Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU GUATEMALA
Le Comité des droits de l’homme a examiné, aujourd’hui, le rapport périodique présenté par le Guatemala sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport a été présenté par le Président de la Commission présidentielle de coordination de la politique gouvernementale en matière de droits de l'homme, M. Jorge Luis Borrayo Reyes. Il a fait part de l’engagement du Gouvernement du Guatemala à affronter les défis dans le domaine des droits fondamentaux. Il a présenté les politiques publiques et plans d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence, ainsi que pour la promotion de l'accès à un emploi digne. M. Borrayo Reyes a aussi présenté les mesures prises en faveur de la consultation des peuples autochtones. Par ailleurs, une stratégie décennale nationale de prévention de la violence a été approuvée cette année et des tribunaux spécialisés en matière de féminicide ont été créés. Un projet de loi visant à créer une commission nationale de recherche des personnes victimes de disparition forcée doit encore être approuvée par le parlement. Le chef de la délégation a aussi indiqué que les forces armées sont progressivement redéployées aux frontières et n’auront très bientôt plus à assurer des tâches de maintien de l’ordre. Il a aussi fait valoir que la peine capitale était abolie de fait, suite à une décision de la Cour suprême la déclarant inconstitutionnelle. Le pays continue en outre de voir une diminution le taux d’homicides et des mesures ont été prises en faveur de la protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.
L’importante délégation guatémaltèque était également composée de Mme Carla María Rodríguez Mancia, Représentante permanente du Guatemala; de M. José Antonio Pineda Barales, Président de l’organe judiciaire et de la Cour suprême de justice; de Mme Aura Leticia Teleguario Sincal, Ministre du travail et de la prévision sociale; de M. Alcides René Obregón Muñoz, Ministre du développement social; ainsi que de plusieurs vice-ministres – chargés de la lutte contre le trafic de stupéfiants, de la santé, de l’administration du travail – et de la Secrétaire d’État au bien-être social. Étaient également présents deux magistrates de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle, la Secrétaire privée de la présidence de la République, un député et plusieurs directeurs d’institutions publiques. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de l’indépendance du Défenseur des droits de l’homme; de la concertation avec la société civile; de la lutte contre les féminicides; des effectifs de la police; de la lutte contre la corruption; des mesures prises face aux grossesses précoces et la question de l’interdiction de l’avortement; de la situation des personnes d’ascendance africaine et des populations autochtones; de l’abus de la procédure d’amparo, s'agissant notamment du cas d'Efraín Ríos Montt; de la prise en charge des migrants rentrant au pays. Tout en reconnaissant des insuffisances, particulièrement dans les effectifs policiers et judiciaires, la délégation a souligné les efforts entrepris afin de combler ces lacunes.
Les membres du Comité ont notamment souligné la nécessaire sensibilisation des magistrats, des avocats et de la société civile aux dispositions du Pacte. Ont aussi été longuement évoquées les conditions de travail dans les usines d’assemblage et de sous-traitance (maquilas). Les experts ont aussi abordé le problème posé par l’interdiction de l’avortement, qui entraîne un nombre considérable d’interruptions volontaires de grossesse clandestines. Un membre du Comité s’est inquiété de l’impunité régnant dans le pays face à la criminalité organisée notamment.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Guatemala, qu’il rendra publiques à l’issue de la session, qui se termine le 6 avril prochain.
Le Comité des droits de l'homme entame cet après-midi, à 15 heures, l’examen du rapport d’El Salvador.
Présentation du rapport du Guatemala (CCPR/C/GTM/4)
M.JORGE LUIS BORRAYO REYES, Président de la Commission présidentielle de coordination de la politique gouvernementale en matière de droits de l'homme (COPREDEH) du Guatemala, a fait part de l’engagement du Gouvernement à affronter les défis dans le domaine des droits de l'homme, ainsi qu’en témoigne l’importance de sa délégation composée d’une trentaine de membres.
