Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DIALOGUE RENFORCÉ SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN ÉRYTHRÉE
Le Conseil a tenu cet après-midi, un débat interactif renforcé sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, auquel ont participé, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore; la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, Mme Sheila B. Keetharuth; le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits humains de la Commission africaine des droits de l’homme et du peuple, M. Remy Ngoy Lumbu; une représentante de l’organisation « Information Forum for Eritrea », Mme Veronica Almedon; et Mme Pamela DeLargy, spécialiste de santé publique.
Dans son intervention Mme Gilmore a déclaré que depuis quelques mois, le Haut-Commissariat est engagé dans un dialogue avec le Gouvernement de l’Érythrée pour lui fournir une assistance technique. Une mission du Haut-Commissariat a pu se rendre à Asmara, capitale de l’Érythrée, en octobre 2017; une mise à jour orale sur cette coopération sera présentée au Conseil le mercredi 14 mars prochain, a indiqué Mme Gilmore.
Mais en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en Érythrée, a poursuivi Mme Gilmore, le Haut-Commissariat a reçu ces dernières années des informations inquiétantes concernant, notamment, des restrictions à la liberté de religion, y compris des arrestations arbitraires de chefs religieux. Mme Gilmore a indiqué qu’en raison de l’accès difficile à ce pays, il était difficile de vérifier les allégations portées contre l’Érythrée. Toutefois, les rapports publiés récemment sur le sujet arrivent aux mêmes conclusions que celles déjà présentées en 2016 par la Commission d’enquête des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, à savoir l’existence de cas de torture et d’arrestation et détention arbitraires en Érythrée. D’autre part, a noté Mme Gilmore, la liberté d'expression n’existe pas en Érythrée, faute de média libre.
Mme Keethraruth a pour sa part déploré les violations des droits de l’homme commises sans infléchissement depuis au moins 2012, date à laquelle le Conseil a créé son mandat. Après les événements survenus à Asmara en 2017, d’autres noms se sont ajoutés à la liste des personnes mortes en prison, comme Hadji Musa Mohamednur, défenseur de la liberté, nonagénaire, mort en prison le 3 mars dernier quatre mois après son arrestation arbitraire. Il avait été arrêté en octobre 2017 et emprisonné au cours d’une vague d’arrestations qui a frappé des centaines de personnes qui manifestaient pour leur liberté d'expression, d’association et de réunion. Les manifestants contestaient en particulier une décision du gouvernement visant à interdire aux filles musulmanes d’être scolarisées dans l’école secondaire Al Diaa gérée par M. Mohamednur. Aujourd’hui, des sources dignes de foi ont informé la Rapporteuse spéciale qu’une seconde vague d’arrestations, lancée le 4 mars dernier, soit le jour de l’inhumation de M. Mohamednur, avait touché plusieurs centaines de personnes, a indiqué la Rapporteuse spéciale.
M. Ngoy Lumbu a jugé extrêmement préoccupante la situation des droits de l’homme en Érythrée et a rappelé que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples avait demandé aux Gouvernements éthiopien et érythréen de cesser les hostilités. Cependant, il y a des avancées positives, notamment la soumission en février dernier du premier rapport de l’Érythrée au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, rapport dont l’examen fournira l’occasion de passer en revue la situation générale du pays.
Mme Almedon a fait observer que pour une partie de la population, l’exil est la seule solution, dans un contexte où la peur d’être victime de mauvais traitements est un facteur récurrent d’exil des jeunes érythréens. Mme DeLargy a, quant à elle, rappelé que les Erythréens représentent une grande proportion des migrants qui arrivent en Europe par la Méditerranée et a souligné que nombre d’entre eux ont été victimes de violence au long de leur parcours.
Dans le cadre du débat qui s’est tenu suite à ces exposés – et en l’absence de toute délégation érythréenne – de nombreuses délégations* ont pris la parole. A particulièrement été déploré le manque de coopération des autorités de l’Érythrée avec les mécanismes onusiens, une attitude d’autant plus regrettable que, comme l’ont souligné de nombreux intervenants, persistent dans ce pays des violations des droits de l'homme, notamment la durée illimitée du service militaire et les atteintes portées à la liberté de religion et de conviction. Il est primordial que les autorités érythréennes coopèrent et respectent leurs engagements internationaux, en particulier ceux pris dans le cadre du second cycle de l’Examen périodique universel, a-t-il été rappelé.
