Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU BÉLARUS
Le Comité contre la torture a examiné, vendredi matin et cet après-midi, le rapport du Bélarus sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant ce rapport, M. Yuri Ambrazevich, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que l’objectif de son pays, depuis la proclamation de son indépendance en 1991, était l’instauration d’une société juste, dans laquelle les droits de l’homme soient pleinement réalisés. Soulignant que, dans un monde instable et turbulent, le Bélarus recherchait avant tout la stabilité, M. Ambrazevich a mis en avant le fait que son pays avait réussi à éviter les conflits ces dernières années, et qu’il accordait une grande importance à la paix, à la sécurité et à un développement stable et progressif.
Le Représentant permanent a ensuite indiqué que le Bélarus avait ratifié la Convention en 1987 et que sa Constitution garantissait l’interdiction des actes décrits par l’instrument. Aucune loi n’autorise des traitements cruels, inhumains ou dégradants, en aucune circonstance, a insisté M. Ambrazevich. Depuis la présentation du précédent rapport, a-t-il ensuite indiqué, le Bélarus a modifié son Code pénal pour y introduire une définition de la torture claire et conforme à la Convention.
Le Représentant permanent a ajouté que le Bélarus procédait actuellement à une révision du statut des magistrats pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il a indiqué que le parquet bélarussien contrôlait régulièrement les lieux de détention : ainsi, en 2017, quelque 1469 « actions de surveillance » ont été menées, entraînant des poursuites à l’encontre de 732 collaborateurs du Ministère de l’intérieur, a-t-il précisé. Le Représentant permanent a enfin informé le Comité que la Loi sur les étrangers avait été renforcée en y intégrant une disposition qui interdit l’expulsion de personnes vers des pays où leur vie ou leur sécurité serait menacée.
La délégation bélarussienne était également composée de hauts fonctionnaires représentant les Ministères de la santé, de l’intérieur et des affaires étrangères, de même que le Centre national de la législation et de la recherche juridique. Elle a répondu aux questions et observations des membres du Comité concernant – notamment – les conditions de la garde à vue au Bélarus, les visites de lieux de détention par des institutions indépendantes, le problème de la violence dans les prisons, l’indemnisation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, l’indépendance de la justice, les représailles contre des défenseurs des droits de l’homme, la peine de mort ou encore la formation du personnel médical et des forces de l’ordre à l’application des dispositions de la Convention
Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus, a félicité le pays d’avoir ratifié en 2016 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et d’avoir adopté un certain nombre de mesures, comme les amendements apportés aux lois sur la traite des êtres humains et sur la prévention du crime. Mais, a dit Mme Racu, le Comité a constaté que des représentants des autorités bélarussiennes avaient approuvé de manière informelle certains actes de torture. Il convient au contraire que la torture soit condamnée publiquement et sous toutes ses formes par les autorités supérieures, a rappelé l’experte, et que les autorités fassent savoir publiquement que les fonctionnaires responsables de tels abus répondront personnellement de leurs actes.
Mme Racu a en outre constaté que l’accès à un médecin en tant que garantie de procédure était, dans la pratique, largement ignoré au Bélarus. S’agissant de la garde à vue, Mme Racu a relevé que les autorités peuvent retenir une personne pendant dix jours sans inculpation, voire jusqu’à 18 mois après inculpation. La loi autorise aussi les procureurs, les magistrats instructeurs et les services de sécurité à prolonger la détention sans décision de justice, a-t-elle regretté. Et, si les justiciables concernés ont effectivement le droit de déposer des recours contre les mesures qui les frappent, les autorités ignorent généralement ces recours, a déploré Mme Racu.
