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COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES: AUDITION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU SUJET DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DE LA PALESTINE ET DU TURKMÉNISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, cet après-midi, des représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits de l'homme. Les intervenants ont évoqué l’application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans trois des quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine: le Turkménistan, l’État de Palestine et la Nouvelle-Zélande.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont ainsi déploré l’existence, en Nouvelle-Zélande, d’une tendance généralisée aux discriminations à l’égard des femmes maories, des femmes migrantes et des femmes réfugiées. La discrimination qui opère au détriment des femmes maories dans le domaine de la santé a été soulignée, en particulier le fait qu’elles connaissent le taux de cancer du sein le plus élevé au monde. Il a été observé, d’autre part, que les inégalités salariales poussent les femmes dans la pauvreté, et que les femmes vivant en milieu rural manquent d’opportunités de travail. Quant aux mariages forcés, ils n’ont pas cessé, en dépit des recommandations du Comité, a regretté une organisation non gouvernementale.

Pour la Commission nationale des droits de l'homme de la Nouvelle-Zélande, les grandes préoccupations concernant les droits de la femme dans ce pays sont la violence sexiste; les problèmes d’accès à l’emploi et les inégalités salariales persistantes; la traite des êtres humains; et la discrimination dans la santé. Contre la violence sexiste, en particulier, la Commission a estimé que la Nouvelle-Zélande avait besoin d’une stratégie cohérente à long terme, avec des jalons mesurables, développée en partenariat avec toutes les femmes de Nouvelle-Zélande, en particulier les femmes handicapées et les femmes maories et appartenant à d’autres minorités ethniques, qui sont les plus exposées à cette violence.

En ce qui concerne l’État de Palestine, les ONG ont regretté la participation insuffisante des femmes au Parlement, dont elles ne représentent que 10% des membres, au lieu des 30% exigés par la loi. Les discriminations contre les femmes dans le code civil palestinien ont aussi été dénoncées, entre autres l’obligation qui leur est faite de se déplacer toujours accompagnées d’un homme. Une ONG a constaté que la violence à l’encontre des femmes palestiniennes restait un des problèmes de la Palestine, comme en témoigne la progression des crimes dits d’honneur. Une organisation non gouvernementale a regretté que la logique en cours en Palestine soit toujours fondée sur un modèle patriarcal.

La Commission indépendante des droits de l'homme de l’État de Palestine a déclaré, pour sa part, que le Gouvernement palestinien n’avait pris aucune mesure pour mettre en œuvre la Convention après l’avoir ratifiée; et que s’il avait présenté, dans son rapport initial au Comité, plusieurs mesures législatives visant à se conformer à la Convention, « la réalité est que certaines de ces lois vont à l’encontre de ladite Convention ». La Commission a cité à cet égard la loi relative aux crimes électroniques, qui contient plusieurs dispositions risquant de restreindre le droit à la liberté d'expression des Palestiniennes.

S’agissant enfin du Turkménistan, une organisation non gouvernementale a déploré que les femmes ne puissent pas y être entrepreneuses ni prétendre à un poste à responsabilité. Elle a attiré l’attention du Comité sur le fait que les femmes au travail peuvent être licenciées si elles sont divorcées ou ne portent pas l’habit national. L’ONG a ajouté que si l’institution du médiateur des droits de l'homme et le Parlement turkmène étaient présidés par des femmes, celles-ci n’avaient en réalité aucun pouvoir.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport du Turkménistan (CEDAW/C/TKM/5)


