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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la Fédération de Russie sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Mikhail Galperin, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a expliqué que la loi régissant le système pénitentiaire russe avait été amendée en vue de mieux protéger les droits des personnes détenues ou placées en garde à vue. Le Vice-Ministre a précisé que l’utilisation de la contrainte par les forces de l’ordre russes était bien encadrée, y compris dans les centres de détention. En cas de lésion corporelle sur une personne détenue, et a fortiori en cas de décès, l’affaire est portée dans les vingt-quatre heures devant le Procureur, à qui les documents pertinents sont transmis, a assuré M. Galperin.

D’autres mesures ont été prises pour humaniser les sanctions et les conditions de détention, a ajouté le Vice-Ministre. Ainsi, les femmes enceintes et les détenus ayant des enfants peuvent se voir octroyer des remises de peine ou des sorties anticipées. Et, pour préserver les liens familiaux, les détenus condamnés à vie ont droit, depuis 2017, à un entretien de longue durée par an avec leurs proches, alors qu’auparavant il n’en avait droit à aucun. En outre, de nouveaux lieux de détention ont été ouverts aux visites de contrôle, en particulier des hôpitaux psychiatriques, a fait savoir M. Galperin. Au terme du dialogue avec le Comité, le Vice-Ministre a remercié les personnes qui ont participé à la rédaction du rapport et à l’examen, notamment les organisations de la société civile.

La délégation russe était également composée de représentants des Ministères de la défense, de la justice et des affaires étrangères, ainsi que du Bureau du Procureur général et du Service pénitentiaire fédéral. Elle a répondu aux questions et observations des experts du Comité portant – notamment – sur la définition de la torture dans la loi russe ; les garanties procédurales et les conditions de détention dans les prisons russes ; le contrôle des établissements psychiatriques ; la détention administrative ; la médecine pénitentiaire ; le rôle de la police militaire russe en Syrie ; des allégations de torture en Tchétchénie et en Crimée ; la loi sur les associations sans but lucratif ; ou encore le fonctionnement de l’institution du Médiateur.

M. Jens Modvig, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de la Fédération de Russie, a relevé avec préoccupation que des informations fiables montrent que la torture est généralisée dans la Fédération de Russie. Il a fait observer que, vu l’absence d’article criminalisant explicitement la torture dans le Code pénal russe, le Comité ne peut pas déterminer si la Fédération de Russie lutte efficacement contre ce problème. Le Président du Comité a insisté pour que la Fédération de Russie réponde à ses obligations en vertu de la Convention, notamment en adoptant une définition de la torture conforme à la Convention. La protection efficace contre la torture ne se limite pas à l’énoncé, dans la loi, des droits des détenus, a aussi souligné M. Modvig : cette protection doit être démontrée dans la pratique.

M. Claude Heller Rouassant, corapporteur pour l’examen du rapport, s’est dit étonné que, compte tenu du nombre de témoignages sur des violations des droits de l’homme commises en Tchétchénie, la lumière n’ait pas pu être faite sur ces affaires. Il a rappelé que 27 personnes avaient été victimes d’exécution extrajudiciaire en Tchétchénie en 2017, avant de souligner que beaucoup d’informations font état d’un véritable régime d’impunité dans cette région. M. Heller Rouassant a aussi fait part de ses préoccupations s’agissant de violations des droits de l’homme commises en Crimée et s’est interrogé sur les mesures prises pour prévenir et sanctionner la torture en Transdnistrie. La délégation russe a été priée par plusieurs membres du Comité de communiquer des informations sur l’enquête qui a été ouverte suite à la diffusion récente d’une vidéo montrant des gardiens de prison brutaliser un prisonnier.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Fédération de Russie et les rendra publiques à l'issue de la session, le 10 août prochain.


Le Comité entamera lundi matin, 30 juillet, l’examen du rapport initial des Seychelles (CAT/C/SYC/1).


Examen du rapport de la Fédération de Russie

Le Comité était saisi du sixième rapport périodique de la Fédération de Russie (CAT/C/RUS/6), établi selon la procédure facultative d’établissement des rapports.