Mme Felice Gaer, Vice-Présidente du Comité et corapporteuse pour l’examen du rapport bélarussien, a regretté que le Bélarus n’ait pas créé d’organisme capable d’enquêter de manière indépendante sur des allégations d’actes de torture imputables à des agents de l’État. Mme Gaer a souhaité savoir ce qu’il était advenu des enquêtes au sujet de la disparition forcée, pour des motifs politiques, de plusieurs personnes au Bélarus entre 1999 et 2000. Elle a demandé à la délégation de communiquer toute information au sujet des efforts faits pour traduire en justice les auteurs et les responsables de la disparition de MM. Yuri Zakharenko, Viktor Gonchar, Anatoly Krasovski et Dmitry Zavadsky. Elle s’est en outre émue du fait que des aveux obtenus sous la torture ont été acceptés par les tribunaux du Bélarus dans les affaires Smolyarenko, Evglevsky et Khmelevsky – trois personnes détenues par la milice et battues pendant leur détention.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Bélarus et les rendra publiques à l'issue de la session, le 18 mai prochain.
Le Comité entamera demain matin à 10 heures l’examen du rapport du Qatar (CAT/C/QAT/3).
Présentation du rapport du Bélarus
Le Comité était saisi du cinquième rapport périodique du Bélarus (CAT/C/BLR/5), préparé sur la base d’une liste de questions (CAT/C/BLR/QPR/5) soumise par le Comité.
Présentant ce rapport, M. YURI AMBRAZEVICH, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que l’objectif de son pays, depuis la proclamation de son indépendance en 1991, était l’instauration d’une société juste, dans laquelle les droits de l’homme soient pleinement réalisés. Soulignant que, dans un monde instable et turbulent, le Bélarus misait avant tout sur la stabilité, M. Ambrazevich a mis en avant le fait que son pays avait réussi à éviter les conflits ces dernières années, et qu’il accordait une grande importance à la paix, à la sécurité et à un développement stable et progressif. Dans ce contexte, a ajouté le chef de la délégation, le Bélarus, très attaché à la réalisation de ses obligations internationales – et notamment à l’application de la Convention contre la torture –, souhaite nouer un dialogue constructif avec le Comité pour améliorer ses propres outils d’action au plan national.
Le Représentant permanent a rappelé que le Bélarus avait ratifié la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1987 et que sa Constitution garantissait l’interdiction de ces actes. Aucune loi n’autorise des traitements cruels, inhumains ou dégradants, en aucune circonstance, a insisté M. Ambrazevich. Depuis la présentation du précédent rapport, a-t-il ensuite indiqué, le Bélarus a modifié son Code pénal pour y introduire une définition de la torture claire et conforme à la Convention. Quant au Code de procédure pénale, il prévoit désormais que toute personne détenue dans le cadre d’une enquête pénale et ayant porté plainte pour des faits de torture – ou d’autres traitements interdits par la Convention – qu’elle aurait subis de la part d’agents de l’État bénéficiera d’une suspension des poursuites pénales engagées contre elle jusqu’à résolution de sa plainte.
Le Représentant permanent a d’autre part indiqué que, ces cinq dernières années (entre 2012 et 2017), la justice du pays avait examiné quelque 43 plaintes de personnes se plaignant de leurs condamnations par les tribunaux, mais elles ont été considérées injustifiées. Quant aux plaintes concernant des détentions préventives, leur nombre a atteint 839 en 2015, dont 31 ont été admises ; 797 en 2016, dont 23 admises ; et 710 en 2017, dont 21 ont été admises.
Le Représentant permanent a ajouté que le Bélarus procédait actuellement à une révision du statut des magistrats, en vue de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il a par ailleurs indiqué que le parquet bélarussien contrôlait régulièrement les lieux de détention. Ainsi, en 2017, quelque 1469 « actions de surveillance » ont été menées, entraînant des poursuites à l’encontre de 732 collaborateurs du Ministère de l’intérieur, a-t-il précisé.
Le Ministère de la justice a installé des caméras de surveillance dans les lieux de détention ; les enregistrements vidéo peuvent être utilisés par le tribunal en cas de plainte, a ensuite fait valoir le Représentant permanent.
