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LE CONSEIL DÉBAT DE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN UKRAINE

Compte rendu de séance

Au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi un dialogue interactif avec la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.

Mme Gilmore a indiqué qu’au cours de ces trois derniers mois, le Haut-Commissariat a enregistré le plus petit nombre de victimes depuis le début du conflit, ce qui prouve que le cessez-le-feu et son respect protègent bien des vies. De manière générale, le Haut-Commissariat a pu avoir accès à toutes les zones sous l’autorité du pays, mais, a déploré Mme Gilmore, aucun accès n’a été possible dans les zones occupées par des groupes armés. De nombreux prisonniers ont été libérés par le Gouvernement ukrainien et par les groupes armés en vertu des Accords de Minsk, s’est ensuite réjouie la Haut-Commissaire adjointe. Après s’être entretenu avec certains prisonniers, le Haut-Commissariat a pu conclure à des violations des droits de l’homme en détention, notamment des détentions arbitraires, de la torture et des mauvais traitements, y compris des violences sexuelles, a-t-elle indiqué.

La Haut-Commissaire adjointe a ensuite présenté le travail de surveillance de la situation des droits de l’homme en Crimée, précisant que ce travail a dû être réalisé depuis l’Ukraine puisque le Haut-Commissariat n’a pas pu avoir accès à la péninsule. Au cours de ces six derniers mois, plusieurs opposants à l’occupation ont été condamnés ou arrêtés dans le cadre de procédures hautement discutables, a déclaré Mme Gilmore. Elle a ensuite présenté une série de cas de violations des droits de l’homme à l’encontre des Tatars de Crimée et des journalistes. En violation de la quatrième Convention de Genève qui interdit d’obliger des personnes protégées à exécuter un service militaire, quelque 4800 résidents criméens ont été envoyés en Fédération de Russie pour y servir dans les forces armées en 2017, a ajouté la Haut-Commissaire adjointe.

M. Sergiy Kyslytsya, Ministre adjoint des affaires étrangères de l’Ukraine, a déclaré que le dernier Examen périodique universel de l’Ukraine montre que le pays reste fidèle à ses engagements internationaux en matière de droits de l'homme. Personne ne peut accepter de leçon de morale de la part d’un criminel qui appelle à se conformer à la loi : ceux qui tuent, empoisonnent leurs propres citoyens, bombardent des écoles et des hôpitaux dans des pays étrangers n’ont aucune leçon à donner, a ensuite déclaré M. Kyslytsya.

De nombreux intervenants* ont ensuite pris part au débat. L’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie a été largement condamnée, une fois de plus, les délégations s’inquiétant en outre des multiples violations des droits de l’homme perpétrées dans les zones occupées du territoire ukrainien, notamment à l’encontre des minorités, et réitérant leur soutien à l’intégrité territoire de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues. De nombreux orateurs ont plaidé en faveur d’un accès libre, notamment pour des observateurs internationaux, aux territoires contrôlés par des groupes armés dans l’est du pays. La Fédération de Russie a, pour sa part, affirmé que les violations des droits de l'homme commises dans les Républiques de Louhansk et du Donbass sont de la responsabilité du Gouvernement ukrainien et de ses agents. La délégation russe a dénoncé la détention au secret, les arrestations arbitraires, le recours à la législation antiterroriste comme prétexte pour s’attaquer à l’opposition, ainsi que le manque de volonté politique de Kiev d’enquêter sur ces crimes.


Cet après-midi, le Conseil poursuit ses travaux en tenant un dialogue renforcé sur la République centrafricaine.


Assistance technique et renforcement des capacités : situation des droits de l'homme en Ukraine

Présentation

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a présenté le dernier rapport trimestriel sur la situation en Ukraine, qui couvre la période du 16 novembre 2017 au 15 février 2018. Au cours de ces trois derniers mois, le Haut-Commissariat a enregistré le plus petit nombre de victimes depuis le début du conflit, ce qui prouve que le cessez-le-feu et son respect protègent bien des vies, a-t-elle indiqué. De manière générale, le Haut-Commissariat a pu avoir accès à toutes les zones sous l’autorité du pays, mais, a déploré Mme Gilmore, aucun accès n’a été possible dans les zones occupées par des groupes armés.

