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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND UNE DÉCLARATION DU GROUPE DES 21 SUR LA PRÉVENTION D’UNE COURSE AUX ARMEMENTS DANS L’ESPACE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu ce matin une séance plénière publique au cours de laquelle elle a notamment entendu une déclaration du Venezuela, au nom du Groupe des 21, au sujet de la prévention d’une course aux armements dans l’espace.

Le Venezuela a notamment recommandé que la Conférence – unique instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement –commence sans tarder des négociations autour de la prévention d’une course aux armements dans l’espace. À ce propos, la Chine a jugé dangereuse la déclaration récente du dirigeant d’un grand pays, affirmant qu’il allait constituer une « force spatiale ».

Le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Hussam Edin A’ala de la République arabe syrienne, a annoncé que la Conférence se réunirait ensuite ce matin en séance informelle pour débattre du projet de programme de travail de la session de 2018 qu’il a présenté la semaine dernière (document CD/WP.608, voir notre communiqué du 12 juin). Le Président a par ailleurs demandé au secrétariat de la Conférence de préciser le statut juridique des déclarations de l’Union européenne, relevant que l’Union européenne n’était pas un groupe régional reconnu par la Conférence.

Ce matin, la Bulgarie (au nom de l’Union européenne) et la France ont indiqué qu’elles ne participeraient pas aux discussions informelles sous la présidence syrienne de la Conférence. La France a indiqué qu’elle ne pourrait se prononcer sur un quelconque programme de travail sous l’actuelle présidence de la Conférence et le Canada qu’il ne rejoindrait pas le consensus sur le programme de travail proposé. A par ailleurs été regrettée la situation « surréaliste » créée par l’arrivée de la Syrie à la tête de la Conférence. La France a affirmé que « le régime syrien ne disposait pas de l’autorité morale, ni de la légitimité politique nécessaire à l’exercice d’une présidence d’une enceinte telle que la Conférence du désarmement ».

M. A’ala, s’exprimant à titre de Représentant permanent de la République arabe syrienne, a assuré qu’un grand nombre de représentants partageaient l’opinion de la République arabe syrienne selon laquelle les accusations répétitives lancées contre elle sont de nature politique et n’ont d’autre but que la désinformation, voire qu’elles constituent des prétextes pour attaquer des États souverains. La Fédération de Russie a dit ne pas voir pourquoi la Syrie pourrait siéger au Conseil de sécurité mais pas présider la Conférence.

Le secrétariat de la Conférence a, pour sa part, indiqué que l’organe subsidiaire 5 – chargé des « nouveaux types et systèmes d’armes de destruction massive, armes radiologiques », du « Programme global de désarmement », de la « transparence dans le domaine des armements », ainsi que d’autres questions émergentes portant sur les travaux de fond de la Conférence – se réunissait cette semaine.

Les délégations des pays suivants se sont exprimées ce matin : Venezuela (au nom du Groupe des 21), Chine, Bulgarie (au nom de l’Union européenne), Canada, Australie, France, République arabe syrienne, Égypte, Fédération de Russie et Royaume-Uni.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra vendredi prochain, 23 juin, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

Le Venezuela, au nom du Groupe des 21, a déclaré que l’espace et autres corps célestes, en tant que patrimoine commun de l’humanité, devaient être explorés et utilisés pour le bien de l’humanité et dans un esprit de coopération. Le Groupe des 21 est convaincu que tous les États dotés de capacités dans le domaine spatial ont la responsabilité de contribuer activement à l’objectif de l’utilisation pacifique de l’espace et de la prévention d’une course aux armements dans l’espace. Le Groupe insiste en outre sur le fait que les États doivent s’abstenir d’activités qui pourraient compromettre l’objectif commun consistant à préserver l’espace de la présence d’armes de destruction massive et d’autres formes de militarisation. Le Groupe des 21 est très préoccupé par la menace de militarisation de l’espace, y compris les répercussions négatives de l’élaboration et du déploiement de systèmes de défense antimissile balistique et la recherche de technologies militaires pouvant être déployées dans l’espace, ce qui contribué à la détérioration du climat international en matière de désarmement et de sécurité.