M. Ambrazevich a en outre souligné que le Bélarus avait adopté en 2014 une loi destinée à réprimer la criminalité et la violence au sein des familles et a précisé qu’une campagne d’information sur la manière de mettre un terme à ce problème avait été menée en 2017, suivie de l’adoption, en 2018, d’une loi-cadre sur la prévention de la violence domestique. Le Représentant permanent a enfin informé le Comité que la Loi sur les étrangers avait été renforcée en y intégrant une disposition qui interdit l’expulsion d’étrangers vers des pays où leur vie ou leur sécurité serait menacée.
Examen du rapport
MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus, a félicité le pays d’avoir ratifié en 2016 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et d’avoir adopté un certain nombre de mesures telles que les amendements apportés aux lois sur la traite des êtres humains et sur la prévention du crime. Elle a en outre salué l’application d’un plan visant à donner effet aux recommandations issues de l’Examen périodique universel.
Cependant, a dit Mme Racu, le Comité a constaté que certains représentants des autorités bélarussiennes ont approuvé de manière informelle des actes de torture. Il convient au contraire que la torture soit condamnée publiquement et sous toutes ses formes par les autorités supérieures, a-t-elle rappelé. Les autorités devraient faire savoir publiquement que les policiers ou gardiens responsables de tels abus répondront personnellement de leurs actes, et organiser des visites inopinées des lieux de détention. Mme Racu a insisté sur le fait qu’en ratifiant la Convention, le Bélarus s’est engagé à faire en sorte que l’interdiction de la torture soit effective et non dérogeable et soit soumise à la juridiction universelle.
Regrettant l’absence d’institution nationale de droits de l’homme au Bélarus, Mme Racu a fait observer que la création de ce type d’institution n’est pas une « mode politique » : elle correspond à une reconnaissance par l’État du besoin, dans la société, d’une autorité informelle, indépendante et dépolitisée pour faire contrepoids au comportement souvent arbitraire de l’administration et à l’injustice dont peuvent faire preuve les fonctionnaires.
Mme Racu a demandé à la délégation de dire dans quelle mesure les policiers au Bélarus font l’objet de poursuites pénales s’ils se rendent coupables de torture ou de mauvais traitements. Elle a demandé si la loi rend obligatoire l’enregistrement des interrogatoires. L’experte a en outre constaté que l’accès à un médecin en tant que garantie de procédure est, dans la pratique, largement ignoré au Bélarus. Pourquoi tant de policiers au Bélarus ne portent pas de plaque d’identification, a par ailleurs demandé la corapporteuse ? Elle a souhaité savoir qui était autorisé à visiter les lieux de détention et les institutions psychiatriques et s’est enquise du champ d’autorité des personnes ainsi autorisées.
S’agissant de la garde à vue, Mme Racu a relevé que les autorités peuvent retenir une personne pendant dix jours sans inculpation, et jusqu’à 18 mois après inculpation. La loi autorise les procureurs, les magistrats instructeurs et les services de sécurité à prolonger la détention sans décision de justice, s’est-elle en outre inquiétée. Si les justiciables concernés ont le droit d’engager un recours contre les mesures qui les frappent, les autorités ignorent généralement de tels recours, a déploré Mme Racu.
Le rapport ne dit rien des conditions matérielles dans les lieux de détention, a d’autre part regretté Mme Racu. De nombreuses sources d’information indiquent que la majorité des lieux de détention sont précaires et posent, parfois, des risques pour la vie et la santé des détenus. Les autorités ne publient pas de statistiques sur la morbidité et la mortalité en prison, pas plus qu’elles ne fournissent d’informations sur la situation sanitaire des prisonniers atteints de tuberculose, a également regretté la corapporteuse. Mme Racu a aussi fait observer que la surface dont dispose chaque détenu dans les prisons du Bélarus est bien inférieure aux normes européennes.
Mme Racu a ensuite regretté que le Bélarus ne prévoie pas de former les gardiens de prison au traitement des plaintes déposées par des détenus victimes d’actes de violence sexuelle en prison. Elle a en outre constaté que la pratique consistant à humilier les homosexuels détenus était héritée de l’ex-URSS. La corapporteuse a aussi rappelé qu’en 2014, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes avait condamné le harcèlement sexuel dont les femmes détenues sont victimes au Bélarus. Elle a voulu savoir quelles mesures avaient été prises pour améliorer la situation des femmes condamnées.
