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LE CONSEIL SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN ÉRYTHRÉE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, un dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, Mme Sheila Keetharuth, qui présentait son cinquième et dernier rapport. Elle a d'emblée regretté de ne pas pouvoir annoncer d’améliorations tangibles, les principales violations identifiées dans ses précédents rapports, ainsi que celles citées par la Commission d’enquête sur les droits de l'homme en Érythrée (créée par le Conseil en juin 2014), demeurant sans changement.

La Rapporteuse spéciale a attiré l’attention sur le phénomène des arrestations arbitraires, sur les détentions au secret, ainsi que sur le service militaire à durée non limitée, qui est assimilable au travail forcé, le tout assorti d’un éventail de violations des droits de l’homme commises dans ce contexte et de sévères limitations des libertés fondamentales. La Rapporteuse spéciale a fait état de morts en détention et a insisté sur la nécessité d’accorder réparations à leurs familles. Elle a en outre réitéré son appel aux États hôtes pour qu’ils protègent les Erythréens et ne les renvoient pas dans leur pays.

Mme Keetharuth a cependant salué l’annonce par l’Érythrée de son intention de se rendre à Addis Abeba pour y mener des discussions avec l’Éthiopie; la Rapporteuse spéciale a encouragé les États membres à faciliter le dialogue entre les deux pays. En outre, a fait observer Mme Keetharuth, l’Érythrée a soumis à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples son rapport couvrant la période 1999-2016, qui a été examiné en avril et mai de cette année. L’Érythrée a aussi présenté son rapport devant le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, qui a publié ses observations finales en janvier 2017.

S’exprimant en tant que pays concerné, l’Érythrée a dit faire l’objet de harcèlement de la part du Conseil des droits de l'homme depuis six ans, dénonçant des considérations politiques pour tenter de la déstabiliser et des allégations sans fondement. Comme beaucoup de pays, l’Érythrée fait face à des difficultés institutionnelles pour faire évoluer sa législation, mais elle a signé presque toutes les conventions régionales en matière de droits humains, a souligné la délégation érythréenne. Elle a rejeté le rapport (présenté par la Rapporteuse spéciale) et a lancé un appel pour mettre fin à cette procédure (spéciale) non équitable et se concentrer sur la coopération dans le cadre de l’EPU.

De nombreux intervenants* ont pris part au débat interactif qui a suivi ces déclarations. À l’instar de la Rapporteuse spéciale, bon nombre de délégations se sont inquiétées de l’absence de progrès quant à la situation des droits de l'homme en Érythrée. Elles ont appelé les autorités érythréennes à mettre en œuvre les recommandations de la Rapporteuse spéciale et à coopérer pleinement avec les mécanismes des Nations Unies. A toutefois été saluée la volonté d’Asmara de négocier avec l’Éthiopie (afin de parvenir à un accord sur la frontière entre les deux pays). Certaines délégations ont rappelé leur rejet de tout mandat par pays imposé sans le consentement du pays concerné et ont fait valoir la bonne coopération de l’Érythrée dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU).


Le Conseil poursuivait ses travaux en fin de matinée en engageant son débat interactif avec les trois membres de la Commission internationale indépendante d’enquête sur la République arabe syrienne.


Situation des droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil

Situation des droits de l'homme en Érythrée

Présentation du rapport

Tous les rapports présentés durant la présente session peuvent être consultés sur la page Internet consacrée à la documentation de cette trente-huitième session.

Le Conseil est saisi du rapport de la rapporteuse spéciale sur a situation des droits de l’homme en Érythrée (A/HRC/38/50 - à paraître)

Présentant son cinquième et dernier rapport, MME SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, a indiqué qu’elle y fait une mise à jour et offre une réflexion sur son mandat. Elle a ensuite regretté de ne pouvoir annoncer des améliorations tangibles, les principales violations identifiées dans ses précédents rapports, ainsi que celles citées par la Commission d’enquête sur les droits de l'homme en Érythrée (créée par le Conseil en juin 2014), demeurant sans changement. Elle a attiré l’attention sur le phénomène des arrestations arbitraires, sur les détentions au secret, ainsi que sur le service militaire à durée non limitée, qui est assimilable au travail forcé, le tout assorti d’un éventail de violations des droits de l’homme commises dans ce contexte et de sévères limitations des libertés fondamentales. La Rapporteuse spéciale a fait état de morts en détention, citant le cas d’un évangéliste chrétien, et a insisté sur la nécessité d’accorder réparations à leurs familles. Elle a ajouté que des enfants sont aussi en détention. La Rapporteuse spéciale a réitéré son appel aux États hôtes pour qu’ils protègent les Erythréens et ne les renvoient pas dans leur pays.