Le chef de la délégation a mentionné les politiques publiques et plans d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence, d’un emploi digne et en faveur du développement de de l’agriculture et de l’économie en général. En matière de discrimination au travail, 417 dossiers ont été ouverts depuis 2015 dont 223 sont en cours d’instruction en justice. L’inspection du travail a effectué plus de 70 000 inspections en 2016-2017. Dans le domaine de la violence et de la discrimination en fonction de l’identité de genre, la justice a eu à connaître 538 cas qui ont entraîné la condamnation de sept personnes depuis 2016. M. Borrayo Reyes a annoncé la création d’une coordination interinstitutionnelle autochtone. Il a précisé par ailleurs les mesures prises en faveur de la consultation des peuples autochtones dans le cadre de la Convention n°169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux. En outre, le Fonds de développement autochtone a été renouvelé en 2016 pour les vingt ans.
Une stratégie décennale nationale de prévention de la violence a été approuvée cette année et des tribunaux spécialisés en matière de féminicide ont été créés par la Cour suprême de justice. Près de 120 000 plaintes pour violence ont été enregistrées depuis 2016 qui ont entraîné la traduction en justice de 4 707 personnes et la condamnation de 3 621 d’entre elles, 1 086 étant relaxées. Plus de 14 000 femmes victimes de violences ont bénéficié d’un soutien de l’État ainsi que leurs enfants. Par ailleurs, le ministère public a eu à connaître de dix plaintes pour torture et de près de 18 000 cas de corruption qui ont fait l’objet de 375 condamnations.
Par ailleurs, les procès relatifs à la contestation de l’amnistie accordée à Efraín Ríos Montt suivent leur cours. Un projet de loi visant à créer une commission nationale de recherche des personnes victimes de disparition forcée est en attente de l’approbation du Congrès de la République. Depuis 2015, on a procédé à 329 exhumations. Dans ce cadre également, 2 256 victimes ont bénéficié d'un soutien psychologique. Près de 2 100 familles ont bénéficié de mesures de réparations depuis 2015 pour un montant total dépassant les 24 millions de dollars; 237 autres familles doivent en bénéficier cette année.
Par ailleurs, les forces armées sont progressivement redéployées aux frontières et n’ont pratiquement plus à assurer des tâches de maintien de l’ordre. Parallèlement, près de 3 000 policiers ont été recrutés, ce qui porte les effectifs de la police nationale civile à près de 40 000 agents.
Le chef de la délégation a indiqué, par ailleurs, que le Guatemala avait entrepris d’abolir la peine de mort. Le pays continue de voir diminuer le taux d’homicides qui est passé de 39 à 26 meurtres pour 100 000 habitants entre 2013 et 2017. La criminalité en général a diminué de 13%.
M. Borrayo Reyes a par ailleurs indiqué que, face à la surpopulation carcérale - qui atteignait 245% le mois dernier -, un nouveau modèle de gestion a été mis en place afin de privilégier les programmes de réhabilitation et de réinsertion des détenus. Par ailleurs, un certain nombre de magistrats bénéficient de mesures de protection rapprochée.
Des mesures similaires ont aussi été prises en faveur de la protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Depuis 2015, 838 plaintes ont été déposés pour des délits commis à leur encontre, 421 s’agissant de journalistes et 417 de militants des droits de l’homme. Le chef de la délégation guatémaltèque a assuré qu’il n’existait pas de politique de l’État qui ciblerait les défenseurs des droits de l’homme. Par ailleurs, quelque 13 cas de meurtres de syndicalistes ont été enregistrés depuis 2014, a-t-il précisé.
M. Borrayo Reyes a indiqué que près de 1 800 plaintes en matière de traite des être humains avaient été déposées entre 2012 et juin 2017 qui ont donné lieu à 168 condamnations.