Mme Racu a relevé qu’il n’existe pas au Bélarus de système de justice pour mineurs et que les statistiques font défaut s’agissant du nombre d’enfants sous le contrôle de la justice. Elle s’est enquise des conditions de vie des détenus mineurs et a souhaité savoir s’il existe des programmes de réinsertion pour mineurs en conflit avec la loi.
Mme Racu a par ailleurs demandé à la délégation de donner des informations sur le niveau de violence entre détenus et sur l’existence d’une sous-culture et d’une hiérarchie criminelles en prison. La délégation a aussi été priée de fournir des renseignements sur les conditions de détention dans les institutions réservées aux toxicomanes et aux alcooliques.
La corapporteuse a d’autre part insisté sur l’importance de veiller à la qualité du personnel de surveillance des prisons, notamment pour ce qui est de sa capacité à adopter une attitude positive avec les personnes détenues. Elle a souligné que l’interaction entre gardiens et détenus était l’un des éléments de base de la Convention.
Mme Racu a ensuite rappelé que le Comité avait déjà demandé au Bélarus des renseignements au sujet du décès de plusieurs personnes placées en détention. Elle a cité le cas d’Ihar Barbaschynski, arrêté en mars 2015, mis en détention, battu par la police, envoyé à l’hôpital avec plusieurs fractures, arrêté une nouvelle fois en mai de la même année pour outrage à agent, placé en détention provisoire et finalement décédé en prison en septembre 2015. Mme Racu a voulu savoir si les autorités avaient procédé à une analyse des causes matérielles de tels décès en prison et si elles avaient pris des mesures pour y remédier. Elle a aussi prié la délégation d’expliquer l’écart important entre le nombre de plaintes pour décès en prison (170 entre 2012 et 2015, selon les informations en possession du Comité) et le nombre d’enquêtes réalisées par les autorités (cinq au total).
Mme Racu a également demandé à la délégation de décrire les conditions de vie des condamnés à mort qui attendent en prison l’exécution de la peine capitale. Elle a voulu savoir si le Bélarus envisageait d’appliquer un moratoire sur la peine de mort.
MME FELICE GAER, Vice-Présidente du Comité et corapporteuse pour l’examen du rapport du Bélarus, a regretté que le pays n’ait pas créé d’organisme capable d’enquêter de manière indépendante sur des allégations d’actes de torture imputables à des agents de l’État. Le rapport examiné par le Comité indique qu’entre 2012 et 2015, « les services du comité d’enquête ont reçu 614 plaintes concernant des actes abusifs commis par des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur ou d’autres organes chargés de l’application des lois » (paragraphe 170), a relevé Mme Gaer. Mais, toujours selon le rapport, seules dix plaintes ont entraîné des inculpations au titre du Code pénal et, sur ces dix cas, deux seulement ont été transmis aux tribunaux, a-t-elle fait observer, soulignant qu’il s’agissait là d’un taux de poursuites extrêmement faible.
Mme Gaer a ensuite demandé à la délégation de dire si les autorités comptaient renforcer l’indépendance du comité d’enquête susmentionné, dont « l’une des principales missions consiste à protéger les droits et intérêts légitimes des citoyens ainsi que les intérêts de l’État et ceux de la société et à respecter la légalité lors de l’examen des plaintes et déclarations faisant état d’infractions, de l’ouverture des poursuites pénales et de la conduite des enquêtes préliminaires » (paragraphe 234 du rapport).
Mme Gaer a en outre souhaité savoir ce qu’il était advenu des enquêtes au sujet de la disparition forcée, pour des motifs politiques, de plusieurs personnes au Bélarus entre 1999 et 2000. Elle a demandé à la délégation de communiquer toute information mise à jour au sujet des enquêtes menées et des efforts faits pour traduire en justice les auteurs et les responsables de la disparition de MM. Yuri Zakharenko, Viktor Gonchar, Anatoly Krasovski et Dmitry Zavadsky.
