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LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME TIENT SON DEBAT ANNUEL SUR LES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES

Compte rendu de séance
Il se penche plus particulièrement sur l’accès des personnes handicapées à la justice

Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, son débat annuel sur les droits des personnes handicapées, consacré cette année à l’article 13 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui traite de l’accès à la justice.

Ont participé à ce débat les cinq panélistes suivants : Mme Maria Soledad Cisternas Reyes, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le handicap et l’accessibilité ; Mme Catalina Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées ; Mme Theresia Degener, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées; M. Oumarou Siddo Nouhou, pour African Disability Forum and International Disability Alliance; et Mme Ana Peláez Narváez, Vice-Présidente exécutive de la CERMI Women’s Foundation et Vice-Présidente du Forum européen des personnes handicapées.De nombreuses délégations* ont pris part au débat.

Dans une déclaration liminaire, Mme Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a souligné que les personnes handicapées se heurtent souvent à des difficultés d’accès à la justice, en raison de différences de traitement, de contraintes financières ou tout simplement parce qu’elles ne peuvent pas se faire comprendre ou s’exprimer devant la police ou les juridictions. Or, les pays, en accédant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, se sont engagés à résoudre ces problèmes, a-t-elle rappelé. L’étude sur l’article 13 de la Convention que le Haut-Commissariat a préparée sur demande du Conseil préconise non seulement que les États mettent en place des aménagements procéduraux et des procédures de participation des personnes handicapées dans l’administration de la justice, mais aussi que soient abrogés les vieux cadres légaux qui, s’agissant des personnes handicapées, conduisent à la détention arbitraire, aux mauvais traitements ou à la privation du droit à un procès équitable, a indiqué Mme Gilmore.

L’article 13 de la Convention prévoit que « les États Parties assurent l’accès effectif des personnes handicapées à la justice, sur la base de l’égalité avec les autres, y compris par le biais d’aménagements procéduraux et d’aménagements en fonction de l’âge, afin de faciliter leur participation effective, directe ou indirecte, notamment en tant que témoins, à toutes les procédures judiciaires, y compris au stade de l’enquête et aux autres stades préliminaires ». Il prévoit également qu’« afin d’aider à assurer l’accès effectif des personnes handicapées à la justice, les États Parties favorisent une formation appropriée des personnels concourant à l’administration de la justice, y compris les personnels de police et les personnels pénitentiaires ».

Dans son intervention, Mme Cisternas Reyes a notamment rappelé que la capacité juridique (des personnes handicapées) doit être promue par le personnel de police et par les personnels judiciaires et pénitentiaires et être encouragée par les États parties. Mme Devandas Aguilar a quant à elle souligné que le droit d’accès à la justice est un droit indispensable pour la mise en œuvre des autres droits. Elle a rappelé qu’une justice qui n’est pas une justice pour tous n’est pas une bonne justice. Mme Degener a pour sa part expliqué que les personnes handicapées se voient nier leurs droits en matière d’accès à la justice car les bâtiments judiciaires et administratifs ne leur sont pas accessibles et les procédures orales excluent les aveugles, sourds ou encore les handicapés mentaux.

M. Nouhou a présenté une série de recommandations en faveur de l’accès à la justice des personnes handicapées en Afrique de l’Ouest, recommandant notamment aux gouvernements d’harmoniser leurs législations avec les dispositions de la Convention et d’assurer la formation et l’emploi des personnes destinées à apporter une assistance pour l’accès des personnes handicapées à la justice. Mme Narváez a indiqué qu’à la veille de la Journée internationale des femmes, les femmes handicapées veulent saisir le Conseil de leurs revendications en tant que femmes dans un domaine aussi important que celui de la justice. Même quand un État reconnaît l’égalité de tous devant les tribunaux, l’accès à la justice est interdit à des milliers de femmes handicapées à travers le monde lorsqu’elles tentent de faire valoir leurs droits, a-t-elle dénoncé.


Demain matin, à 10 heures, le Conseil débattra du rapport annuel présenté ce matin par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme.


DEBAT ANNUEL SUR LES DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES

Le Conseil était saisi du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur «le droit d’accès à la justice au titre de l’article 13 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées» (A/HRC/37/25).