Le Haut-commissariat a pu identifier 70 cas de violations des droits de l’homme y compris des atteintes aux droits à la vie, des privations de liberté, des disparitions forcées, de la torture et des mauvais traitements, de la violence sexuelle, et des violations des libertés fondamentales et des droits économiques et sociaux. Le Haut-Commissariat a, par ailleurs, mené 546 activités visant à renforcer la protection des droits de l’homme en coopération avec des organisations de la société civile et avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies, a indiqué Mme Gilmore.

De nombreux prisonniers ont été libérés par le Gouvernement ukrainien et par les groupes armés en vertu des Accords de Minsk, s’est ensuite réjouie la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme. Après s’être entretenu avec certains prisonniers, le Haut-Commissariat a pu conclure à des violations des droits de l’homme en détention, notamment des détentions arbitraires, de la torture et des mauvais traitements, y compris des violences sexuelles, a-t-elle indiqué.

Plus d’un million de passages sont enregistrés chaque mois le long de la ligne de contact, alors que cette zone est une des plus contaminées par les mines dans le monde, a poursuivi Mme Gilmore, avant d’ajouter que le Haut-Commissariat avait recommandé de prendre des mesures pour faciliter les mouvements de population le long de la ligne de contact. Le Haut-Commissariat encourage par ailleurs la prise de mesures administratives visant à faciliter l’enregistrement des civils qui vivent dans les zones occupées par des groupes armés. Dans le territoire contrôlé par les groupes armés, les résidents n’ont pas accès à la justice, a déploré Mme Gilmore, expliquant que des parodies de procès ont souvent lieu à huis clos.

La Haut-Commissaire adjointe a ensuite présenté le travail de surveillance de la situation des droits de l’homme en Crimée, précisant que ce travail a dû être réalisé depuis l’Ukraine puisque le Haut-Commissariat n’a pas pu avoir accès à la péninsule. Au cours de ces six derniers mois, plusieurs opposants à l’occupation ont été condamnés ou arrêtés dans le cadre de procédures hautement discutables, a déclaré Mme Gilmore. Elle a ensuite présenté une série de cas de violations des droits de l’homme à l’encontre des Tatars de Crimée et des journalistes. En violation de la quatrième Convention de Genève qui interdit d’obliger des personnes protégées à exécuter un service militaire, quelque 4800 résidents criméens ont été envoyés en Fédération de Russie pour y servir dans les forces armées en 2017, a ajouté la Haut-Commissaire adjointe.

Les activités du Mejlis, une institution d’autogestion du peuple des Tatars de Crimée, sont toujours interdites dans la Fédération de Russie et en Crimée, en dépit de l’avis de la Cour internationale de justice qui, en 2017, a ordonné à la Fédération de Russie de s’abstenir de maintenir ou d’imposer des limitations à la capacité de la communauté tatare de Crimée de conserver ses institutions représentatives, y compris le Mejlis. Rappelant que la Cour internationale de justice avait également demandé à la Fédération de Russie d’assurer la disponibilité d’une éducation en langue ukrainienne en Crimée, Mme Gilmore s’est réjouie que le Ministère de l’éducation de Crimée ait adopté il y a trois mois une feuille de route sur le choix de la langue dans l’éducation, qui vise à accroître l’accès à l’éducation de chacun dans sa langue maternelle.

