Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME OUVRE LES TRAVAUX DE SA CENT VINGT-DEUXIÈME SESSION
Le Comité des droits de l’homme a ouvert ce matin, au Palais Wilson à Genève, les travaux de sa cent vingt-deuxième session en tenant une réunion conjointe avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour célébrer le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il a par ailleurs adopté l'ordre du jour provisoire et le programme de travail de la session et a été saisi du rapport de son groupe de travail chargé de l'examen des plaintes de particuliers.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, dans un message vidéo adressé aux deux Comités, a rappelé que la communauté internationale reconnaissait que tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels étaient universels, indivisibles et interdépendants. La division de ces droits en deux Pactes avait été une réponse aux pressions politiques de l'époque de la guerre froide: les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement dépendent les uns des autres et doivent avancer ensemble. Les Comités ont également entendu la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Kate Gilmore, qui a souligné que la Déclaration universelle des droits de l'homme était issue des cultures et des traditions du monde entier et qu'elle reflétait les diverses traditions juridiques et religieuses. Elle a mis l'accent sur le rôle des deux Comités dans l'élaboration de législations, pour l'abolition de la peine de mort, pour donner aux États les outils dont ils ont besoin pour défendre les droits de l'homme de leurs populations. Mais cette célébration fait aussi office de rappel du chemin qui reste à parcourir.
La Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Mme Maria Virginia Brás Gomes, a pour sa part noté que, si les droits fondamentaux sont mieux respectés aujourd’hui qu’il y a sept décennies, les inégalités s’aggravent dans le monde d’aujourd’hui. Le Président du Comité des droits de l'homme, M. Yuji Iwasawa a quant à lui souligné que cette session conjointe n'était pas seulement l'occasion de célébrer l'impact de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais permettait aussi de progresser de manière à unir les efforts et renforcer la coopération entre les deux Comités. D'autres membres des deux Comités ont également pris la parole.
S'agissant des travaux menés par le groupe de travail sur les communications (chargé de l'examen de plaintes individuelles présentées au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte), sa rapporteuse, Mme Sarah Cleveland, a indiqué qu'il s’était réuni du 5 au 9 mars dernier pour examiner 35 communications, dont cinq ont été jugées irrecevables, et a constaté des violations des droits de l’homme s'agissant des 22 autres plaintes.
La séance publique du Comité a été suivie d’une séance à huis clos avec des organisations de la société civile des pays dont les rapports doivent être examinés lors de cette session, qui s’achèvera le 6 avril prochain. Il s’agit, dans l'ordre chronologique d'examen, du Guatemala, du Salvador, de la Norvège, du Liban, de la Hongrie et du Liberia.
Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l’examen du rapport du Guatemala (CCPR/C/GTM/4).
Célébration du soixante-dixième anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme
MME MARIA VIRGINIA BRÁS GOMES, Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a rappelé que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité. Cette aspiration à l'universalité de tous les droits de l'homme exige un nouveau sens de l'urgence. Si les droits fondamentaux sont mieux respectés qu’il y a sept décennies, lorsque la Déclaration universelle des droits de l'homme a été adoptée, les inégalités s’aggravent dans le monde. C'est aussi un monde de fractures croissantes: des privations matérielles et autres persistent abondamment en ce début de XXIe siècle. Les inégalités au sein des pays et entre les pays ont continué de croître; les fruits du développement ne sont pas partagés équitablement; les conflits ont détruit des vies et l'espoir d'un monde meilleur pour plusieurs; le changement climatique a touché le plus les plus vulnérables; tandis que les migrants et les réfugiés et tous ceux qui cherchent un paradis sûr et de meilleures opportunités pour leurs enfants sont confrontés à la fermeture des frontières. Les principes, valeurs et aspirations de la Déclaration universelle des droits de l'homme, concrétisés dans les deux Pactes internationaux et les principaux traités relatifs aux droits de l'homme, doivent guider les États pour garantir, plus que jamais, le respect de la dignité humaine.
Dans une déclaration enregistrée, M. ZEID RA’AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a souligné que l'universalité des droits de l'homme était ce qui liait l'humanité, avec toutes ses différences; toute vie humaine est précieuse, tous sont égaux en droits et dans la dignité. C'est cette universalité qui a donné à la Déclaration universelle des droits de l'homme une si grande résonance depuis 1948. Aucun autre document de l'histoire n'a été traduit dans autant de langues. Il a été dit que la Déclaration était ce que l'humanité a produit qui se rapproche le plus d'une «constitution mondiale». La Déclaration de Vienne va un peu plus loin dans cette notion d'universalité en reconnaissant que tous les droits de l'homme sont indivisibles et interdépendants. La division de ces droits en deux Pactes était une réponse aux pressions politiques de l'époque de la guerre froide: les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels et droit au développement dépendent les uns des autres et doivent avancer ensemble. Même si le droit de chacun de s'exprimer et de protester est reconnu, il ne peut être vraiment libre s'il est contraint par un manque d'éducation ou des conditions de vie inadéquates; et même une personne riche ne saurait être libre dans la crainte de la détention arbitraire par son gouvernement.
MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a noté que la Déclaration universelle des droits de l’homme avait été rédigée par des personnalités du monde entier, s’inspirant de droits figurant dans de grandes traditions juridiques et religieuses, ainsi que des traditions africaines d’interdépendance et de responsabilité collective, tissée d’idéaux issus de références coraniques relatives à la dignité universelle de l’humanité, à la justice, à la responsabilité envers les générations futures.