Mme Gaer a aussi prié la délégation de dire où en étaient les enquêtes au sujet d’allégations de torture subie par Maya Abromchick, Alex Mikhalevich, Andrei Molchan, Vladimir Neklayaev, Alexander Ostroschenkov, Pavel Plaska, Natalia Radima et Andrei Sannikov. Mme Gaer s’est dite frappée par une décision du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, rendue le 6 avril dernier, dans laquelle cet organe de traité décrit les innombrables tentatives faites par M. Sannikov auprès des différentes autorités bélarussiennes pour déposer officiellement une plainte pour faits de torture. Dans ces conditions, Mme Gaer a dit ne pas comprendre comment le Bélarus peut écrire au Comité que cette personne « n’avait pas déposé de plainte pour fait de torture auprès des autorités de surveillance ».
S’agissant des « commissions publiques de surveillance » [des lieux de détention] mentionnées dans le rapport aux paragraphes 119 et suivants, Mme Gaer a fait observer que leur manque d’indépendance ne les mettait pas en mesure de jouer un rôle effectif contre la pratique de la torture en prison. Elle a suggéré au Bélarus de créer une institution spécifique à cette fin et a voulu savoir si le pays entendait reconnaître la compétence du Comité de recevoir des plaintes individuelles, au titre de l’article 22 de la Convention.
Mme Gaer a regretté d’autre part que le Bélarus n’ait donné dans son rapport que très peu d’informations quant à ses efforts pour indemniser les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Elle s’est en outre émue du fait que des aveux obtenus sous la torture ont été acceptés par les tribunaux du Bélarus dans les affaires Smolyarenko, Evglevsky et Khmelevsky – trois personnes détenues par la milice et battues pendant leur détention.
S’agissant de l’indépendance de la justice, la corapporteuse a souligné que les magistrats qui font l’objet d’une plainte doivent pouvoir être entendus et les sanctions disciplinaires prises à leur encontre pouvoir faire l’objet d’un recours. Or, s’est inquiétée l’experte, des organisations non gouvernementales ont informé le Comité que le Président du Bélarus – outre son droit de nommer, promouvoir et rétrograder les magistrats – peut aussi infliger des sanctions disciplinaires à un juge en l’absence de toute procédure. La corapporteuse a par ailleurs voulu savoir si le Bélarus avait pris des mesures pour limiter le contrôle exercé par le Ministère de la justice sur le barreau.
Mme Gaer a demandé au Bélarus d’enquêter sur les allégations selon lesquelles M. Ales Bialiatski avait été arrêté et condamné en représailles de ses interventions dans les forums internationaux. La corapporteuse a fait observer que le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Comité des droits de l’homme des Nations Unies avaient, tous deux, estimé que les procédures lancées contre M. Bialiatski constituaient autant de violations de son droit à la liberté d’association.
L’experte a observé, d’autre part, que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, décrivant les conditions du procès de M. Oleg Volchek – accusé d’avoir participé à une manifestation non autorisée – s’était interrogé à cette occasion sur le degré d’indépendance dont jouissent effectivement les juges au Bélarus.
Enfin, Mme Gaer a regretté que le rapport ne donne pas d’information au sujet des poursuites lancées contre les responsables de violence contre les femmes et les enfants au Bélarus, malgré le fait que de nombreux rapports font état de la gravité de ce problème. La corapporteuse a voulu savoir où en était le projet de loi sur la prévention de la violence domestique, et en particulier si ce projet faisait de cette forme de violence et du viol marital des délits relevant du droit pénal.
Une autre experte s’est elle aussi inquiétée que l’exécutif bélarussien prenne souvent le pas sur le pouvoir judiciaire dans l’exercice de ses attributions. Cette experte a en outre demandé si les membres des forces de l’ordre étaient tenus de présenter une plaque d’identification sur demande.
