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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA NORVÈGE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la Norvège sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Thor Kleppen Sættem, Secrétaire d’État au Ministère de la justice et de la sécurité publique de la Norvège, a souligné que le mécanisme (national) de prévention (de la torture) s’est révélé être un instrument particulièrement actif et positif pour améliorer la condition des personnes privées de liberté. Des progrès ont été accomplis en réponse aux recommandations antérieurement adressées à la Norvège par le Comité, a-t-il poursuivi, faisant notamment valoir la forte réduction, entre 2013 et 2016, du nombre de personnes détenues pendant plus de 48 heures dans les locaux de police. D’autres progrès sont à constater dans la réduction du nombre de mineurs placés en détention, qui est passé de 64 en 2010 à 25 en 2017, a-t-il ajouté. Conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, la détention de mineurs n’est envisagée que comme mesure de dernier recours, a-t-il fait valoir. M. Sættem a aussi fait état des progrès de son pays pour ce qui est de la détention à l’isolement, indiquant que des statistiques précises sont désormais disponibles en la matière, conformément à la demande du Comité.

Le Secrétaire d’État a toutefois indiqué être toujours préoccupé par le niveau de violence sexiste en Norvège, en particulier par le fait que de nombreuses victimes ne dénoncent pas ces crimes et ne demandent pas de soutien. Conformément aux dispositions de la Convention contre la torture, a ajouté M. Sættem, la Norvège s’applique à faire respecter le principe selon lequel les soins de santé mentale doivent être administrés avec l’assentiment des patients. En 2017, la loi sur la santé a été amendée afin de renforcer le droit des patients de prendre les décisions qui concernent leur propre santé, a-t-il fait valoir. Le registre national des patients montre que le nombre d’hospitalisations involontaires a reculé de 14% entre 2016 et 2017, a précisé le chef de la délégation.

M. Sættem a ensuite déclaré que la disparition de mineurs non accompagnés des centres d’accueil était un problème complexe et préoccupant pour la Norvège. Les mineurs, a expliqué le Secrétaire d’État, peuvent choisir de séjourner ou non dans ces centres ; cela explique que les autorités aient des raisons de croire que les mineurs disparus ont en fait quitté les lieux de leur propre volonté, mais on ne peut exclure que certains d’entre eux soient victimes de trafiquants d’êtres humains ou de groupes extrémistes, a-t-il admis, avant d’ajouter que le nombre de mineurs non accompagnés disparus des centres d’accueil avait augmenté en 2016 et en 2017.

La délégation norvégienne était également composée, entre autres, de M. Hans Brattskar, Représentant permanent de la Norvège auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et de la sécurité publique ; du Ministère de la santé et des services sociaux ; et du Ministère des affaires étrangères.

La délégation a répondu aux questions des membres du Comité s’agissant, notamment, des questions relatives aux soins de santé mentale ; au placement à l’isolement ; à la définition de la torture ; à la lutte contre les violences faites, entre autres, aux femmes ; aux centres d’accueil pour migrants et à la situation des migrants mineurs ; ainsi qu’au cas de M. Breivik.

M. Jens Modvig, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport, a salué la rapidité avec laquelle la Norvège s’est dotée des institutions de surveillance des droits de l’homme nécessaires.
S’agissant de l’incorporation des dispositions de la Convention dans le droit interne norvégien, M. Modvig a suggéré à la Norvège de procéder de manière analogue à ce qu’elle avait fait pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et pour le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, soit une intégration par le biais de la Loi sur les droits de l’homme.

Le corapporteur a d’autre part relevé que l’institution nationale de droits de l’homme de la Norvège déplorait que des mineurs soient placés en garde à vue pendant plus de 24 heures sans être entendus par un juge. Il a suggéré à la Norvège de prendre des mesures pour que la garde à vue dans les commissariats ne dépasse jamais les 48 heures. M. Modvig a ensuite fait observer que le placement de détenus à l’isolement en tant que mesure disciplinaire restait un problème en Norvège. Les chiffres disponibles semblent montrer une augmentation massive de la détention à l’isolement dans les prisons norvégiennes, a-t-il insisté, avant de faire observer qu’il serait peut-être préférable que les recours déposés par les détenus contre cette pratique soient examinés non pas par les autorités carcérales, comme c’est le cas actuellement, mais par un organisme indépendant. D’autre part, a poursuivi le corapporteur, des informations reçues par le Comité laissent apparaître qu’en dépit de certains progrès, des préoccupations demeurent s’agissant de la persistance en Norvège de violences contre les enfants, contre les Sâmes et contre les personnes âgées.