Pays concerné

M. SERGIY KYSLYTSYA, Ministre adjoint des affaires étrangères de l’Ukraine, a déclaré que le dernier Examen périodique universel de l’Ukraine montre que le pays reste fidèle à ses engagements internationaux en matière de droits de l'homme. Il s’est félicité de l’adoption de la résolution 72/190 de l’Assemblée générale sur la situation des droits de l'homme en Crimée, mais estime aussi qu’elle doit tenir compte du fait que la résolution 61/205 avait été totalement ignorée par la puissance occupante. Le Ministre adjoint a ensuite déclaré que personne ne peut accepter de leçon de morale de la part d’un criminel qui appelle à se conformer à la loi : ceux qui tuent, empoisonnent leurs propres citoyens, bombardent des écoles et des hôpitaux dans des pays étrangers n’ont aucune leçon à donner, a insisté M. Kyslytsya, ajoutant qu’il faut bien « appeler un chat un chat. » Les élections présidentielles organisées par la Fédération de Russie en Crimée sont nulles et non avenues en ce qui concerne l’Ukraine, qui n’en reconnaît d’ailleurs pas les résultats.

Débat

L’Union européenne a dit condamner l’annexion des territoires ukrainiens par la Fédération de Russie. Pour sortir de cette crise, toutes les parties doivent mettre en œuvre leurs obligations au titre de l’Accord de Minsk, a-t-elle souligné. L’Union européenne a demandé à la Fédération de Russie de jouer de son influence sur les forces séparatistes afin qu’elles respectent cet Accord. La Finlande a, elle aussi, condamné l’annexion de la Crimée et a souhaité en savoir davantage sur l’évaluation qui est faite des restrictions imposées aux journalistes. L’Allemagne ne reconnaît pas non plus les annexions russes et condamne la tenue d’élections présidentielles dans les territoires annexés. L’Allemagne souhaite par ailleurs savoir comment s’assurer que les droits des personnes de langue ukrainienne soient respectés en Crimée.

La Croatie a demandé comment protéger les droits de l'homme des personnes qui vivent près de la ligne de contact. L’Estonie a condamné le fait que la Fédération de Russie continue d’imposer sa nationalité et la circonscription militaire aux personnes vivant dans la péninsule de Crimée.

Le Danemark a estimé qu’un accès doit être accordé aux observateurs internationaux dans toutes les régions occupées et s’est demandé comment garantir un tel accès. L’Espagne a dit appuyer cette demande d’accès et s’est en outre dite préoccupée par les restrictions imposées à la presse.

La Fédération de Russie a, pour sa part, affirmé que les violations des droits de l'homme commises dans les Républiques de Louhansk et du Donbass sont de la responsabilité du Gouvernement ukrainien et de ses agents. La délégation russe a en outre dénoncé la détention au secret, les arrestations arbitraires, le recours à la législation antiterroriste comme prétexte pour s’attaquer à l’opposition, ainsi que le manque de volonté politique de Kiev d’enquêter sur ces crimes.

La Pologne s’est dite gravement alarmée par les informations faisant état de conditions de détention inhumaines dans l’est de l’Ukraine. Elle est particulièrement inquiète d’une nouvelle loi ciblant les Témoins de Jéhovah, ce qui porte atteinte à la liberté de religion. La Pologne a par ailleurs déploré que les missions internationales de surveillance n’aient pas accès à la péninsule de Crimée et que les Tatars et les Ukrainiens de souche se voient dénier leurs droits fondamentaux.

La Hongrie a, quant à elle, fait part de sa préoccupation au sujet du respect des droits des minorités. Elle a invité le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à poursuivre ses activités en s’intéressant de plus près à la situation des minorités ethniques, linguistiques et religieuses vivant en Ukraine. La Hongrie s’est dite convaincue de la nécessité de mieux clarifier la nature et l’étendue des droits des personnes appartenant à des minorités nationales. L’article 7 de la loi ukrainienne sur l’éducation est contraire aux droits éducatifs et linguistiques, a ajouté la délégation hongroise. L’objectif de renforcer le rôle de la langue officielle ne peut justifier l’imposition de limites aux droits linguistiques et éducatifs des minorités nationales, a-t-elle insisté. La Hongrie est disposée à aider à la recherche de solutions à ce sujet.