Si la Constitution guatémaltèque garantit le droit à la vie dès la conception, l’avortement thérapeutique est autorisé en cas de risque d’atteinte à la vie de la femme enceinte. En cas d’interruption volontaire de grossesse induit, provoqué ou forcé, le système de santé a l’obligation de porter assistance à la femme. Le taux de mortalité maternelle est en légère baisse, étant passé de 108 à 106 cas pour 100 000 naissances depuis 2015. Le nombre de grossesses précoces est lui aussi en baisse.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un membre du Comité s’est félicité des actions entreprises par le Guatemala en faveur de la lutte contre la violence de genre et contre l’impunité au sens large. Il a souhaité savoir si la société civile avait eu voix au chapitre dans l’élaboration du rapport. Qu’en sera-t-il de la méthodologie de suivi des prochaines recommandations du Comité, a-t-il demandé. La commission présidentielle COPREDEH en sera-t-elle chargée ?
Tout en notant qu’aucun citoyen guatémaltèque n’avait jamais déposé de plainte auprès du Comité en vertu du Protocole facultatif au Pacte, l'expert a souhaité savoir si le Guatemala en tiendrait compte le cas échéant. Il a observé en effet qu’aucune recommandation de la Cour interaméricaine des droits de l’homme en faveur de ressortissants guatémaltèques formulée ces deux dernières années n’avait été suivie d’effets.
L'expert s’est interrogé sur la possibilité d’invoquer le Pacte devant la justice guatémaltèque, le Comité n’ayant connaissance d’aucun cas de sa prise en compte dans les procédures judiciaires. Il a souligné la nécessaire sensibilisation des magistrats, des avocats et de la société civile quant à l’existence du Pacte. Le même expert s’est interrogé sur les garanties relatives à l’indépendance du Défenseur des droits de l’homme, qui fait office de Médiateur depuis la création de son bureau par la Constitution de 1985. Son rapport annuel est en effet un instrument précieux pour comprendre la situation des droits de l’homme au Guatemala, a-t-il commenté. Or, son budget, qui est fixé par le Congrès, semble insuffisant.
S’agissant de l’égalité hommes-femmes, y compris au sein des populations autochtones, l'expert a souhaité des précisions sur leur participation à la vie publique, notant qu’il y avait 24 députées sur 158 élus au Congrès et deux femmes ministres sur quatorze. Il a aussi souhaité savoir combien le secteur judiciaire comptait de magistrates. Le Guatemala pourrait-il envisager l’instauration de quotas.
Par ailleurs, on constate de fortes inégalités entre hommes et femmes en matière d'emploi, a poursuivi cet expert. Ainsi, quatre femmes en âge de travailler sur dix ont une activité économique, dont près de 73% sont employées dans le secteur informel. Il a ajouté que les femmes gagnent 14% de moins que les hommes. Des mesures concrètes sont-elles envisagées pour remédier à ces disparités, notamment dans le cadre de la Politique nationale de promotion et de développement intégral des femmes et du Plan d’égalité des chances, ce qui implique qu’ils soient dotés de moyens de mise en œuvre.
Une série de questions ont été posées par une experte au sujet de violences et de discrimination envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. Alors qu’un projet de loi prétend interdire les relations homosexuelles, une experte a demandé si le Guatemala entendait reconnaître le changement de sexe. Selon des informations préoccupantes, des meurtres parfois précédés d’atrocités ont été commis contre des femmes transgenres, a-t-elle relevé. Par ailleurs, la même experte a posé une série de questions sur les conditions de travail dans les exploitations agricoles et dans les unités d’assemblage et de sous-traitance (les maquilas). Elle s’est aussi enquise de l’inspection du travail dans le secteur des employés domestiques.
Alors que l’avortement est interdit, et que les avortements clandestins sont apparemment légion, la même experte a demandé des précisions sur les conditions permettant d’obtenir légalement une autorisation d’interruption volontaire de grossesse. Elle a abordé par ailleurs les cas de disparitions forcées, dont le nombre concernerait 45 000 cas, et s'est inquiétée des obstacles qui empêchent de traduire les auteurs en justice. Si le Guatemala a signé la Convention contre les disparitions forcées, il y a plusieurs années, il ne l’a cependant toujours pas ratifié, a-t-elle aussi relevé.
