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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE CHYPRE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport périodique présenté par Chypre sur les mesures qui ont été prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le rapport a été présenté par Mme Leda Koursoumba, Commissaire aux lois de la République de Chypre, qui a détaillé les mesures et plans d'action adoptés par son pays en matière d'égalité entre les sexes et pour promouvoir l'égalité des femmes. La Commissaire aux lois a aussi indiqué que son gouvernement déployait de nombreux efforts pour répondre aux défis que représentent les questions relatives aux femmes réfugiées, aux violences domestiques, à la traite des êtres humains ou encore à la représentation des femmes dans la vie politique et publique. Des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes, les violences domestiques ou les difficultés rencontrées par les femmes les plus vulnérables sont régulièrement lancées, tout comme des campagnes de communication à l'intention des médias, de la société civile et des organisations non gouvernementales. Mme Koursoumba a regretté la décision récente prise par la Cour suprême de son pays, qui a invalidé un projet de loi envisageant l'introduction de quotas pour une meilleure représentativité des femmes dans la vie politique et publique. Elle a toutefois assuré le Comité de l'engagement entier de son gouvernement pour contourner le problème.

La délégation chypriote était également composée du Représentant permanent de la République de Chypre à l'Office des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères de la justice, de l'éducation et de la culture, du travail et des affaires sociales, de l'intérieur, ainsi que du Bureau central de la police. La délégation a notamment répondu aux questions des membres du Comité s'agissant de la représentation politique des femmes, la lutte contre les stéréotypes et les violences domestiques, la situation des migrants et des demandeurs d'asile, notamment. Elle a, en particulier, assuré que le pays prenait des mesures pour accompagner les femmes migrantes et notamment les plus vulnérables dans leurs démarches en tant que demandeurs d'asile. La délégation a aussi précisé que la République de Chypre n'était pas en mesure d'assurer la protection et la promotion des femmes dans la partie du territoire occupée depuis 1974.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur l'examen du rapport de Chypre. Elles seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 20 juillet.


Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport périodique du Liechtenstein.


Présentation du rapport de Chypre

Le Comité est saisi du rapport périodique de Chypre (CEDAW/C/CYP/8), ainsi que des réponses du pays (CEDAW/C/CYP/Q/8/Add.1) à la liste de points à traiter (CEDAW/C/CYP/Q/8) que lui a adressée le Comité.

MME LEDA KOURSOUMBA, Commissaire aux lois de la République de Chypre, a dit que son pays, qui est partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes depuis 1985, avait fait, depuis cette date, des progrès considérables en matière d'égalité entre les sexes et dans la promotion des droits des femmes. Si, au cours de ces cinq dernières années, la crise financière a affecté le rythme des progrès dans certains domaines, le tableau général demeure satisfaisant, a fait observer Mme Koursoumba.

Depuis l'examen du précédent rapport périodique de Chypre, le Gouvernement a élaboré plusieurs plans d'action et formulé des nouvelles politiques dans le domaine de la lutte contre la violence envers les femmes, de la traite des êtres humains, de l'emploi, de l'inclusion sociale, de l'éducation, de la santé et de la vie publique et politique. Ainsi, Mme Koursoumba a indiqué que l'une des réalisations les plus importantes avait été l'adoption d'un Plan d'action national pour l'égalité entre les sexes (2014-2017), qui impliquait notamment une réforme administrative, une amélioration du cadre législatif, l'autonomisation ou encore l'élimination des stéréotypes sociaux et des préjugés. Ce Plan d'action, a-t-elle expliqué, a été spécialement conçu en vue de l'application des observations finales faites par le Comité au terme du précédent examen.

S'agissant des mécanismes institutionnels, le Gouvernement chypriote a aussi mis l'accent sur la réforme du droit, sur les activités de sensibilisation et sur le soutien aux organisations non gouvernementales. Un Commissaire à l'égalité des sexes a été nommé par le Président de la République en 2014. Mme Koursoumba a également mis en avant la participation des organisations de femmes et des organisations non gouvernementales à la formulation des politiques dans des domaines tels que la famille et la démographie, les enfants, la paix, l'inclusion sociale, l'emploi, la violence et la lutte contre la traite des êtres humains.