Présentation du rapport

Présentant ce rapport, M. MIKHAIL GALPERIN, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, chef de la délégation, a expliqué que la loi régissant le système pénitentiaire russe avait été amendée en vue de mieux protéger les droits des personnes détenues ou placées en garde à vue. Le Vice-Ministre a précisé que l’utilisation de la contrainte par les forces de l’ordre russes était bien encadrée, y compris dans les centres de détention : ainsi les gardiens doivent-ils s’abstenir d’utiliser la force envers les femmes enceintes, les personnes handicapées, les mineurs et les membres de minorités, sauf en cas de résistance armée ou d’agression qui menacent la vie ou la sécurité des gardiens. Pour contrôler l’utilisation de la force, les gardiens portent des équipements d’enregistrement par vidéo, conformément à la loi. En cas de lésion corporelle sur une personne détenue, et a fortiori en cas de décès, l’affaire est portée dans les vingt-quatre heures devant le Procureur, à qui les documents pertinents sont transmis, a précisé M. Galperin.

D’autres mesures ont été prises pour humaniser les sanctions et les conditions de détention, a ajouté le Vice-Ministre. Les femmes enceintes et les détenus ayant des enfants peuvent se voir octroyer des remises de peine ou des sorties anticipées. Le transfert des femmes enceintes condamnées ne peut se faire qu’avec l’autorisation du médecin. Pour préserver les liens familiaux, les détenus condamnés à vie ont droit, depuis 2017, à un entretien de longue durée par an avec leurs proches, alors qu’auparavant il n’en avait droit à aucun. De même, la durée des périodes d’exercice physique a été portée à trois heures, au lieu de deux heures et demie, a expliqué M. Galperin. Toutes ces mesures ont été prises suite aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, a-t-il ajouté.

D’autre part, a poursuivi le Vice-Ministre, le mandat des commissions de contrôle des lieux de détention a été élargi. Les membres de ces commissions peuvent désormais enregistrer et prendre des vidéos des personnes emprisonnées. De nouveaux lieux de détention ont été ouverts aux visites de contrôle, en particulier des hôpitaux psychiatriques, a fait savoir M. Galperin.

S’agissant des questions de formation, a dit M. Galperin, les autorités russes organisent, par le biais du Ministère de l’intérieur, des formations continues aux droits de l’homme et aux droits civils. L’accent porte notamment sur l’usage proportionné de la force dans la gestion des manifestations, a expliqué le Vice-Ministre. De même, les magistrats sont dûment informés des arrêts concernant la Fédération de Russie rendus par la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour suprême de la Fédération de Russie a recommandé que les juges réduisent le nombre de placements en détention suite à des manifestations. Enfin, toutes les violations des droits de l’homme commises par des membres des forces de l’ordre font l’objet d’enquêtes et, le cas échéant, de sanction, a assuré M. Galperin.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JENS MODVIG, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de la Fédération de Russie, s’est dit préoccupé par le fait que tous les éléments constitutifs de la torture ne se retrouvent pas dans la définition donnée par la loi russe, puisqu’il manque, en particulier, la mention des agents de la fonction publique (article premier de la Convention).

M. Modvig a voulu savoir si le Gouvernement avait déjà eu l’occasion d’affirmer publiquement et sans ambiguïté que la torture était interdite dans la Fédération de Russie. Il a regretté que le Gouvernement n’ait pas donné suite à une ancienne recommandation du Comité en ce sens. La protection efficace contre la torture ne se limite pas à l’énoncé, dans la loi, des droits des détenus : cette protection doit être démontrée dans la pratique, a aussi souligné M. Modvig.

M. Modvig a fait observer que, vu l’absence d’article criminalisant explicitement la torture dans le Code pénal russe, le Comité ne peut pas déterminer si la Fédération de Russie lutte efficacement contre ce problème. Le Président du Comité a insisté pour que la Fédération de Russie réponde à ses obligations en vertu de la Convention, notamment en adoptant une définition de la torture conforme à la Convention. Le Président a relevé qu’il serait ainsi possible de disposer de statistiques sur les cas de torture et sur les condamnations prononcées.