Remarques liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré qu’elle allait essayer de faire cette déclaration dans un langage simple, afin de montrer comment l’on peut rendre l’information accessible aux personnes atteintes d’handicap mental, sans recourir à un jargon et aux acronymes. Le Conseil devrait faire de même, et pas uniquement lorsqu’il discute des questions relatives aux personnes handicapées, a-t-elle dit, ajoutant aussi que le Haut-Commissariat a contracté des services pour produire des rapports faciles à lire.

La Haut-Commissaire adjointe a ensuite souligné que les personnes handicapées se heurtent souvent à des difficultés d’accès à la justice, en raison de différences de traitement, de contraintes financières ou tout simplement parce qu’elles ne peuvent pas se faire comprendre ou s’exprimer devant la police ou les juridictions. Or, les pays, en accédant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, se sont engagés à résoudre ces problèmes, a-t-elle rappelé, avant de se féliciter des initiatives prises par certains pays, comme la Colombie et le Mexique, dont les cours suprêmes ont demandé aux juridiction de rédiger des jugements accessibles aux personnes handicapées, ou encore comme la Finlande, qui propose des sites internet accessibles, et l’Azerbaïdjan, qui autorise les personnes handicapées à témoigner devant les juridictions. D’autres pays ont promis aux personnes handicapées de prendre davantage part aux procédures judiciaire, comme le Chili, l’Éthiopie, le Pérou ou encore l’Allemagne, où les personnes handicapées peuvent être juges, avocats ou membre de jury, a fait observer Mme Gilmore.

La Haut-Commissaire adjointe a ensuite déclaré qu’alors que l’on se célèbrera demain la Journée internationale de la femme, il faut être conscient des discriminations intersectorielles qui frappent les femmes handicapées en termes d’accès à la justice. L’étude sur l’article 13 de la Convention que le Haut-Commissariat a préparée sur demande du Conseil (document A/HRC/37/25) préconise non seulement que les États mettent en place des aménagements procéduraux et des procédures de participation des personnes handicapées dans l’administration de la justice, mais aussi que soient abrogés les vieux cadres légaux qui, s’agissant des personnes handicapées, conduisent à la détention arbitraire, aux mauvais traitements ou à la privation du droit à un procès équitable, a indiqué Mme Gilmore.

Exposés des panélistes

MME MARIA SOLEDAD CISTERNAS REYES, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le handicap et l’accessibilité, a abordé le droit d’accès à la justice des personnes handicapées au regard de l’objectif 16 (paix, justice et institutions efficaces) du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en s’interrogeant sur les défis posés dans ce contexte aux pouvoirs judiciaires étatiques en ce XXIème siècle. Elle a recouru aux dispositions clés de la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui insistent sur l’égalité des personnes handicapées avec toutes les autres composantes de la population. En somme, il s’agit ici, dans le cadre du débat de cet après-midi, d’évoquer les questions d’aménagements procéduraux, de formation, d’accessibilité et de capacité juridique, a souligné l’Envoyée spéciale. Elle a recommandé la mise sur pied de cours et de tribunaux ouverts à la diversité, dans le fond comme dans la forme, de manière à rendre fonctionnelle la pratique de la justice pour tous « sans laisser personne de côté ».

L’article 13 de la Convention se réfère aux aménagements procéduraux dans le sens le plus large et donne la possibilité au législateur de chaque pays de les aligner avec la législation nationale en vigueur. Dans cette optique, les tribunaux ont le loisir de compléter les aménagements prévus par la loi. D’un autre côté, le juge pourra recourir au sens commun dans un cas concret, a précisé Mme Cisternas Reyes.

