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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE BAHREÏN

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par Bahreïn sur le mesures adoptées par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par M. Abdulla Bin Faisal Al Doseri, Ministre adjoint des affaires étrangères de Bahreïn, qui a déclaré que le fondement du système politique à Bahreïn était le principe de justice. Le pays a pris de nombreuses mesures pour mettre en œuvre le Pacte, qui ont permis l'ouverture du pays et établi les fondements d'une société démocratique digne de ce nom, a affirmé M. Al Doseri. Un programme de réformes a été lancé pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte, qui s'appuie sur la Charte nationale d'action, approuvée par referendum, couvre les questions relatives aux droits de l'homme, à la démocratie et au fonctionnement des institutions et à l'État de droit. Il met l'accent sur l'importance de prendre des mesures ou des actions de développement avec une approche fondée sur les droits de l'homme. M. Al Doseri a assuré que la législation nationale vise à garantir le fonctionnement démocratique de la société. En outre, le Roi a appelé à un dialogue pour encourager tous les segments de la population de Bahreïn à travailler au relèvement du pays. Ces initiatives fondées sur l'unité nationale ont permis l'adoption de plusieurs instruments tant politiques qu'économiques accordant une très grande importance aux droits de l'homme. Le Ministre adjoint a aussi fait valoir que les dispositions du Pacte avaient force de loi et pouvaient être directement invoquées par les tribunaux.

La délégation de Bahreïn était également composée, notamment, de M. Yusuf Abdulkarim Bucheeri, Représentant permanent de Bahreïn auprès des Nations Unies à Genève et de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du travail et du développement social, du Ministère de la justice et des affaires islamiques, du Ministère de l'intérieur, du Conseil suprême pour les affaires féminines, du bureau du Médiateur. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la diffusion des principes des droits de l'homme; de la mise œuvre des dispositions du Pacte; de la discrimination religieuse; de la législation contre le terrorisme; des conditions d'application de la peine de mort; de la question de la déchéance de la nationalité; de la législation sur le travail; de la protection sociale; de la femme; du code de la famille; de l'indépendance du judiciaire; de la place accordée aux associations de la société civile; du respect de la liberté d'expression, de conscience et de rassemblement; de l'usage de la force par les forces de l'ordre; de la lutte contre la traite; du droit à la vie; et de la liberté de la presse.

Les membres du Comité ont notamment souligné les nombreux cas d'allégations de torture dans le pays et les multiples arrestations d'opposants politiques. Certains ont aussi regretté les représailles à l'encontre de personnes qui ont collaboré avec les Nations Unies ainsi que les atteintes à la liberté de la presse.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de Bahreïn, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le 27 juillet prochain.


Le Comité des droits de l'homme entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de l'Algérie.


Présentation du rapport de Bahreïn

Le Comité était saisi du rapport initial de Bahreïn, ainsi que de ses réponses à une liste de points à traiter que lui avait adressée le Comité.

M. ABDULLA BIN FAISAL AL DOSERI, Ministre adjoint des affaires étrangères de Bahreïn, a déclaré que le fondement du système politique à Bahreïn était le principe de justice. Le pays bénéficie d'une situation politique et économique favorable. C'est un pays moderne. Il a pris de nombreuses mesures pour mettre en œuvre le Pacte, qui ont permis l'ouverture du pays et
établi les fondements d'une société démocratique digne de ce nom, a affirmé M. Al Doseri.

Un programme de réformes a été lancé pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte, qui s'appuie sur la Charte nationale d'action, approuvée à 98% par les citoyens à l'occasion d'un referendum, a expliqué le Ministre adjoint. Cette Charte fait mention des droits de l'homme, de la démocratie et du fonctionnement des institutions et de l'État de droit. Il met l'accent sur l'importance de prendre des mesures ou des actions de développement avec une approche droit de l'homme, a relevé M. Al Doseri.

Le pays a par ailleurs adopté des politiques visant à lutter contre les discours de haine, renforcer l'unité nationale, et créer un environnement propice à la participation de la société civile ou des syndicats sans discrimination aucune. D'autre part, beaucoup d'efforts ont été consentis dans le domaine de l'éducation, des médias et du développement durable, a affirmé le Ministre adjoint.