Un expert s’est interrogé sur le fait que le rapport indique (au paragraphe 115) que « le rejet par le patient des valeurs morales (…) généralement acceptées par la société » peut être utilisé pour établir un diagnostic de trouble mental. L’expert a mis en garde contre le risque que cette position ne serve à justifier des traitements psychiatriques punitifs ou autres que médicaux. Le même expert a par ailleurs voulu savoir si le Bélarus serait prêt à autoriser les organisations de la société civile qui ont collaboré avec le Comité contre la torture à jouer un rôle, au Bélarus même, dans la surveillance des lieux de privation de liberté.
Un expert a relevé que treize crimes sont passibles de la peine de mort au Bélarus, ce qui relativise le caractère « exceptionnel » de l’application de la peine dans ce pays. Il a fait observer que, dans la jurisprudence du Comité, il est acquis que la personne condamnée à mort est, de fait, confrontée à des souffrances inhumaines, contraires aux dispositions de la Convention.
M. JENS MODVIG, Président du Comité, s’est enquis du nombre de personnels de santé – y compris le secteur de la santé mentale – employés à temps complet par le système pénitentiaire bélarussien. Il a aussi voulu connaître le nombre de médecins disponibles dans les institutions destinées aux personnes alcooliques ou atteintes de tuberculose. M. Modvig a en outre voulu savoir si le personnel médical et les forces de l’ordre étaient formés à la manière de faire appliquer les exigences de la Convention.
Réponses de la délégation
La délégation a expliqué d’abord que le Code pénal bélarussien érigeait la torture en délit et prévoyait des sanctions contre ceux qui y ont recours : la peine prévue va de 3 à 18 ans de privation de liberté. La définition de la torture figure à l’article 128 du Code pénal. L’article 394 du Code de procédure pénale complète cette disposition en interdisant les « aveux extorqués », quels que soient les moyens utilisés – y compris la torture et les traitements inhumains (alinéa 3). L’article 154 du Code pénal interdit l’usage de la torture psychologique et physique par les fonctionnaires. Autrement dit, a fait observer la délégation, tous les actes de torture sont punissables au Bélarus. Elle a précisé encore que les tribunaux refuseront un aveu obtenu sous la torture.
La délégation a déclaré ensuite que la question de la torture avait été examinée de manière publique, en collaboration avec la société civile de même qu’avec des partenaires, dans le cadre d’une consultation d’experts nationaux et internationaux le 20 avril dernier, à Minsk. Ce type de débats est devenu une pratique courante dans le cadre de l’application du premier plan pour les droits de l’homme du Bélarus, a dit la délégation. Et il est prévu d’organiser, en juin, une formation à ces questions, destinée aux fonctionnaires en charge des droits de l’homme.
S’agissant d’autre part des droits de la personne détenue, la loi exige que toute personne en garde à vue puisse s’entretenir avec un avocat et, sur demande, avec sa famille. Les entretiens avec l’avocat sont confidentiels, sans limite de temps ni de nombre. Toute personne arrêtée est informée des raisons de son arrestation. Elle peut s’entretenir avec un défenseur dans les 24 heures suivant l’arrestation. Les autorités doivent se prononcer dans le même délai sur le maintien en détention ou non de cette personne. Il n’est pas possible au Bélarus d’incarcérer quelqu’un de manière arbitraire, a assuré la délégation.
S’agissant des conditions de détention provisoire, de nouveaux centres seront ouverts près de Minsk dans les prochaines années. Les personnes arrêtées ont accès à un conseil juridique sans restriction. L’aide juridictionnelle est accordée sur demande ; la loi interdit d’imposer de tels services sans l’accord du condamné, a précisé la délégation.
Les détenus ont le droit de déposer plainte s’ils estiment que leurs droits sont bafoués par des agents de l’État ou par des organisations de la société civile. À cet effet, chaque établissement de détention contient une boîte aux lettres fermée, où les détenus peuvent déposer des lettres de plainte scellées. Toutes les allégations de torture ou de mauvais traitement donnent lieu à une enquête, durant laquelle les fonctionnaires suspectés sont suspendus. Le procureur peut se rendre à tout moment dans les lieux de détention et s’entretenir en tête à tête avec les détenus. Le Gouvernement est en train de prendre des mesures pour élargir l’accès des détenus aux voies de recours, a fait savoir la délégation.