L’Envoyée spéciale a ensuite souligné que la capacité juridique (des personnes handicapées) doit être promue par le personnel de police et par les personnels judiciaires et pénitentiaires et être encouragée par les États parties. Elle a ajouté que l’interdépendance des droits de l’homme apporte un autre éclairage pertinent qui renvoie à l’accessibilité universelle, c’est-à-dire qu’il ne saurait y avoir d’accès concret à la justice si les bâtiments des organismes de l’administration de la justice ne sont pas physiquement accessibles. D’autre part, il faut que les États parties promeuvent des mécanismes efficaces de supervision garantissant une accessibilité adéquate ; le pouvoir judiciaire devrait être exemplaire à cet égard. Toute personne handicapée doit en outre disposer de recours judiciaires adéquats, ce qui figure clairement dans les cibles de l’objectif 16 du Programme 2030 exigeant responsabilité, efficacité et transparence des organes judiciaires. Mme Cisternas Reyes a insisté sur la date butoir de 2030 pour que les Objectifs de développement durable soient concrètement réalisés.

MME CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a souligné la nature profondément transformatrice du droit d’accès à la justice. Il s’agit d’un droit indispensable pour la mise en œuvre des autres droits, a-t-elle fait valoir. Les personnes handicapées disent souvent qu’elles ont des bonnes lois dans leur pays mais que personne ne les respecte, a expliqué la Rapporteuse spéciale ; cela devrait sonner comme un rappel à l’ordre vis-à-vis du droit international, puisque cela signifie qu’un traité (et plus particulièrement la Convention relative aux droits des personnes handicapées) n’est pas appliqué. Le droit à l’accès à la justice ne signifie pas seulement le droit d’avoir accès à un tribunal ; cela englobe également le droit d’obtenir réparation, a ajouté la Rapporteuse spéciale.

La capacité juridique est une condition indispensable à la pleine jouissance des droits de l’homme, a poursuivi Mme Devandas Aguilar. Les personnes handicapées sont soumises régulièrement, partout dans le monde, à des restrictions quant à leur capacité juridique, a-t-elle fait observer; beaucoup sont aussi soumises à un régime de tutelle, à une curatelle ou sont placées dans une institution. De nombreuses personnes handicapées sont également soumises à des traitements forcés et leur droit à la justice n’est pas reconnu. Le droit d’accès à la justice est par ailleurs essentiel pour permettre aux personnes handicapées d’engager des recours devant les tribunaux concernant le non-respect de leur capacité juridique. Le problème c’est que de nombreuses violations s’agissant de la capacité juridique des personnes handicapées sont légitimées par les (décisions des) tribunaux eux-mêmes. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale considère que la stérilisation des femmes et des filles est illégale, mais une telle pratique sur les personnes handicapées est souvent entérinée par les tribunaux, a en outre fait observer Mme Devandas Aguilar.

L’article 13 de la Convention exige que soient éliminés tous les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées en matière d’accès à la justice, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Les systèmes judiciaires n’ont pas encore intégré la nécessité de changer de paradigme, a-t-elle déploré. Aussi, Mme Devandas Aguilar a-t-elle indiqué que c’est pour cette raison qu’elle allait organiser une réunion avec les opérateurs et les écoles du secteur de la justice pour échanger les bonnes pratiques afin d’améliorer l’accès à la justice des personnes handicapées.

Pour conclure, Mme Devandas Aguilar a souligné qu’une justice qui n’est pas une justice pour tous n’est pas une bonne justice.

La Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, MME THERESIA DEGENER, a déclaré que l’accès à la justice est l’un des droits de l’homme fondamentaux car il constitue une condition préalable à la jouissance d’autres droits, au même titre que le droit à la capacité juridique. Ces dix dernières années, le Comité a examiné les rapports de plus de 60 États parties à la Convention et pris des décisions sur une vingtaine de communications individuelles ; il a en outre engagé deux procédures d’enquêtes. Le déni d’accès ou l’accès limité à la justice était un sujet de préoccupation dans toutes ces procédures, a souligné la Présidente du Comité. Les personnes concernées se voient nier leurs droits en matière d’accès à la justice car les bâtiments judiciaires et administratifs ne leur sont pas accessibles et les procédures orales excluent les aveugles, sourds ou encore les handicapés mentaux.

Mme Degener a cité les cinq indicateurs de mise en œuvre de l’article 13 de la Convention qui figurent dans les directives concernant la présentation des rapports périodiques adoptées en 2016. À titre d’exemple, elle a mentionné une communication individuelle sur l’accès à la justice dans le contexte du droit pénal - Noble v Australie – au terme de l’examen de laquelle le Comité a trouvé qu’il y avait violation de la Convention. La Présidente du Comité a alors plaidé en faveur d’un changement immédiat de paradigme au sein des systèmes judiciaires, conformément à la Convention.