Le Roi de Bahreïn a lancé deux initiatives suite à des actes de violence et de terrorisme qui ont récemment frappé Bahreïn. Une Commission d'établissement des faits a été mise sur pied qui a formulé des recommandations à l'intention du Gouvernement pour que de tels actes ne se reproduisent plus. Cette Commission a également joué un rôle en tant que mécanisme de surveillance. En outre, en novembre 2012, une loi a amendé la définition de la torture telle que contenue dans le code pénal afin que celle-ci soit conforme à celle figurant dans la Convention contre la torture. Une autre initiative a été prise afin d'indemniser les victimes d'actes perpétrés à l'occasion des violences sur lesquelles la Commission d'établissement des faits était censée faire la lumière. Ainsi, 32 personnes ont été indemnisées et 17 ont fait l'objet d'un règlement à l'amiable, a fait valoir le chef de la délégation.

S'agissant de la liberté d'expression, le code pénal et toutes les législations dans ce domaine visent à garantir le fonctionnement démocratique de la société. De plus, le Roi a appelé de ses vœux un dialogue consensuel pour encourager tous les segments de la population de Bahreïn à travailler au relèvement du pays. Ces initiatives fondées sur l'unité nationale ont permis l'adoption de plusieurs instruments tant politiques qu'économiques accordant une très grande importance aux droits de l'homme. Le Parlement s'est vu accorder des compétences de vérification dans ce contexte. Différentes organisations ont joué un rôle de contrôle dans le contexte des élections. Ce train de réformes a permis d'adopter des amendements constitutionnels visant à renforcer les compétences et la coopération entre les autorités, notamment entre le Premier Ministre et le Parlement, a expliqué M. Al Doseri.

Le représentant bahreïnien a attiré l'attention sur la création de mécanismes de contrôle, dont le Bureau du Médiateur, qui est indépendant du point de vue financier et organisationnel et conforme aux règles internationales dans ce domaine. Cette instance régit les méthodes de travail et les conditions de travail des policiers. Elle joue un rôle de vérification sur la situation en milieu carcéral et peut effectuer des visites dans tous les centres de détention du pays et dans les hôpitaux. Une unité spécialisée chapeautée par le parquet a par ailleurs été créée en conformité avec le Protocole d'Istanbul. Elle doit faire la lumière sur tout manquement des fonctionnaires de l'État ayant pu causer des préjudices physiques, voire la mort. Le Bureau du Médiateur peut diligenter des enquêtes et consulter le Ministère public s'il s'avère que des poursuites judiciaires sont nécessaires, a relevé la délégation.

La question de l'autonomisation des femmes est une priorité pour les autorités, a affirmé le chef de la délégation. Il a ajouté que les femmes ont eu voix au chapitre dans le contexte des dernières élections. Le Parlement compte trois femmes parmi les députés. Des femmes occupent par ailleurs 9 sièges au Conseil de la Choura. Elles participent à tous les niveaux de la vie publique et sont aussi très impliquées dans le secteur privé et de l'éducation.

Le pays a aussi pris des mesures pour lutter contre la traite des personnes. Le pays est considéré comme l'un des lieux les plus favorables pour les travailleurs expatriés, a affirmé le chef de la délégation. Bahreïn est l'un des pays qui jouent un rôle de chef de file dans le domaine des droits et des libertés garantis aux migrants.

Enfin, le Ministre adjoint bahreïnien a expliqué que les dispositions du Pacte avaient force de loi et pouvaient être directement invoquées par les tribunaux du pays. Il a aussi tenu à souligner que la loi sur la famille prévoyait de nombreuses prestations visant à unir la population et lutter contre les divisions sectaires.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a regretté que le rapport parvienne au Comité avec 10 ans de retard et a exprimé l'espoir qu'à l'avenir, Bahreïn respecte les délais de remise de ses rapports périodiques. L'expert a déclaré que deux facteurs essentiels semblent contredire les valeurs de tolérance, de bienveillance et de non-discrimination affichées par l'État partie: d'une part, les revendications de la population chiite du pays qui, bien que majoritaire, se sent victime de discrimination raciale par le pouvoir en place, de confession sunnite; d'autre part, les revendications de la population en faveur de la démocratisation des institutions et de l'espace public.