M. Abdelwahab Hani, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Norvège, a notamment fait observer que, si le problème de la torture ne semblait pas se poser en Norvège, ce pays n’était cependant pas épargné par le problème des mauvais traitements, dont les victimes doivent être dédommagées et réhabilitées, a ajouté le corapporteur. Insistant sur le fait que la condition carcérale elle-même pouvait être source de problèmes de santé mentale, il s’est ému du triplement constaté des traitements de santé mentale forcés administrés dans les prisons norvégiennes.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Norvège et les rendra publiques à l'issue de la session, le 18 mai prochain.


Le Comité entendra demain à 15 heures les réponses du Sénégal aux questions qui lui ont été posées ce matin par les membres du Comité.


Présentation du rapport de la Norvège

Le Comité était saisi du huitième rapport périodique de la Norvège (CAT/C/NOR/8), préparé sur la base d’une liste de questions (CAT/C/NOR/QPR/8) soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. THOR KLEPPEN SÆTTEM, Secrétaire d’État au Ministère de la justice et de la sécurité publique de la Norvège, a insisté sur l’importance que son pays accorde à la collaboration avec la société civile, en particulier l’institution nationale de droits de l’homme, le mécanisme national de prévention [de la torture] et les organisations non gouvernementales, qui ont préparé un rapport parallèle. Le mécanisme de prévention s’est révélé être un instrument particulièrement actif et positif pour améliorer la condition des personnes privées de liberté, a-t-il affirmé, soulignant que ce mécanisme avait instauré un dialogue régulier non seulement avec la police, mais aussi avec les centres de détention et de santé.

Des progrès ont été accomplis en réponse aux recommandations antérieurement adressées à la Norvège par le Comité, a poursuivi M. SætteM. Tout d’abord, une forte réduction du nombre de personnes détenues pendant plus de 48 heures dans les locaux de police a été enregistrée entre 2013 et 2016 : de plus de 4000, on est arrivé à 639, a précisé le Secrétaire d’État. D’autres progrès sont à constater dans la réduction du nombre de mineurs placés en détention, qui est passé de 64 en 2010 à 25 en 2017, a-t-il ajouté. Conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, la détention de mineurs n’est envisagée que comme mesure de dernier recours, a-t-il fait valoir. M. Sættem a aussi fait état des progrès de son pays pour ce qui est de la détention à l’isolement, indiquant que des statistiques précises sont désormais disponibles en la matière, conformément à la demande du Comité.

Le Secrétaire d’État a toutefois indiqué être toujours préoccupé par le niveau de violence sexiste en Norvège, en particulier par le fait que de nombreuses victimes ne dénoncent pas ces crimes et ne demandent pas de soutien. Il a indiqué que la Norvège avait ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – instrument que les autorités sont en train d’appliquer.

Conformément aux dispositions de la Convention contre la torture, a ajouté M. Sættem, la Norvège s’applique à faire respecter le principe selon lequel les soins de santé mentale doivent être administrés avec l’assentiment des patients. En 2017, la loi sur la santé a été amendée afin de renforcer le droit des patients de prendre les décisions qui concernent leur propre santé, a fait valoir M. SætteM. Les patients disposant de leur capacité de consentement ne peuvent être hospitalisés ni traités contre leur volonté; il ne peut être dérogé à ce principe qu’en cas de risque de suicide et de mise en danger de la vie d’autrui. Le registre national des patients montre que le nombre d’hospitalisations involontaires a reculé de 14% entre 2016 et 2017, a indiqué le chef de la délégation norvégienne.