En fin de séance, Israël a exercé son droit de réponse.
Le Conseil se réunira demain, à partir de 9 heures, pour tenir un débat de haut niveau sur la situation des droits de l’enfant en Syrie, suivi d’un dialogue interactif avec la commission d’enquête sur la Syrie. Il tiendra ensuite des dialogues interactifs avec les commissions d’enquête sur le Soudan du Sud et sur le Burundi.
Dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Érythrée
Remarques liminaires
MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que depuis quelques mois, le Haut-Commissariat est engagé dans un dialogue avec le Gouvernement de l’Érythrée pour lui fournir une assistance technique. Une mission du Haut-Commissariat a pu se rendre à Asmara, capitale de l’Érythrée, en octobre 2017. Une mise à jour orale sur cette coopération sera présentée au Conseil le mercredi 14 mars prochain, a indiqué Mme Gilmore.
Mais en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en Érythrée, a poursuivi Mme Gilmore, le Haut-Commissariat a reçu ces dernières années des informations inquiétantes concernant, notamment, des restrictions à la liberté de religion, y compris des arrestations arbitraires de chefs religieux. Mme Gilmore a également déclaré qu’en raison de l’accès difficile à ce pays, il était difficile de vérifier les allégations portées contre l’Érythrée. Toutefois, les rapports publiés récemment sur le sujet arrivent aux mêmes conclusions que celles déjà présentées en 2016 par la Commission d’enquête des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, à savoir l’existence de cas de torture et d’arrestation et détention arbitraires en Érythrée. D’autre part, a noté Mme Gilmore, la liberté d'expression n’existe pas en Érythrée, faute de média libre : tous sont en effet contrôlés par l’État. Et l’Érythrée figure au 179e rang sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse en 2017, a relevé Mme Gilmore.
Par ailleurs, les jeunes Érythréens continuent de subir le service militaire indéfini, bien au-delà de la durée de 18 mois inscrite dans la loi. Ceux qui essaient d’en échapper ou de déserter, après parfois dix ans de vie sous les drapeaux, risquent la prison où ils sont soumis à la torture. Le Haut-Commissariat appelle le Gouvernement à appliquer sans plus de délai la Constitution de 1997, qui n’est jamais entrée en vigueur, et à lutter contre l’impunité.
Si le Haut-Commissariat apprécie l’engagement progressif des autorités avec les Nations Unies, les organisations régionales et les donateurs, il espère que ce processus mènera vers des résultats concrets. Il se félicite aussi de l’acceptation de 92 recommandations lors du second cycle de l’Examen périodique universel du pays et souligne que la mise en œuvre des recommandations serait un bon début.
Exposés des panélistes
MME SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, a déploré les violations des droits de l’homme commises sans infléchissement depuis au moins 2012, date à laquelle le Conseil a créé son mandat. Le rapport, cette année, est principalement axé sur le droit à la liberté et à la sécurité pour toute personne, autrement dit le droit de ne pas être soumis à l’arrestation ni à la détention arbitraire, la liberté d'expression, la liberté de religion ou de conviction, le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique – entre autres droits de l'homme.
Le rapport montre ainsi que le Gouvernement de Érythrée continue de détenir des personnes jusqu’à ce que mort s’en suive. Après les événements survenus à Asmara en 2017, d’autres noms se sont ajoutés à la liste des personnes mortes en prison, comme Hadji Musa Mohamednur, défenseur de la liberté nonagénaire, mort en prison le 3 mars dernier quatre mois après son arrestation arbitraire. Il avait été arrêté en octobre 2017 et emprisonné au cours d’une vague d’arrestations qui a frappé des centaines de personnes qui manifestaient pour leur liberté d'expression, d’association et de réunion. Les manifestants contestaient en particulier une décision du gouvernement visant à interdire aux filles musulmanes d’être scolarisées dans l’école secondaire Al Diaa gérée par M. Mohamednur.