Des informations fiables montrent que la torture est généralisée dans la Fédération de Russie, a aussi relevé le corapporteur, et – selon le Comité des droits de l’homme et un rapport d’Amnesty international – qu’elle est utilisée comme moyen d’obtenir des aveux. M. Modvig a prié la délégation de donner des informations sur le nombre de plaintes pour torture et sur les condamnations liées à ces affaires, et de dire si des employés de l’État avaient été l’objet de poursuites directes pour de tels faits.

M. Modvig a demandé s’il existait un système sûr et efficace pour le dépôt de plaintes, accessible aux détenus, comme le demande la Convention. M. Modvig a relevé d’autre part qu’aucune mesure n’était prise pour faciliter l’enregistrement des plaintes pour violences à l’encontre des femmes détenues.
Le Président du Comité a prié la délégation de communiquer des informations sur l’enquête qui a été ouverte suite à la diffusion récente d’une vidéo de gardiens de prison brutalisant un prisonnier.

Le Président du Comité a demandé si les garanties procédurales s’appliquaient effectivement dès le début de la détention : il a regretté que, selon certaines informations en possession du Comité, ces garanties interviennent trop tard dans la procédure. M. Modvig a voulu savoir à quel moment la personne privée de liberté pouvait lancer un appel téléphonique ; et si les suspects avaient accès à un avocat dès leur arrestation et si cet avocat était présent durant les autres étapes de la procédure.

De même, M. Modvig a demandé qui réalisait l’examen médical des détenus. Il s’est enquis du nombre de rapports de médecin faisant état de blessures et dans combien de cas des enquêtes pour torture ou mauvais traitements avaient été ouvertes. M. Modvig s’est inquiété de la pratique consistant à accorder un traitement médical aux détenus malades en échange d’aveux. Le Président du Comité a aussi demandé ce qui était fait pour que le personnel médical des prisons soit véritablement indépendant du système pénitentiaire. M. Modvig a évoqué les 56 arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme sur des cas de défaut de traitement approprié pour des patients détenus. Il a voulu savoir dans quelle mesure les prisonniers pouvaient consulter des médecins spécialistes dans les centres de détention ou à l’extérieur de la prison.

Le corapporteur a ensuite demandé des informations sur la procédure d’enregistrement des détenus, notamment si le registre d’écrou était sous format numérique ou sur papier. Le corapporteur a regretté que les proches et les avocats des détenus n’aient pas accès à ce registre. M. Modvig a relevé que, dans certains cas, la détention d’une personne peut rester secrète, et s’est interrogé sur la possibilité qu’a la personne privée de liberté de remettre en cause la licéité de la mesure de détention. Il a demandé des statistiques sur le nombre de cas de détention secrète dans la Fédération de Russie.

Le Président du Comité a par ailleurs demandé des informations sur la présence de la vidéo-surveillance dans les salles d’interrogatoire et dans les centres de détention provisoire. Il a demandé si les enregistrements vidéo étaient accessibles aux avocats et aux enquêteurs.

Le Président du Comité a demandé des statistiques relatives à la détention administrative et des informations sur les lieux dans lesquels les personnes se retrouvent en détention administrative. Il s’est enquis du nombre de décisions administratives visant l’expulsion d’une personne. La délégation a été priée de dire si la Fédération de Russie respectait le principe de non-refoulement dans ce domaine. Le Président du Comité a relevé à ce propos que, selon certaines informations, la Fédération de Russie ne procède pas à l’enregistrement systématique des demandeurs d’asile. Cela pourrait avoir des conséquences graves sur l’application du principe de non-refoulement, a dit M. Modvig.

M. Modvig a ensuite déploré que le taux de mortalité dans les prisons russes soit l’un des plus élevés des États membres du Conseil de l’Europe, avec 4000 décès pour 600 000 détenus. Il a demandé si les chiffres donnés dans le rapport couvraient tous les décès en détention, notamment les décès de personnes en détention provisoire. Le Président du Comité a demandé des informations sur les enquêtes sur les décès en détention, notamment les morts violentes.