M. Sættem a ensuite déclaré que la disparition de mineurs non accompagnés des centres d’accueil était un problème complexe et préoccupant pour la Norvège. Les mineurs, a expliqué le Secrétaire d’État, peuvent choisir de séjourner ou non dans ces centres ; cela explique que les autorités aient des raisons de croire que les mineurs disparus ont en fait quitté les lieux de leur propre volonté, mais on ne peut exclure que certains d’entre eux soient victimes de trafiquants d’êtres humains ou de groupes extrémistes, a-t-il admis. M. Sættem a ajouté que le nombre de mineurs non accompagnés disparus des centres d’accueil avait augmenté en 2016 et en 2017. La Norvège a donc pris des mesures pour remédier à cette situation, notamment en augmentant le financement destiné au personnel d’encadrement des centres d'accueil et en simplifiant la procédure d’installation des mineurs non accompagnés. Les autorités ont aussi adopté des protocoles sur la manière de réagir à une disparition et de poursuivre les éventuels cas de traite d’êtres humains. Toutes ces mesures ont amélioré la situation des mineurs non accompagnés, ce qui aura pour effet de limiter le nombre de disparitions, a assuré M. Sættem.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JENS MODVIG, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de la Norvège, a salué la rapidité avec laquelle la Norvège s’est dotée des institutions de surveillance des droits de l’homme nécessaires. Il a cependant regretté les lacunes statistiques, estimant que des progrès seraient nécessaires en matière d’informations concernant la justice pénale et la psychiatrie. M. Modvig a insisté sur l’importance pour tous les pays d’adopter une définition commune de la torture et de produire des statistiques ventilées permettant au Comité d’évaluer le degré de respect de la Convention.

S’agissant de l’incorporation des dispositions de la Convention dans le droit interne norvégien, M. Modvig a suggéré à la Norvège de procéder de manière analogue à ce qu’elle avait fait pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et pour le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, soit une intégration par le biais de la Loi sur les droits de l’homme.

Le corapporteur a d’autre part voulu savoir combien de temps s’écoulait, en moyenne, entre le moment où une personne est arrêtée et le moment où elle peut consulter un avocat. Quel est la proportion de détenus qui se voient autorisés à être examinés par un médecin de leur choix et dans quelle mesure l’examen médical est-il conforme aux normes internationales en matière de respect de la confidentialité et du secret médical ? Compte tenu de l’importance de ces droits, il est utile que les États sachent exactement si les détenus en jouissent effectivement: la question se pose donc de savoir si la Norvège collecte des statistiques au sujet du respect des droits fondamentaux des personnes détenues, a souligné M. Modvig.

M. Modvig a observé que, depuis les amendements apportés au Code pénal en 2015, les mineurs ne peuvent pas être placés en détention préventive en Norvège, sauf « circonstances tout à fait extraordinaires » ; aussi, le corapporteur a-t-il souhaité en savoir davantage sur la nature de ces circonstances. Il a relevé que l’institution nationale de droits de l’homme de la Norvège déplorait que des mineurs soient placés en garde à vue pendant plus de 24 heures sans être entendus par un juge. Il a en outre suggéré à la Norvège de prendre des mesures pour que la garde à vue dans les commissariats ne dépasse jamais les 48 heures.

M. Modvig a ensuite fait observer que le placement de détenus à l’isolement en tant que mesure disciplinaire restait un problème en Norvège. Le rapport (paragraphes 26 à 36 et annexe statistique 3) montre que cette mesure a été appliquée 4018 fois en 2015 pour une durée moyenne de cinq jours et, dans 70 cas, pour une durée supérieure à 42 jours. À cet égard, M. Modvig a rappelé à la délégation que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Mandela) interdit l’isolement de détenus pendant plus de quinze jours consécutifs. De même, les Règles Mandela interdisent la détention à l’isolement de personnes handicapées, a souligné le rapporteur, avant de s’enquérir de la pratique de la Norvège dans ce domaine. Les chiffres disponibles semblent montrer une augmentation massive de la détention à l’isolement dans les prisons norvégiennes, a-t-il insisté. M. Modvig a fait observer qu’il serait peut-être préférable que les recours déposés par les détenus contre cette pratique soient examinés non pas par les autorités carcérales, comme c’est le cas actuellement, mais par un organisme indépendant.

D’autre part, a poursuivi le corapporteur, des informations reçues par le Comité laissent apparaître qu’en dépit de certains progrès, des préoccupations demeurent s’agissant de la persistance en Norvège de violences contre les enfants, contre les Sâmes et contre les personnes âgées. Les mesures de lutte contre la violence prises par le Gouvernement norvégien ont-elles eu un impact mesurable sur ces catégories de personnes vulnérables, a-t-il demandé ? M. Modvig a aussi voulu savoir la Norvège avait l’intention de lancer un nouveau plan d’action contre le viol et la violence sexuelle. Il semble qu’il y ait un consensus en Norvège pour constater que les allégations de viol ne font pas l’objet d’enquêtes suffisamment vigoureuses, a-t-il ajouté.