Si l’Érythrée n’a eu qu’un engagement limité avec les mécanismes des droits de l’homme, Mme Keetharuth a cependant relevé certaines évolutions positives. Elle a fait observer qu’au niveau régional, l’Érythrée avait annoncé son intention de se rendre à Addis Abeba pour y mener des discussions avec l’Éthiopie; la Rapporteuse spéciale a encouragé les États membres à faciliter le dialogue entre les deux pays. En outre, l’Érythrée a soumis à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples son rapport couvrant la période 1999-2016, qui a été examiné en avril et mai de cette année. L’Érythrée a aussi présenté son rapport devant le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, qui a publié ses observations finales en janvier 2017.

Pays concerné

L’Érythrée a dit faire l’objet de harcèlement de la part du Conseil des droits de l'homme depuis six ans, dénonçant des considérations politiques pour tenter de la déstabiliser et des allégations sans fondement concernant l’intangibilité des progrès dans le pays. Le mandat de la Rapporteuse spéciale n’arrive pas à montrer au Conseil les progrès réalisés par l’Érythrée en termes de droits humains, ainsi qu’en ce qui concerne la bonne gouvernance et l’harmonie sociale, grâce aux efforts et à la résilience du pays, a ajouté la délégation érythréenne. Comme beaucoup de pays, l’Érythrée fait face à des difficultés institutionnelles pour faire évoluer sa législation, mais elle a signé presque toutes les conventions régionales en matière de droits humains. Elle est par ailleurs en train de présenter son troisième rapport dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), a fait valoir la délégation.

Le Conseil a toujours eu une approche de confrontation et cela n’a apporté aucun dividende, a poursuivi l’Érythrée. Elle a rejeté le rapport (présenté par la Rapporteuse spéciale) et a lancé un appel pour mettre fin à cette procédure (spéciale) non équitable et se concentrer sur la coopération dans le cadre de l’EPU. Le Conseil doit être en phase avec les réalités et ne pas mettre en danger un futur viable en approuvant ce type de rapport, a conclu l’Érythrée.

Débat

L’Union européenne a indiqué être toujours préoccupée par la situation des droits de l’homme en Érythrée et l’absence d’avancées dans le domaine des arrestations arbitraires et des restrictions aux libertés fondamentales. L’Union européenne appelle l’Érythrée à coopérer pleinement avec les mécanismes des Nations Unies. Elle demande par ailleurs de mettre fin au service militaire indéfini dans le pays. La Belgique a partagé les préoccupations concernant l’absence de progrès dans le domaine des droits de l’homme en Érythrée, où se produisent notamment des arrestations et des détentions arbitraires et une violation de la liberté d’expression et de rassemblement. La Belgique compte sur la nouvelle dynamique régionale pour améliorer la situation dans le pays; un suivi étroit de cette situation par le Conseil reste nécessaire, a estimé la délégation belge.

La Norvège a regretté que la Rapporteuse spéciale n’ait pas eu accès à l’Érythrée. La Norvège a indiqué être toujours préoccupée par les graves violations des droits de l’homme en Érythrée et a insisté pour que les experts des Nations Unies aient accès au pays, où la priorité doit selon elle être donnée à l’amélioration des droits des femmes et à l’égalité.

La Suisse a déclaré que la volonté d’Asmara de négocier avec l’Éthiopie est une bonne nouvelle. La Suisse espère que des progrès concrets pourront bientôt être établis dans le domaine des droits de l’homme. L’accès à l’Érythrée doit être libre pour les procédures spéciales, lesquelles sont complémentaires à l’EPU, a ajouté la Suisse.

Djibouti a salué le travail de la Rapporteuse spéciale. Il y a des raisons de croire que des crimes contre l’humanité ont été commis en Érythrée depuis 1991, a déclaré la délégation djiboutienne. Le Gouvernement érythréen doit mettre fin aux violations systématiques des droits de l’homme et libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris les prisonniers de guerre djiboutiens.

L’Australie a salué la décision de l’Érythrée d’envoyer une délégation en Éthiopie pour trouver une solution au désaccord frontalier entre les deux pays. L’Australie a ensuite regretté que l’Érythrée ne coopère pas avec la Rapporteuse spéciale et a souligné que la situation des droits de l’homme dans ce pays reste très complexe.

Le Soudan a salué les récentes évolutions positives entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Les mandats imposés aux États n’atteignent pas leur but et menacent la souveraineté des États, a affirmé la délégation soudanaise, avant de féliciter l’Érythrée pour sa coopération avec les mécanismes régionaux et internationaux, y compris dans le cadre de l’EPU.