La Commissaire aux lois de la République de Chypre a par ailleurs indiqué que son pays s'était engagé à remédier aux problèmes rencontrés par plusieurs groupes vulnérables de femmes, notamment les réfugiées, les migrantes, les requérantes d'asile, les femmes âgées, les femmes rurales et les mères célibataires, de même qu'à répondre aux problèmes rencontrés par la communauté LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués). S'agissant particulièrement des femmes requérantes d'asile, un mécanisme a été mis en place pour répondre à leurs besoins spécifiques, avec notamment la formation de personnel féminin pour les accompagner au cours de leurs démarches.

Un autre projet de loi est en préparation pour instituer un processus clair régissant la modification de l'état-civil des adultes et mineurs transsexuels : cette démarche n'exigera désormais qu'une décision des autorités d'état-civil, et non plus une intervention médicale préalable ni une évaluation psychiatrique, a indiqué Mme Koursoumba.

En matière d'emploi, Chypre a pris un train de mesures ayant pour objectifs de rendre les femmes plus autonomes dans le secteur économique, de réduire l'écart salarial avec les hommes et de favoriser la présence des femmes sur le marché du travail, a poursuivi Mme Koursoumba. S'agissant en particulier de la réduction de l'écart salarial, Chypre est aujourd'hui en cinquième place des États Membres de l'Union européenne pour les progrès accomplis, et ce en dépit de la crise économique qu'a connue le pays, a fait valoir Mme Koursoumba.

La Commissaire aux lois a précisé, d'autre part, que le Gouvernement chypriote avait pour priorité la prévention de toutes les formes de violence, en particulier la violence envers les femmes. Des progrès importants ont été réalisés dans ce domaine, a-t-elle expliqué, comme l'ouverture d'une ligne téléphonique d'urgence pour les victimes de violences domestiques ; le lancement de campagnes de sensibilisation ; la formation systématique des professionnels concernés ; ou encore la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul), en 2017.

Enfin, Mme Koursoumba a indiqué que, malgré le nombre croissant de femmes participant activement à la vie publique et politique de Chypre, elles étaient toujours sous-représentées au niveau des prises de décision, en particulier au Parlement et dans les conseils municipaux. Le Mécanisme national de promotion de la femme ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales ont proposé l'introduction de quotas pour une meilleure représentation des femmes dans la vie publique et politique. Si ces quotas n'ont pas encore été adoptés officiellement, le Gouvernement et la société civile semblent aujourd'hui adopter une attitude plus positive à cet égard, a relevé Mme Koursoumba. Elle a enfin fait savoir que l'avortement jusqu'à la douzième semaine avait été dépénalisé récemment à Chypre.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a rappelé la situation géographique exceptionnelle de l'État de Chypre qui se situe entre trois continents, mais qui oblige également le Gouvernement à répondre à un certain nombre de défis, notamment migratoires. L'experte a aussi évoqué le fait que le Gouvernement chypriote ne contrôle pas une zone de l'île qui représente 36,7% de son territoire; elle a souhaité connaître l'impact de cette situation sur les femmes vivant dans cette zone.

Plusieurs expertes ont fait part de leurs préoccupations s'agissant des réfugiés, indiquant que le rapport ne contenait que peu d'éléments sur le sujet. Elles ont interrogé la délégation sur le manque de ressources pour accueillir les migrants, notamment en matière de lieux d'accueil et dans le cadre du suivi des procédures. Une experte a rappelé que cette question était extrêmement importante et a souhaité qu'une solidarité européenne vienne en aide au Gouvernement chypriote.

Des expertes ont interrogé la délégation sur le Troisième plan national d'action sur l'égalité des genres. Alors qu'il avait été fixé pour la période 2018-2021, ce plan semble n'être qu'en préparation, ont-elles déploré. Elles se sont donc interrogées sur l'état d'avancement de ce plan et la manière dont il sera financé, ainsi que le rôle joué par les femmes dans sa mise en œuvre.

