Aller au contenu principal

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES: AUDITIONS SUR L'AUSTRALIE, LE MEXIQUE, CHYPRE ET LE LIECHTENSTEIN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, cet après-midi, des représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits de l'homme au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir l'Australie, Chypre, le Liechtenstein et le Mexique.

S'agissant de l'Australie, plusieurs organisations non gouvernementales ont relevé des progrès depuis l'examen du dernier rapport, mais ont souligné la persistance de l'inégalité salariale entre hommes et femmes, les femmes percevant un salaire en moyenne 15% inférieur. Plusieurs ONG ont également pointé du doigt les coupes budgétaires qui frappent les familles mono-parentales.

En ce qui concerne le Mexique, les ONG ont toutes pointé du doigt les insuffisances judiciaires, face notamment à la persistance des nombreux cas de féminicide, de traite d'êtres humains, de disparitions ou de violences sexuelles. Les plaintes sont souvent classées sans suite. La représentante de l'institution nationale de droits de l'homme a notamment déploré le manque d'harmonisation juridique dans cet État fédéral.

Au sujet de Chypre, l'attention a été attirée sur la discrimination qui frappe les lesbiennes, les bisexuelles et les transgenres dans les domaines de l'emploi et de la santé, en matière d'union civile et sur les questions liées à la famille. Ont aussi été dénoncés les appels à la haine proférés à l'encontre de cette population.

S'agissant enfin du Liechtenstein, le manque de volonté politique de la part du gouvernement a été dénoncé, comme en témoigne le fait que la représentation des femmes en politique est passée de 24 à 12%. Les discriminations salariales demeurent un sujet de préoccupation évoqué par plusieurs représentants de la société civile. Les difficultés rencontrées par les femmes handicapées, la violence à l'égard des femmes et le problème de la garde parentale partagée dans les cas de violences domestiques ont aussi été évoqués, ainsi que les interventions chirurgicales sur des enfants intersexes.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport périodique de l'Australie (CEDAW/C/AUS/8 )


Audition d'organisations non gouvernementales

S'agissant de la l'Australie

Aboriginal Family Law Service a dénoncé les trop nombreuses violences familiales à l'égard des femmes dans les milieux autochtones. Elle a souhaité que l'Australie s'engage davantage à développer le plan national d'action dans ce domaine. Elle a également déploré la discrimination raciale à l'encontre des femmes et des filles autochtones. Enfin, l'intervenante a rappelé l'engagement de l'Australie de prendre des mesures en faveur des femmes autochtones, celles qui ont été adoptées restant insuffisantes.

Australian NGO Coalition a dénoncé l'écart salarial entre les hommes et les femmes en Australie, qui s'élève parfois jusqu'à 15% de différence. Elle a également regretté la prise de décision du Gouvernement australien qui a conduit à réduire considérablement les droits et les aides aux familles monoparentales. Elle a ajouté qu'un grand nombre de femmes à la tête de foyers monoparentaux vivaient dans la pauvreté.

Harmony Alliance a déclaré que la violence contre les femmes était endémique en Australie: une femme est assassinée chaque semaine. Il manque des ressources pour parvenir à des changements réels d'attitude. Les interventions précoces font défaut, ainsi que les services au logement ou encore les poursuites judiciaires à l'encontre des auteurs de ces violences. L'Australie ne fait rien, a-t-elle estimé, pour lutter contre la violence de manière efficace. Les victimes de violences doivent être au centre des efforts mises en place.

Human Rights Law Centre a affirmé que le Gouvernement australien ne garantissait pas la sécurité des femmes et des fillettes ayant un handicap. Ces dernières demeurent la proie de violences, notamment de violences sexuelles. Elles continuent à être soumises à la stérilisation forcée tandis que les personnes intersexes sont victimes d'interventions médicales sans leur consentement.

Bougainville People's Research Centre a déclaré que les mesures actuelles ne permettaient pas d'aborder avec succès la question de la discrimination structurelle entre les sexes dans les industries extractives.

Une experte a souhaité connaître l'étendue des coupes budgétaires à l'encontre des familles mono-parentales. Elle a également voulu savoir ce qui était fait par le pays en faveur des lanceurs d'alerte dans le cadre des engagements pris par l'Australie pour la liberté d'expression. Une autre experte a noté les coupes dans les services sociaux, ainsi que dans les subventions destinées aux ONG et aux centres d'accueil.

