Fil d'Ariane
LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT SE PENCHE SUR LES FRAPPES DE MISSILE CONTRE LA SYRIE DU 14 AVRIL DERNIER
Lors d’une réunion publique ce matin, Conférence du désarmement a abordé une nouvelle fois la question des frappes de missile lancées le 14 avril dernier contre la Syrie par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Ce matin, la délégation syrienne a condamné ce qu’elle a appelé une agression contraire au droit international. La France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont justifié leur intervention par le fait que le régime syrien utilisait des armes chimiques contre sa population. Les États-Unis ont estimé, à ce propos, que la Syrie n’avait pas l’autorité morale pour présider la Conférence, comme il est prévu qu’elle le fasse à partir de la semaine prochaine dans le cadre de la présidence tournante de la Conférence.
La République arabe syrienne a ainsi déploré que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis aient profité de la séance publique du 15 mai de la Conférence (voir notre communiqué) pour justifier leur agression contre Damas et d’autres localités en Syrie le 14 avril dernier. La Syrie a dénoncé en particulier le fait que ces pays aient recouru à la force au mépris du droit international et de la Charte des Nations Unies – un comportement d’autant plus grave qu’il émane de trois membres du Conseil de sécurité, a-t-elle dit.
La Syrie a condamné le fait que la France et le Royaume-Uni aient justifié leur agression par des allégations d’usage d’armes chimiques à Douma. « De tels mensonges se répètent à chaque fois que l’armée syrienne remporte des victoires contre les terroristes », a-t-elle relevé. La Syrie a condamné l’utilisation d’armes chimiques en général et a assuré s’être débarrassée de son propre stock d’armes chimiques en 2013, sous la supervision de l’OIAC et des mêmes États qui viennent d’attaquer la Syrie. Le prétexte utilisé par les États agresseurs – priver la Syrie de son arsenal chimique – ne tient donc pas, a dit la délégation syrienne.
La Syrie et la Fédération de Russie ont aussi assuré que les informations erronées sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie émanaient toutes d’une même organisation, les Casques blancs.
Répondant à ces déclarations, la France a expliqué que son action conjointe avec le Royaume-Uni et les États-Unis s’était faite à la suite de l’utilisation criminelle d’armes chimiques le 7 avril à Douma, en Syrie. La France a dit contribuer à renforcer le droit international en veillant à ce que les personnes qui le bafouent répondent de leurs actes, afin qu’il n’y ait pas d’impunité. C’est tout le sens du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques lancé par la France en janvier 2018.
Les États-Unis ont affirmé que l’utilisation d’armes chimiques « par le régime d’Assad contre sa propre population » était indubitable. Ils ont déploré à cet égard que les outils économiques et diplomatiques se soient révélés impuissants à empêcher de telles attaques dramatiques contre le peuple syrien.
Enfin, le Royaume-Uni a assuré que les frappes contre la Syrie avaient été étayées par des arguments juridiques solides. Ce ne sont ni la France, ni les États-Unis, ni la France qui bafouent le droit international, a insisté la délégation britannique : c’est le régime syrien lui-même, qui utilise des armes chimiques contre sa population.
S’agissant des travaux de la Conférence, l’Ambassadrice Sabrina Dallafior de la Suisse, qui termine cette semaine son tour de présidence de l’instance, s’est dite satisfaite de l’esprit qui a caractérisé la première partie de la session de 2018, en particulier la création des cinq organes subsidiaires chargés de traiter les questions de fond intéressant la Conférence. Cependant, a-t-elle mis en garde, «la situation actuelle est fluide»: les conditions n’ont pas changé et ne sont pas encore propices à l’adoption du programme de travail de la Conférence.
Mme Dallafior a indiqué enfin que les deux organes subsidiaires chargés respectivement des «arrangements internationaux efficaces pour garantir les États non dotés d’armes nucléaires contre l’emploi ou la menace de ces armes» (organe subsidiaire 4) et de «la prévention d’une course aux armements dans l’espace» (organe subsidiaire 3) se réuniraient cette semaine en séances de travail privées.
Les délégations des pays suivants ont fait des déclarations ce matin : République arabe syrienne, États-Unis, France, Royaume-Uni et Fédération de Russie.
La prochaine réunion publique de la Conférence se tiendra le mardi 29 mai à 10 heures, sous la présidence de la République arabe syrienne.
Aperçu des déclarations
La République arabe syrienne [qui assumera la présidence tournante de la Conférence à partir de la semaine prochaine] a assuré qu’elle poursuivrait à cette occasion les efforts de concertation engagés depuis le début de l’année par les présidences précédentes, auxquelles elle a rendu hommage. La Syrie est ensuite revenue sur les déclarations faites à la Conférence, la semaine dernière (voir notre communiqué du 15 mai), par les trois pays auteurs d’une agression armée contre elle le 14 avril dernier.