L'expert a relevé qu'il n'avait jamais rencontré un tel contraste entre les discours des autorités et les informations dignes de foi qui proviennent des organisations non gouvernementales. L'expert a tenu a rappeler les Principes directeurs de San José relatifs à la lutte contre l'intimidation et les représailles approuvés par les présidents d'organes conventionnels de l'ONU dans le domaine des droits de l'homme et adoptés par le Comité. L'expert a aussi demandé quels étaient les mécanismes prévus par la loi pour permettre à une victime d'abus de faire reconnaître la primauté du droit sur les actes de l'administration. Il a demandé comment les tribunaux bahreïniens tranchaient en cas de conflit entre une loi nationale et une disposition du Pacte. Un particulier peut-il invoquer le Pacte directement devant une juridiction, a-t-il également voulu savoir.

Ce même expert a demandé si la délégation si Bahreïn comptait lever les réserves qu'il a émises concernant certaines dispositions du Pacte et de préciser ces réserves. Il a par ailleurs souhaité savoir si l'État partie comptait ratifier le Protocole facultatif au Pacte reconnaissant au Comité la compétence d'examiner des plaintes.

L'expert a par ailleurs demander des précisions sur les modalités de participation de la société civile à la préparation du rapport et sur les dispositifs de diffusion et d'application des recommandations du Comité. Il a demandé si Bahreïn envisageait de mettre en place un mécanisme national d'établissement des rapports et de suivi des recommandations.

L'expert a demandé des explications sur la décision du Ministère de la justice, en août 2017, d'imposer que les femmes en dessous de l'âge de 45 ans soient accompagnées d'un tuteur pour participer au pèlerinage à la Mecque. Il a d'autre part demandé si le Code de la famille permettait de régler les affaires familiales des sunnites comme des chiites devant un tribunal unifié. Un expert a demandé si des poursuites peuvent être engagées contre des personnes qui évoquent la composition religieuse de Bahreïn.

Un autre membre du Comité a demandé s'il était vrai que des personnes étaient poursuivies au pénal en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Cet expert a par ailleurs rappelé qu'en vertu du Pacte, un État partie qui n'a pas ratifié le Protocole facultatif sur l'abolition de la peine de mort ne peut appliquer cette peine que pour les crimes les plus graves; or il semble que la peine capitale puisse être imposée à Bahreïn pour trafic de drogue ou certains crimes non considérés comme les plus graves. Il a demandé si les autorités comptaient revoir la législation dans ce domaine. L'expert a constaté une augmentation des condamnations à mort par les tribunaux et a souhaité savoir quel était le nombre de condamné à la peine capitale qui se trouvaient dans les couloirs dans la mort et pour quels motifs. Il a demandé si les opposants politiques pouvaient être condamnés à mort pour leurs activités politiques. Il a aussi demandé des précisions sur l'usage autorisé de la force par les forces de l'ordre, notamment dans le cadre d'une manifestation. Il a demandé quel était le nombre de personnes tuées dans le cadre des manifestations qui se sont déroulées l'année dernière. L'expert a demandé s'il existait une politique de l'État à l'égard des manifestants qui sont blessés de pas les autoriser à avoir accès à un traitement médical en raison de leur participation à des manifestations. Un autre expert a demandé si le droit à la vie était consacré dans la Constitution.

Un autre expert a demandé des précisions sur les mesures prises pour lutter contre les discriminations à l'encontre des personnes handicapées, soulignant qu'il était difficile de comprendre quels recours étaient prévus pour les personnes handicapées victimes de discrimination. Il a demandé quelle était la durée de la Stratégie nationale pour les personnes handicapées et quels avaient été les résultats concrets de cette stratégie.

Cet expert a par ailleurs constaté que la définition du terrorisme dans la législation interne du pays était très large et prêtait le flanc à des abus contre la liberté d'expression et de réunion. Il a demandé des explications sur l'utilisation de ce cadre juridique à l'encontre de militants politiques et des droits de l'homme. Il a aussi souhaité savoir si le pays avait mis en œuvre un mécanisme indépendant pour faire la lumière sur des allégations de violations des droits de l'homme par les forces de police.