Qu’en est-il de la capacité des prisons norvégiennes à prendre en charge les détenus souffrant de troubles mentaux, a d’autre part demandé le corapporteur, faisant observer que ces détenus courent de plus grands risques que les autres de voir leurs droits bafoués ou d’être victimes de mauvais traitements, du fait notamment d’un manque de protection et d’un accès limité aux médicaments ? Le Comité estime que les détenus souffrant de troubles mentaux graves ne devraient en aucun cas être placés à l’isolement, a souligné M. Modvig.

Enfin, M. Modvig a rappelé que le principe de non-refoulement implique de ne pas renvoyer de personnes vers des pays où elles risqueraient de subir des actes de torture. Il a demandé à la délégation de décrire la procédure utilisée en Norvège pour déterminer l’existence ou non d’un tel danger avant d’expulser une personne.

Le corapporteur a par la suite fait observer que la définition du viol utilisée en Norvège n’était toujours pas conforme à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il a d’autre part souhaité connaître la position de la Norvège au sujet des Règles Mandela et a rappelé qu’elles avaient été adoptées à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies.

M. Modvig a en outre recommandé que des professionnels de santé, et non les personnels pénitentiaires, soient chargés de vérifier que les personnes placées à l’isolement peuvent effectivement subir ce traitement. Il a aussi recommandé que les personnes souffrant de maladie mentale ne soient pas incarcérées mais placées dans des institutions psychiatriques.

M. Modvig a insisté sur le fait que des milliers de cas de viol ne sont jamais dénoncés, pour diverses raisons, au nombre desquelles la qualité de l’accueil qui est réservé aux victimes dans les commissariats. Il s’est par ailleurs dit en désaccord avec le jugement de la délégation selon lequel l’avis d’une victime présumée concernant la qualité de l’enquête policière la concernant n’était pas pertinent ; M. Modvig n’en a pas moins salué la qualité des enquêtes policières concernant les dénonciations de viol en Norvège.

M. ABDELWAHAB HANI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Norvège, a salué la création d’institutions publiques indépendantes de surveillance et de protection des droits de l’homme, particulièrement en matière de prévention de la torture.

Le corapporteur a ensuite déploré le classement sans suite de plusieurs plaintes pénales relatives à des décès survenus après que des personnes eurent été arrêtées ou interpelées et immobilisées par la police. Il s’est enquis du résultat des enquêtes administratives ouvertes par le parquet suite à ces affaires. L’expert s’est également enquis des mesures prises par le Gouvernement pour mettre au point une méthode d’évaluation des programmes de formation destinés à éviter tout mauvais traitement ou usage excessif de la force par la police.

Qu’en est-il de l’accès des demandeurs d’asile à des personnels soignants dûment formés à la détection des signes de torture, conformément aux exigences du Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), a par ailleurs demandé M. Hani ? Les victimes de torture ont en général besoin de traitement dès leur arrivée dans le pays d’accueil, faute de quoi leur traumatisme risque de s’aggraver, a-t-il souligné.

M. Hani a d’autre part regretté que les services de l’État ne donnent pas systématiquement suite aux recommandations du mécanisme national de prévention (de la torture), comme cela a été constaté pour ce qui concerne le centre de rétention d’immigrants de Trandum, où le mécanisme a constaté, lors d’une récente visite, que 17% des personnes y étaient retenues depuis plus de cent jours, contrairement aux objectifs officiels. Le mécanisme s’est aussi alarmé du recours excessif à la force contre les personnes détenues et notamment de l’utilisation systématique de menottes lors de leur transport. Il faut que le recours à la force soit strictement proportionné, a rappelé M. Hani.

À l’instar de M. Modvig, M. Hani a lui aussi regretté le recours quasi-systématique à l’isolement cellulaire dans les prisons norvégiennes – une mesure dont même le Procureur général s’est ému, a-t-il relevé. Les détenus qui présentent des signes de maladie mentale ne doivent pas être placés en isolement et des mesures alternatives à la détention devraient être envisagées, a-t-il recommandé. Il s’est en outre enquis des mesures (de protection) provisoires prises, en attendant les résultats d’une enquête scientifique, afin d’éviter les violations des droits des personnes atteintes de troubles mentaux suite à l’application forcée de traitements par électrochocs.