Aujourd’hui, des sources dignes de foi ont informé la Rapporteuse spéciale qu’une seconde vague d’arrestations, lancée le 4 mars dernier, soit le jour de l’inhumation de M. Mohamednur, avait touché plusieurs centaines de personnes, dont un enfant de 13 ans, a dit la Rapporteuse spéciale. Selon Mme Keetharuth, le Gouvernement essaie de présenter les manifestations liées à l’école Al Diaa comme le fruit d’une conspiration musulmane. Mais, en réalité, ces arrestations font suite à la politique d’interférence du gouvernement dans les affaires des religieuses. Le Gouvernement a ainsi fermé en octobre 2017 un séminaire pour mineurs qui offrait une éducation religieuse catholique à Asmara ; un prêtre et un deux religieuses ont été arrêtés pour avoir refusé de divulguer la liste de leurs étudiants. Le Gouvernement a également fermé six centres médicaux gérés par l’église catholique, fermé le séminaire orthodoxe et arrêté le patriarche orthodoxe d’Asmara.
Sur le plan économique, c’est la stagnation. De nombreuses entreprises – restaurants, cafés, pharmacies, cinémas, studios photos ou hôtels à Asmara et Keren – ont fermé ces derniers mois, après le changement des billets de banque en 2015 et la limitation des retraits monétaires. Ces entreprises, a indiqué Mme Keetharuth, étaient accusées de conserver des espèces par-devers elles et de ne pas déposer leur argent dans les banques. Certaines ont appris leur fermeture par simple apposition d’un « taashigu », un décret du ministère de l’intérieur. Enfin, l’accès à l’Érythrée reste difficile, voire impossible, tandis que les Érythréens qui diffusent des informations à l’étranger risquent la détention, a dit la Rapporteuse spéciale.
M. RÉMY NGOY LUMBU, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, a souligné que la situation des droits de l’homme en Érythrée était extrêmement préoccupante aux yeux de la Commission, et ce depuis de longues années. Le Rapporteur spécial a indiqué que la Commission avait déjà demandé au Gouvernement de l’Érythrée de mettre un terme aux déportations, de respecter le cessez-le-feu avec l’Éthiopie et de tenir ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme. La Commission a aussi fait part de sa préoccupation s’agissant de l’arrestation arbitraire et de la détention sans procès de membres de l’opposition, de journalistes, d’anciens ministres et de fonctionnaires.
Le Rapporteur spécial s’est cependant réjoui que le Gouvernement érythréen ait soumis, le 22 février 2018, son rapport initial au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, couvrant la période de 1999 à 2016. Rédigé en concertation avec les organisations de la société civile érythréenne, l’examen de ce rapport sera l’occasion de nouer un dialogue constructif avec le Gouvernement érythréen, a espéré M. Lumbu.
MME VERONICA ALMEDON, de l’Information Forum for Eritrea, a souligné que le parti politique au pouvoir en Érythrée, le Front populaire de libération de l'Érythrée, dominait tous les secteurs de la société. Cette domination brutale d’une société dans son ensemble blesse la population et nuit à sa cohésion. Pour une partie de la population, la seule solution est l’exil, la peur des mauvais traitements étant un facteur important de la fuite des jeunes Érythréens.
La situation des droits de l’homme en Érythrée ne fait qu’empirer, a ensuite souligné Mme Almedon. Les mesures qui limitent les droits de l’homme – tel le service national de durée indéfinie – pourraient au moins avoir comme objectif d’améliorer la situation en Érythrée, mais il n’en est rien : au contraire, les infrastructures se détériorent, les coupures d’électricité sont récurrentes. Les décisions arbitraires et irresponsables ne sont pas le reflet de la société érythréenne dans son ensemble, a expliqué Mme Almedon. Le mandat créé par le Conseil reste le seul moyen, pour les victimes érythréennes et pour les défenseurs des droits de l’homme, de dénoncer les abus institutionnalisés commis par les autorités.