La représentante d'une organisation non gouvernementale, rappelant que la part des femmes autochtones australiennes en détention était la plus importante au monde, a néanmoins souligné que la pratique consistant à employer des femmes autochtones dans la police avait très souvent des aspects positifs. Il reste que, de manière générale la police continue d'avoir une attitude discriminatoire à leur égard. La représentante d'une autre organisation a général a relevé que beaucoup de femmes et de fillettes n'avaient toujours pas accès à l'éducation. L’attention a par ailleurs été attirée sur les difficultés rencontrées par les mères célibataires pour obtenir une aide sociale ou une aide au logement.

S'agissant du Mexique

La Plataforma Latinoamericana de Personas que Ejercen el Trabajo Sexual (PLATPERS) a déploré que les Mexicaines soient encore trop souvent traitées de manière discriminatoire. Par ailleurs, le Mexique ne respecte pas les conventions de l'Organisation internationale du travail sur l'égalité en matière d'emploi. Les droits sexuels et reproductifs des femmes mexicaines sont encore trop souvent bafoués.

Un Colectivo de Organizaciones No-Gubernamentales Mexicanas a déclaré que, depuis trois ans, quelque 24% des assassinats à l'encontre des femmes n'avaient fait l'objet d'aucune enquête. La représentante a aussi attiré l'attention sur l'importance du phénomène des disparitions de femmes. La violence sexuelle constitue une autre menace importante qui pèse sur les Mexicaines, a-t-elle dit, soulignant que 600 000 plaintes avaient été déposées pour des violences sexuelles. Enfin, elle a dénoncé le manque de représentation d'une manière générale des femmes autochtones.

En réponse à une question concernant le cyber-harcèlement, la représentante d'une ONG a indiqué que les femmes et les filles étaient encore trop souvent les victimes de la violence en ligne. La violence des femmes dans les réseaux sociaux ou sur Internet est un phénomène croissant. Elle a précisé que, de plus, la plus grande partie des faits ne sont jamais dénoncés et que les auteurs ne sont jamais poursuivis.

Les femmes victimes de délits sexuels doivent démontrer qu'elles ont fait preuve de résistance. Les cas de féminicide s'accompagnent souvent d'actes de torture et de viols. Il a aussi été souligné le manque d'attention porté aux femmes handicapées victimes de viols.

S'agissant de Chypre

Accept LGBT Cyprus a attiré l'attention sur les problèmes rencontrés par les lesbiennes, les bisexuelles et les transgenres dans les domaines de l'emploi et de la santé, en matière d'union civile et sur les questions liées à la famille. Les femmes LGBT souffrent de discrimination dans le domaine du travail et en matière d'accès à la santé. Celles qui veulent changer de sexe font face à un véritable parcours du combattant. L'organisation a aussi souligné que les couples de même sexe faisaient encore trop souvent l'objet de discriminations. L'intervenante a aussi déploré que la loi interdisant les discours haineux ne soit toujours pas appliquée dans les faits.

S'agissant du Liechtenstein

Le Réseau des femmes a rappelé les violences à l'égard des femmes, les discriminations salariales et la sous-représentation des femmes dans la sphère politique. Elle s'est en revanche félicitée de la reprise du débat s'agissant les subventions pour les enfants en bas âge.

Frauenhaus Liechtenstein a rappelé qu'en cas de violences domestiques, la loi prévoyait désormais l'expulsion de l'auteur de violences par la police avec interdiction de retourner dans le foyer. C'est un grand pas, a estimé la représentante. Toutefois, l'application de la loi ne va pas sans mal. Les femmes qui déposent plainte pour viol conjugal ont beaucoup de difficultés à se faire entendre et elles sont encore trop souvent déboutées. Quant aux pères violents, ils obtiennent encore trop souvent les droits de garde.

L'Association des personnes handicapées du Liechtenstein a déclaré que les femmes handicapées étaient encore trop souvent défavorisées. Les femmes comme les hommes handicapés font face à des barrières pour accéder au marché de l'emploi. Les femmes handicapées sont encore trop souvent victimes de violences. Il n'y pas de chiffres sur l'accès à l'emploi ou à l'éducation des femmes handicapées; il faudrait davantage de données statistiques.

StopIGM.org a déclaré que l'État avait envoyé des enfants intersexes à l'étranger pour y subir des interventions chirurgicales, notamment en Suisse et en Autriche. Les parents font l'objet de pressions pour que leurs enfants intersexes subissent une intervention. L'organisation a demandé au Comité de soulever ces questions lors de l'examen du rapport du Liechtenstein.