Le transfert de prisonniers condamnés en Norvège pour purger leur peine dans une prison aux Pays-Bas soulève des problèmes en termes d’application (à ces prisonniers) du droit norvégien, puisque les gardiens de prison néerlandais ne connaissent pas le droit du pays d’origine, a par ailleurs fait observer le corapporteur. En outre, cette pratique n’est pas propice à l’application du modèle de réinsertion des détenus en vigueur en Norvège, a-t-il souligné. Il semble que de nombreux transferts se soient faits contre la volonté des condamnés, a ajouté M. Hani.

M. Hani s’est enquis inquiété d’informations portées à l’attention du Comité selon lesquelles les requérants d’asile sont traités de manière inhumaine et dégradante dans les centres de rétention norvégiens. Il a insisté sur le fait que les migrants ont eux aussi droit à un traitement humain, en particulier pour ce qui est du droit de consulter un médecin dès les premiers instants de la détention.

Si le problème de la torture ne semble pas se poser en Norvège, ce pays n’est cependant pas épargné par le problème des mauvais traitements, dont les victimes doivent être dédommagées et réhabilitées, a ajouté le corapporteur.

M. Hani a ensuite voulu savoir si le mécanisme national de prévention de la torture était doté des ressources dont il a besoin pour s’acquitter de son mandat.

Enfin, M. Hani a relevé que la Norvège contribuait de manière importante au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et a souhaité savoir si le pays entendait accroître sa contribution à ce Fonds. Le corapporteur a en outre souhaité en savoir davantage au sujet de l'importante initiative internationale à laquelle la Norvège participe en ce qui concerne les « techniques d'enquête non coercitives ».

S’agissant des requérants d’asile mineurs, M. Hani a par la suite souligné qu’il serait plus protecteur de tenir compte de l’âge du jeune au moment de son arrivée en Norvège plutôt que de son âge au moment de sa demande d’asile. Les demandes d’asile devraient être examinées le plus tôt possible, a-t-il recommandé.

M. Hani a d’autre part insisté sur le fait que la condition carcérale elle-même pouvait être source de problèmes de santé mentale. Il s’est ému du triplement des traitements de santé mentale forcés qui sont administrés dans les prisons norvégiennes.

D’autres membres du Comité se sont félicités de mesures prises par les autorités norvégiennes pour faire la lumière sur les disparitions de migrants mineurs non accompagnés. Demeure néanmoins un manque d’information sur le sort des migrants mineurs non accompagnés qui quitteraient « de leur plein gré » les centres d’hébergement, de sorte que l’incertitude persiste quant à la question de savoir s’ils sont tombés entre les mains de trafiquants d’êtres humains, a souligné une experte. Le Comité attend des réponses concrètes à ce sujet, et non des hypothèses, a-t-elle insisté.

Un expert a évoqué l’affaire Breivik – qu’il a jugée tout à fait inhabituelle dans un pays démocratique comme la Norvège – pour relever que le tribunal d’Oslo lui avait donné raison dans sa plainte contre ses conditions de détention, au motif qu’elles constituaient une violation de l’article 3 de la Convention. L’expert a voulu en savoir davantage sur ces conditions de détention. Ce même expert a ensuite demandé à la délégation de dire si des soldats norvégiens membres de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan avaient déjà eu à répondre de violations des droits de l’homme dans l’exercice de leur mission.

Une experte s’est appuyée sur un rapport d’Amnesty International pour déplorer le nombre très faible de condamnations pour des faits de violence sexiste et de viol, dû au manque de formation des personnels de justice concernés. L’experte s’est elle aussi inquiétée du placement de détenus à l’isolement et a cité le cas d’une personne ayant été ainsi isolée 1700 heures entre 2016 et 2017. Elle a recommandé à la Norvège de se doter d’un mécanisme de dédommagement des victimes de torture et de mauvais traitements. Selon l’organisation non gouvernementale We Shall Overcome, des femmes handicapées en Norvège sont victimes d’avortements ou de stérilisations forcés, a ensuite relevé l’experte, souhaitant connaître la réaction de la délégation face à cette accusation.

Une autre experte a demandé à la Norvège de prendre des mesures pour améliorer les conditions de vie des personnes placées en garde à vue dans le commissariat central de Bergen.

Il serait utile que la Norvège détermine clairement la raison pour laquelle des migrants mineurs disparaissent des centres d’accueil, a-t-il été souligné.