La Syrie a déploré que la France et le Royaume-Uni aient utilisé la Conférence pour justifier leur agression, il y a une semaine. À cet égard, la Syrie a dénoncé le comportement des trois pays qui recourent à l’usage de la force au mépris du droit international et de la Charte des Nations Unies – un comportement d’autant plus grave qu’il émane de trois membres du Conseil de sécurité, a-t-elle dit. La Syrie a condamné le fait que la France et le Royaume-Uni aient justifié leur agression par des allégations d’usage d’armes chimiques à Douma. « De tels mensonges se répètent à chaque fois que l’armée syrienne remporte des victoires contre les terroristes », a relevé la délégation syrienne. Elle a regretté que les agresseurs se soient fiés aux vidéos fabriquées par les Casques blancs et qu’ils aient ignoré le témoignage de personnes fiables qui ont nié le recours aux armes chimiques à Douma.
La Syrie a aussi réfuté que les installations visées par l’agression aient servi à fabriquer des armes chimiques. Elle a expliqué qu’il s’agissait en particulier d’un centre de recherche à Damas, un site déjà inspecté par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimique (OIAC) l’an dernier à deux reprises. Les rapports issus de ces visites ne font état d’aucune activité contrevenant à la Convention : les allégations faites devant la Conférence la semaine dernière sont donc fausses, a condamné la Syrie. L’action militaire contre la Syrie est ainsi une agression unilatérale contre un État souverain membre des Nations Unies, lancée sans mandat du Conseil de sécurité, a insisté la Syrie à plusieurs reprises.
La Syrie a condamné l’utilisation d’armes chimiques, partout, à tout moment et dans toutes les circonstances. Elle a assuré s’être débarrassée de son propre stock d’armes chimiques en 2013, sous la supervision de l’OIAC et des mêmes États qui viennent d’attaquer la Syrie. Le prétexte utilisé par les États agresseurs – priver la Syrie de son arsenal chimique – ne tient donc pas, a dit la délégation syrienne. Le perdant d’un débat recourt volontiers à la diffamation, a-t-elle constaté.
La Syrie a fait observer, d’autre part, que l’interdiction des armes chimiques devait s’inscrire dans le cadre des instruments internationaux adoptés à cet effet, notamment la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, et non dans des forums parallèles, comme les réunions de Paris.
Les États-Unis ont affirmé que « l’utilisation d’armes chimiques par le régime d’Assad contre sa propre population [était] indubitable ». Ils ont déploré à cet égard que les outils économiques et diplomatiques se soient révélés impuissants à empêcher de telles attaques dramatiques contre le peuple syrien. « Quoi que disent les représentants syriens », ont ajouté les États-Unis, « nous connaissons tous la vérité ». Vu la répétition de ces crimes, la Syrie n’a pas l’autorité morale pour présider la Conférence, ont conclu les États-Unis. Ils ont aussi rappelé que la Convention sur l’interdiction des armes chimiques avait été négociée à la Conférence, ce qui justifie que le sujet soit abordé par cette instance.
La France a récusé l’intégralité des propos de la délégation de la Syrie. L’action conjointe de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis s’est faite à la suite de l’utilisation criminelle d’armes chimiques le 7 avril à Douma, a-t-elle insisté. Elle a jugé particulièrement cynique que la Syrie utilise la tribune quasi-présidentielle que lui offre la Conférence [Ndlr : le représentant syrien siégeant à la gauche de la Présidente au podium] pour accuser la France de fragiliser le droit international et de menacer la paix et la sécurité internationales.
Au contraire, la France, a assuré sa délégation, contribue à renforcer la paix et la sécurité internationales en assumant ses responsabilités ; et elle contribue à renforcer le droit international en veillant à ce que les personnes qui le bafouent répondent de leurs actes, afin qu’il n’y ait pas d’impunité. C’est tout le sens du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques lancé par la France en janvier 2018 et dont une nouvelle session s’est tenue vendredi dernier à Paris, a précisé la délégation.
Les propos de la Syrie sont d’autant plus cyniques, a poursuivi la France, que « la Syrie ne possède ni l’autorité morale, ni la légitimité politique pour donner des leçons de bonne conduite internationale ». Depuis le début du conflit syrien, a-t-elle relevé, on compte plus de 400 000 morts et plus 10 millions de personnes déplacées ou réfugiées. « Et quand on pense à l’utilisation répétée, et aux violations répétées, des normes de non-prolifération des armes chimiques », comme il a été prouvé par de nombreuses sources et autorités compétentes, la Syrie est mal placée pour donner des leçons, a insisté la France.
Le Royaume-Uni a également réfuté les propos de la Syrie. Il a assuré que les frappes contre la Syrie avaient été étayées par des arguments juridiques solides. Ce ne sont ni la France, ni les États-Unis, ni la France qui bafouent le droit international, a dit la délégation britannique : c’est le régime syrien lui-même, qui utilise des armes chimiques contre sa population, un fait avéré à quatre reprises. C’est pourquoi la Syrie ne dispose d’aucune autorité morale pour prononcer des déclarations telles qu’elle vient de faire à la tribune de la Conférence, a lui aussi estimé le Royaume-Uni.