M. OUMAROU SIDDO NOUHOU, African Disability Forum and International Disability Alliance, a précisé que son intervention allait porter sur l’accès des personnes handicapées à la justice s’agissant plus particulièrement des femmes et enfants handicapés. Étant Président de la Fédération nigérienne des personnes handicapées, il a présenté un projet mené au Niger et financé par l’Union européenne qui vise à améliorer l’accès à la justice par ce groupe de personnes et qui s’articule autour de trois axes. Le premier est le renforcement des capacités des acteurs de la protection sociale, de la justice et des organisations de personnes handicapées. Le second est l’amélioration de l’accès à la justice et aux services de protection sociale pour les femmes et enfants handicapés, à travers la mise en place d’un système d’information et de référencement tenant compte de la diversité des personnes handicapées et qui viendra renforcer les dispositifs existants en la matière. Le troisième axe est celui de la sensibilisation et du plaidoyer à l’intention des différents acteurs.

L’orateur a ensuite présenté une série de recommandations en faveur de l’accès à la justice des personnes handicapées en Afrique de l’Ouest. Aux gouvernements, il recommande d’harmoniser leurs législations avec les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et d’assurer la formation et l’emploi des personnes destinées à apporter une assistance pour l’accès des personnes handicapées à la justice. À la communauté internationale, il suggère d’accroître le renforcement des capacités des organisations de personnes handicapées à travers le financement de projets spécifiques. Il recommande également à la communauté internationale d’appuyer les gouvernements dans le cadre d’octroi de bourses de formation aux assistants personnels.

MME Ana Peláez Narváez, Vice-Présidente exécutive de la CERMI Women’s Foundation et Vice-Présidente du Forum européen des personnes handicapées, a expliqué qu’à la veille de la Journée internationale des femmes, les femmes handicapées veulent saisir le Conseil de leurs revendications en tant que femmes dans un domaine aussi important que celui de la justice. Même quand un État reconnaît l’égalité de tous devant les tribunaux, l’accès à la justice est interdit à des milliers de femmes handicapées à travers le monde lorsqu’elles tentent de faire valoir leurs droits, a dénoncé Mme Narváez. Des millions de filles et de femmes handicapées savent ce que signifie la limitation de leurs droits et rien n’est fait pour les défendre, a-t-elle insisté.

Pour les femmes handicapées victimes de violences sexistes, réussir à avoir accès à la justice peut être considéré aujourd’hui comme une véritable prouesse quand on sait que le monde entier se méfie des témoignages des personnes handicapées, a en outre expliqué Mme Narváez. Il faut ajouter à cette situation le manque d’aménagements raisonnables et le manque d’accessibilité de la justice. L’absence de formation des professionnels de la justice et le manque de confiance de ce personnel dans le fait que les femmes et les filles handicapées sont titulaires de droit constituent de véritables sujets de préoccupation. De nombreuses filles et femmes handicapées se retrouvent dans une situation où on ne leur reconnaît pas la capacité juridique parce qu’elles sont des personnes handicapées, ce qui constitue une profonde atteinte à leurs droits, y compris leur droit d’accès à la justice. Mme Narváez a donc estimé qu’il était indispensable que soit mis en place des services spécialisés et des permanences qui garantissent la protection des plus vulnérables.

Les États doivent par ailleurs reconnaître publiquement les violations des droits de l’homme dont ont été victimes dans le monde entier les femmes et les filles handicapées stérilisées contre leur gré, sans leur consentement libre et éclairé, a ajouté Mme Narváez. Des mesures doivent être prises pour dédommager ces femmes suite à ces pratiques contraires aux droits de l’homme, a-t-elle conclu.

Débat

L’Égypte a fait savoir que sa Constitution de 2014 interdisait toute discrimination à l’endroit des personnes handicapées et qu’un quota leur était réservé au Parlement (où siège un handicapé). Un autre quota de 5% s’applique aux logements sociaux. L’Égypte prend en considération l’accessibilité dans les transports et dans le système éducatif, entre autres, pour éliminer toutes les barrières afin que les personnes handicapées mènent une vie normale sans discrimination.