La délégation a indiqué que le taux de mortalité en prison était comparable au taux dans la population générale.
La formation des personnels des prisons (y compris des centres de détention provisoire) est assurée par un institut universitaire spécialisé. Le Ministère de la santé supervise la formation continue des personnels soignants, y compris les médecins.
La délégation a indiqué que les visites réalisées dans les prisons bélarussiennes, y compris au Centre de détention préventive n° 1 de Minsk, n’avaient pas permis d’y détecter des actes de torture. Mme Racu s’étant inquiétée du mode de désignation des membres des instances chargées par l’État d’effectuer ces visites, la délégation a précisé que ces visites peuvent être faites par des organisations internationales, nationales et locales de la société civile – une association européenne de défense des droits des détenus a ainsi visité une prison pour femmes –, par des organisations religieuses et même par des organisations sportives. En outre, en 2017, quarante-six visites ont été organisées au profit des membres du corps diplomatique, pour rencontrer des détenus de leurs pays respectifs.
L’application des peines au Bélarus repose sur, notamment, les principes de l’individualité de la peine et de la réinsertion des détenus, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le Bélarus comptait 290 personnes détenues pour 100 000 habitants, et non 314 pour cent mille comme indiqué par un expert du Comité. Depuis 2010, quatre amnisties ont été proclamées, ayant abouti à la libération de 11% des détenus.
D’autre part, l’attitude des juges par rapport aux mineurs en conflit avec la loi a beaucoup évolué, a fait savoir la délégation, avec l’introduction de peines alternatives basées sur l’éducation.
S’agissant des conditions de détention : dans les colonies de redressement, chaque détenu dispose d’au moins deux mètres carrés ; dans les centres d’éducation (pour mineurs), d’au moins 3,5 m2 ; et dans les lieux de détention préventive, d’au moins 2,5 m2, a indiqué la délégation. Il a été précisé que les autorités avaient lancé un programme de rénovation ou de modernisation de plusieurs prisons.
S’agissant de la santé des détenus, toutes les personnes admises dans un lieu de détention subissent un test de dépistage de la tuberculose dans le cade de l’examen médical d’entrée, puis tous les semestres. Quant à la lutte contre le VIH/sida, elle répond aux normes en la matière édictées par l’Organisation mondiale de la Santé. Les résultats de tous les tests sont consignés dans les dossiers médicaux des patients, a dit la délégation.
Plus de 790 personnels qualifiés travaillent dans le service médical des prisons, a-t-il été précisé, y compris 55 psychiatres. Un suivi psychologique individualisé est assuré aux personnes détenues qui en ont besoin, en particulier en cas de tendance au suicide (19 cas pour cent mille dans les prisons bélarussiennes), d’alcoolisme et de toxicomanie, a assuré la délégation. En particulier le traitement des toxicomanies est assuré par des psychologues compétents. Le renvoi des détenus vers les établissements de santé publics est toujours possible.
La définition de la pathologie mentale au Bélarus s’appuie exclusivement sur des critères médicaux (classification internationale des maladies, dixième révision) et sur une expertise par des personnels compétents, a assuré la délégation en réponse aux questions d’un expert. Si le patient n’a pas sa raison, il peut effectivement être placé d’office dans un hôpital psychiatrique.
Les enfants victimes de violence au sein de la famille, ou du fait de bandes organisées, sont suivis par les services spécialisés du Ministère de l’intérieur, a informé la délégation.
S’agissant des décès de recrues dans l’armée du Bélarus mentionnés par un expert, le Ministère de la défense a ouvert le dialogue avec la société civile. Une étude statistique est en train d’être réalisée sur ces décès, surtout ceux imputables à des suicides, pour en déterminer les raisons précises. Les autorités suivent cette situation de près et ont pris des mesures pour éviter ce problème. Le Ministère de la défense a pris des mesures contre les officiers convaincus d’avoir bafoué la loi et pour interdire la violence dans la troupe. Le nombre de décès a diminué après l’adoption de ces mesures, a fait observer la délégation. Mais il s’agit de toute façon de cas isolés, a insisté la délégation.