Le Groupe des 21, a poursuivi le Venezuela, réaffirme que la Conférence – unique instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement – devrait commencer sans tarder des négociations autour de la prévention d’une course aux armements dans l’espace. Le Venezuela a rappelé à cet égard que l’Assemblée générale, par sa résolution 72/26 (2017) sur la « prévention d’une course aux armements dans l’espace », avait réaffirmé que « la négociation d’un ou de plusieurs accords internationaux visant à prévenir une course aux armements dans l’espace demeure une tâche prioritaire de la Conférence du désarmement »; et qu’elle avait adopté la résolution 72/27 également en 2017, sur le « non-déploiement d'armes dans l'espace en premier ». Le Groupe des 21 attend à ce propos des discussions de fond dans le cadre de l’organe subsidiaire 3, créé par la Conférence en mars dernier.

La Chine a jugé dangereuse la déclaration récente du dirigeant d’un grand pays, affirmant qu’il allait constituer une force spatiale, et a souligné l’importance de la prévention d’une course aux armements dans l’espace.

La Bulgarie, au nom de l’Union européenne, a indiqué que l’Union européenne ne participerait pas aux discussions informelles sous la présidence syrienne de la Conférence, vu les faits très graves évoqués le 29 mai dernier (voir notre communiqué).

A ce stade, le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Hussam Edin A’ala de la République arabe syrienne, a demandé au secrétariat de la Conférence de préciser le statut juridique des déclarations de l’Union européenne. Il a relevé que l’Union européenne n’était pas un groupe régional reconnu par la Conférence. Le Secrétariat a alors indiqué que la pratique permettait aux délégations de prendre la parole au nom d’autres délégations. ; si elle n’est pas un État membre de la Conférence, l’Union européenne n’en est pas moins invitée à participer aux travaux en tant que « non-État membre ».

Le Canada a dit qu’il ne rejoindrait pas le consensus sur le programme de travail proposé (par la présidence syrienne de la Conférence). Le Canada a dénoncé l’utilisation d’armes chimiques par le Gouvernement syrien contre sa propre population et a regretté la situation « surréaliste » créée par l’arrivée de la Syrie à la tête de la Conférence. Le Canada a aussi regretté que le Président syrien de la Conférence « passe beaucoup trop de temps à excuser ce qui n’est pas excusable et commis par le régime syrien ».

« Trop de victimes de l’utilisation confirmée d’armes chimiques sont devenues muettes comme des tombes », a poursuivi le Canada : il appartient à la Conférence de faire en sorte que leur douleur et leur souffrance ne soient jamais oubliées, a souligné le Canada. La délégation a donné lecture de plusieurs témoignages de victimes recueillis après l’attaque du 16 mars 2015, attribuée au « régime syrien » par le mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Canada a dit qu’il continuerait d’exiger de la Syrie qu’elle réponde de « l’utilisation odieuse d’armes chimiques contre sa population ».

Le Président de la Conférence a jugé que les déclarations entendues étaient contradictoires par rapport au Règlement de la Conférence. Il a cité a contrario une prise de position des États-Unis en août 2017, dans laquelle ce pays condamnait les tentatives de saboter les travaux de la Conférence.

L’Australie a estimé que l’adoption d’un programme de travail « sous la présidence d’un pays ayant utilisé des armes chimiques » ne pouvait que saper la confiance dans la Conférence.

La France a dit qu’elle ne participerait pas aux consultations informelles cette semaine et qu’elle ne pourrait se prononcer sur un quelconque programme de travail sous l’actuelle présidence de la Conférence. Cette présidence (de la Conférence) par la Syrie apparaît en effet insupportable aux yeux des victimes des multiples exactions commises dans ce conflit (syrien). La France a ajouté que « le régime syrien ne disposait pas de l’autorité morale, ni de la légitimité politique nécessaire à l’exercice d’une présidence d’une enceinte telle que la Conférence du désarmement ». Elle a regretté que le caractère illégitime de la présidence se traduise « par une volonté d’instrumentaliser la tribune présidentielle à des fins de manœuvres politiques grossières », dont témoigne « la question posée sur la représentation de l’Union européenne ». La France a refusé d’entrer dans le « débat indigne que le représentant du régime syrien tente, un peu pathétiquement, de lancer ». Elle a demandé « au représentant du régime syrien de faire preuve de la plus grande retenue ».

Le Président de la Conférence a alors fait observer que la légitimité politique de tout État était fondée sur la volonté de sa population, et non sur la volonté d’autres États Membres des Nations Unies. Il a ensuite estimé que la question qu’il a posée au sujet du statut de l’Union européenne au sein de la Conférence était tout à fait légitime. Le Président a ajouté qu’il n’avait jamais empêché de délégation de s’exprimer à la Conférence.