Une experte a demandé ce qu'il en était de l'interdiction de la polygamie et si Bahreïn avait pris des mesures pour lutter contre le mariage précoce. Elle a par ailleurs demandé à quel âge il était possible de se marier à Bahreïn. L'experte a aussi demandé si Bahreïn avait pris en considération des motifs objectifs pour déterminer quelles mesures étaient les plus à même de répondre au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans le domaine de la garde. Elle a demandé ce qu'il en était du droit pour les femmes de transmettre leur nationalité et du droit de propriété pour les femmes. L'experte a demandé davantage d'informations sur le maintien d'articles du code pénal qui disculpent le violeur s'il décide d'épouser la victime.

Un autre expert a demandé quelles mesures étaient prises pour lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer ainsi les conditions de vie des détenus.

Un expert a souhaité connaître la composition de l'institution nationale des droits de l'homme, ajoutant qu'il semblerait que cette institution ne soit pas complètement indépendante. En effet, son rapport annuel semble appuyer le Gouvernement sans émettre de critiques sur la mise en œuvre des droits de l'homme à Bahreïn.

L'expert a relevé que l'autorisation d'interruption volontaire de grossesse n'était accordée que pour sauvegarder la vie de la mère. Il a demandé ce qu'il en était par exemple pour les cas de viols ou si l'embryon porte un lourd handicap qui pourrait porter atteinte à sa vie.

Le même expert a constaté que plusieurs juges à Bahreïn exercent leur travail en vertu d'un contrat de trois ans et sont nommés sur décision du Roi, approuvée par le Gouvernement. Il a dès lors demandé à la délégation si le pouvoir judiciaire était réellement indépendant dans le pays. L'expert a demandé une réaction de la délégation sur les allégations d'actes de torture commis par les forces de police et les gardiens de prison. Il a aussi demandé si la délégation pensait que le fait que des civils soient poursuivis par des tribunaux militaires était en harmonie avec les dispositions du Pacte.

L'expert a souligné qu'il existait bien un problème en ce qui concerne les travailleurs étrangers, comme le montrent les manifestations rassemblant des milliers de travailleurs étrangers dans le pays. Il a demandé quelles dispositions avaient été prises pour mettre en œuvre la nouvelle loi sur le travail, pour lutter contre les menaces à l'encontre des travailleurs étrangers et pour sanctionner les abus des entreprises à cet égard.

Selon certaines informations, il existerait une discrimination en faveur des sunnites et contre les chiites à Bahreïn, notamment dans la représentation au sein de l'administration, des forces de police et de l'armée. Il semblerait en outre qu'il y ait une volonté des autorités de changer la démographie du pays en faisant venir dans le pays des sunnites depuis l'étranger. De surcroît, des opposants chiites ont été déchus de leur nationalité.

Un autre expert a souhaité savoir quelles mesures allaient être prises pour permette à l'ensemble des partis politiques de participer aux prochaines élections alors qu'actuellement certains acteurs de l'opposition sont devenus apatrides par l'État pour ne pas leur permettre de participer à la vie politique.

Un autre expert a demandé des statistiques sur les mesures prises pour lutter contre la torture ces cinq dernières années. Il a demandé si les enquêtes sur les plaintes avaient donné lieu à des condamnations. Il s'est dit inquiet de ce que des aveux obtenus sous la contrainte à Bahreïn soient pris en compte, ajoutant que la torture semblait systématique dans le pays. Il a demandé une confirmation du nombre de 4000 détenus politiques à Bahreïn.

S'agissant des droits de l'enfant, l'expert a déclaré que le châtiment corporel semblait être pratiqué dans le domaine familial et il a demandé ce qu'il en était pour les centres de détention pour mineurs. Il a par ailleurs demandé la peine de mort était toujours applicable pour les mineurs.

Un expert a expliqué que l'affirmation du rapport selon laquelle il n'y avait pas de réfugiés à Bahreïn semblait incroyable, surtout au vu de la situation régionale. Cette information ne peut être expliquée que par l'absence d'un mécanisme d'enregistrement des réfugiés, a-t-il estimé. Il a demandé des informations concrètes sur les mesures prises pour respecter le principe de non-refoulement de réfugiés menacés dans leur pays.

Cet expert a aussi attiré l'attention sur le problème de la traite dans le pays. Il a demandé des informations sur la mise en œuvre de la législation dans ce domaine. Il a aussi souhaité recevoir des informations sur les enquêtes concernant l'implication des forces de l'ordre dans des cas de traite.