Audition d'organisations non gouvernementales

S’agissant de la Nouvelle Zélande

Pacific Women’s Watch and Maori Women’s Welfare League a déploré l’existence en Nouvelle-Zélande d’une tendance généralisée aux discriminations à l’égard des femmes maories, des femmes migrantes et des femmes réfugiées. Ces discriminations sont à l’œuvre dans le domaine de la santé et dans la vie économique, notamment; se pose aussi le problème de la violence intrafamiliale et sexuelle. Les femmes maories sont particulièrement exposées à la discrimination dans le domaine de la santé: elles ont ainsi le taux de cancer du sein le plus élevé au monde, étant 28% plus à risque de contracter cette maladie et souffrant d’un taux de mortalité de 60% supérieur aux femmes néo-zélandaises d’origine européenne. L’écart de reconstruction mammaire entre ces deux populations est de 33%; et le taux de détection du cancer du sein par imagerie est de 73% chez les femmes d’origine européenne contre seulement de 46,6% chez les femmes maories, a encore chiffré l’organisation.

Shakti Community Council a affirmé que la Nouvelle-Zélande connaissait le taux de violence domestique le plus élevé des pays membres de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Selon une étude, une femme sur trois a été victime de violence physique ou sexuelle de la part d’un partenaire intime, alors que 76% des cas de violence ne seraient pas notifiés à la police. Il y a aussi une violence structurelle contre les femmes migrantes et réfugiées. Quant aux mariages forcés, ils n’ont pas cessé, en dépit des recommandations du Comité, a regretté l’ONG.

National Council of Women of New Zealand et New Zealand Council of Trade Union ont attiré l’attention du Comité sur les discriminations que subissent les femmes en Nouvelle-Zélande dans les domaines de l’emploi, du droit à la retraite et des services sociaux. Les salaires ne sont pas équitables entre hommes et femmes, créant des tendances à la pauvreté chez les femmes, ont expliqué les ONG. Après la retraite, cette inégalité au détriment des femmes se poursuit. Quant aux femmes élevant un enfant seules, elles sont également pénalisées dans l’accès aux services sociaux. Et, sur les 13 000 familles monoparentales, 97,7% sont dirigées par des femmes seules, dont 52,8% de femmes maories, a expliqué l’ONG.

Les organisations non gouvernementales ont recommandé que la Nouvelle-Zélande applique un plan d’action national pour les droits des femmes doté de buts et de cibles clairs. Le gouvernement devrait aussi mettre en place des structures fortes dédiées à la promotion des droits des femmes, le ministère chargé des droits de la femme étant actuellement très faible et les voix des femmes marginalisées dans les processus de prise de décision. De même, la politique fiscale de la Nouvelle-Zélande devrait tenir compte des besoins des femmes. La Nouvelle-Zélande devrait, enfin, adopter une politique sur la santé sexuelle et procréative.

Rural Women of New-Zealand a regretté que le gouvernement néo-zélandais ait fait peu de progrès en ce qui concerne les droits des femmes vivant en milieu rural. L’accès de ces femmes aux services de santé de base reste ainsi un problème, de même qu’à l’emploi.

National Council of New Zealand and Aotearoa Youth Leadership Institute a affirmé que le harcèlement sexuel était très présent en Nouvelle-Zélande, sans que le gouvernement ne parvienne à régler ce problème. Beaucoup de femmes subissent du harcèlement sexuel au travail, sans que cela ne soit suffisamment reconnu ou dénoncé. Cette question n’est même pas abordée dans le dernier rapport de la Nouvelle-Zélande au Comité, a déploré la représentante.

S’agissant du Turkménistan

Une organisation non gouvernementale a déclaré que si la loi prévoyait bel et bien l’égalité entre hommes et femmes au Turkménistan, la réalité était tout autre. Les femmes turkmènes ne peuvent pas être entrepreneuses ni prétendre à un poste à responsabilité. La violence sexuelle frappe les femmes divorcées ou non mariées. Les femmes peuvent être et sont licenciées si elles sont divorcées ou si elles refusent de porter l’habit national ou des vêtements longs. Bien que l’institution du médiateur des droits de l'homme et le Parlement turkmène soient présidés par des femmes, celles-ci n’ont en réalité aucun pouvoir, a affirmé l’ONG, ajoutant que le Président de la République se comporte comme si « que toutes les femmes turkmènes lui appartenaient ».