La nouvelle loi consacre le principe d’indépendance de la justice : les magistrats sont indépendants sur tous les plans, a expliqué la délégation. Quant aux avocats, il ne saurait non plus y avoir d’ingérence dans leurs activités professionnelles, régies uniquement par la loi. La profession défend ses intérêts par le biais des associations du barreau. Un expert ayant émis des réserves sur la nomination de juges à la retraite pour traiter d’affaires en cours, la délégation a précisé que cette nomination était conditionnée au respect d’un certain nombre de conditions.
La délégation a fait état de l’existence au Bélarus de nombreuses institutions spécialisées chargées de défendre les droits des différentes catégories de citoyens – enfants, personnes âgées, personnes handicapées – ainsi que certains grands principes. Le Bélarus continue cependant d’étudier la question de la création d’une institution nationale de droits de l’homme. Il a organisé en novembre dernier un séminaire international sur les droits des enfants, afin de collecter des bonnes pratiques dans ce domaine.
De même, le Bélarus envisage d’organiser une séance thématique sur les droits de l’homme et envisage d’y inviter un représentant du Conseil des droits de l’homme. La délégation a précisé que son pays avait déjà reçu les visites de dix titulaires de mandat de procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.
S’agissant de la communication contre le Bélarus déposée par M. Andrei Sannikov, examinée actuellement par le Comité des droits de l’homme, la délégation a fait savoir que son Gouvernement estimait qu’en l’espèce, les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées.
Au sujet de la peine de mort, la délégation a souligné que cette sentence n’est pas interdite par le droit international. Au Bélarus, cette peine n’est applicable que dans des cas exceptionnels, impliquant des personnes ayant commis des crimes particulièrement abominables. Un groupe de travail est actuellement chargé de réfléchir à la question de « la peine de mort comme instrument de châtiment au Bélarus » : il a tenu trois réunions en 2017, dont une avec des organisations non gouvernementales et une avec le Rapporteur spécial du Conseil de l’Europe. En octobre 2017, son président, avec dix représentants d’organisations non gouvernementales, a participé à une réunion du Conseil de l’Europe consacrée à la peine de mort. D’autres visites d’experts auront lieu en 2018.
Récemment, un sondage a montré que 52% de la population bélarussienne n’était plus favorable à la peine de mort, a souligné délégation, estimant qu’il s’agissait peut-être là d’un renversement de tendance.
La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité en faisant valoir l’action de son Gouvernement contre la traite des êtres humains, notamment la création de mécanismes pour prévenir la traite et identifier puis réintégrer les victimes de ce phénomène. Elle a indiqué que le Bélarus collaborait étroitement dans tous ces domaines avec des partenaires au niveau international.
La loi du Bélarus progresse dans la bonne direction s’agissant de la portée des droits individuels des défenseurs des droits de l’homme, a estimé la délégation. De même, de grands efforts ont été consentis pour garantir l’indépendance des magistrats, a-t-elle mis en avant. Certaines condamnations illégales ont bel et bien donné lieu à des réparations pécuniaires au profit des victimes, a-t-elle enfin fait savoir.
Remarques de conclusion
Concluant la présentation du rapport, M. Ambrazevich a assuré que son pays condamnait toute menace de recours, et tout recours effectif, à la torture, un délit qui sera toujours poursuivi avec vigueur, conformément à la loi. Le Représentant permanent s’est dit convaincu que la présentation des rapports devant les organes de traités apportait une contribution importante à l’action des pouvoirs publics du Bélarus.
Enfin, M. CLAUDE HELLER ROUASSANT, membre du Comité, a souligné que le rôle du Comité était d’aider le Bélarus à se mettre en mesure de tenir les engagements qu’il avait pris en ratifiant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
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CAT18.004F