Les Pays-Bas ont regretté que la situation en Érythrée ne s’améliore pas et que la durée du service militaire soit toujours indéfinie. Les Pays-Bas ont par ailleurs dénoncé les détentions arbitraires, l’absence de constitution et l’absence d’état de droit, ainsi que les restrictions à la liberté d’expression, de religion et de croyance en Érythrée.

L’Espagne a indiqué partager la préoccupation de la Rapporteuse spéciale relativement aux violations graves des droits de l’homme en Érythrée, faisant observer que ces violations favorisent un exil de la population érythréenne. Le recours généralisé à la prison préventive ne fait que renforcer la surpopulation dans des prisons insalubres, a poursuivi l’Espagne, estimant que le Gouvernement érythréen devait continuer de travailler pour mettre fin aux violations des droits de l’homme et collaborer avec les mécanismes des Nations Unies.

La Grèce s’est dite très profondément préoccupée par la situation des droits de l’homme en Érythrée. L’absence d’avancées significatives dans ce pays reste préoccupante, a-t-elle ajouté, avant d’exhorter l’Érythrée à respecter le droit à la propriété des étrangers, rappelant comment ont été confisqués en Érythrée les locaux du consulat de Grèce. La Grèce demande au Gouvernement érythréen de coopérer pleinement avec tous les mécanismes des Nations Unies.

Le Venezuela a rappelé qu’il s’opposera à toute initiative et mandat visant spécifiquement des pays en développement. L’Examen périodique universel a bien démontré qu’il était l’enceinte idoine pour l’évaluation de la situation des droits de l’homme de tous les États, a ajouté le Venezuela, avant d’insister sur l’impérieuse nécessité pour ce Conseil de respecter les principes d’impartialité, d’objectivité et de non-sélectivité.

La Chine s’est déclarée favorable au dialogue, encourageant donc la communauté internationale à admettre les efforts de l’Érythrée et à apporter une assistance en matière de capacités selon que de besoin.

Le Royaume-Uni a appuyé la déclaration de la Rapporteuse spéciale du 3 mai dernier sur la liberté de presse en Érythrée et a appelé à la remise en liberté, ou à une procédure équitable, pour les journalistes en détention, ainsi qu’à la levée des restrictions à la presse.

L’Algérie a salué les avancées positives enregistrées récemment dans les relations entre l’Érythrée et l’Éthiopie, estimant que cette reprise de contact entre les deux pays est une démarche très prometteuse en vue de mettre en œuvre pleinement l’accord d’Alger, signé le 12 décembre 2000, ainsi que les conclusions de la Commission sur la démarcation de la frontière (entre l’Érythrée et l’Éthiopie). L’Algérie a appelé la communauté internationale à appuyer ces développements encourageants, qui contribueront à l’instauration d’un climat de confiance, et à apporter à l’Érythrée toute assistance technique qui serait en adéquation avec les attentes de ce pays.

Le Bélarus a réaffirmé sa position concernant les mandats qui sont créés sans des critères universellement approuvés et sans l’accord des pays concernés. Le « suivi à distance » n’a aucune valeur pratique et ne revêt donc pas beaucoup de valeur. Ce n’est que par le dialogue, le respect mutuel et la coopération que l’on peut jauger la situation des droits de l’homme.

Cuba a regretté que le rapport ne soit pas disponible dans toutes les langues officielles et a en outre réitéré sa position officielle selon laquelle elle s’oppose à l’implication du Conseil de sécurité dans des questions liées aux droits de l’homme, considérant que cela ne s’inscrit pas dans son mandat. Cette implication indique qu’on oppose d’emblée un cadre punitif, a fait observer la délégation cubaine. Cuba a en revanche encouragé le Conseil des droits de l’homme à explorer et promouvoir de nouvelles voies de coopération et de dialogue avec l’Érythrée, dans le cadre d’une compréhension mutuelle, d’échanges respectueux, de la confiance et de la transparence. La Fédération de Russie a constaté que l’examen de ce sujet se fait dans un climat politisé, ce qui est – selon elle – regrettable. La Fédération de Russie a encouragé à une participation pleine et entière de l’Érythrée, ce que ce dernier pays a d’ailleurs fait en se présentant devant l’Examen périodique universel, a rappelé la délégation russe.