Un membre du Comité s’est inquiété de l’impunité semblant régner dans le pays, relevant un nombre très faible de condamnations pour actes de torture malgré un nombre important de plaintes, notamment entre 2010 et 2015, les statistiques faisant ensuite état d’une baisse très importante du nombre de plaintes de cette nature depuis lors. Il s’est aussi interrogé sur les atteintes aux droits de l’homme par des membres des forces de l’ordre et souligné la nécessité de sanctions pénales et pas uniquement administratives. Le même expert a aussi évoqué l’usage excessif de la force par l’armée, citant un cas en particulier, et demandé si des sanctions avaient été appliquées.
Un autre expert s’est étonné de l’absence de membres de la communauté afro-guatémaltèque au sein de la délégation.
Un membre du Comité est revenu sur les objectifs affichés quant au redéploiement des forces armées aux frontières, officiellement pour combattre le trafic de stupéfiants, se demandant s’il ne s’agissait pas non plus de neutraliser l’émigration illégale. Un autre expert a évoqué la situation des citoyens guatémaltèques rentrant au pays en provenance d’Amérique du Nord. Existe-t-il une prise en charge de la part des pouvoirs publics, étant donné le caractère vulnérable de ces populations, a-t-il demandé.
Un expert a demandé si le Guatemala avait pris des mesures contre la discrimination raciale comme l'ont fait d'autres pays d'Amérique centrale.
Une experte a indiqué que selon des organisations non gouvernementales guatémaltèques, les avortements clandestins, qui atteindraient les 60 000 cas par an, seraient la quatrième cause de décès des femmes en âge de procréer.
Un membre du Comité a demandé à la délégation quelle était, du point de vue de l’État, la situation prévalant dans les zones reculées du pays; des politiques spécifiques ont-elles été mises en œuvre.
Compte tenu de la décision d’octobre 2013 de la Cour constitutionnelle, ordonnant de rejuger l’ancien Président Efraín Ríos Montt, et de la décision de rouvrir la procédure judiciaire, en janvier 2015, une experte s’est inquiétée du fait que des recours en amparo (en garantie des droits) aient été formés et d’autres obstacles juridiques soulevés, manifestement dans le but de retarder indûment la procédure judiciaire. Il semble que la justice soit confrontée d’une manière générale à des abus dans l’utilisation de la procédure d’amparo, a-t-elle observé.
Un expert a rappelé que le Comité avait précédemment demandé une régulation plus étroite des sociétés de sécurité privées. Depuis le précédent examen, l’importance de la sécurité privée n’a cessé de s’accroître. On estime à 150 000 le nombre de personnes travaillant dans ce secteur, que l’on peut mettre en rapport avec les quelque 40 000 policiers, a-t-il noté. Un grand nombre d’agents de sécurité privée travaillent, en outre, dans l’illégalité, les sociétés ne respectant pas toujours la loi. S’il ne s’agit pas d’un phénomène exclusif au Guatemala, il est notable par son ampleur dans ce pays, a observé l'expert, qui a mis en cause la « délégation de pouvoir » accordée par l’État au secteur privé, sans assurer les contrôles indispensables. Il semble que certaines de ces sociétés parviennent à échapper aux sanctions de par les liens qu’elles entretiennent avec des agents de l’État. Existe-t-il des procédures de contrôle du curriculum vitae des candidats à des fonctions dans ces sociétés privées afin de vérifier qu’ils n’ont pas été impliqués dans des violations des droits de l’homme par le passé.
Rappelant que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle la peine de mort et qu'un projet de loi a été déposé en ce sens, l'expert a relevé des tentatives de mettre en cause l’arrêt de la Cour suprême.
Une experte a demandé dans quelle mesure la politique en faveur des personnes handicapées était appliquée. Elle a en outre fait part d’un certain nombre de préoccupations, s’agissant notamment des abus sexuels et stérilisations forcées visant les fillettes dans les institutions spécialisées. Qu’en est-il de l’internement indéfini des personnes handicapées, a-t-elle demandé, avant de poser une série de questions sur la surpopulation carcérale et la violence dans les prisons dont certaines seraient contrôlées par des gangs. Elle s’est notamment inquiétée de l’abus de la détention provisoire. Elle s’est aussi inquiétée de l’abondance de la circulation des armes à feu dans le pays, du nombre de lynchages, de l’intimidation et des menaces contre des syndicalistes pouvant aller jusqu’au meurtre, et de la réaction insuffisante des autorités gouvernementales et judiciaires face à ces phénomènes inquiétants. Elle a enfin posé une question sur les processus de consultation des peuples autochtones et demandé si des mesures de promotion sociale avaient été lancées.