Une experte a demandé davantage de renseignements sur les interdictions de voyager à l'étranger, les motifs, et la base juridique de ces interdictions. Elle s'est enquis des raisons pour interdire la sortie de personnes qui auraient dû participer à des sessions du Conseil des droits de l'homme. Elle a rappelé à la délégation qu'il fallait toujours mettre en œuvre le principe de proportionnalité. L'experte a demandé quels étaient les motifs de déchéance de nationalité, notamment pour les opposants politiques.

Un expert a souligné que Bahreïn apporte peu de réponses s'agissant de trois grands champs de préoccupation que sont la liberté d'opinion et d'expression, le droit de réunion pacifique et la liberté d'association. Il a cité le cas de M. Yusuf Abdullah al-Hoori, qui a été jugé après sa participation aux travaux du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et à l'examen périodique universel. Étant lui-même en exil, sa famille aurait subi des représailles.

La loi sur la presse soulève des préoccupations semblables, avec toutes sortes d'infractions ou de réglementations qui constituent des atteintes excessives à la liberté d'expression. L'expert a jugé tout aussi préoccupante la loi sur la cybercriminalité qui permet à l'autorité administrative de bloquer l'accès à des sites web parce qu'ils diffuseraient des opinions critiques sur le gouvernement ou la famille royale. Il a relevé qu'un rapport évaluait à des milliers le nombre de personnes emprisonnées sur la base de faits liés à l'exercice de leur liberté d'expression.

Ce même expert a demandé des renseignements sur certains cas spécifiques: celui de Qasim Zainal Deen, un photographe condamné à trois ans de prison pour « réunion illégale et vandalisme »; celui de M. Faisal Hayyat, condamné à trois mois de prison pour un 1post sur Facebook décrivant les tortures qu'il aurait subi; et celui de M. Ahmed al-Fardan, condamné à trois mois de prison. L'expert a par ailleurs demandé des informations sur les personnes qui auraient été poursuivies et condamnées ou auraient fait l'objet de représailles en lien avec leurs activités auprès du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

L'expert a demandé si des enquêtes avaient été diligentées sur les événements autour des rassemblements à Deraz et les opérations menées en janvier et mai 2017 qui ont entraîné la mort de cinq personnes, l'arrestation de nombreuses autres personnes et la condamnation de plusieurs d'entre eux.

L'expert a par ailleurs déclaré que de nombreux exemples illustraient non seulement le contrôle étroit des autorités sur les associations mais, plus encore, la volonté d'éliminer toutes les associations critiques, soit à priori en ne leur accordant pas l'autorisation pour être créées, soit à posteriori en prononçant leur dissolution. L'expert a par ailleurs demandé des informations sur la dissolution du parti al-Wefaq et sur les dispositions de la loi qui ont été invoquées à cette fin.

Réponses de la délégation

La délégation de Bahreïn a expliqué que l'objectif des autorités était de mettre en œuvre des processus démocratiques dans tous les domaines liés aux droits de l'homme. Elles ont pris aussi de nombreuses initiatives afin de diffuser les principes des droits de l'homme dans la société, notamment dans le cadre des programmes scolaires qui comprennent en particulier des cours sur la citoyenneté. Le ministère de l'éducation a dispensé de nombreux cours liés aux droits de l'homme à l'université de Bahreïn qui sont obligatoires pour tous les étudiants. Plusieurs organisations, notamment le CICR, ont en outre organisé des formations au sein de l'académie policière dans le domaine des droits de l'homme. Pour sa part, le Conseil des femmes met en œuvre des propres programmes de sensibilisation concernant les normes juridiques liées à la famille. L'institution nationale des droits de l'homme a aussi organisé diverses formations sur les droits de l'homme.

La délégation a pu enregistrer des progrès considérables s'agissant de la mise en œuvre des dispositions du Pacte et les autorités continuent de vouloir avancer dans cette voie. Ces efforts visent à redoubler d'efforts dans le domaine de la promotion des droits de l'homme malgré les violences terroristes sur le territoire. L'indépendance du judiciaire est un fondement préalable à la réalisation des droits à Bahreïn. La Constitution garantit le droit à un procès équitable en conformité avec les normes internationales dans ce domaine.