La République tchèque a estimé que toute solution durable devait reposer sur le respect de la souveraineté de l’Ukraine, de son indépendance politique, de son unité et de son intégrité territoriale. Elle a exprimé sa préoccupation continue au sujet de la situation des droits de l’homme en Crimée illégalement annexée par la Fédération de Russie. Quant à la Suisse, elle s’est dite préoccupée par les nouvelles informations faisant état de privation arbitraire de liberté, de détention au secret, de torture et de mauvais traitements de part et d’autre du front. Elle souligne que toutes ces allégations doivent sans tarder faire l’objet d’enquêtes effectives. La Suisse est en outre préoccupée par l’entrave aux libertés fondamentales en Crimée.

La France regrette l’absence de progrès dans les enquêtes sur les victimes de la répression du Maïdan en février 2014. Elle déplore que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme ne bénéficie pas d’un accès libre aux territoires contrôlés par les groupes séparatistes, ainsi qu’en Crimée. La France est en outre préoccupée par la détérioration continue de la situation des droits de l’homme en Crimée, affectant notamment les Tatars. La France « reste fermement attachée au plein rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues ». Les États-Unis ont condamné toutes les exactions commises par les autorités d’occupation russes en Crimée et par les forces chapeautées par la Fédération de Russie dans l’est de l’Ukraine. Les États-Unis appellent la Fédération de Russie à donner libre accès à la mission d’observation afin qu’elle enquête sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Crimée occupée, qui demeure territoire ukrainien. L’Australie s’est dite déçue par le fait que les groupes armés de Donetsk et Louhansk continuent de refuser l’accès aux observateurs internationaux. Elle est également préoccupée par la lenteur de la mise en œuvre des réformes en Ukraine relativement aux droits humains, ainsi que par les tentatives gouvernementales de limiter la liberté d’expression, l’accès aux médias sociaux et le fonctionnement correct de la société civile.

L’Albanie a jugé particulièrement préoccupant l’usage persistant d’armes lourdes et de petit calibre par les parties au conflit, qui entraîne de nombreuses victimes civiles. Quatre ans après l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol, l’Albanie rappelle son attachement à la souveraineté de l’Ukraine. La Suède a relevé que quatre ans après son annexion, la Crimée connaît toujours une sombre situation des droits de l’homme. La Suède est préoccupée par la militarisation croissante de la péninsule et condamne la conscription forcée des Criméens dans les forces armées russes. La Suède a de nouveau condamné l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie et a rappelé qu’elle ne la reconnaissait pas.

La Lituanie reste préoccupée par les hostilités incessantes dans l’est de l’Ukraine, par les violations des droits de l'homme commises dans les territoires contrôlés par la Fédération de Russie, ainsi que par le refus d’accès aux lieux de détention. Elle a également dénoncé les violations commises en toute impunité en Crimée illégalement annexée, en particulier celles commises contre les Tatars. La Lituanie réitère son soutien à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, priant la Fédération de Russie de respecter les résolutions de l’Assemblée générale et de se conformer au droit international. La Lituanie s’est enquise auprès de Mme Gilmore des mesures qui pourraient être prises au titre du droit international pour garantir la reddition de comptes.

Les Pays-Bas ont réitéré leur préoccupation face à la situation des droits de l'homme en Crimée illégalement annexée et dans les zones de l’est de l’Ukraine contrôlées par la Fédération de Russie. Ils ont admis l’importance de lutter contre la campagne de désinformation, mais à condition qu’elle n’aboutisse pas à un bâillonnement des médias. Les Pays-Bas ont en outre demandé à Mme Gilmore comment des progrès peuvent être accomplis concernant l’accès des organisations humanitaires dans l’est de l’Ukraine et pour assurer la reddition de comptes. La Nouvelle-Zélande a plaidé pour la mise en œuvre pleine et entière des Accords de Minsk et pour un suivi de la situation des droits de l'homme en Ukraine, estimant que tant qu’il n’existera pas de règlement durable, la situation mérite un examen très attentif de la communauté internationale.