La Syrie a condamné les allégations infondées proférées contre elle à de nombreuses reprises et qui ont pour effet de préparer de nouvelles attaques contraires au droit international. La Syrie a rappelé que les accusations d’utilisation d’armes chimiques portées contre elles avaient été démenties par les délibérations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimique. Elle s’est demandé pourquoi la dernière attaque contre elle était intervenue immédiatement avant la visite des experts de l’OIAC. La Syrie s’est dite prête à coopérer pleinement avec l’OIAC, espérant que l’Organisation pourrait accomplir son mandat sans ingérence politique.
La Syrie a critiqué en outre le fait que les attaques contre elles ont été à plusieurs reprises justifiées par des rapports produits par des services de renseignements soi-disant irréfutables, reposant sur des allégations « en dépit du bon sens » et recueillies parfois dans des régions sous contrôle de mouvements terroristes. Les mesures prises contre la Syrie ne sont pas de nature diplomatique, comme ont prétendu les États-Unis : ce sont les pays qui bafouent les principes de la Charte des Nations Unies qui bafouent le droit international, a dit la Syrie.
La Syrie n’envisage pas d’exploiter la tribune de la Conférence à des fins politiques, a assuré sa délégation, appelant les autres pays à ne pas politiser cette instance.
La Fédération de Russie a mis en doute l’exhaustivité des enquêtes réalisées par l’OIAC au sujet des attaques contre Khan Sheikhoun, en avril 2017. De même, elle s’est interrogée sur le fait que l’attaque du 14 avril 2018 s’était produite la veille littéralement d’une visite des inspecteurs de l’OIAC, qui ont commencé leurs travaux dès le 16 avril à Douma. Ces faits indiscutables renvoient à une logique, a assuré la Fédération de Russie : les informations erronées sur l’utilisation d’armes chimiques émanent toutes de la même organisation, les Casques blancs. Elle a ajouté que les autorités syriennes avaient mis en garde, le 6 avril, contre des préparatifs d’utilisation d’armes chimiques par des groupes armés d’opposition. La Fédération de Russie a remarqué, de plus, que les États-Unis avaient cessé de financer les Casques blancs. La Fédération de Russie a assuré n’attaquer personne et ne présenter que faits.
La Fédération de Russie a également mis en doute l’argumentation du Royaume-Uni au sujet de l’empoisonnement, en mars, de deux citoyens russes à Salisbury, estimant que le Royaume-Uni l’avait accusée de ces faits sans élément concret et que les mécanismes compétents n’avaient pas été activés par le Royaume-Uni, les experts de l’OIAC notamment ayant été appelés simplement à valider les tests d’un laboratoire anglais. La Fédération de Russie a remarqué que les médias occidentaux ont été les premiers à mettre en doute la version officielle du Royaume-Uni.
Les États-Unis ont jugé honteuses les accusations de la Fédération de Russie contre les Casques blancs. Ils ont déploré que la Fédération de Russie ait entravé toutes les démarches pour que les responsabilités des crimes commis en Syrie soient établies. Ils ont demandé à la Fédération de Russie de cesser de soutenir aveuglément la Syrie et de la convaincre de renoncer à la présidence de la Conférence.
S’agissant des faits, le Royaume-Uni a constaté qu’un agent chimique toxique ne pouvant avoir été fabriqué qu’en Russie avait été utilisé à Salisbury. C’est pourquoi le Royaume-Uni pense que l’auteur de l’attaque est la Fédération de Russie. Par son argumentation, la Fédération de Russie tente de semer la confusion, mais personne ne s’y laissera prendre, a aussi relevé le Royaume-Uni.
La France a observé que la Fédération de Russie tentait de semer le doute et de « distordre la réalité ». Elle a rappelé que des missions d’établissement des faits avaient eu lieu. La France elle-même a publié ses évaluations des attaques commises à Khan Sheikhoun l’an dernier et contre la Ghouta orientale le 6 avril, évaluations qui ne laissent aucun doute.
La France a dénoncé blocage par la Fédération de Russie du mécanisme conjoint d’établissement des responsabilités créé par le Conseil de sécurité et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimique. Elle a demandé à la Syrie de joindre les actes à la parole en ne politisant pas la tribune de la Conférence. La France a aussi nié toute collusion de sa part avec des mouvements terroristes.
S’agissant des travaux de la Conférence, Mme Sabrina Dallafior, Président de la Conférence, s’est dite satisfaite de l’esprit qui a caractérisé la première partie de la session de 2018, en particulier la création des cinq organes subsidiaires chargés de traiter les questions intéressant la Conférence. Cette décision, si elle a attiré l’attention de la communauté du désarmement sur la Conférence, ne suffira pas à sortir la Conférence de son impasse, a mis en garde la diplomate suisse. Elle a salué néanmoins le caractère pragmatique de la décision, qui donne la possibilité à l’instance d’aller de l’avant de même que d’explorer de nouvelles pistes pour revitaliser son action.
Quoi qu’il en soit, a conclu Mme Dallafior, «la situation actuelle est fluide» : les conditions n’ont pas changé et ne sont pas encore propices à l’adoption du programme de travail de la Conférence.
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DC18.26F