Le pays va continuer à travailler avec les mécanismes des Nations Unies afin de renforcer la coopération internationale en matière des droits de l'homme. Le pays travaille en étroite collaboration avec la Commission arabe des droits de l'homme qui vise à la mise en œuvre de la Charte arabe des droits de l'homme.

La délégation a expliqué que le système judiciaire de Bahreïn ne tolère aucune discrimination. Toutes les décisions sont prises en conformité avec la loi. Le Pacte a force de loi et doit être mis en œuvre. Les dispositions peuvent être invoquées devant les tribunaux nationaux en vertu de la Constitution.

En réponse aux questions des experts, la délégation a expliqué que les autorités avaient récemment élaboré une définition du terrorisme et assuré que la législation garantissait des procès équitables dans ce domaine.

La peine de mort n'est appliquée dans le pays que pour les crimes les plus graves. Toutes les garanties sont prises pour que la peine ne puisse être prononcée que dans le cadre d'une procédure équitable. La peine capitale s'applique à tous crimes pouvant faire l'objet d'un emprisonnement à vie pour des crimes considérés comme pouvant nuire gravement à la société. Une peine capitale ne peut être prononcée que suite à une décision consensuelle de plusieurs juges. La délégation a assuré qu'aucune condamnation à mort n'a été prononcée à Bahreïn au motif d'un engagement politique.

La loi sur la citoyenneté ne prévoit la déchéance de nationalité qu'en cas de haute trahison ou autres motifs inscrits dans la loi. Le Roi doit par ailleurs approuver la déchéance de la nationalité et cette décision peut faire l'objet d'un recours. La délégation a affirmé que personne n'est privé de la nationalité bahreïnienne de manière arbitraire. La loi sur la nationalité prévoit toutes les circonstances s'agissant de la déchéance de la nationalité. La délégation a par la suite expliqué que toute personne condamnée à une interdiction de sortie de territoire pouvait faire appel de cette décision.

La liberté de culte est garantie dans le pays par la Charte d'action nationale. Ce document est contraignant et consacre notamment la liberté de croyance et la liberté de culte. La Constitution fait référence à la liberté de conscience absolue et la protection des lieux de culte, a insisté la délégation.

Les autorités ont lancé un processus afin de mettre à jour la législation dans le domaine de l'emploi de manière à la rendre conforme aux traités internationaux dans ce domaine. Les lois nationales garantissent l'égalité entre les travailleurs sans distinction aucune. La loi dote les femmes de droits supplémentaires en la matière tout comme les personnes handicapées. Bahreïn est pionnier dans le domaine des prestations sociales. Tous les travailleurs à Bahreïn ont accès à la sécurité sociale, y compris les travailleurs étrangers. La délégation a ajouté que le pays mettait à disposition des lignes téléphoniques en plusieurs langues pour que les travailleurs migrants puissent déposer plainte. Un système de permis de travail flexible permet aux travailleurs migrants de conclure des contrats en bénéficiant de tous les privilèges, notamment en ce qui concerne le choix de l'employeur.

En réponse à une autre question, la délégation a expliqué que les travailleurs étrangers qui ont participé à une manifestation avaient obtenu gain de cause et vu leurs droits garantis.

Des mesures de protection sociale sont aussi prévues pour les familles les plus démunies conformément aux principes directeurs et à la législation adoptée dans ce domaine. Les autorités veillent à créer un environnement familial pour l'inclusion de toutes les familles du Royaume dans des activités génératrices de revenus. Le pays a par ailleurs pris des mesures pour soutenir les personnes sans logement. La législation interdit toute forme de discrimination à l'encontre des personnes handicapées et toute personnes handicapée peut introduire une plainte pour discrimination et obtenir réparation de manière rétroactive. La Stratégie pour les personnes handicapées leur permet un meilleur accès au marché du travail.