S’agissant de l’État de Palestine

CEDAW Coalition in Palestine a déclaré que la situation des droits de la femme dans l’État de Palestine allait à l’encontre des valeurs de la Convention. Par exemple, l’État de Palestine n’applique pas la règle de 30% de participation des femmes au Parlement: cette participation n’atteint que 10% actuellement, a dit la représentante. Par ailleurs, le pays ne dispose pas de plan d’action pour appliquer la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur « les femmes, la paix et la sécurité ». La logique en cours en Palestine reste fondée sur un modèle patriarcal, a regretté la représentante.

WCLAC and Human Rights Watch a, pour sa part, regretté que le code civil palestinien prive les femmes de leurs droits. Les hommes peuvent en effet être polygames et répudier leurs épouses à volonté. Les femmes sont obligées de se soumettre à leur mari et ne peuvent se déplacer sans un accompagnateur. La question du mariage précoce est également préoccupante: en Cisjordanie, l’âge moyen du mariage est de 14,5 ans pour les filles et 15,5 pour les garçons. Dans la bande de Gaza, il se situe à 17 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons.

Al Muntada a déclaré que la violence à l’encontre des femmes palestiniennes restait un des problèmes de la Palestine. Ainsi, 37% des femmes mariées ou qui l’ont été ont subi la violence intrafamiliale. Le viol conjugal n’est pas pénalisé et les crimes dits d’honneur sont en progression. En cas d’inceste, la loi actuelle considère que les deux parties sont également coupables, sans considération de la relation de domination. Enfin, l’avortement est pénalisé et les femmes peuvent être jetées en prison si elles avortent après avoir été violées, a dit la délégation.

Institutions nationales de droits de l'homme

S’agissant de l’État de Palestine

La Commission indépendante des droits de l'homme de l’État de Palestine a déclaré que le Gouvernement palestinien n’avait pris aucune mesure pour appliquer la Convention après l’avoir ratifiée. S’il a présenté, dans son rapport initial au Comité, plusieurs mesures législatives visant à se conformer à la Convention, la réalité est que certaines de ces lois vont à l’encontre de ladite Convention. Ainsi la loi relative aux crimes électroniques contient-elle plusieurs dispositions risquant de restreindre le droit à la liberté d'expression des femmes, a mis en garde la Commission. Les droits des femmes handicapées restent en outre un sujet de préoccupation: seules 17% d’entre elles ont accès au marché de l’emploi, tandis que 1% seulement des filles handicapées sont intégrées dans les écoles publiques.

D’autre part, le budget alloué au Ministère de la condition féminine n’est que de 0,04% du budget national. Dans le même temps, la participation des femmes n’est pas très élevée: en 2017, elles ne représentaient que 21,2% des élus locaux en Cisjordanie; 17,3% des juges; et 33,4% des avocats. Le secteur public emploie 42,7% de femmes, dont seulement 11,3% occupent des postes à responsabilité. Cela souligne la nécessité pour le Gouvernement de faire changer les stéréotypes dans la société palestinienne, a déclaré la Commission

S’agissant de la Nouvelle-Zélande

Pour la Commission nationale des droits de l'homme de la Nouvelle-Zélande, les grandes préoccupations concernant les droits de la femme en Nouvelle-Zélande sont la violence sexiste; les problèmes d’accès à l’emploi et les inégalités salariales persistantes; la traite des êtres humains; et la discrimination dans la santé. La Commission a jugé préoccupant que la stratégie de lutte contre la violence sexiste ait changé à plusieurs reprises au cours des vingt dernières années: chaque nouveau gouvernement a commencé à partir de zéro, mais aucun n’a su réparer un système fragmenté, a regretté la Commission. Elle a estimé que la Nouvelle-Zélande avait besoin d’une stratégie cohérente à long terme, avec des jalons mesurables, développée en partenariat avec toutes les femmes de Nouvelle-Zélande, en particulier les femmes handicapées et les femmes maories et appartenant à d’autres minorités ethniques, qui sont les plus exposées à cette violence.