S’agissant de la visite du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) en Fédération de Russie, M. Modvig a demandé pourquoi le pays avait demandé que ses rapports restent confidentiels depuis 2012 : pour le Comité, cette décision pourrait signifier que la Fédération de Russie a des choses à cacher, a fait observer son Président.

M. CLAUDE HELLER ROUASSANT, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Fédération de Russie, a constaté d’abord que des membres de la police militaire russe avaient participé aux opérations en Syrie. Ces policiers militaires ont été recrutés dans les rangs des forces spéciales tchétchènes et ingouches, provenant de deux régions à majorité musulmane. Ils ont négocié avec les rebelles et participé au transfèrement de populations, notamment. Selon certaines sources, des policiers militaires auraient aussi participé au siège d’Alep. L’expert a demandé des précisions sur le rôle de cette police militaire en Syrie et si cette participation aurait pu entraîner des violations de la Convention. Selon certaines informations, il est possible qu’il y ait eu des déplacements forcés au cours desquels des civils auraient été transférés dans certaines zones contre leur volonté, ce qui serait une violation grave du droit international humanitaire, a souligné M. Heller Rouassant.

S’agissant de l’institution nationale des droits de l’homme de la Fédération de Russie, le corapporteur a relevé que l’institution du Médiateur avait été accréditée au titre du « statut A » des Principes de Paris en 2008 et en 2014. M. Heller Rouassant a demandé des informations sur la sélection des membres de cette institution, ainsi que sur le nombre de recommandations formulées par le Médiateur, y compris celles qui ont été acceptées et appliquées par les autorités.

L’expert a demandé les raisons des poursuites pénales lancées à l’encontre des personnes ayant dénoncé des actes de torture dans les prisons russes. Le corapporteur a voulu savoir si la Fédération de Russie envisageait de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et de créer des mécanismes de prévention de la torture, notamment au niveau régional.

Le corapporteur a demandé des informations sur le transfèrement de prisonniers qui s’apparenterait, selon certaines informations, à des disparitions forcées et au cours duquel des prisonniers d’opinion auraient été torturés.

M. Heller Rouassant a par ailleurs souligné que l’efficacité des commissions de contrôle public des entités constitutives de la Fédération de Russie, en tant que mécanisme de surveillance des centres de détention, avait été réduite suite à l’absence de financement. M. Heller Rouassant a demandé davantage d’informations sur le fonctionnement et les ressources du « Comité d’instruction de la Fédération de Russie » : il a souligné que, dans la pratique, ce mécanisme ne fonctionnait pas au niveau régional.

Le corapporteur a souligné les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les organisations de la société civile russe depuis l’adoption de la « loi sur les agents étrangers », qui interdit aux associations qui reçoivent des fonds étrangers de travailler en Fédération de Russie. Ces lois restrictives sont un obstacle au travail des organisations de la société civile, a insisté l’expert, avant de souligner que toute politique des droits de l’homme dépendait de la mise en œuvre de mesures favorables au développement des organisations de la société civile. M. Heller Rouassant a demandé si la Fédération de Russie envisageait de revoir les normes restreignant le fonctionnement de ces organisations.

M. Heller Rouassant a par ailleurs demandé des informations sur les arrestations de manifestants et sur les violences policières dont ils se disent victimes. S’agissant de la question du terrorisme, le corapporteur a demandé si une enquête avait été ouverte sur la détention au secret de deux personnes qui auraient été impliquées dans l’attentat du métro de Saint-Pétersbourg.

Le corapporteur s’est enquis des mesures prises par la Fédération de Russie pour lutter contre les discriminations à l’encontre des Roms et autres minorité ethniques, des travailleurs migrants, des étrangers et des personnes LGBTI. En Tchétchénie, a fait observer M. Heller Rouassant, plus de cent hommes référencés comme homosexuels ont été victimes de mauvais traitements et détenus au secret, selon certaines allégations. De nombreuses autres allégations de harcèlement de défenseurs des droits de l’homme ont été faites en Tchétchénie et dans d’autres régions du Caucase russe, a ajouté M. Heller Rouassant. L’impunité des auteurs de ces violations semble être la règle dans le Caucase, a relevé l’expert, qui a mis en garde contre la situation extrêmement grave en matière de droits de l’homme dans cette région.