La Constitution assure l'égalité entre hommes et femmes, a fait valoir la délégation. Une liste d'emplois que les femmes ne sauraient occuper à a été rédigée mais elle demeure limitée et a pour unique objectif de protéger les femmes. Les dispositions juridiques veillent à ce que les droits des femmes soient garantis sur un pied d'égalité avec les hommes. Une stratégie vise à autonomiser les femmes et à les rendre compétitives de manière à ce qu'elles jouent un rôle moteur dans le développement économique du pays. Les femmes ont le droit de jouir de leur nationalité tout comme les hommes même si elle épouse un étranger. La nationalité peut être accordée pour protéger une femme de l'apatridie. Un projet de loi vise à permettre aux femmes étrangères d'épouser des bahreïniens.

Contrairement à ce qui a été suggéré par un membre du Comité, aucune disposition n'exige qu'une femme soit être accompagnée d'un tuteur pour se rendre en pèlerinage à la Mecque, a affirmé la délégation. La femme a aussi le droit de propriété à Bahreïn et nul homme ne peut jouir de la propriété de son épouse sans son consentement. La délégation a par ailleurs fait valoir que les femmes étaient représentées dans une série d'instances décisionnelles, dans les Parlements et la Choura.

La délégation a expliqué que le code pénal autorise l'avortement médicalisé si nécessaire pour sauvegarder la vie de la femme. Est passible d'une peine de prison celle qui se fait avorter sans le conseil d'un médecin.

Le nouveau code de la famille dresse toute une série de dispositions relatives aux droits des familles de Bahreïn et prévoit des actions en justice en cas de manquements. Il réglemente la vie familiale sans pour autant interférer dans la vie intime de la famille. Le code porte notamment sur le divorce, la garde des enfants, la succession. Il prévoit en particulier que la femme peut demander le divorce. La garde des enfants est régie par le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. La Charia dispose aussi d'un certain nombre de dispositions dans ce domaine qui sont basées sur le principe de l'égalité. Il est désormais possible de faire appel d'une décision d'un tribunal de la Charia auprès de la Cour de cassation, a tenu à préciser la délégation. En réponse à la question d'un expert, la délégation a indiqué que le pays ne disposait pas de tribunaux unifiés (à la fois chiites et sunnites) qui prennent des décisions concertées sur les affaires familiales. « Cela se fait chacun de son côté, comme c'est le cas depuis des centaines d'années ».

Le pouvoir judiciaire est indépendant et les audiences sont publiques, sauf dans les cas prévus par la loi, notamment lorsqu'un mineur doit témoigner. Le silence n'est pas considéré comme l'aveu d'un crime et les personnes qui n'ont pas suffisamment de ressources ont accès à une aide juridictionnelle gratuite. La délégation a expliqué, s'agissant de la nomination des juges, que le système contractuel temporaire n'allait pas à l'encontre de l'indépendance du judiciaire. Les juges répondent à toutes les conditions nécessaires notamment celle de la garantie des procédures et de l'indépendance. Une fois le juge nommé, son contrat est en total conformité avec les principes d'indépendance, a affirmé la délégation.

Les allégations d'impunité sont fausses et la torture est réprimée par le code pénal, a affirmé la délégation.

À une question sur le respect du principe de non-refoulement, la délégation a indiqué que la Constitution de Bahreïn interdisait l'extradition de réfugiés politiques, précisant toutefois qu'il n'existait pas de réfugiés dans le pays. Elle a aussi indiqué que la loi sur les migrations régulait toutes les questions relatives aux étrangers, qui peuvent avoir accès au territoire s'ils possèdent des visas valables.

La délégation a expliqué que l'usage de la force par les forces de l'ordre était strictement réglementé par le code de procédure pénale. Un décret de 1982 prévoit que les agents ne peuvent avoir recours à la force qu'en cas de nécessité et si la force est le seul moyen possible. L'unité d'enquête spéciale, auprès du parquet, est chargée de mener des enquêtes sur ces questions et établir la responsabilité pénale de ceux qui ont contrevenu à la loi.

La délégation a assuré que le Ministère de la justice garantissait le respect des dispositions du code de procédure pénale s'agissant de la détention provisoire. Les mesures de détention provisoire doivent être prises par le parquet. Des centres de détention ont été créés pour accueillir spécifiquement les personnes en préventive.

La délégation a expliqué que l'adhésion de Bahreïn au Protocole facultatif (relatif à l'examen de plaintes par le Comité) était encore à l'examen et devait faire l'objet de consultations.