Les expertes ont noté les mesures positives prises par le Gouvernement pour améliorer l'autonomisation ou encore les conditions de vie des femmes en détention. Elles se sont toutefois interrogées sur les déséquilibres persistants entre les hommes et les femmes au sein de la société chypriote, ainsi que la décision de la Cour suprême de rejeter le projet de loi de 2016 qui envisageait l'insertion de quotas pour une meilleure représentation des femmes dans la vie politique et publique. Cette décision est contraire à l'article 4 de la Convention. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre face à cette décision?

Le Gouvernement a montré sa volonté de lutter contre les stéréotypes, ont admis les expertes. Toutefois, les violences domestiques, ainsi que les questions relatives à l'orientation sexuelle et aux droits sexuels restent des tabous dans la société.

Plusieurs membres du Comité ont interrogé la délégation sur la ratification par Chypre de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. Un expert a déclaré que plusieurs femmes migrantes avaient peur de contacter l'administration après leur accouchement et n'ont donc pas enregistré leurs enfants, conduisant à des situations d'enfants apatrides, a-t-il suggéré.

Une experte a relevé que malgré les très bons résultats des femmes dans l'enseignement et notamment la réussite des filles à l'Université, cela ne se traduisait toujours pas dans les rémunérations et que les différences de salaires persistaient entre hommes et femmes. Dans le monde d'aujourd'hui, a indiqué une experte, il est important de veiller à une répartition équilibrée entre les filles et les garçons et ce dans tous les secteurs d'activités. Les défis d'aujourd'hui sont le climat et les nouvelles technologies et il est important, dans ces secteurs, d'avoir de bons techniciens, de bons décideurs mais surtout que le monde nouveau se construise avec la participation des femmes.

Les recettes fiscales du pays sont importantes, a relevé un membre du Comité, ajoutant que Chypre était un territoire attrayant pour les travailleurs étrangers et qu'il pourrait bien que les impôts payés aient à long terme impact positif en faveur des femmes.

Enfin, une experte a demandé davantage de précisions sur l'union civile des couples de sexe opposé et de même sexe et leur reconnaissance juridique.

Réponses de la délégation

La délégation chypriote, répondant aux questions sur la situation dans la partie Nord de Chypre, a rappelé que 36,7% du territoire de l'île était sous occupation étrangère depuis 1974. Le Gouvernement chypriote ne peut exercer un contrôle légitime sur cette partie de l'île et, à ce titre, il n'a aucun moyen de remédier à la situation et protéger les hommes et les femmes de cette zone. La délégation a indiqué en revanche ne posséder aucune information valide.

La Constitution et la législation nationale prévoient que la Convention peut être invoquées directement devant les tribunaux. La Constitution protège les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de chaque individu. Il ne peut y avoir des lois allant à l'encontre de ces dispositions.

Répondant à une question sur la représentation des femmes dans la vie politique et publique, la délégation a indiqué être pleinement consciente des défis qui persistent. Les femmes restent sous-représentées et des pourparlers sur la question se tiennent depuis 44 ans, sans aboutir. Le dernier cycle de discussions, qui a débuté en 2014, a déraillé l'an passé, a rappelé la délégation au Comité. Toutefois, elle a affirmé avoir bon espoir quant à la reprise de ces pourparlers et a souligné l'importance pour les femmes de participer aux prochaines négociations.

La délégation a dit regretter la décision prise par la Cour suprême du pays sur les mesures temporaires spéciales en faveur de la promotion de la femme, soulignant que le pouvoir judiciaire était parfois moins enclin au changement que le législatif. Le Gouvernement est déterminé à contourner le problème, même s'il lui sera impossible de légiférer sans l'avant du judiciaire. La délégation a en outre souligné que ce n'était pas chose facile de procéder à une modification de la Constitution pour permettre l'introduction de quotas de représentativité. La délégation a toutefois réaffirmé la volonté politique du Gouvernement de trouver une solution. En attendant, un certain nombre d'études sont menées pour mesurer l'impact des quotas. Des campagnes de sensibilisation sont en outre menées pour familiariser les femmes et la société civile avec cette question. L'instauration d'un organe unique devrait également faciliter le processus de sensibilisation des hommes et des femmes, tout en mutualisant les ressources humaines et financières.