MME PAMELA DELARGY, spécialiste de santé publique, a regretté qu’il ne soit pas tenu compte, dans les débats sur les violations des droits de l’homme en Érythrée, des besoins de protection des Érythréens de la diaspora. Or, les Érythréens représentent une grande partie des migrants qui arrivent en Europe par la Méditerranée, a souligné l’experte. Nombre d’entre eux sont victimes de violence, de traite des êtres humains et d’enlèvement tout au long de leur parcours. Les Érythréens représentent aussi le plus grand groupe de réfugiés en Libye, a ajouté Mme DeLargy ; d’autres ont cherché refuge au Yémen, au milieu des bombardements. Elle a évoqué son travail accompli auprès des réfugiés à Calais, en France, où se trouvent de nombreux Érythréens mineurs et non accompagnés. L’experte a insisté auprès des pays pour qu’ils prennent en compte les difficultés psychologiques et matérielles que rencontrent les Érythréens.
Débat
L’Union européenne, regrettant le manque de mesures sincères pour remédier aux problèmes déjà soulevés par le Conseil, a exhorté le Gouvernement érythréen à coopérer avec les mécanismes onusiens, à envisager une coopération plus étroite avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et à respecter la liberté de religion et de croyance. L’Union européenne a demandé à la Rapporteuse spéciale son évaluation générale concernant les droits de l'homme en Érythrée. L’Australie a encouragé l’Érythrée à renforcer sa coopération avec le mandat du rapporteur, à élargir son espace démocratique et à respecter les traités des droits de l'homme auxquels elle est partie. L’Australie s’est inquiétée des violations des droits fondamentaux des femmes et des filles érythréennes, des détentions arbitraires et de la torture.
La Norvège s’est dite préoccupée par les violations graves des droits de l'homme en Érythrée. Elle a jugé vital de faire la lumière sur les progrès accomplis par l’Érythrée et sur les domaines où d’autres mesures sont à prendre. Elle a demandé aux panélistes des idées sur la manière de renforcer l’État de droit en Érythrée. La Suisse a regretté le manque d’information vérifiable sur la situation en Érythrée en raison de l’absence d’accès libre et indépendant à ce pays. Elle a encouragé l’Érythrée à renforcer durablement sa coopération avec le Haut-Commissariat. Évoquant l’organisation d’un atelier sur l’administration de la justice à Asmara, il y a plusieurs mois, la Suisse a demandé aux panélistes leurs recommandations prioritaires s’agissant du suivi dans ce domaine. Elle s’est également interrogée sur l’appui spécifique que le Haut-Commissariat peut offrir à l’Érythrée pour la préparation des rapports destinés aux organes de traités.
La Chine a souligné les progrès réalisés par l’Érythrée en matière de protection des droits de l'homme, et a invité les parties à aborder la situation dans une perspective tenant compte de tous les tenants et aboutissants. Les États-Unis ont, eux aussi, souligné les efforts récents de l’Érythrée pour se rapprocher de la communauté internationale, mais estimé que l’Érythrée devrait aller plus loin encore. Ils ont que demandé au Gouvernement érythréen d’améliorer le fonctionnement de la justice et les conditions de détention. Les États-Unis se sont dits très préoccupés par la durée indéfinie du service militaire obligatoire, qui empêche les jeunes Érythréens de poursuivre une carrière.
La France a déploré l’insuffisance des mesures prises par l’Érythrée pour mettre en œuvre les recommandations de la Rapporteuse spéciale. La France a encouragé les autorités érythréennes à poursuivre le dialogue engagé avec le Haut-Commissariat – et à faire en sorte qu’il se traduise par des mesures concrètes.
La Grèce a dit que l’Érythrée, même si elle montre des signes positifs, doit encore montrer sa bonne volonté à la communauté internationale, notamment en mettant fin à la détention arbitraire et en respectant la liberté de religion ou de conviction. Ainsi, la délégation grecque demande-t-elle que les biens de la communauté orthodoxe grecque d’Asmara qui ont été confisqués par le Gouvernement érythréen soient rendus à cette communauté, en plein respect de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations diplomatiques. Le Royaume-Uni reconnaît les signes d’engagement montrés par le Gouvernement de l’Érythrée, mais lui demande d’aller plus loin en coopérant et en s’ouvrant à la communauté internationale. Dans ce contexte, la délégation britannique a souhaité savoir quels autres domaines de coopération sont possibles, en dehors de l’Examen périodique universel. L’Irlande a elle aussi appelé le Gouvernement érythréen à se montrer plus coopératif.