La Finlande, au nom des pays nordiques, a signalé que les personnes handicapées se trouvent trop souvent dans une situation de vulnérabilité, les femmes et les filles en particulier, alors que des obstacles dans l’accès à la justice persistent. Le Conseil des ministres des pays nordiques recommande de fournir des informations à l’intention de ce groupe pour qu’il jouisse d’une assistance lorsqu’il doit porter plainte ou traiter avec la justice. L’Union européenne a souligné l’interdépendance entre le droit à l’accès à la justice et les droits de l’homme. L’Union européenne a demandé aux conférenciers des conseils sur la manière d’assurer aux personnes handicapées placées dans les institutions placées en institution la capacité d’ester en justice et d’obtenir leur consentement libre et éclairé.

Le Mexique, au nom d’un groupe de pays, a fait part de sa volonté de faciliter l’accès des personnes handicapées aux procédures judiciaires et s’est félicité des exemples de bonnes pratiques figurant dans le rapport du Haut-Commissariat. La formation du personnel judiciaire et de la police est vitale, a-t-il insisté, pour garantir un accès concret à la justice. Le Mexique a mis l’accent sur les principes fondamentaux de la Convention et appelé toutes les institutions et parties prenantes à se joindre aux efforts en cours.

Singapour, au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN), a réaffirmé son attachement au protocole de Bali sur le renforcement du rôle des personnes handicapées. Un plan régional incorpore tous les droits dans les principaux piliers de l’ASEAN. La Commission intergouvernementale des droits de l’homme a organisé un dialogue régional sur l’éducation, la santé et l’emploi, qui a été suivi d’un autre sur les handicapés en tant qu’entrepreneurs. La mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le partage des expériences novatrices sont au centre des futurs projets de l’ASEAN. La Jordanie, au nom du Groupe arabe, a dit que les États membres de ce groupe se fondent sur les préceptes de la charia musulmane, axés sur la compassion envers tous les membres de la société. Ainsi, la «Semaine arabe pour le développement» a-t-elle été organisée en mai 2017, avec, notamment, des discussions sur le droit des personnes handicapées de disposer du plus haut niveau de service.

Le Togo, au nom du Groupe africain, a souligné que pour garantir une véritable égalité de traitement, il convient de lever tous les obstacles à la jouissance par les personnes handicapées de tous leurs droits. Lors de sa 19e session en 2016, la Commission des droits de l’homme et des peuples a adopté un projet de protocole qui assurerait un plein accès des personnes handicapées à la justice. Le Plan régional de l’Union africaine apporte également d’autres mesures que les États doivent s’efforcer de mettre en œuvre. Timor-Leste, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise, a réaffirmé son attachement à l’application de la Convention, ratifiée par la majeure partie de ses membres. La promotion intergouvernementale et interinstitutionnelle est au cœur de l’approche de la Communauté pour favoriser, entres autres, une formation spécialisée aux droits de l’homme de tout le personnel de la justice et la police. Il est également fondamental que les personnes handicapées disposent d’informations concrètes et complètes sur leurs droits. La difficulté consiste à faire en sorte que les personnes handicapées placées en institutions puissent effectivement exercer leurs droits.

Les personnes handicapées ont tout à fait le droit d’agir à leur guise et de disposer d’un accompagnement pour ce faire, a affirmé le Pakistan, qui a toutefois noté que le manque de ressources limitait la portée des efforts des pays en développement. Outre leur famille et leur communauté, les personnes handicapées bénéficient de l’appui des départements publics concernés et des associations de la société civile au Pakistan.

Le Mexique a dit disposer d’un cadre normatif permettant d’assurer l’accès à la justice sur un pied d’égalité pour les personnes handicapées. Des aménagements raisonnables sont également mis à leur disposition, comme la mise à disposition d’experts, d’interprètes et de documents en braille. Les autorités veillent aussi à inclure dans leurs politiques des groupes comme les migrants, les réfugiés, les peuples autochtones et les ruraux souffrant de handicap.

