernières années peut être expliquée par la limitation du budget accordé par le Gouvernement à la santé maternelle. Ce budget dépend en partie des donateurs, a expliqué la délégation. Elle a souligné que les autorités avaient des difficultés à sensibiliser la population sur l'utilisation de contraceptifs en raison des réticences de la population.
La délégation a déclaré que de nombreuses jeunes filles tombent enceintes dans le pays. Les procédures légales concernant l'avortement ne 'autorisent que dans les cas où la vie de la mère est en danger. La délégation a reconnu que dans les autres cas, certaines femmes se tournent vers l'avortement clandestin. Elle a expliqué que ce débat était très compliqué dans le pays. La délégation n'a pas pu fournir de chiffres sur les décès de femmes résultant d'un avortement clandestin.
La délégation a déclaré que les filles représentent 50% de la population scolaire. Les autorités ont mis en œuvre une stratégie d'égalité de genre qui a notamment modifié les manuels scolaires afin de lutter contre les stéréotypes négatifs sur les filles. Les populations plus vulnérables sont visées par une série de programmes, notamment « l'initiative de la deuxième chance » avec la Banque mondiale, destinés aux jeunes filles et jeunes garçons qui ne sont pas inscrits dans le système scolaire classique afin qu'ils puissent développer des compétences nécessaires pour leur avenir.
La délégation a par ailleurs fait valoir que le pays appliquait la tolérance zéro dans le domaine des châtiments corporels. Ce principe est inscrit dans les règles prévues pour les établissements scolaires.
La délégation a expliqué que l'État appliquait également le principe de tolérance zéro pour les cas de torture, de disparitions forcées ou d'exécutions extrajudiciaires commis par les forces de l'ordre. Elle a en outre fait valoir que la population carcérale a été réduite de 50%. Il n'y a plus de prisonniers politiques en Gambie. La qualité de la nourriture en prison a été sensiblement améliorée, a également assuré la délégation. Elle a néanmoins reconnu que la loi relative aux lieux de détention n'était plus à jour. La délégation a déclaré que la question de la prévention de la torture était prise très au sérieux par le Gouvernement. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants vient d'être ratifiée par l'Assemblée nationale. Une fois que le texte sera signé par le Président de la République, les instruments de ratification seront déposés auprès des Nations Unies. La réforme de la justice pénale comporte parmi ses priorités l'inscription du crime de torture dans le code pénal. La délégation regrette l'absence de cette législation notamment dans le cas des poursuites des agents de l'ancienne Agence nationale de renseignement qui n'ont pu être poursuivis pour utilisation de la torture à défaut d'incrimination dans le code pénal.
S'agissant de la lutte contre la traite des êtres humains, la délégation a expliqué que l'Agence nationale de lutte contre la traite existait depuis 2007 et était très active. La Gambie doit faire face au phénomène de trafic des migrants qui est différent d'un cas de traite, a expliqué la délégation. Elle a ajouté que différents cas liés à la traite sont actuellement devant les tribunaux. En réponse à une question des experts, elle a dit qu'il était néanmoins difficile pour la police de suivre la route migratoire des enfants talibés. La Gambie travaille avec les pays voisins dans ce domaine.
Concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire, la délégation a souligné que la procédure de nomination des juges était clairement définie dans les textes. Les aspirants doivent passer un examen organisé par le barreau. C'est ce dernier qui est habilité à approuver les nominations des juges. Douze juges professionnels ont ainsi été nommés à la Cour suprême. La population a de nouveau confiance en ses juges, a affirmé la délégation. Le système des juges sous contrat a par ailleurs été révoqué. Le pouvoir judiciaire élabore son propre budget avant d'être approuvé par le Parlement.
La délégation a expliqué que l'Agence nationale de l'aide juridictionnelle a été créée pour offrir des services juridiques aux Gambiens. Néanmoins, en raison des insuffisances budgétaires, ce service est aujourd'hui limité aux personnes qui encourent les peines les plus graves, l'objectif étant de le généraliser rapidement.
Les tribunaux militaires ne traitent que des affaires militaires et toute personne condamnée par un tel tribunal peut interjeter appel auprès d'un tribunal civil ou de la Cour suprême. Le droit de faire appel est une grande avancée, a fait valoir la délégation.
Le Ministère de la justice et la Ministère de l'information ont collaboré à l'amendement des lois sur les médias pour assurer la liberté de la presse. En outre, un projet de loi est à l'étude devant le parlement sur la liberté d'informer et la liberté d'avoir accès à l'information, qui devrait être adopté avant la fin de l'année.
La délégation a expliqué qu'un projet de loi était à l'étude sur le travail des organisations non gouvernementales en Gambie. Le décret « draconien » qui régissait ce domaine depuis des années est en phase d'amendement, a expliqué la délégation.
La délégation a souligné que les élections législatives de 2017 s'étaient déroulés dans une atmosphère pacifiée avec la présence d'observateurs étrangers qui ont estimé qu'elles étaient justes et équitables.
La délégation a assuré qu'il n'y a pas eu de poursuites ou de condamnations en vertu de la loi gambienne contre l'homosexualité. Le Président de la République a assuré que la communauté LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués) ne risquait rien en Gambie. La loi contre l'homosexualité est toujours en vigueur mais le Gouvernement s'est engagé à ne plus appliquer cette disposition. En cas de changement législatif dans ce domaine, c'est la population gambienne qui aura le dernier mot. C'est une question très délicate qui doit être gérée avec les citoyens, sinon, la situation pourrait se retourner contre la communauté LGBTI, a affirmé la délégation.
S'agissant de l'enregistrement des naissances, la délégation a expliqué que tous les enfants peuvent être enregistrés gratuitement jusqu'à l'âge de cinq ans, après quoi une petite amende est prévue au moment de l'enregistrement. Il n'y a pas de ségrégation s'agissant des enfants nés hors mariage. Si l'enfant n'est pas reconnu par son père, l'absence de paternité est mentionnée sur l'acte de naissance, qui peut être modifié en cas de reconnaissance tardive du père. Le pays compte soixante-cinq bureaux d'enregistrement sur tout le territoire.
Conclusions
Le chef de la délégation gambienne, M. MARENAH, a remercié le Comité d'avoir entendu les réponses de la délégation malgré l'absence de rapport. Le pays a créé un Comité interministériel qui a pour mandat d'élaborer les rapports exigés par les organes conventionnels et a assuré le Comité qu'il remettra son prochain rapport périodique en vue du prochain examen. Le pays poursuivra ses efforts dans le domaine des droits de l'homme, a assuré le chef de la délégation.
M. YUVAL SHANY, Président du Comité, s'est réjoui du retour de la Gambie devant ce Comité après plus de trente ans. Il a souligné les multiples avancées du pays en matière de droits de l'homme. Il faut tenir compte de l'héritage du passé, notamment dans le domaine de l'impunité, a expliqué le Président du Comité. Il y a encore des questions qui se posent dans le pays s'agissant de l'opposition entre tradition et modernité. La question du religieux pourrait ainsi faire l'objet d'une étude plus poussée, a-t-il estimé. Malgré l'absence de remise de rapport, le Comité considèrera cet examen comme un rapport pour l'avenir, a conclu M. Shany.
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CCPR/18/16F