Répondant à la question des stéréotypes et des violences domestiques, la délégation a précisé que plusieurs plans d'action et des campagnes de sensibilisation avaient été lancés pour tenter de changer les mentalités, en particulier chez les jeunes. Des mesures de protection pour les femmes victimes de violences domestiques ont été prises. Le pays compte actuellement deux foyers pour accueillir ces femmes et un appel d'offre pour la création de nouveaux foyers et d'un centre d'accueil est actuellement en cours. La question des violences domestiques est également l'une des priorités des forces de police depuis deux ans. Des projets spécifiques pour lutter contre ce fléau ont été mis en place, avec notamment des formations spécifiques pour les policiers, le recours à des experts et un manuel pédagogique.

Répondant à des questions relatives au statut des demandeurs d'asile et des réfugiés, la délégation a indiqué que les autorités chypriotes compétentes s'efforçaient de les accompagner au mieux tout au long de leurs démarches, notamment sur la base d'un questionnaire établi au moment de l’accueil, l'objectif étant d'identifier le plus rapidement possible les personnes vulnérables afin de leur venir en aide. De plus en plus de femmes sont formées dans ces tâches d'accueil pour accompagner les migrantes les plus vulnérables. À cet égard, une conférence a été organisée en février dernier à Nicosie sur la question des tortures qu'ont pu subir les migrants. Les politiques migratoires qui ont été adoptées, notamment celles prévues par le Plan d'action national stratégique, ont toutes pris en compte les recommandations finales faites par le Comité à l'issue de l'examen du précédent rapport, a fait valoir la délégation. Elle a aussi indiqué que les femmes migrantes mariées à des Chypriotes bénéficiaient des mêmes droits que celles mariées à des ressortissants européens, de telle sorte que leurs droits sont intégrés à la législation nationale conformément aux normes de l'Union européenne.

La délégation chypriote a indiqué que son gouvernement avait signé la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et a assuré qu'à ce jour, personne sur le territoire chypriote ne s'est trouvé dans une telle situation.

En matière d'éducation, le chef de la délégation a souligné qu'il fallait ouvrir les horizons éducatifs et les perspectives pour permettre à chacun de poursuivre différentes voies. Mme Koursoumba a ajouté que les femmes étaient sous-représentées dans certaines professions et a annoncé que des programmes allaient être adoptés pour les encourager à poursuivre dans ces carrières.

S'agissant des enfants dans le système éducatif qui appartiennent à des minorités, cela concerne principalement les enfants rom, dont la langue n'est pas une langue officielle du pays. La priorité du Gouvernement est de faciliter l'éducation pour tous et d'inciter les parents de prendre part à l'éducation de leurs enfants. En ce qui concerne l'obstacle linguistique rencontré par les enfants migrants, il est offert à ces derniers de suivre des cours de langue grecque en amont ou en parallèle de leur scolarité. Par ailleurs, des efforts sont déployés pour faire en sorte qu'ils puissent également bénéficier d'un enseignement complémentaire dans leurs propres langues.

La délégation a assuré que la République de Chypre garantissait que le mariage était un choix libre qui pouvait se faire de manière religieuse ou civile et qu'il était régi par la législation chypriote. Une nouvelle loi a été adoptée en faveur d'un pacte civil, où les deux partenaires de sexe opposé ou de même sexe peuvent indiquer qu'ils vivent de facto ensemble et obtiennent les mêmes droits que les couples mariés - y compris en ce qui concerne les droits de propriété, mais à l'exception du droit d'adoption. L'intérêt supérieur de l'enfant l'emporte, a tenu à ajouter le chef de la délégation.

Conclusions

Le chef de la délégation chypriote, Mme Leda Koursoumba, a remercié le Comité pour le dialogue franc et complet. L'évaluation de la situation à Chypre au regard de la Convention permettra aux autorités chypriotes de faire le point sur ce qui a été réalisé et ce qui doit encore être amélioré. Les recommandations formulées par le Comité seront étudiées de près et que cette base de nouveaux engagements seront pris de la part de Chypre.

La Présidente du Comité, Mme Dalia Leinarte, a félicité Chypre pour la présentation de son rapport et pour le dialogue constructif mené avec les experts afin de mieux évaluer la situation des femmes à Chypre. Elle a encouragé le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux questions encore en suspend et pour faciliter la mise en œuvre des différentes recommandations qui seront formulées par le Comité.


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CEDAW18/16F