La délégation a déclaré qu'il fallait intensifier la coopération entre les autorités et les associations de la société civile, qui ont par ailleurs participé activement au dernier examen périodique universel de Bahreïn.

Répondant à des questions sur la liberté d'expression et de conscience, la délégation a affirmé que la Constitution de Bahreïn prévoyait le droit des individus d'exprimer leurs convictions à la condition de ne pas porter atteinte aux principes islamiques et de ne pas semer la discorde. Différents décrets mettent en œuvre ce droit, notamment dans le domaine de la presse.

La Constitution garantit également la liberté de rassemblement. Toutefois, cette liberté n'est pas absolue: les rassemblements doivent être en conformité avec le système législatif et compatible avec les bonnes mœurs.

Le pays s'engage à respecter les normes internationales et ouvrir des enquêtes sur toute affaire de mauvais traitements de la part des forces de l'ordre. Le pays a établi des commissions auprès du parquet pour examiner les allégations d'usage excessif de la force. Le Médiateur peut recevoir les plaintes contre les forces de l'ordre. La délégation a assuré que la reddition des comptes est un principe fondamental qui ne peut être remis en cause.

S'agissant des conditions de détention, la délégation a notamment expliqué qu'une aile spécialisée des institutions pénitentiaires était prévue pour les détenus souffrant de maladies chroniques. Les détenus handicapés ont pour leur part accès à des programmes spécifiques. Bahreïn est un pays pionnier dans la mise en œuvre de peines alternatives pour des délits peu graves afin d'éviter l'emprisonnement. Les mineurs ne peuvent être placés en détention que dans des centres pour mineurs et suite à une décision du juge pour mineurs.

Le Gouvernement est très attaché à lutter contre la traite des personnes. Des ateliers de sensibilisation ont été organisés pour les fonctionnaires et les policiers dans ce domaine. Les victimes de la traite sont prises en charge dans des foyers d'accueil, a expliqué la délégation.

La délégation a précisé que le Médiateur avait été saisi de plus de 4000 plaintes depuis juillet 2013; 70% de ces plaintes ont été prises en charge. L'Ombudsman joue un rôle prépondérant dans le domaine des droits de l'homme. Toutes les informations sur le sujet sont disponibles sur le site web de l'institution. Certaines des plaintes portent sur les évènements de 2011 et les événements plus récents.

La délégation a expliqué que les correspondants étrangers doivent obtenir une autorisation d'exercer de la part du Ministère des affaires étrangères. Les médias travaillant sans autorisation sont soumis à une amende. Bahreïn compte quarante correspondants étrangers sur son territoire et plus de trois cent correspondants étrangers ont pu par le passé faire leur travail librement à Bahreïn.

La décision de la fermeture du journal al-Wasat a été prise après plusieurs abus et violations, notamment celle du principe d'autorisation préalable et suite à la publication de fausses informations ou d'informations incitant à la haine. D'autres médias ont publié de fausses informations concernant de hauts fonctionnaires d'État. Il est possible de faire appel de telles décisions, a précisé la délégation.
La délégation a affirmé que nul ne fait l'objet de discrimination au motif de sa religion, contrairement aux informations mentionnées par un membre du Comité. Elle a attiré l'attention à cet égard sur la création d'un centre de la coexistence confessionnelle pacifique.

La délégation a expliqué que le droit à la vie était un droit absolu à Bahreïn inscrit dans de nombreux articles de la Constitution, de la loi et de la Charte nationale d'action.

Conclusions

Le chef de la délégation de Bahreïn, a déclaré que son pays était fier de tous ses acquis dans le domaine des droits de l'homme. M. Al Doseri a dit espérer que les membres du Comité ont pu acquérir une meilleure connaissance des avancées du pays en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Le chef de la délégation a aussi souligné qu'il fallait éviter la politisation dans les discussions. Il a annoncé le tenue prochaine d'élections parlementaires libres dans le pays, rappelant que toute la population, y compris les associations de la société civile, pourront prendre part à ce processus.

Le Vice-président du Comité, M. AHMED AMIN FATHALLA, a salué ce premier dialogue interactif avec Bahreïn, qu'il a jugé constructif. M. Fathalla a ajouté qu'au-delà de l'adoption de lois, il fallait veiller à leur mise en œuvre et à leur suivi.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CCPR/18/14F