S’exprimant ensuite à titre de Représentant permanent de la République arabe syrienne, M. A’ALA a regretté que « le représentant du régime français refuse d’appliquer les règles générales de la diplomatie et du travail professionnel au sein de la Conférence ». « Les relations coloniales ne sont plus d’actualité », a-t-il souligné, rappelant que son pays s’était affranchi de la colonisation française il y a 70 ans. Un grand nombre de représentants ici présents, a-t-il assuré, partagent l’opinion de la République arabe syrienne selon laquelle les accusations répétitives lancées contre elle sont de nature politique et n’ont d’autre but que la désinformation, voire qu’elles constituent des prétextes pour attaquer des États souverains. M. A’ala a par ailleurs critiqué les « casques blancs » financés par les États-Unis et d’autres pays, les accusant de provocation au sujet de « l’utilisation présumée d’armes chimiques ».

L’Égypte a voulu savoir si les déclarations de l’Union européenne seraient inscrites au registre en tant que déclarations de la Bulgarie ou de l’Union européenne et si le Règlement autorisait la participation d’organisations régionales aux travaux de la Conférence.

La Fédération de Russie a demandé aux participants de s’abstenir de politiser les débats au sein de la Conférence. Damas, a fait observer la délégation russe, a été accusée de ne pas avoir le « droit moral » d’occuper le poste de Président de la Conférence : il s’agit là d’un nouveau mot dans le droit international et on ne voit pas pourquoi la Syrie pourrait siéger au Conseil de sécurité mais pas présider la Conférence, a-t-elle souligné. D’autre part, les vrais coupables de l’utilisation d’armes chimiques doivent être identifiés et rendre des comptes, a déclaré la Fédération de Russie, estimant que seule une enquête de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques pourrait remplir une telle mission. La Fédération de Russie a demandé aux pays occidentaux de valider la création par le Conseil de sécurité d’un organe d’enquête impartial.

La France a expliqué ne pas avoir mis en cause la légitimité institutionnelle de telle ou telle délégation à exercer la présidence de la Conférence, mais bien la légitimité morale et l’autorité politique de la délégation en question. La France a rappelé que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques avait publié, le 13 juin, un nouveau rapport d’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques : ce rapport confirme, avec un haut niveau de certitude, que du sarin et du chlore ont été employés dans deux attaques contre la ville de Latamné, les 24 et 25 mars 2017. « Il s’agit du seizième rapport de l’OIAC qui confirme l’emploi d’armes chimiques, ou d’une substance chimique, dans le cadre du conflit syrien », a souligné la France. Elle a regretté qu’au lieu de collaborer avec l’OIAC, la Fédération de Russie et la Syrie aient mis des obstacles à sa mission d’établissement des faits. L’OIAC doit établir la nature des faits et des agents chimiques utilisés, a rappelé la France. Les missions d’établissement des faits de l’OIAC n’ont pas pour mandat d’identifier les responsables de ces attaques. Seul le mécanisme conjoint du Conseil de sécurité et de l’OIAC pouvait le faire, a souligné la France, ajoutant que le mécanisme conjoint avait démontré la responsabilité de la Syrie dans quatre attaques, dont au moins une au sarin à Khan Sheikhoun le 4 avril 2017. Or, le renouvellement du mandat du mécanisme a été bloqué par la Fédération de Russie à trois reprises au Conseil de sécurité, a fait observer la France.

Le Royaume-Uni a observé que la Fédération de Russie et la Syrie tentaient de semer le doute quant à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Or, a ajouté le Royaume-Uni, tant la mission d'établissement des faits de l'OIAC que le Mécanisme commun d'enquête ont conclu que des armes chimiques avaient été utilisées en Syrie ; le Mécanisme conjoint lui-même a pu attribuer au «régime syrien» plusieurs attaques chimiques. Le Royaume-Uni a assuré que ceux qui ont utilisé des armes chimiques en Syrie devraient en rendre compte.

La République arabe syrienne a expliqué que l’OIAC n’avait pas pour mandat de déterminer les responsabilités des incidents sur lesquels elle enquête, avant de dénoncer les « falsifications » faites à cet égard par les représentants des « régimes français et britannique ». Le Gouvernement syrien n’a aucunement entravé le travail des enquêteurs : ce travail a été retardé par l’agression du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis contre Douma, en Syrie, alors même que les enquêteurs s’y rendaient, a ajouté la délégation syrienne. Elle a par ailleurs critiqué le manque de professionnalisme des enquêtes concernant les allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie.


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