Un expert, qui a noté que le nombre de juges et de procureurs au Guatemala rapporté à la population était le plus faible de toute l’Amérique centrale, a demandé si l’État veillait à garantir l’indépendance de la justice. Il semble que les juges subissent fréquemment des pressions d’élus locaux, de militaires, de chefs d’entreprise ou de politiques qui cherchent à s’ingérer dans le processus judiciaire. Certains magistrats sont, semble-t-il, poussés à la démission. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a indiqué que 640 juges avaient été la cible de menaces et d’intimidation; onze administrateurs de justice ont été assassinés, a-t-il indiqué.
Un expert a relevé des insuffisances en matière d’enregistrement des naissances. Le Guatemala a-t-il une estimation du nombre d’enfants qui n’ont pas d’existence légale dans le pays, a-t-il demandé. Il s’est inquiété par ailleurs des allégations d’abus commis par les sociétés d’extraction minière.
Une experte a souhaité savoir où en était le projet de loi en faveur de la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme. Elle s’est par ailleurs inquiétée d’un abus du droit pénal à leur encontre. La même experte a évoqué l’ampleur de la corruption au Guatemala, notant l’existence de réseaux criminels impliquant de hauts responsables de l’État.
Réponses de la délégation
Les institutions des droits de l’homme fonctionnent en vertu des Principes de Paris, a fait valoir la délégation, ce qui garantit l’indépendance du Défenseur des droits de l’homme. Par ailleurs, des actions de formation sont menées en direction des juges afin de les initier aux différents instruments internationaux des droits de l’homme. La délégation a par la suite précisé que le budget du Défenseur des droits de l’homme restait stable.
Un système de suivi des recommandations issues de toutes les instances internationales est en train d’être mis en place.
La représentante du Ministère du travail et de la prévision sociale a expliqué que des actions de sensibilisation et de conseil étaient menées sur le droit du travail, avec l’assistance du Bureau international du travail (BIT). L’inspection du travail effectue des inspections, y compris dans les maquilas et des travailleurs lésés ont pu obtenir des indemnisations. S’agissant de la mise en œuvre des dispositions de la Convention 189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques la délégation a reconnu qu’il s’agissait du secteur où existaient notamment les pires formes du travail des enfants et reconnu la nécessité de légiférer. Un projet de loi est en cours d’examen par le Parlement afin de réglementer ce secteur. Un programme de formation des personnes handicapées a été lancée qui a permis l’embauche de 144 d’entre elles l’an dernier.
Un représentant du Ministère de l’intérieur a souligné la baisse du taux de féminicides dans le pays, une tendance que l’on observe pour les homicides en général. En 2016, une application pour téléphone mobile, le « bouton de panique », a été créée pour porter assistance lorsqu’une femme s’estime menacée; celle-ci a été téléchargée 27 000 fois. Il existe aussi une ligne d’assistance gratuite pour les femmes n’ayant pas de téléphone intelligent. La délégation a par la suite attiré l'attention sur l'existence d'un parquet spécialisé qui permet de connaître de tous les cas de mort violente concernant des femmes. Les enquêteurs utilisent une méthodologie particulière pour ce genre de crimes qui a démontré son efficacité.
Le même intervenant a reconnu qu’en dépit de recrutements récents au sein de la police, celle-ci ne disposait toujours pas d’effectifs suffisants. L’objectif est de parvenir à quelque 60 000 agents dans les cinq prochaines années, contre une quarantaine de milliers à l’heure actuelle. Il a assuré que des sanctions étaient prises, par ailleurs, lorsque des membres des forces de l’ordre abusent de leur pouvoir. Dans ce cas, une plainte doit être déposée auprès de la police nationale civile, a indiqué la délégation. Il a aussi indiqué que les forces armées seraient complètement redéployées aux frontières d’ici la fin du mois, afin de lutter contre le trafic de stupéfiants, le Guatemala étant un pays de transit de ce commerce illicite.