Le Venezuela a réitéré sa position de principe selon laquelle il est opposé aux mandats visant spécifiquement des pays, en particulier lorsque ces mandats ne bénéficient pas du soutien du pays concerné. Du point de vue du Venezuela, l’Examen périodique universel est le seul mécanisme pertinent pour aborder la situation des droits de l'homme dans les pays ; le Conseil doit respecter la Charte des Nations Unies et rejeter toute application de « deux poids, deux mesures ». Le Soudan a rejoint cette analyse, mettant en avant la nécessité d’établir une coopération avec l’État concerné. Le Soudan plaide pour qu’une assistance technique soit accordée à l’Érythrée. Cuba est également d’avis qu’il faut au préalable épuiser tous les moyens dont dispose le Conseil avant de prendre des mesures qui ne bénéficient pas du soutien des pays visés. Cuba propose en outre que les organisations régionales soient davantage impliquées.
On peut toujours dénoncer une politisation des droits de l'homme, mais on ne peut nier la situation que vivent les Érythréens, a pour sa part souligné Djibouti, déplorant que l’Érythrée rejette le mandat de la Rapporteuse spéciale et refuse toute coopération avec elle, alors que les violations des droits de l'homme se poursuivent dans ce pays et que 13 ressortissants djiboutiens y sont détenus depuis 2008.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont également pris la parole. Le Mouvement international de la réconciliation a déploré que toutes les formes de répression de la part des autorités érythréennes continuent de plus belle. Les forces de sécurité ont tiré il y a peu contre des étudiants à l’occasion d’une manifestation et les arrestations de chrétiens se sont multipliées ces dernières années. L’Érythrée est l’un des pays à l’origine du plus grand nombre de réfugiés.
L’Article 19 - Centre international contre la censure regrette que la situation de la liberté d’expression ne se soit pas améliorée dans le pays et a condamné la répression exercée, notamment, contre des manifestants qui s’opposaient à la fermeture d’une école, alors que de nombreux journalistes se trouvent, eux, en détention. East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a demandé si le Haut-Commissariat aux droits de l'homme était en mesure de communiquer les résultats de sa coopération avec le Gouvernement érythréen, s’agissant notamment de la question des journalistes détenus dans le pays. Lors des dernières manifestations, la police a tiré dans la foule, sans qu’aucune enquête n’ait par la suite été menée, ni qu’aucune information n’ait émergé concernant cette répression contre des manifestants, a ajouté l’ONG.
Center for Global Nonkilling a souligné que la communauté internationale attendait toujours la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête. L’ONG a attiré l’attention sur un certain nombre de cas de personnes détenues en prison sans procès.
Human Rights Watch a rappelé que de nombreuses résolutions du Conseil avaient condamné les violations systématiques des droits de l’homme en Érythrée. Le Conseil s’est également dit préoccupé par l’enrôlement à vie de la population (dans l’armée), a rappelé l’ONG. Malheureusement, l’Érythrée fait fi des résolutions du Conseil. Dans ce pays, de nombreux prisonniers sont détenus au secret et sans procès. Il faut mettre en pratique le principe de la juridiction universelle pour poursuivre les individus auteurs des violations des droits de l’homme dans le pays, a affirmé l’ONG.
Amnesty International a fait part de son inquiétude face à la recrudescence des pays dans le monde qui n’acceptent pas les réfugiés érythréens, alors que la plupart des Érythréens sont enrôlés dans le service national érythréen pour une période indéfinie et n’ont pas de salaire. Amnesty international a par ailleurs dénoncé l’ingérence du Gouvernement érythréen dans les affaires religieuses.