La Géorgie reste vivement préoccupée par l’évolution de la situation dans l’est de l’Ukraine et dans la Crimée occupée. Elle regrette que la Fédération de Russie ait de nouveau refusé l’accès au Haut-Commissariat en Crimée occupée et à Sébastopol. La Géorgie a ensuite salué l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale du 17 décembre 2017 qui envoie un message fort pour en finir avec l’impunité et qui prie la Fédération de Russie de respecter ses obligations en vertu du droit international. La Géorgie souscrit à la demande de mise en œuvre immédiate des Accords de Minsk. La Roumanie s’est, pour sa part, inquiétée des rapports alarmants faisant état de souffrances des enfants dans des conflits qui les touchent, y compris dans l’est de l’Ukraine où on leur refuse leurs droits fondamentaux, y compris le droit à la sécurité et à la protection. La Roumanie a souligné que la mission d’observation de l’ONU doit pouvoir avoir accès à la Crimée et à Sébastopol.

La Norvège a relevé que la situation s’est détériorée et a déploré que la Fédération de Russie refuse l’accès aux organisations de la société civile dans les territoires qu’elle occupe. L’Irlande déplore aussi que des observateurs internationaux ne puissent avoir accès ces territoires. Elle appuie les initiatives du Haut-Commissariat et réaffirme l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le Royaume-Uni condamne lui aussi ce refus d’accès, de même que le transfert de détenus ukrainiens dans les prisons russes ou encore la circonscription de résidents criméens dans les forces armées russes. La délégation britannique souhaite avoir une mise à jour sur les transferts d’armements et de personnels militaires opérés par la Fédération de Russie dans les régions occupées. La Lettonie appuie, elle aussi, l’intégrité territoriale de l’Ukraine et déplore le refus d’accès opposé aux observateurs internationaux ; le pays souhaite savoir si ce refus va perdurer. La Slovaquie aussi condamne ce déni d’accès aux zones sous contrôle des séparatistes, ainsi que les restrictions imposées à la presse dans ces régions. La délégation slovaque, qui appuie les Accords de Minsk, souhaite savoir ce qui pourrait être fait pour instaurer la confiance.

La République de Moldova est quant à elle favorable à un règlement politique de la crise et au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La Bulgarie appuie elle aussi l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Le Conseil de l’Europe a expliqué travailler avec l’Ukraine au renforcement de ses institutions et à la réforme du secteur judiciaire.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi pris part au débat. La Fondation de la Maison des droits de l'homme a estimé que si la politique agressive de la Fédération de Russie avait entraîné des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme en Crimée, cela ne dispensait pas l’Ukraine de faire le maximum pour protéger de ses citoyens dans la République autonome et à Sébastopol. L’Ukraine doit adopter des textes de loi garantissant une protection juridique et sociale aux victimes de la persécution politique infligée par les autorités d’occupation russes. L’ONG a déploré l’interruption des liaisons entre l’Ukraine et la Crimée, ce qui limite gravement la possibilité pour les citoyens ukrainiens de maintenir des liens avec leurs compatriotes criméens. Amnesty International a fait part de sa profonde préoccupation face à l’impossibilité pour les mécanismes internationaux de surveillance des droits de l’homme de se rendre sur le terrain. Amnesty International a évoqué par ailleurs le nombre croissant des procès politiques visant les voix dissidentes en Crimée qui, bien souvent, s’élèvent au sein de la communauté tatare.

La World Federation of Ukrainian Women’s Organizations a souligné qu’une grande partie de la société ukrainienne vivait aujourd’hui un traumatisme. Les soldats sont particulièrement touchés par les syndromes post-traumatiques, ce qui influence largement leurs activités professionnelles. Aujourd’hui, « la responsabilité de l’Ukraine est de s’engager plus activement pour protéger les droits de ses citoyens et citoyennes ». « Il serait primordial d’investir plus dans l’éducation des droits de l’homme, d’assurer des droits égaux à tous les niveaux et à tous les genres comme inclure des femmes dans la prise de décision, la médiation et la résolution du conflit », a conclu l’ONG.

Advocates for Human Rights a déploré la violence sexuelle exercée à l’encontre des femmes au cours des conflits armés. Ce n’est pas un phénomène spontané, a observé l’ONG, mais un reflet de la discrimination et de la violence préexistantes que les femmes subissent dans leur vie en temps de paix. Cette violence précède les conflits et persiste après qu’il y a été mis fin, a-t-elle souligné.