Réponses de la délégation

La délégation a tenu à souligner que si la Norvège estime « être sur la bonne voie », elle ne saurait pour autant se dire pleinement « satisfaite » de son bilan ; des progrès restent à faire en ce qui concerne, notamment, le traitement des personnes atteintes de troubles mentaux.

Le mécanisme national de prévention (MNP) a su nouer un dialogue approfondi avec toutes les parties concernées par son mandat, a d’autre part indiqué la délégation. Ce mécanisme a demandé par écrit aux institutions psychiatriques visitées de confirmer qu’elles avaient dûment tenu compte de ses recommandations en matière de traitement des patients internés, notamment pour ce qui est des moyens de contention utilisés.

Il n’existe pas de règle ou de norme juridique pour régir l’administration d’une électroconvulsivothérapie (ECT ou électrochocs), a admis la délégation. Dans la pratique, l’ECT ne peut être appliquée sans le consentement explicite du patient que dans des « situations d’urgence », lorsque la vie du patient est en danger, a-t-elle précisé, avant d’ajouter que lesdites « situations d’urgence » sont décrites dans un règlement. Dès mai 2018, des statistiques sur l’application de l’ECT seront récoltées par le biais des hôpitaux, a fait savoir la délégation.

Les hôpitaux vont désormais être tenus, à compter de la semaine prochaine, de tenir un registre des patients soumis à des électrochocs sans leur consentement explicite, a par la suite indiqué la délégation. La question – épineuse – est de savoir à partir de quel degré de risque pour la vie de la personne concernée le traitement peut et doit être administré sans son consentement explicite, a-t-elle souligné.

S’agissant des définitions de la torture et du viol, le législateur a préféré énumérer les actes incriminés plutôt que de reprendre tel quel le libellé des traités, a précisé la délégation. La Norvège est d’avis que sa définition de la torture est tout à fait conforme à celle de la Convention, a-t-elle ajouté. Les actes sexuels sans consentement de l’une des parties sont toujours considérés comme des crimes dans le droit national, a assuré la délégation. Les peines prévues dans ce cas sont proportionnées et dissuasives, conformément aux exigences du droit international, a-t-elle insisté.

La délégation s’est félicitée de l’attitude des forces de police norvégiennes, particulièrement soucieuses du respect des droits de l’homme et de lutter contre la torture et les mauvais traitements. Elle a rappelé que les policiers norvégiens suivent une formation de trois ans.

« Il faut modifier les mentalités, ce qui prend du temps et ne se reflète pas dans les statistiques », a ensuite fait observer la délégation.

La délégation a d’autre part indiqué que le Gouvernement norvégien n’entendait pas élargir le nombre de conventions incorporées dans le droit national par le biais de la Loi sur les droits de l’homme. Il n’en demeure pas moins que la Constitution oblige l’État à respecter les droits de l’homme figurant non seulement dans la Constitution, mais aussi dans les traités internationaux ratifiés par la Norvège.

S’agissant des forces militaires engagées aux côtés de l’ISAF en Afghanistan, la délégation a indiqué que son Gouvernement n’avait pas été saisi de plaintes concernant le comportement des soldats.

La délégation a indiqué qu’il s’est révélé parfois difficile de faire respecter l’obligation de ne détenir personne plus de 48 heures en garde à vue, essentiellement du fait du manque de places dans les prisons. Malgré cette réalité, plus personne n’est désormais détenu dans les cellules des commissariats au-delà de quelques jours, a assuré la délégation. Les autorités sont en train de modifier le règlement concernant cette forme de détention, afin d’encadrer plus étroitement le placement à l’isolement dans ces locaux. Les personnes concernées devraient aussi recevoir plus facilement des visites. La direction de la police s’apprête à introduire un nouveau manuel régissant l’utilisation des cellules dans les commissariats pour la garde à vue, en mettant l’accent en particulier sur le respect des droits fondamentaux des détenus, a ajouté la délégation. Le manuel s’appuiera sur les recommandations faites à la Norvège par des institutions nationales et internationales, a-t-elle précisé.