Audition d'institutions nationales de droits de l'homme

S'agissant de l'Australie

Mme Kate Jenkins, Sex Discrimination Commissionner, a indiqué que malgré les progrès réalisés en matière d'égalité entre hommes et femmes en Australie, ces dernières étaient toujours victimes de discrimination. La différence salariale est de 15% et les femmes australiennes sont toujours sous-représentées dans le milieu professionnel. Quarante-sept pour cent des femmes sont toujours employées à temps partiel. Les femmes à la retraite ont des pensions inférieures à celles des hommes. La loi ne prévoit rien pour vérifier la mise en œuvre de la Convention.

La Commissaire australienne a toutefois noté que des progrès avaient été réalisés par le pays afin de prévenir la violence à l'égard des femmes et des enfants. Les femmes représentent aujourd'hui 25% des membres du gouvernement, avec notamment l'élection de la première femme aborigène. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, notamment s'agissant de la situation des femmes âgées, des violences à l'égard des femmes, ou de la discrimination dont souffrent les femmes vivant dans des zones éloignées. Des mesures doivent également être prises rapidement pour répondre aux difficultés rencontrées par les femmes et les enfants aborigènes. S'agissant du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, les mesures prises sont encore insuffisantes, a-t-elle dit.

Répondant aux questions de certaines expertes, la Commissaire a notamment expliqué que les réductions budgétaires avaient particulièrement touché les commissions nationales des droits de l'homme. Aujourd'hui, un certain nombre d'initiatives auront à terme besoin d'un appui extérieur et d'un financement privé.

Par ailleurs, la Commissaire a indiqué la violence sexiste était depuis deux ou trois ans mise en lumière et que la réforme du code de la famille était actuellement l'une des priorités du Ministère de la justice. Enfin, l'autre préoccupation concerne le partage de la garde des enfants, qui est prononcé par défaut, y compris dans le cadre des violences familiales et domestiques.

S'agissant du Mexique

María Eréndira Cruzvillegas Fuentes, de la Comisión Nacional de los Derechos Humanos de Mexico, a noté que son pays avait parfois été à l'avant-garde au niveau juridique, tandis que les moyens mis en œuvre pour permettre des avancées demeuraient encore bien insuffisants. Elle a notamment cité les féminicides qui restent non traités, le problème de la traite, les disparitions, les humiliations dont sont victimes les réfugiés ou les journalistes. La commissaire a souhaité que les 61 millions de Mexicaines soient mieux protégées. Pour ce faire, a-t-elle estimé, il faut renforcer le système judiciaire, afin notamment de lutter contre les féminicides et de mieux prévenir la traite des êtres humains et les disparitions. Elle a également dénoncé les brèches dans le domaine du droit du travail.

La commissaire a aussi souligné que les postes exercés par les femmes sont moins bien rémunérées. Il faut encourager la participation publique des femmes dans le monde politique et lutter contre les violences à l'encontre de celles qui choisissent de s'engager en politique.

Répondant aux questions des expertes, Mme Cruzvillegas Fuentes a indiqué que le Mexique disposait d'un code fédéral unique mais qu'il y avait effectivement un manque d'harmonisation dans ce domaine. La représentante a indiqué avoir relevé quelque 700 lacunes législatives; elles sont expliquées dans un document consultable par le Comité. Enfin, il faut regretter l'absence de moyens suffisants en faveur du développement économique et de la promotion des femmes.

S'agissant du Liechtenstein

Claudia Fritsche, du Verein für Menschenrechte (Association pour les droits de l'homme du Liechtenstein) a constaté un manque de volonté politique dans son pays, puisque les autorités publiques n'ont pas mis en place un système de surveillance permettant de combler le fossé entre les hommes et les femmes. Elle a déploré le manque de parité entre les hommes et les femmes et a souhaité que des ressources soient dégagés pour parvenir à l'égalité. Elle a également indiqué la nécessité de mettre un terme aux différences salariales entre les hommes et les femmes, indiquant que cela pouvait se faire grâce aux efforts combinés notamment de la société civile.

Répondant aux questions des experts, Mme Fritsche a expliqué que les quotas en politique dans son pays étaient aujourd'hui un sujet très controversé. Elle a ajouté que la représentation des femmes était passée de 24 à 12 %; elle a donc diminué de moitié. Elle a toutefois noté que des efforts avaient été consentis de la part des partis politiques pour que ces derniers adoptent des dispositions temporaires. Enfin, elle a précisé que son institution ne fonctionnait que depuis un an et demi en tant qu'institution nationale des droits de l'homme conformément aux Principes de Paris et qu'elle s'efforçait d'obtenir au plus vite le statut A.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW/18/14F