Le Mouvement indien « Tupaj Amaru » a dénoncé pour sa part la stratégie politique de l’Occident envers la Fédération de Russie. La Crimée a toujours fait partie de la Russie, a affirmé l’ONG. Son représentant s’est demandé pour quelles raisons les Occidentaux, qui ont reconnu l’indépendance du Kosovo, refusaient de reconnaître l’autodétermination de la Crimée et de la Catalogne.

Réponses et conclusions

MME GILMORE s’est félicitée de l’appui exprimé par de nombreux intervenants à la mission d’observation du Haut-Commissariat des droits de l'homme en Ukraine, ce qui est un signe d’adhésion. Aux délégués qui ont exprimé leur préoccupation et ont demandé ce qui pourrait être fait pour garantir l’accès à toutes les régions, elle a réitéré son intention d’aller partout où il le faut et a lancé un appel à la coopération de toutes les parties. Quant à la question de la nature des violations des droits de l'homme, elle a évoqué les infrastructures abîmées, les dommages subis par les écoles, les problèmes d’accès à l’eau et à la santé, ce qui constitue une négation de la dignité des gens dans leur vie quotidienne. L’intrusion est telle que même la liberté de religion est remise en cause, de même que les capacités institutionnelles, a ajouté Mme Gilmore.

En Crimée, des preuves indiquent que le droit à un procès équitable n’est plus respecté, les personnes en détention étant particulièrement vulnérables aux violations des droits de l’homme, a dit la Haut-Commissaire adjointe, évoquant des cas de torture, des mauvais traitements et des violences sexuelles. Faute d’accès à ces lieux de détention, les incitations pour pouvoir rendre la justice comme il se doit disparaissent. Quand on n’a rien à cacher, on n’a aucune raison de refuser l’accès aux prisons, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. En outre, la liberté de pluralisme de la presse n’est plus garantie et, dans ces circonstances, l’abus de pouvoir devient très facile ; quant à ceux qui expriment des opinions contraires, ils sont réduits au silence par la censure, a dit Mme Gilmore.

Mme Gilmore a aussi indiqué que l’obligation d’assurer l’éducation en langue ukrainienne n’était pas respectée en Crimée. La protection des langues minoritaires étant essentielle à la cohésion, comme l’a rappelé avec raison la Fédération de Russie, le Haut-Commissariat entend suivre cette question de près, a dit la Haut-Commissaire adjointe. S’agissant de l’élection présidentielle de dimanche en Russie, Mme Gilmore a souligné que l’Assemblée générale des Nations Unies a toujours soutenu que la Crimée est un territoire de l’Ukraine : raison pour laquelle seules les autorités de ce pays sont autorisées à y organiser un vote.

Mme Gilmore a souligné l’importance d’assurer l’accès à tous les observateurs, une condition prévue par les accords de Minsk. Observant en outre que l’impunité vient saper les efforts de rétablissement de la paix, elle a indiqué que le Haut-Commissariat travaillerait avec les acteurs de la société civile pour préserver les éléments de preuve et les témoignages, afin d’assurer des actions en justice au niveau international. Ce n’est que lorsque tous les droits seront respectés que la confiance pourra être rétablie, et la paix avec elle, a conclu la Haut-Commissaire adjointe.

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* Délégations ayant participé au débat: Union européenne; Finlande; Fédération de Russie; Allemagne; Croatie; Estonie; Danemark; Espagne; Suisse; Tchéquie; États-Unis; Pologne; Hongrie; Australie; France; Albanie; Suède; Lituanie; Pays-Bas; Nouvelle-Zélande; Géorgie; Roumanie; Norvège; Irlande; Lettonie; Slovaquie; République de Moldova; Conseil de l'Europe; Royaume-Uni; Bulgarie; Fondation de la Maison des droits de l'homme; Amnesty International; Advocates for Human Rights; Mouvement indien «Tupaj Amaru» et World Federation of Ukrainian Women's Organizations.


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HRC18.060F