Le Gouvernement admet que la détention provisoire de mineurs peut se justifier, mais uniquement dans des circonstances exceptionnelles, a d’autre part indiqué la délégation. Ces circonstances ont fait l’objet d’une jurisprudence des tribunaux norvégiens, a-t-elle précisé, évoquant le cas d’une jeune fille placée en détention suite à un meurtre qu’elle avait commis. Ces dernières années, la Norvège est parvenue à réduire à 25 le nombre de mineurs mis en détention. Dans ce domaine, les autorités misent sur des mesures alternatives à la détention, axées sur la réhabilitation.

Le Gouvernement norvégien est d’avis que la détention d’enfants devrait être interdite conformément aux Règles Mandela, a assuré la délégation. En l’état actuel des choses, les autorités norvégiennes doivent laisser une certaine latitude aux autorités pénitentiaires pour faire face à certains cas précis, a-t-elle ajouté, évoquant le cas précis d’une jeune fille de 15 ans en conflit avec la loi qu’il a été jugé nécessaire de placer en détention du fait du risque qu’elle présentait pour ses congénères.

La mise à l’isolement comme mesure disciplinaire ne représente que 25% des cas, a d’autre part indiqué la délégation. L’éloignement des autres détenus n’implique pas obligatoirement une exclusion complète et ne constitue pas nécessairement une mise à l’écart prolongée au regard des normes internationales, a précisé la délégation. Les détenus qui souhaitent être isolés de leurs congénères peuvent être déplacés dans d’autres locaux. Quant aux détenus qui souffrent de maladie mentale, ils peuvent être isolés dans la prison d’Illa. Dans tous les cas, le placement à l’isolement est suivi de la mobilisation d’un médecin, les services de santé ayant le devoir de contrôler si des consultations quotidiennes s’imposent, a indiqué la délégation. Pour éviter qu’une personne atteinte de maladie mentale placée à l’isolement ne voie son état s’aggraver, il est prévu de lui faire bénéficier de mesures spéciales telles que des promenades quotidiennes accompagnées, a-t-il été précisé.

Les nouvelles directives sur la mise à l’isolement sont entrées en vigueur l’année dernière, raison pour laquelle il est trop tôt pour faire le bilan de leur efficacité, a poursuivi la délégation. À ce stade, il est toutefois possible de constater que la durée moyenne de l’isolement a reculé depuis l’adoption des nouvelles directives et de souligner que le but de ces directives est de mieux encadrer cette pratique.

Six prisonniers atteints de maladie mentale ont été soumis, dans la prison d’Illa, à un régime apparenté à l’isolement du fait de leur dangerosité pour les autres détenus et pour les gardiens, a ensuite indiqué la délégation. Une équipe est chargée depuis 2014 de trouver des mesures plus adéquates pour les détenus concernés; ainsi, des gardiens spécialement formés ont-ils été recrutés. Ces mesures feront bientôt l’objet d’une évaluation.

Les ministères compétents prennent très au sérieux la question de la prise en charge des personnes détenues atteintes de maladie mentale, a assuré la délégation. Différents dispositifs sont prévus, notamment des transferts vers des hôpitaux civils pour y suivre des traitements spécialisés ambulatoires. Les établissements carcéraux appliquent des procédures systématiques pour faire évaluer par des professionnels compétents l’état de santé mentale d’une personne détenue.

La Norvège a lancé un vaste programme de recherche scientifique sur l’utilisation de moyens de coercition dans les soins psychiatriques, a poursuivi la délégation. La tendance actuelle est au recours à des services de santé mentale ambulatoires, ce qui entraîne une baisse des placements en institution; la tendance est également au recours à des traitements non médicamenteux, ce qui devrait faire reculer l’administration forcée de médicaments antipsychotiques. Ainsi, le nombre d’hospitalisations a-t-il baissé de 14% entre 2016 et 2017, a fait valoir la délégation. Le Ministère de la santé exerce désormais une surveillance renforcée de l’utilisation par les autorités compétentes de moyens de coercition dans les institutions psychiatriques, a-t-elle indiqué.

La Direction de la santé est en train de définir, en collaboration avec des sujets concernés, de nouvelles filières de traitement réservées aux personnes atteintes de troubles de santé mentale et de dépendances – sur un modèle déjà appliqué avec succès au profit de patients atteints de cancer –, a ajouté la délégation.