United Nations Watch a dénoncé les atteintes à la liberté religieuse en Érythrée. Dans le dernier rapport de la Rapporteuse spéciale, cette question n’est que survolée, a regretté l’organisation. La situation dans les prisons est elle aussi extrêmement préoccupante, alors que des containeurs sont utilisés en guise de cellules, a ajouté l’ONG.
Le représentant de Christian Solidarity Worldwide a dénoncé l’interpellation et la mise au secret de son père en 2001, à l’occasion d’une veillée funéraire. Depuis 17 ans, aucune enquête n’a été faite sur cette disparition. Il faut continuer à exercer des pressions sur l’Érythrée jusqu’à la restauration de l’état de droit et la libération des prisonniers de conscience.
Conclusions des panélistes
MME GILMORE a assuré que le Haut-Commissariat n’aura de cesse de présenter un bilan précis de sa coopération avec le Gouvernement érythréen ; il travaille précisément à des projets en ce sens, y compris dans le domaine de l’administration de la justice, a-t-elle précisé. Le respect mutuel ne dépend pas uniquement de la manière dont on tombe d’accord, mais aussi de la manière dont on gère les désaccords, a-t-elle souligné, ajoutant que les attaques verbales contre les titulaires de mandat étaient inacceptables.
Pour ce qui est de son évaluation globale de la situation des droits de l'homme en Érythrée, MME KEETHARUTH a répondu à l’Union européenne qu’elle n’avait constaté aucun progrès, tout en soulignant le problème du manque d’accès au pays et aux informations. Les revendications de respect des droits de l'homme du Gouvernement ne sont donc pas vérifiables, a-t-elle ajouté. Pour ce qui est des progrès accomplis, la Rapporteuse spéciale a indiqué que très peu des mesures concrètes nécessaires avaient été adoptées par le Gouvernement.
M. NGOY LUMBU a regretté l’absence de la délégation érythréenne. Il a espéré obtenir des réponses de la part du Gouvernement érythréen à l’occasion de la réunion de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, en Mauritanie, ce printemps.
Quant à savoir comment aider la Rapporteuse spéciale et comment les États membres peuvent interagir plus efficacement avec la délégation érythréenne, MME ALMEDOM a souligné qu’il est certes important de dialoguer, d’ouvrir des discussions, mais que cela est difficile si la principale partie prenante est absente (comme c’est le cas aujourd’hui).
MME DELARGY a souligné, au sujet de la violence sexuelle et sexiste, que les réfugiées ont besoin d’aide. Pour améliorer la situation des droits de l'homme et assurer le rapatriement des Erythréens, il faut assurer la normalisation des relations dans la région, avec la communauté internationale et plus particulièrement avec l’Éthiopie, revenir aux principes sur lesquels a reposé l’indépendance du pays, et assurer la réconciliation en Érythrée et avec les émigrés, ce qui passe aussi par la libération des détenus politiques.
Droit de réponse
Israël a réagi aux interventions faites aujourd’hui par l’Iran et la Syrie, estimant que les termes utilisés par les délégations de ces pays étaient inacceptables dans une enceinte onusienne et qu’il s’agissait d’une vaine tentative de cacher les épouvantables violations des droits de l’homme commises dans ces deux pays. Soixante-dix ans après la création de l’État d’Israël, certains États membres nient toujours la réalité et refusent de reconnaître l’État d’Israël, a regretté la délégation israélienne. Elle a affirmé que son pays était une démocratie florissante, respectueuse des droits de l’homme universels et propice au développement humain. L’État d’Israël est fier de concrétiser la vision sioniste du rétablissement du peuple juif sur son territoire historique, a ajouté la délégation. L’Iran et la Syrie, qui méprisent les droits humains de leurs populations, ne sont certes pas en situation de remettre en question les réussites d’Israël, a-t-elle conclu.
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* Délégations ayant participé au débat: Union européenne; Norvège; Suisse; États-Unis; Australie; France; Chine; Grèce; Venezuela; Soudan; Djibouti; Royaume-Uni; Irlande; Cuba; Mouvement international de la réconciliation; Article 19 - Centre international contre la censure; Center for Global Nonkilling; Human Rights Watch; East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project; Amnesty International; United Nations Watch et Christian Solidarity Worldwide.
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HRC18/038F