M. Heller Rouassant s’est dit étonné que, compte tenu du nombre de témoignages sur des violations des droits de l’homme en Tchétchénie, la lumière n’ait pas pu être faite sur ces affaires. Il a rappelé que 27 personnes avaient été victimes d’exécution extrajudiciaire en Tchétchénie en 2017, avant de souligner que beaucoup d’informations font état d’un véritable régime d’impunité dans cette région.

M. Heller Rouassant a aussi estimé que la situation en Crimée méritait une attention particulière en raison des persécutions à l’encontre des Tatars. Le corapporteur a regretté l’absence d’un mécanisme de prévention de la torture dans cette région. Il a fait observer que les prisons criméennes avaient été intégrées au système pénitentiaire russe, ce qui a eu pour effet le transfèrement de nombreux détenus de Crimée vers la Fédération de Russie. M. Heller Rouassant a aussi demandé des informations sur les mesures prises pour prévenir et sanctionner la torture en Transdnistrie.

Un autre membre du Comité a demandé quelles mesures avaient été prises pour améliorer les conditions de détention des personnes handicapées. Il a souhaité savoir si les commissions publiques de surveillance peuvent contrôler les institutions psychiatriques. Une experte a, comme M. Modvig, demandé des informations sur l’enquête ouverte suite à la diffusion d’une vidéo montrant des faits de violences graves à l’encontre d’un prisonnier. La même experte a demandé si le Gouvernement envisageait d’aggraver les peines pour les faits de violence à l’encontre des femmes détenues.

Une autre experte a souligné que les conditions de détention des mères en prison n’étaient pas conformes aux normes internationales dans ce domaine. Elle a demandé quelles mesures avaient été prises pour garantir les droits des femmes détenues avec leurs enfants. Une autre experte a demandé si des mesures allaient être prises pour permettre des visites inopinées dans les centres de détention.

Réponses de la délégation

La délégation a expliqué que, dans un état démocratique, la loi doit être appliquée et non seulement énoncée, surtout dans le domaine de la défense des droits de l’homme. Un signal clair doit par ailleurs être donné pour affirmer que la torture et les mauvais traitements sont interdits. La torture est inadmissible, a déclaré la délégation russe.

La délégation a expliqué que la Fédération de Russie était partie à la Convention européenne pour la prévention de la torture et qu’elle coopérait avec le Comité européen pour la prévention de la torture. Certains des rapports de ce Comité sont confidentiels mais il ne s’agit en rien d’une volonté de la Fédération de Russie de cacher la vérité : les autorités ne sont pas opposées à la possibilité de les publier, ce qui fut le cas pour le rapport de 2013, a relevé la délégation.

La délégation a expliqué que son pays accordait une grande attention aux mécanismes d’indemnisation des victimes de la torture. Le Ministère de la justice veille à renforcer la législation dans ce domaine. Un projet de loi fédéral est en cours d’élaboration pour prendre en compte les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme : il s’agira d’un grand progrès pour les personnes victimes de violation de leurs droits dans les centres de détention du pays, a affirmé la délégation. Elle a ensuite indiqué que le Chef de l’État avait validé une loi fédérale concernant le contrôle des établissements psychiatriques, qui a pour but d’instaurer un contrôle du respect des droits des personnes dans ces établissements.

La délégation a assuré que les plaintes de détenus étaient dûment consignées. Les fonctionnaires qui se rendent coupables d’abus dans les prisons doivent rendre des comptes, a dit la délégation. En 2017, plus de 407 000 plaintes ont été déposées par des détenus pour des griefs relevant, notamment, des soins médicaux, des demandes de rapprochement familial, du droit de visite, des remises de peine ou des grâces et, dans 2% des cas, de violations des droits fondamentaux des détenus.