Mme Gilmore a souligné que la Déclaration avait été perçue comme un soutien puissant en faveur des mouvements de libération qui luttaient pour mettre un terme à l’exploitation coloniale. « Les droits de l’homme, a-t-elle rappelé, donnent aux peuples le pouvoir d’exiger des États qu’ils les servent au lieu de les dominer; que les systèmes économiques leur permettent de vivre dans la dignité et non pas de les exploiter; que les systèmes de prise de décision soient participatifs et qu’ils n’excluent pas, qu’ils soient redevables et non pas les démons de l’impunité ».
La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme a estimé que ce soixante-dixième anniversaire offrait une occasion de célébrer l’apport des travaux de deux comités emblématiques de l’architecture de la protection des droits fondamentaux. Ils ont notamment contribué à la rédaction de constitutions et de législations nationales pour des pays rejetant la dictature. Ils ont contribué à l’abolition de la peine de mort et incité à l’abandon de mesures d’austérité. Les travaux des deux Comités ont mené à l’élaboration de nouveaux traités des droits de l’homme qui sont passés de trois il y a un demi-siècle à neuf aujourd’hui. Ils ont contribué à fournir protection et réparations à un grand nombre de personnes face à l'injustice. En résumé, ces deux organes ont donné aux États les outils dont ils avaient besoin pour affirmer les droits fondamentaux de leur population, a souligné la Haut-Commissaire adjointe.
Mme Gilmore a constaté que le cinquantenaire des deux pactes coïncidait aussi avec le centenaire de la lutte en faveur du droit de vote des femmes, le centenaire de la naissance de Nelson Mandela et le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne menant à la création du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. En outre, le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale a été adopté il y a vingt ans, ainsi que la Déclaration en faveur des défenseurs des droits de l’homme. Mme Gilmore a aussi rappelé que Martin Luther King avait été assassiné il y a bientôt cinquante ans.
Chacun de ces événements constitue un jalon qui nous rappelle le chemin parcouru et qui nous pousse à réfléchir sur ce qui reste à accomplir, a-t-elle conclu. Elle a cité le survivant de la Shoah Elie Wiesel qui avait affirmé : «Tant qu'un dissident est en prison, notre liberté ne sera pas vraie. Tant qu'un enfant a faim, nos vies seront remplies d'angoisse et de honte». Elle a estimé que l’heure n’était toutefois pas à l’optimisme à cet égard.
La Haut-Commissaire adjointe a estimé nécessaire la mise en commun des contributions du Comité des droits de l'homme et du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a émis l’espoir que les prérogatives des organes conventionnels seraient renforcés et non pas rognées après 2020. Mme Gilmore a exhorté les membres des Comités à poursuivre leurs efforts, de concert avec le Haut-Commissariat, notamment en usant de leur influence auprès de l’Assemblée générale de l’ONU. Il ne faut pas tomber dans le piège tendu par certains en jetant l’opprobre sur le Haut-Commissaire et le Haut-Commissariat, a-t-elle averti, ajoutant que les droits de l’homme dérangent un groupe de privilégiés. Il est grand temps d’être beaucoup plus ferme dans des domaines tels que les droits fonciers des autochtones, les droits reproductifs des femmes et des jeunes filles, les droits des journalistes. Il faut conserver les acquis du passé et affronter bravement l’avenir, a conclu la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme.
Ont ensuite pris la parole des Vice-Présidents des deux Comités. Pour le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, M. Mohamed Ezzeldin Abdel-Moneim a notamment comparé les deux Pactes à un oiseau et suggéré que les deux comités étaient les ailes sans lesquelles l'oiseau ne pourrait voler. Mme Heisoo Shin a rendu un hommage aux innombrables défenseurs des droits de l'homme qui ont fait progresser les droits de l'homme. M. Zdzisław Kędzia a estimé que l’idée maîtresse de la décennie devait être la prévention, ajoutant que l’une des principales tâches de l’ONU en général consistait à assurer le suivi des recommandations des Comités. Pour le Comité des droits de l'homme, Ivana Jelic a souligné que la Déclaration universelle des droits de l'homme était la pierre angulaire de tous les instruments relatifs aux droits de l'homme, particulièrement dans les pays en transition. M. Yuval Shany a fait le point des progrès accomplis par la Déclaration universelle des droits de l'homme mais a déploré les coupures budgétaires dont ont souffert les organes conventionnels qui ne disposent plus de suffisamment de pouvoir et de ressources pour s'acquitter de leurs mandats. Mme Margo Waterval, Rapporteur du Comité des droits de l'homme, a souligné l'importance de l'éducation en faveur des droits de l'homme et l'importance cruciale du suivi des observations finales du Comité.
M. YUJI IWASAWA, Président du Comité des droits de l'homme, a déclaré que cette séance conjointe n'était pas seulement l'occasion de célébrer l'impact de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais constituait aussi un pas en avant dans l'unification des efforts et le renforcement des liens entre les deux Comités. Il a exprimé l'espoir que cette célébration marquera le début des travaux des deux Comités visant à renforcer leur engagement en faveur de la Déclaration et des droits qu'ils cherchent à protéger.
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CCPR/18/01F