La Commission a regretté d’autre part que l'égalité des femmes sur le marché du travail ne soit pas une réalité. C’est pourquoi elle a prié le Comité d’insister auprès du Gouvernement pour qu’il applique des mesures destinées à combler les écarts salariaux entre les femmes et les hommes, et qu’il prenne des mesures concrètes - y compris des mesures temporaires spéciales – pour remédier au manque de femmes dans les postes de direction, en particulier dans les grandes entreprises. Ici aussi, a dit la Commission, le Gouvernement doit adopter des stratégies et des objectifs mesurables. En particulier, la création de services de garde d'enfant abordables et de haute qualité doit être considérée comme un catalyseur. En ce qui concerne l'exploitation et la traite, aucune des recommandations antérieures du Comité n'a été appliquée, de sorte qu'il est urgent de mettre à jour le plan de prévention qui date de 2009, a dit la Commission.

Enfin, la lutte contre le harcèlement sexuel laisse à désirer, dans un contexte où les données manquent et où, par exemple, selon une étude, un tiers des femmes avocates ont été harcelées au cours de leur vie professionnelle. La Commission recommande au Gouvernement de mener une enquête nationale sur ce phénomène, sur le modèle de l’enquête réalisée en Australie.

Débat

Après ces présentations, des membres du Comité ont demandé à Commission indépendante des droits de l'homme de l’État de Palestine des informations sur son statut actuel, sa composition et son budget annuel. Aux organisations non gouvernementales, les experts ont notamment demandé ce qui pouvait être fait pour renforcer les capacités des femmes de telle sorte qu’elles participent davantage à l’économie formelle, et non au secteur informel.

Des experts ont voulu savoir, d’autre part, si l’institution nationale de droits de l’homme de la Nouvelle-Zélande pouvait recevoir des plaintes de migrants pour des motifs de discrimination. Des experts ont voulu savoir si le changement de gouvernement en Nouvelle-Zélande était de nature à entraîner une amélioration des droits des femmes. Les experts se sont dits conscients des inégalités qui opèrent au détriment des femmes en Nouvelle-Zélande en matière économique, notamment s’agissant des salaires. Ils ont demandé aux organisations non gouvernementales de dire si la situation s’était détériorée à cet égard.

Les organisations non gouvernementales palestiniennes ont souligné que la première étape de l'autonomisation économique des femmes travaillant dans le secteur informel serait une protection juridique ancrée dans le droit du travail, étant donné que la plupart des travailleurs de l'économie informelle sont des femmes. En outre, la loi sur le salaire minimum doit être adoptée et des budgets adéquats pour l'autonomisation des femmes doivent être alloués. Par ailleurs, les problèmes auxquels les femmes travaillant dans l'agriculture sont confrontées en raison de l'occupation et du patriarcat israéliens doivent être surveillés, ont dit les organisations non gouvernementales.

Nombre de ces changements peuvent être mis en œuvre par le biais de décrets présidentiels, ont souligné les intervenants, soulignant que la discrimination à l'égard des femmes n’était pas seulement le résultat des lois mais aussi de programmes scolaires qui encouragent les stéréotypes sexistes et favorisent l'inégalité entre les sexes et la discrimination à l'égard des femmes.

La Commission indépendante des droits de l'homme de l’État de Palestine a dit recevoir des financements du Gouvernement palestinien – environ 100 000 dollars – et de donateurs internationaux.

La Commission des droits de l’homme de la Nouvelle-Zélande a précisé qu'à l'heure actuelle, la loi n'inclut pas le statut migratoire parmi les motifs de discrimination. Des débats sont en cours sur la question, mais aucun progrès n'a pu être enregistré pour le moment.


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CEDAW18/19F