Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES DIALOGUE AVEC LES ÉTATS MEMBRES ET LA SOCIÉTÉ CIVILE
Le Comité des disparitions forcées a reçu, ce matin, des représentants des États Membres de l’ONU, de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales, dans le cadre d'un échange qui a porté essentiellement sur les moyens d’inciter de nouveaux États à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui compte actuellement 58 États parties.
En ouverture du débat, M. Rainer Huhle, expert du Comité, a invité les États présents qui n’ont pas encore ratifié la Convention à le faire, car – a-t-il souligné – c’est ainsi que cet instrument pourra devenir universel. Il a par ailleurs regretté que la Présidente du Comité, Mme Suela Janina, ne puisse être présente à cette séance, se trouvant en effet dans l’obligation de participer à la réunion des Présidents des organes de traités à New-York.
Au cours du dialogue que le Comité a eu avec les États, l’Argentine a rappelé qu’elle coprésidait avec la France le Groupe d’amis de la Convention et s’efforçait de faire en sorte que cet instrument devienne universel. Les deux pays s’apprêtent à lancer la deuxième campagne visant l’universalisation de la Convention, a indiqué l’Argentine, faisant valoir que le Comité a fait preuve de son efficacité pour ce qui est de renforcer les capacités des États parties à la Convention. L’Argentine a précisé que l’objectif était de doubler le nombre d’États parties sur une période de cinq ans.
Le Japon a, pour sa part, affirmé qu’il souhaitait voir un plus grand nombre de ratifications dans toutes les régions du monde et a souligné qu’il veillait à ce que la ratification de la Convention figure parmi les recommandations adressées aux pays dans le cadre de l’Examen périodique universel. Le Japon a fait observer qu’il pouvait y avoir des obstacles pour les pays qui n’ont pas encore ratifié la Convention, s’agissant notamment de la définition de la disparition forcée. Le Japon a dès lors proposé au Comité de recueillir les bonnes pratiques des États dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention, afin d’en faire profiter les États qui ne sont pas encore parties à cet instrument.
La France a estimé qu’un guide de bonnes pratiques serait, effectivement, une bonne idée pour inciter les États à ratifier la Convention. Elle a ensuite demandé si, compte tenu des restrictions budgétaires, les membres des différents organes de traités pouvaient prendre des initiatives afin de rationaliser et d’harmoniser leurs travaux ; la France a également demandé si le Comité était confronté à des difficultés pour ce qui est d’appliquer le multilinguisme, s’agissant en particulier de la traduction des documents ou de l’interprétation.
Le Maroc a souligné que la Convention n’avait pas suffisamment de lisibilité et restait mal comprise par les États qui n’y sont pas parties. Le pays a donc demandé des conseils sur la manière d’insuffler davantage d’élan à la ratification de la Convention et de rendre cet instrument plus lisible.
Le Mexique a remercié le Comité pour l’avoir accompagné dans la mise en œuvre de la Convention, notamment à l’occasion des réformes législatives que le pays a adoptées dans le domaine couvert par cet instrument.
M. Emmanuel Decaux, expert du Comité, a souligné que le Comité avait examiné 28 rapports remis par les Etats et avait en outre reçu plus de 500 procédures dans le cadre du mécanisme d’action urgente. Il a par ailleurs regretté que l’Assemblée générale n’ait pas permis au Comité d’avoir une cinquième semaine annuelle de travail afin de résorber une partie du retard pris dans l’examen des rapports des États parties. L’expert a ensuite indiqué qu’il était favorable à un recueil de bonnes pratiques – lequel devrait passer, notamment, par une amélioration du site Internet du Comité, qui est aujourd’hui incomplet, a-t-il fait observer. M. Decaux a en outre estimé qu’il était très difficile (pour le Comité) de coordonner le travail avec les autres organes de traités pour des raisons d’agenda et de moyens. Il a enfin regretté, lui aussi, que la Présidente du Comité ne puisse pas être présente à la séance de ce matin en raison de sa participation à la réunion des Présidents des organes de traités à New York, ce qui – a-t-il ajouté – montre le manque de coordination dans ce domaine.
Plusieurs autres membres du Comité sont également intervenus dans le débat. M. Mohammed Ayat a expliqué que les pays non concernés par la disparition forcée en tant que telle pouvaient néanmoins ratifier la Convention par solidarité envers les victimes. Il a rappelé l’aspect préventif de la Convention, y compris pour les pays qui ne seraient pas aujourd’hui confrontés à ce phénomène. La disparition forcée n’est pas un crime national mais bien un crime international, a en outre rappelé l’expert. La ratification de la Convention permet de lutter contre les disparitions forcées au niveau national mais aussi au niveau international, a-t-il insisté. M. Horacio Ravenna a quant à lui expliqué que la disparition forcée étant un crime contre l’humanité, elle concerne tous les pays du monde ; d’où l’importance de l’universalisation de la ratification de la Convention. M. Daniel Figallo Rivadeneyra a lui aussi insisté pour que les États prennent conscience du caractère mondial et international du problème de la disparition forcée.
M. Koji Teraya, également expert du Comité, s’est dit préoccupé par le nombre insuffisant d’États parties à la Convention et a incité les États déjà parties à cet instrument à faire pression sur ceux qui ne le sont pas afin qu’ils le ratifient et à les sensibiliser sur cette question.