La France a appelé les autorités érythréennes à la mise en œuvre des recommandations de la Rapporteuse spéciale, y compris s’agissant de la lutte contre l’impunité, ainsi qu’à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel. Elle a aussi soutenu le renouvellement du mandat concernant l’Érythrée et a exhorté les autorités érythréennes à coopérer pleinement avec le nouveau titulaire du mandat en lui garantissant un accès sans entraves au territoire national.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont ensuite intervenues. Center for Global Nonkilling a regretté que la situation empire en Érythrée et que, malgré les offres de soutien et la bonne volonté de la communauté internationale, le Gouvernement érythréen ne semble montrer aucune intention de prendre des mesures pour restaurer les droits humains fondamentaux des Erythréens. La population est obligée soit de quitter le pays, soit de continuer à vivre dans la peur d’une arrestation arbitraire ou de harcèlements, a souligné l’ONG. Elle a également mis en exergue le sort de centaines de milliers de personnes soumises au service national illimité comme des esclaves. Elle a aussi lancé un appel à mettre un terme à la violation des droits religieux.

Christian Solidarity Worldwide s’est exprimé au nom de Samson Solomon, dont le père, Solomon Habtom, est mort en détention arbitraire; ce dernier avait rejoint le mouvement de libération en 1975 et était l’un des fondateurs du système de communication à micro-ondes et d’autres technologies ayant aidé la révolution. C’était un prisonnier de conscience, arrêté en 2003 par les services de sécurité et incarcéré sans procès et sans communication extérieure jusqu’à sa mort en août 2017. Beaucoup de prisonniers de conscience sont morts en Érythrée, et la plupart des familles n’en sont pas formellement informées, a poursuivi l’ONG, qui a remercié la Rapporteuse spéciale d’avoir permis à certaines voix de se faire entendre.

East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a estimé très important que le Conseil reste saisi de la situation des droits de l'homme en Érythrée et a demandé la prolongation du mandat concernant ce pays pour faire toute la lumière sur les souffrances du peuple érythréen. L’ONG a insisté sur la reddition de comptes et a demandé d’utiliser également la juridiction internationale pour ce qui concerne les crimes contre l’humanité.

Le Mouvement international de la réconciliation a estimé que la Rapporteuse spéciale avait permis d’amplifier la voix de nombre de victimes qui demandent justice. L’ONG a déploré l’absence d’améliorations en Érythrée, où le peuple érythréen continue de souffrir, et a demandé à ce que le mandat soit renouvelé.

Human Rights Watch a déploré l’absence d’amélioration de la situation des droits de l'homme en Érythrée et le refus du pays de permettre l’accès aux mécanismes régionaux et internationaux de droits de l'homme. Le Gouvernement érythréen utilise la situation de « ni paix, ni guerre » avec l’Éthiopie voisine pour maintenir le service militaire indéfini, a fait observer l’ONG. Elle a exhorté tous les pays à renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale et à permettre aux Erythréens de demander l’asile sur leur territoire.

CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens a mis l’accent sur les arrestations, en Érythrée, de ceux qui osent utiliser leur droit à la liberté d’expression et de manifestation. La société civile reste obligée de travailler en dehors du pays et la presse indépendante n’est pas autorisée à s’y rendre. L’ONG a prié le Conseil de renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale et a souligné qu’il est important que la reddition de comptes pour ces crimes reste une priorité.

L’Article 19 - Centre international contre la censure a regretté que les rapports successifs concernant l’Érythrée n’aient été suivis d’aucun progrès. Dans ce pays, tout type de résistance ou de protestation est empêché, des journalistes sont incarcérés dans des lieux inconnus, dans le but de supprimer toute liberté d’information, a souligné l’ONG. Elle a ajouté que l’impunité perdure à cause du maintien de l’état d’urgence et de l’absence d’état de droit.

L’Association mauritanienne pour la promotion du droit a fait observer qu’une grande partie du travail mené concernant l’Érythrée s’est concentré sur les victimes et sur les réfugiés, ce qui ne correspond pas à la réalité du pays; cette méthode souffre de beaucoup de lacunes et témoigne d’une campagne politisée à l’encontre de l’Érythrée, a affirmé l’ONG.

Réponses et conclusions de la Rapporteuse spéciale

S’agissant de son mode d’engagement, MME KEETHARUTH a rappelé qu’elle n’avait guère choisi de travailler à distance, mais qu’il n’y avait pas d’autre solution étant donné qu’elle n’a jamais eu l’autorisation de se rendre en Érythrée. La Rapporteuse spéciale a mis l’accent sur les progrès accomplis en matière d’égalité des sexes, pointant néanmoins des « discriminations occultes » où les filles sont cachées par leur famille et deviennent « invisibles » pour être protégées. Toutefois, cette parade est aussi préjudiciable aux femmes puisqu’elle a des répercussions sur d’autres aspects de leur vie, comme l’accès à l’éducation et aux soins de santé, a fait observer Mme Keetharuth.