La délégation a expliqué que s’il n’y avait pas eu encore d’inculpation de fonctionnaires pour des faits de torture, quelque 3200 fonctionnaires avaient cependant été inculpés l’année dernière pour des abus de pouvoir.

Le Comité a été informé que le Code de procédure pénale avait été amendé pour allonger le délai de garde à vue et de détention provisoire des personnes soupçonnées de terrorisme, en raison de la complexité des enquêtes. La délégation a expliqué à ce propos que l’enquête sur l’attentat à l’explosif dans le métro de Saint-Pétersbourg était toujours en cours. Plusieurs personnes ont été inculpées, dont les deux frères Azimov, des preuves ayant été trouvées de leur implication dans un groupe terroriste.

La délégation a ensuite expliqué que la défense des garanties procédurales était une priorité de l’État. La loi garantit le droit de consulter un avocat, le droit à une aide juridictionnelle et le droit de bénéficier des services d’un traducteur, si nécessaire. Une personne ne peut être détenue que si elle est soupçonnée d’avoir commis un crime. Toute personne arrêtée peut, dans un délai très court, contacter un proche. La délégation a ajouté que tous les détenus étaient traités sur un pied d’égalité, indépendamment des crimes commis, et que tous jouissaient des mêmes droits.

Une mise en détention au secret peut être décidée dans des circonstances exceptionnelles, notamment dans le cas où les parents ou des amis d’une personne soupçonnée sont eux aussi impliqués et pourraient compromettre l’enquête s’ils avaient connaissance de la détention de leur proche.

Les personnes placées en détention administrative sont retenues dans des centres prévus à cet effet, qui répondent aux normes internationales, a assuré la délégation. L’expulsion administrative hors de la Russie de ressortissants étrangers se fait suite à la décision d’un juge. Elle concerne, notamment, des personnes qui traversent illégalement la frontière russe.

S’agissant des allégations de persécution de la communauté LGBTI en Tchétchénie, la délégation a expliqué que toutes les communications au sujet de violences par des fonctionnaires de l’État à l’encontre de personnes LGBTI avaient été étudiées par les organes d’enquête compétents. Au cours des vérifications, ces informations n’ont pas pu être confirmées, a dit la délégation. Une enquête approfondie par le Médiateur de la Fédération de Russie n’a pas non plus confirmé ces allégations.

En vertu de la législation russe sur l’assistance psychiatrique, l’hospitalisation forcée d’une personne est possible uniquement suite à la décision d’un tribunal. Le personnel médical doit faire la demande d’internement forcé. La Douma étudie actuellement un projet de loi afin d’élargir les pouvoirs du Procureur général dans ce domaine, a expliqué la délégation. Il n’y a eu aucune plainte pour violation de la Convention par les patients atteints de troubles psychiatriques, a-t-elle par ailleurs relevé.

La délégation a dit que, de l’avis de la Fédération de Russie, les violences intrafamiliales n’étaient pas couvertes par les dispositions de la Convention. Toutefois, elle a expliqué qu’il n’y avait pas eu de plaintes concernant des policiers qui auraient refusé d’enregistrer des plaintes dans ce domaine. De même, les autorités n’ont pas connaissance de crimes d’honneur ou d’enlèvements de jeunes filles sur le territoire russe.

Depuis 2015, suite à une réforme, la médecine pénitentiaire ne dépend plus du système pénitentiaire mais du Ministère de la santé. La délégation a expliqué que, pour assurer la prise en charge des détenus malades, 20 000 postes médicaux avaient été créés. Les lésions corporelles sur les détenus sont immédiatement enregistrées, a expliqué la délégation, avant de préciser que l’examen médical était obligatoire dès l’arrivée sur le lieu de détention. La délégation a souligné que le nombre de décès en prison avait sensiblement baissé grâce à l’amélioration des soins de santé en prison, entre autres raisons.