Les Émirats arabes unis ont présenté les changements opérés pour résorber les contraintes dans l’accès la justice, notamment le manque de sensibilisation sur la possibilité de se présenter devant les tribunaux. Le droit à l’assistance juridique a fait l’objet d’un examen pour proposer des solutions tendant à l’amélioration des pratiques nationales et d’appliquer des normes internationales.

Les États-Unis ont indiqué que le droit fédéral protège les personnes handicapées, y compris dans les agences carcérales juvéniles et pour adultes. Les tribunaux ont des aménagements à disposition, tels qu’interprètes, services de transcription en temps réel assistés par ordinateur et horaires adaptés.

Le Paraguay est attaché à la protection des droits des personnes handicapées, comme le montrent les nombreuses mesures mises en place dans le pays, notamment des mécanismes d’assistance et d’aide juridique. En Inde, la loi sur les droits des personnes handicapées de 2016, conforme à la Convention, contient des dispositions sur l’accès à la justice par les personnes handicapées. Israël est partie à ladite Convention et l’a pleinement mise en œuvre, notamment en assurant la formation des personnels de police et judiciaires et en adaptant la configuration matérielle des tribunaux. L’Iraq a adhéré à la Convention en 2013 et a adopté, la même année, une loi visant l’intégration totale des personnes handicapées dans la société, par le biais de la formation et de l’accès aux services sociaux de base.

Grâce au dialogue entre la société civile et l’État, les personnes handicapées sont intégrées au système de justice de l’Équateur, a dit la délégation de ce pays. Ainsi le président de la plus autorité judiciaire est-il une personne handicapée, et ancien Représentant permanent de son pays aux Nations Unies. La législation de l’Azerbaïdjan permet que les personnes handicapées puissent témoigner devant les juridictions. En Slovénie, de même qu’en Grèce, des formations systématiques sont fournies aux personnels judiciaires pour les familiariser aux droits des personnes handicapées. Avant même que la Convention n’entre en vigueur, la Namibie avait déjà adopté un plan national sur le handicap. Le Président de la République a également à ses côtés une Vice-ministre chargée des personnes handicapées, elle-même handicapée, a dit la délégation de ce pays.

On peut utiliser le langage des signes et témoigner par vidéo dans les salles d’audience de la Nouvelle Zélande, a indiqué sa délégation, avant de demander ce que l’on peut faire de plus pour éviter que les femmes handicapées ne soient davantage discriminées dans l’accès à la justice et devant la justice. Au Venezuela, la Cour suprême a ordonné des aménagements pour les personnes handicapées dans les tribunaux. Actuellement, la moitié des sièges judiciaires, soit 30, sont déjà aménagés à cet effet, a dit le représentant vénézuélien. Enfin, l’Australie applique un plan national pour le handicap couvrant la période 2010-2020. Ce plan inclut des crédits pour l’assistance technique aux personnes handicapées dans le domaine judiciaire. La surreprésentation des personnes handicapées dans le système carcéral est un problème en Australie, a admis la délégation: un groupe de travail interministériel a été créé pour réfléchir sur le sujet, conformément aux engagements pris par l’Australie lors du second cycle de l’Examen périodique universel, a dit la délégation.

La Commission des droits de l'homme de l'Australie a pointé les grandes lacunes de l’Australie en matière d’accès à la justice par les personnes handicapées et les violences dont ces personnes sont victimes dans les centres de détention. La moitié des détenus en Australie sont atteints de déficience physiques ou intellectuelles, sans pour autant disposer d’aménagements particuliers dans les prisons, a déploré un représentant de l’institution nationale de droits de l’homme par vidéo. Center for Reproductives Rights a pour sa part appelé les États à considérer les droits et besoins spécifiques des femmes handicapées et à garantir leurs droits. Charitable Institute for Protecting Social Victims a demandé aux gouvernements d’incorporer dans les législations un droit à l’aide juridique pour les personnes handicapées et à assurer la formation des personnels judiciaire au sujet des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Des organisations non gouvernementales (ONG) ont également pris part au débat. Volontariat international femmes éducation et développement (au nom également de Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco) a expliqué qu’environ 650 millions de personnes vivent avec un handicap, faisant ainsi de cette catégorie de la population la plus grande minorité au monde. Les personnes handicapées sont souvent victimes de discriminations et n’ont pas accès à la justice. L’organisation recommande d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’encontre des personnes handicapées dans le domaine de la justice. Action Canada pour la population et le développement s’est félicitée de l’attention portée par le Conseil sur l’article 13 de la Convention. L’institutionnalisation des personnes handicapées rend impossible leur accès à la justice, ce qui explique que ces personnes sont victimes, en toute impunité, de nombreuses violations de leurs droits fondamentaux, a averti l’ONG.

Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture a attiré l’attention des participants au débat sur le sort des personnes handicapées dans la guerre qui sévit au Yémen depuis 2015, observant qu’elles sont, du fait de leur mobilité réduite, davantage exposées aux risques mortels.

Conclusions des conférenciers

Mme Cisternas Reyes a expliqué qu’elle avait constaté, chez les délégations, une volonté claire d’avancer dans le domaine de la justice pour les personnes handicapées – mais a souligné qu’il faudrait, pour ce faire, engager des réformes systémiques, et non pas de petites réformes.

Mme Devandas Aguilar a insisté sur l’importance du lien entre la reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées et leur droit à l’accès à la justice. De nombreuses personnes handicapées rencontrent des obstacles à l’accès à la justice car leur déposition ou leur témoignage ne sont pas considérés comme crédibles. En attendant leur fermeture définitive, il faut assurer une surveillance indépendante des centres de détention informels dans lesquels des personnes handicapées sont susceptibles d’être détenues, a recommandé Mme Devandas Aguilar.

Mme Degener a évoqué l’histoire de Gabriela, venue témoigner devant le Comité des personnes handicapées. Cette jeune femme vivait avec dix autres femmes intellectuellement handicapées dans une institution pour personnes handicapées qui ont toutes subi des violences sexuelles de la part du directeur de l’établissement. Mme Degener a expliqué que, dans un premier temps, les enquêteurs n’ont pas cru le témoignage des jeunes femmes et qu’il a fallu attendre la découverte d’ossements de bébés pour voir le directeur arrêté et condamné à une peine légère de deux ans. Pour Mme Degener, ce cas montre comment les droits des personnes handicapées sont encore loin d’être appliqués aujourd’hui. Il faut par ailleurs mettre fin à la tutelle légale.

M. Nouhou a estimé que de nombreuses améliorations avaient été apportées dans les systèmes d’éducation au profit des personnes handicapées. Il a relevé la réalisation des Objectifs de développement durable était l’occasion de mieux intégrer les droits des personnes handicapées dans l’élaboration des politiques et d’obtenir la participation des personnes handicapées. Il faut prioriser les personnes handicapées dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a recommandé M. Nouhou.

Enfin, Mme Narváez a déploré que le monde continuait de fermer les yeux sur le fait que les femmes handicapées n’ont pas accès à la justice. Mme Narváez a demandé que des études soient réalisées sur le lien entre la question du genre et le handicap. Les droits sexuels et procréatifs des femmes handicapées ne sont toujours pas reconnus, a-t-elle par ailleurs souligné. Il faut travailler pour garantir l’accès à la justice réel et effectif par les femmes et les filles handicapées.

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* Délégations ayant participé au débat: Égypte; Finlande (au nom des pays nordiques); Mexique (au nom d'un groupe de pays et en son nom); Indonésie; République de Corée; Turquie; Australie; Union européenne; Singapour (au nom de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est); Jordanie (au nom du Groupe arabe); Togo (au nom du Groupe africain); Timor-Leste (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise); Pakistan; Mexique; Émirats arabes unis; États-Unis; Paraguay; Inde; Israël; Iraq; Équateur; Azerbaïdjan; Slovénie; Namibie; Nouvelle-Zélande; Venezuela; Grèce; Australie; Commission des droits de l'homme de l'Australie; Center for Reproductive Rights; Volontariat international femmes éducation et développement (au nom également de Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco); Action Canada pour la population et le développement; Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture.


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HRC18/030F