Faute de loi fondamentale (constitution), il est malaisé de jauger les progrès, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, avant de réclamer aussi un parlement, un pluralisme politique et un espace public ouvert à la société civile comme autant de critères fondamentaux de jouissance des droits de l’homme de la population. L’indépendance du judiciaire est également vitale, a-t-elle insisté.

L’engagement du pays dans le cadre de l’Examen périodique universel est certes appréciable, mais il n’est pas acceptable d’agir « à la carte » en matière des droits de l’homme et l’Érythrée doit aussi s’engager avec d’autres mécanismes, a par ailleurs souligné la Rapporteuse spéciale. Elle a en outre demandé l’envoi dans le pays d’autres titulaires de mandats, en accordant la priorité à la liberté d’expression car – a précisé Mme Keetharuth – depuis le début de son mandat, 90 journalistes ont été arrêtés. Un autre titulaire de mandat important qui devrait se rendre de toute urgence dans ce pays est celui qui traite du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association, a suggéré la Rapporteuse spéciale.

Mme Keetharuth a par ailleurs félicité l’Érythrée de s’être présentée devant le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant et devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

La Rapporteuse spéciale a ensuite précisé qu’elle n’avait pas obtenu de nouvelles informations concernant les treize Djiboutiens détenus en Érythrée. La Rapporteuse spéciale a ajouté avoir commencé à travailler avec différents acteurs pour explorer les responsabilités des différents groupes afin de garantir que les victimes des violations de droits de l’homme aient effectivement accès à la justice en Érythrée même. Elle a en outre recommandé de rechercher une reddition de comptes devant des juridictions extérieures.

La Rapporteuse spéciale a souligné que divers acteurs portent la responsabilité de l’avenir des droits de l’homme en Érythrée et que le pays devait mettre fin au service militaire indéfini et libérer les prisonniers de conscience.

Les conditions dans les prisons sont très mauvaises en Érythrée, dans les centres de détention tant officiels que secrets, a d’autre part affirmé la Rapporteuse spéciale. L’accès à l’air libre est limité au strict minimum et la quantité et la qualité de la nourriture sont inadéquates, créant une situation de famine chez les détenus, a-t-elle expliqué. Les conditions sanitaires et d’hygiène sont épouvantables. En outre, la détention a des effets discriminatoires chez les femmes; les conditions de détention constituent une humiliation pour les femmes détenues, a ajouté Mme Keetharuth. Les autorités utilisent la détention comme une forme de torture apportant peur et douleur parmi les prisonniers. L’Érythrée doit faire en sorte que les personnes détenues puissent remettre en cause leur détention et obtenir l’aide juridictionnelle d’un avocat. Il faut en outre mettre en place un registre de dossiers standardisé (concernant les personnes écrouées) afin que les dossiers ne se perdent pas. La Rapporteuse spéciale a aussi recommandé d’éviter la détention des femmes et des enfants et de prendre toutes les mesures pour lutter contre la surpopulation des lieux de détention, afin de garantir aux détenus la dignité inhérente à chaque être humain.

Tous les États doivent accorder refuge ou droit de transit aux Erythréens qui fuient leur pays, en appliquant le principe de non-refoulement, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Le Conseil doit continuer à suivre la situation des droits de l’homme en Érythrée afin d’assurer les droits de l’homme à toute la population, a-t-elle ajouté. Elle a expliqué que le dialogue et la coopération sont évidemment très importants dans le contexte de l’Érythrée, tout en soulignant qu’il fallait aussi des résultats tangibles sur le terrain – ce qui n’est pas le cas pour le moment, a-t-elle déploré. Mme Keetharuth a expliqué qu’il n’y avait pas eu de changement essentiel s’agissant de la question de la circonscription forcée en tant que travail forcé. Il existe néanmoins à ce stade, un certain espoir de créer un meilleur environnement dans la Corne de l’Afrique, a conclu la Rapporteuse spéciale.
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*Délégations ayant participé au débat: Union européenne; Norvège; Belgique; Suisse; Djibouti; Suisse; Soudan; Pays-Bas; Espagne; Grèce; Venezuela; Chine; Royaume-Uni; Algérie; Biélorussie; Cuba; Fédération de Russie; France Center for Global Nonkilling; Christian Solidarity Worldwide; East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project; Mouvement international de la réconciliation; Human Rights Watch; CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens; Article 19 - Centre international contre la censure et Association Mauritanienne pour la promotion du droit.


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HRC18.092F