S’agissant des allégations de violation de l’article 3 de la Convention au détriment d’une personne précise (NDLR : il s’agit de M. Breivik, jamais nommément mentionné), la délégation a indiqué que les tribunaux ont déjà jugé que les mesures de sécurité prises envers cette personne étaient justifiées, compte tenu notamment de la menace qu’elle représente pour ses codétenus ; mais le tribunal a aussi jugé que certaines mesures de sécurité qui lui sont imposées, comme le port de menottes, constituaient une lourde charge pour le détenu. Suite à une décision des tribunaux, il est envisagé d’autoriser la personne concernée à avoir une quantité limitée de contacts avec un certain nombre d’autres détenus, a ajouté la délégation. Entre temps, cette personne a déposé plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, dont la décision est attendue. Les conditions de détention de cette personne n’ont pas beaucoup évolué avec le temps, a souligné la délégation. Les restrictions imposées à ce prisonnier en matière d’accès aux autres détenus s’accompagnent de mesures compensatoires, comme par exemple des visites extérieures et des travaux en atelier, a ajouté la délégation.

S’agissant de la détention de personnes condamnées en Norvège dans une prison aux Pays-Bas, évoquée par un membre du Comité, la délégation a fait valoir que les deux pays ont ratifié quasiment les mêmes conventions internationales et ont tous deux reconnu la compétence des organes conventionnels pour recevoir des plaintes émanant de particuliers. De plus, la Norvège et les Pays-Bas partagent les mêmes objectifs en matière d’interdiction de la torture, a ajouté la délégation.

En réponse aux questions des experts concernant l’efficacité des mesures de lutte contre la violence envers les femmes, les enfants sâmes et les personnes âgées, la délégation a fait observer que les mesures prises pourraient bien, ou devraient, entraîner une augmentation des condamnations, ce qui correspondrait au fait que les abus sont désormais plus systématiquement dénoncés. En l’état, il est toutefois difficile de faire parler les chiffres, a ajouté la délégation.

Les autorités s’efforcent toujours de trouver de meilleurs moyens de prévenir les viols et d’enquêter sur de tels faits, a poursuivi la délégation. De nouveaux moyens d’action dans ce domaine sont en train d’être évalués, à la demande du Parlement. En la matière, les enquêtes de police sont déjà de très haut niveau, a assuré la délégation, estimant que les critiques à ce propos sont très subjectives. Le fait est que les enquêtes sont d’autant plus difficiles que les événements sont anciens, a rappelé la délégation. Cependant, il est toujours possible d’améliorer encore les techniques d’entretien avec les victimes, a-t-elle admis.

Les personnes handicapées disposent des mêmes droits à la procréation que les autres membres de la société, a ensuite assuré la délégation. Lorsqu’une femme souffre d’un handicap mental qui l’empêche de comprendre ce qu’implique une grossesse, une décision de stérilisation peut être prise à sa place par des personnes habilitées agissant de manière collégiale, a expliqué la délégation, avant de préciser qu’une seule demande de stérilisation avait été acceptée en 2017.

Les victimes de crimes violents ou leurs proches voire les témoins ont droit à un dédommagement de la part de l’auteur des faits, a en outre souligné la délégation, avant de préciser que les montants sont toutefois déboursés initialement par l’État.

Les migrants mineurs ne sont qu’exceptionnellement détenus, qui plus est pour des périodes ne dépassant pas, dans la grande majorité des cas, 24 heures, a souligné la délégation. Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile procèdent toujours à un contrôle médical, dans un délai pouvant atteindre 90 jours, a ajouté la délégation. Elle a défendu, pour des raisons liées à la grande superficie de la Norvège, l’existence de cinq centres d’accueil plutôt que la centralisation de tous les requérants dans un seul lieu, comme l’a recommandé un expert du Comité. Les personnels concernés sont formés à la détection des actes de torture susceptibles d’avoir été subis par les requérants d’asile, a ajouté la délégation.

Les requérants d’asile ne sont pas détenus dans les centres d’accueil et jouissent d’une totale liberté de déplacement, sauf décision de justice contraire et les tribunaux contrôlent alors régulièrement la validité des raisons ayant justifié une telle détention, a en outre souligné la délégation.

Revenant sur la disparition de migrants mineurs des centres d’accueil, la délégation a répété que ce phénomène était largement volontaire et que les mineurs concernés, en général proches de l’âge de la majorité, se rendent à l’étranger à la recherche de meilleures opportunités de vie. Il est difficile pour la police d’enquêter sur de tels faits et la situation doit être examinée au regard du grand nombre de mineurs arrivés en Norvège ces dernières années, a ajouté la délégation.


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