Des programmes de formation en faveur des LGBTI ont été mis en place. Il existe ainsi un bureau interinstitutionnel chargé les personnes LGBTI.
Des actions de sensibilisation à la maternité et à la paternité responsables sont lancées afin de lutter contre les grossesses précoces. La délégation a précisé que 86% des cas de mortalité maternelle s’expliquaient par des causes directes – hémorragies et infections diverses. L’interruption volontaire de grossesse n’est pas légale à l’exception des avortements thérapeutiques qui doivent être justifiés au préalable par un médecin. La délégation a expliqué que la majorité des décès n’étaient pas dus à ces avortements thérapeutiques mais à ceux pratiqués hors cadre médical, généralement dans des conditions d’hygiène déplorables. Face au grand nombre de grossesses précoces, un projet de loi visant à autoriser l’avortement a été déposé au Parlement. Son adoption dépendra cependant d’une révision de la Constitution, a précisé la délégation. Il est envisagé d’autoriser les contraceptifs d’urgence, notamment en cas de viol, le traitement devant être accompagné de traitements antirétroviraux afin d’empêcher la transmission de maladies sexuellement transmissible. Quelque 1 500 avortements thérapeutiques (légaux) sont réalisés annuellement. Une étude a avancé le chiffre de 65 000 avortements clandestins, un chiffre excessivement élevé qu’il est impossible de confirmer, a souligné la délégation. Elle a aussi indiqué qu'un projet de loi vise à permettre d’interrompre une grossesse en cas de viol.
La délégation a expliqué que tous les projets relatifs aux droits de l’homme faisaient l’objet d’une concertation avec la société civile, notamment aux travers de consultations régulières entre les organisations non gouvernementales et la Commission présidentielle de coordination de la politique gouvernementale en matière de droits de l'homme (COPREDEH).
Un groupe de travail interinstitutionnel pour les personnes d’ascendance africaine et un Comité de coordination interinstitutionnelle pour les populations autochtones ont été créés. Cela témoigne, selon la délégation, du volontarisme du Guatemala en la matière, le pays étant fermement déterminé à mettre en œuvre les instruments qu’il a signés afin de mieux insérer les populations marginalisées. La délégation a toutefois reconnu certaines limites et restrictions dans les actions menées par l’État en raison de la stagnation du budget national. Les populations vivant dans les zones enclavées sont les premières bénéficiaires des actions entreprises.
Un projet de loi sur la consultation des peuples autochtones doit être présenté aujourd’hui au Congrès. La délégation a émis l’espoir que ce texte serait adopté et promulgué dans les douze mois à venir. Le Guatemala accorde une grande importance à la reconnaissance des peuples autochtones, a-t-il assuré.
Les institution d'enseignement du droit prodiguent une formation aux traités et conventions auxquels le pays est partie, a indiqué la délégation. Elle a aussi souligné que le pays compte des juges spécialisés en matière de féminicide et d’autres violences envers les femmes. Il compte également cinq tribunaux communautaires dont les jurys sont élus par les autorités locales.
Dans le domaine judiciaire, concernant particulièrement l’abus de l’amparo, il a été décidé de réformer et de mettre à jour les critères jurisprudentiels pour assainir les procédures. Il s’agit aussi de remédier aux retards dans le traitement des affaires en cours. Il est envisagé de réduire le temps des procédures en diminuant le nombre d’étapes.
S’agissant du procès pour génocide du général et ancien chef de l’État Efraín Ríos Montt et concernant la disparition de 45 000 personnes pendant la guerre civile, la délégation a simplement indiqué que seules avaient été prononcées jusqu’à présent des condamnations définitives de responsables de rangs subalternes. La création de la commission des disparus fait l’objet d’un projet de loi qui est en cours d’examen par le Congrès. Il en va de même avec la ratification de la Convention relative aux disparitions forcées.