S’agissant des conditions de détention, la délégation a fait savoir que les services d’assainissement avaient été renforcés dans l’ensemble des centres pénitentiaires. Des mesures ont aussi été prises pour améliorer les conditions de détention des personnes handicapées. Plus de 116 000 caméras vidéo ont été installées dans les établissements de détention. Les images, qui sont conservées, servent à prévenir les violences commises par les fonctionnaires et les détenus.

S’agissant des conditions de transfèrement de détenus, la délégation a expliqué que les femmes enceintes, les femmes avec enfants et les personnes handicapées détenues sont transportées dans des transports spécialisés. Plus généralement, un tout nouveau Programme du développement du service pénitentiaire est mis en œuvre afin d’améliorer le système de transport. Depuis 2015, la flotte de véhicules de transport a été entièrement renouvelée : tous les véhicules contiennent des toilettes fermées et sont climatisés, a dit la délégation.

D’autre part, la délégation a expliqué que la police militaire russe agissait sur le territoire syrien avec l’accord des autorités syriennes. Il n’y a eu aucun acte de cruauté recensé de la part de la police militaire russe en Syrie : ses membres protègent la population civile et l’aident à revenir dans ses lieux de résidence. Avant leur départ, les policiers sont formés pendant un mois aux droits de l’homme et au droit humanitaire dans un centre géré par la police militaire. La Convention contre la torture y est évoquée à l’occasion de nombreux séminaires, a fait savoir la délégation.

La délégation a expliqué, d’autre part, que la Fédération de Russie entendait honorer ses engagements au regard du droit international sur tout le territoire de la Crimée, y compris à Sébastopol. Si des violations des droits de l’homme ont lieu dans ces territoires, les coupables seront traduits devant la justice, a affirmé la délégation.

S’agissant de la Transdnistrie, la Fédération de Russie n’a jamais exercé de contrôle sur ce territoire, a expliqué la délégation. Deux structures autonomes veillent au respect des droits de l’homme dans la Transdnistrie. La délégation a rappelé qu’un nouveau cycle de négociations avait débuté en mai et souligné que sa réussite dépendait des parties moldave et transdnistrienne. La Fédération de Russie est prête à coopérer dans ce processus, a dit sa délégation.

Quant à la loi sur les associations sans but lucratif, l’enregistrement des ONG est nécessaire pour assurer une plus grande transparence et une plus grande ouverture de ces structures, a estimé la délégation russe. Cet enregistrement, même accompagné de la mention « agent étranger », ne limite en rien l’activité des organisations non gouvernementales concernées. Ces structures peuvent même obtenir des subventions publiques, une aide étant accordée par le Gouvernement à certains projets d’organisations non gouvernementales, a-t-il été expliqué.

La délégation a décrit rapidement les attributions du Conseil présidentiel chargé du développement de la société civile et des droits de l’homme. Cette instance est chargée d’organiser des discussions et des visites thématiques dans les différentes régions de la Fédération de Russie et d’élaborer des recommandations pour le Chef de l’État, auquel le Conseil fait rapport directement. Le Médiateur fédéral, nommé par une majorité des députés au scrutin secret, coopère activement avec toutes les organisations qui s’occupent de la protection des droits de l’homme, notamment le Conseil présidentiel. Le Médiateur peut se rendre dans l’ensemble des lieux de privation de liberté, a expliqué la délégation.

D’autre part, il existe trois médiateurs régionaux chargés de la protection des droits des peuples autochtones. Ce mécanisme unique au monde ayant donné des résultats positifs, a dit la délégation, les pouvoirs publics ont recommandé de répliquer cette même institution dans d’autres régions du pays, pour mieux tenir compte de leurs particularités.

Quant au Protocole facultatif, son adoption risquerait de faire doublon avec les mécanismes de prévention existants, a enfin relevé la délégation.

Remarques de conclusion

M. MIKHAIL GALPERIN, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a remercié le Comité pour ce dialogue constructif et l’a assuré que son pays examinerait toutes les recommandations du Comité. Le chef de la délégation russe a remercié les personnes qui ont participé à la rédaction du rapport et à cet examen, notamment les organisations de la société civile.


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CAT/18/013E