Un autre membre du Comité, M. Moncef Baati, a souscrit à la proposition de réaliser un recueil de bonnes pratiques des États s’agissant de la mise en œuvre de la Convention. Il a expliqué que ce sont les États qui doivent prendre les décisions s’agissant de la coordination et de la coopération entre les organes de traités.
Mme Maria Clara Galvis Patiño a rappelé l’existence du mécanisme d’appel urgent, qui permet d’enquêter sur les cas de disparition ; elle a insisté sur la nécessité pour les États de mieux faire connaître ce mécanisme. Quelque 500 procédures ont été ouvertes dans le cadre de ce mécanisme d’action urgente, ce qui demande un travail colossal de la part du Comité pour les traiter, a-t-elle souligné.
Dans le cadre de la discussion que le Comité a nouée ce matin avec les institutions nationales de droits de l’homme, l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme (GANHRI) a salué le travail des experts du Comité dans la lutte contre les disparitions forcées. L’Alliance s’est par ailleurs réjouie de la coopération entre le Comité et les institutions nationales de droits de l'homme, notamment grâce à l’adoption d’un document traitant de la coopération avec ces institutions, qui incite notamment les autres organes des Nations Unies à intensifier la coopération avec elles. L’Alliance a en outre rappelé qu’une conférence internationale s’était tenue cette année à Katmandou sur le thème de la lutte contre l’impunité. Cette conférence a notamment réuni différentes institutions nationales de droits de l'homme de la région et a permis de dialoguer sur les défis liés aux droits de l’homme dans le contexte de la lutte contre l’impunité ; elle a abouti à une déclaration historique qui définit une feuille de route concernant les obligations des institutions nationales dans le domaine de la lutte contre l’impunité et des disparitions forcées. La treizième Conférence internationale des institutions nationales se tiendra au mois d’octobre à Marrakech et aura pour thème principal les défenseurs des droits de l’homme, a annoncé l’Alliance ; la Conférence va étudier les rôles potentiels des institutions nationales pour l’élargissement de l’espace accordé à la société civile.
Pour ce qui est, enfin, des organisations non gouvernementales, l’association Alkarama a diffusé une vidéo de témoignages de proches de victimes de disparitions forcées en Irak. L’ONG a expliqué que le crime de disparition forcée est un crime terroriste. Elle a attiré l’attention sur les centaines de milliers de cas de disparitions forcées en Iraq, évoquant les personnes détenues au secret dans les prisons irakiennes, les soldats iraquiens disparus et les personnes détenues au secret par les forces américaines. Le silence ne saurait perdurer concernant ces crimes odieux, a insisté l’ONG, appelant à la création d’un tribunal spécial pour faire la lumière sur ces milliers de disparitions forcées.
La Federación Latinoamericana de Asociaciones de Familiares de Detenidos-Desaparecidos (FEDEFAM) a fait part de sa préoccupation s’agissant des disparitions forcées qui se produisent dans le cadre de la mobilité humaine, non seulement dans la région d’Amérique latine et des Caraïbes mais aussi dans le monde entier. L’ONG a incité le Comité à soutenir la Bolivie dans ses efforts pour faire la lumière sur les disparitions forcées qui se sont produites durant la période de dictature militaire. Elle s’est en outre inquiétée des nombreux cas de disparitions forcées au Mexique sans qu’aucune enquête impartiale n’ait été ouverte sur ces cas. L’ONG s’est également dite préoccupée par le recul des avancées en faveur de la mémoire, de la vérité et de la justice en Argentine, compte tenu des coupes budgétaires de l’État dans les domaines sensibles, s’agissant notamment de la lutte contre l’impunité pour les crimes commis par le passé. Enfin, l’organisation a souligné que le Honduras devait assumer ses responsabilités en matière d’enquêtes et de réparations pour les victimes de disparitions forcées, et reconnaître les compétences du Comité à cette fin.
Genève pour les droits de l’homme a fait part de ses préoccupations concernant les conditions de travail du Comité et a notamment déploré que le nombre de ratifications de la Convention n’augmente pas sensiblement. L’ONG a en outre indiqué qu’elle ne souscrivait pas au récent rapport de la Geneva Academy sur la réforme des organes de traités, qui ne prend en compte dans son analyse que le seul travail d’examen des rapports mené par les comités et propose, pour ledit examen des rapports des États parties, une périodicité de huit ans, au mépris des victimes. L’ONG a en outre regretté qu’il n’y ait pas davantage de communications concernant les travaux du Comité.
M. Emmanuel Decaux a relevé le rôle très important des organisations non gouvernementales dans les travaux du Comité, notamment pour ce qui est de lui permettre de déclencher des visites de terrain. Il faut une coalition forte d’ONG spécialisées dans le domaine des disparitions forcées, a-t-il insisté.
M. Huhle a clôturé la séance en insistant, lui aussi, une fois de plus, sur l’indispensable apport des organisations non gouvernementales aux travaux du Comité. Il s’est réjoui de cette réunion, qui a prouvé que le Comité ne travaillait pas seul.
Le Comité se réunira en séance publique vendredi prochain, 1er juin, à 17 heures, pour clore les travaux de sa quatorzième session.
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CED18.05F