Les maquilas (usines de sous-traitance et d’assemblage) font l’objet d’inspections par l’Inspection du travail. Le budget de cette dernière est globalement stable depuis plusieurs années, la délégation émettant l’espoir que le Congrès décidera de l’augmenter. La priorité gouvernementale est de ne pas être contraint d’ordonner des fermetures d’usines, les autorités privilégiant l’imposition de sanctions pécuniaires lorsque les normes sociales en matière de salaires et de conditions de travail ne sont pas respectées.
Les migrants rentrant au pays bénéficient d’une prise en charge. Un guichet unique a été mis en place pour les aider à trouver du travail au Guatemala, par le biais de formations, et ceci afin de les inciter de ne pas tenter de retourner au Mexique ou aux États-Unis. Les migrants non accompagnés font l’objet d’une attention particulière. Il existe deux foyers d’accueil, un dans la capitale, le second dans la ville de Quetzaltenango. L’État prend des mesures pour garantir le retour des enfants dans leur famille. Un centre de formation baptisé « Quédate » (« reste ») assure un accompagnement.
Un plan d’action national a été adopté s’agissant de la réalisation des Objectifs de développement durable pour les populations d’ascendance africaine. Des journées et semaines spéciales sont consacrées par ailleurs aux populations garifunas - issues de métissages entre Amérindiens des Caraïbes et esclaves africains.
La délégation a reconnu, en réponse à une question d’un membre du Comité sur le système judiciaire, que le pays comptait un nombre insuffisant de juges, ce qui contribue à la lenteur du processus judiciaire. La justice est indépendante, a-t-elle assuré, expliquant que le Conseil de la carrière judiciaire était chargé des nominations. La proportion de femmes procureurs atteint 41%.
Même si elle figure toujours dans la Constitution, la peine de mort n’est plus prononcée au Guatemala, aucun délit n’est plus passible de la peine capitale à la suite des arrêts de la Cour suprême la déclarant illégale. Le projet de loi visant à l’abolir doit encore faire l’objet d’un débat parlementaire qui s’avère délicat, a-t-elle reconnu. En raison du fort taux de criminalité dans le pays, une partie importante de la population n’est en effet pas favorable à l’abolition.
Les entreprises de sécurité privée doivent respecter le code du travail, a assuré la délégation. Quelque 43 000 gardes privés ont été officiellement assermentés. Un certain nombre de sociétés font l’objet d’enquêtes quant au respect de la législation. Ainsi, par exemple, depuis le début de l’année, une soixantaine d’entre elles ont été inspectées, des sanctions étant infligées à une douzaine de ces sociétés.
Conclusion
M. BORRAYO REYES, chef de la délégation du Guatemala, s’est félicité d’avoir pu exprimer lors de l’examen de son pays les « progrès importants effectués dans la promotion et la protection des droits consacrés par le Pacte », après la fin d’un conflit armé interne qui aura duré 36 ans. « Cet exercice d’autoévaluation a permis de mettre en évidence et de reconnaître que de grands défis demeurent que le pays se doit d’affronter en dépit des efforts accomplis. Le Guatemala est disposé à accepter les recommandations qui lui seront faites et qui, sans nul doute, contribueront à continuer de renforcer ses actions en matière de promotion et de protection des droits de l’homme. Il a enfin exprimé la reconnaissance de sa délégation pour les manifestations d’appui et de reconnaissance des efforts accomplis.
M. YUGI IWASAWA, Président du Comité, a émis l’espoir que ce dialogue permettrait une meilleure application du Pacte au Guatemala. Il a remercié la délégation pour ses réponses sur des questions cruciales telles que le traitement des travailleurs dans les maquilas, les violations des droits de l’homme commises dans le passé, les inégalités entre hommes et femmes au travail, l’indépendance du judiciaire et les menaces envers les juges, ainsi que les problèmes de corruption ou la situation des peuples autochtones, entre autres.
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