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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: DES DÉLÉGATIONS REJETTENT LA SUGGESTION DU GOUVERNEMENT RUSSE QUE LEUR PAYS AURAIT PU PRODUIRE L’AGENT TOXIQUE UTILISÉ À SALISBURY

Compte rendu de séance
La Conférence poursuit ses travaux sous la présidence de la Suisse, qui appelle à la souplesse et à la créativité dans la création d'organes subsidiaires

La Conférence du désarmement, dans le cadre de sa première séance publique sous la présidence de l'Ambassadrice de Suisse, Mme Sabrina Dallafior, a notamment entendu le Royaume-Uni, qui a souligné que les résultats des analyses de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques s'agissant de l’agent toxique responsable de l'empoisonnement de deux personnes à Salisbury le 4 mars devraient être connus dans deux semaines. La Conférence a aussi entendu à ce sujet des déclarations de la Fédération de Russie, de la Slovaquie, de la Suède, de la Norvège et des États-Unis.

La Fédération de Russie a regretté les affirmations irresponsables du Royaume-Uni concernant l’incident de Salisbury et regretté l'absence de dialogue, malgré la volonté russe exprimée en ce sens, ajoutant qu’il n’y avait toujours pas de preuve de son implication. Alors qu'elle-même a détruit toutes ses armes chimiques, des recherches sur les armes chimiques se sont poursuivies au Royaume-Uni et peut-être dans d’autres pays, a déclaré la Fédération de Russie.

La Slovaquie et la Suède ont rejeté les déclarations récentes du Gouvernement russe selon lesquelles elles auraient pu produire l'agent toxique impliqué, le Novitchok. La Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis ont fustigé la « manipulation de l’espace médiatique » par la Fédération de Russie, ses efforts pour rejeter sur autrui ses responsabilités et détourner l’attention en formulant des hypothèses sans fondement.

S'agissant des travaux à venir de la Conférence du désarmement, sa nouvelle Présidente a déclaré que la création des organes subsidiaires avait montré que la Conférence entendait prendre des mesures pratiques pour faire avancer ses travaux de fond. L'ambassadrice de Suisse s'est dite consciente des sensibilités qui ont été exprimées concernant la mise en place des cinq organes subsidiaires dont la création avait été décidée en février dernier pour parvenir à un accord sur les points de convergence, approfondir les discussions techniques et élargir les domaines de convergence, et d’envisager des mesures effectives, y compris des instruments juridiques pour des négociations (voir notre communiqué du 16 février). Elle a appelé à la souplesse et à la créativité dans la création de ces organes subsidiaires.

Le Bélarus, la Turquie, le Viet Nam et l'Indonésie ont pris la parole au sujet des travaux futurs de la Conférence. Évoquant le massacre du village biélorusse de Khatyn le 22 mars 1943, le Bélarus s'est dit vivement préoccupé par la forte méfiance et l’hostilité toujours plus grande entre les États qui possèdent l’essentiel du potentiel militaire de la planète et a souhaité que la Conférence retrouve son rôle dans la réduction des tensions et dans le renforcement de la confiance.


La prochaine séance publique de la Conférence du désarmement sera communiquée ultérieurement.


Aperçu des déclarations

MME SABRINA DALLAFIOR (Suisse), qui entame cette semaine son mandat en tant que Présidente de la Conférence, a déclaré qu'une étape restait à franchir pour que les progrès intervenus sous les présidences sri-lankaise et suédoise puissent prendre une forme concrète. Il s'agit d'une étape délicate qui exige les efforts de tous les membres. La décision de créer des organes subsidiaires (CD/2119) a montré que la Conférence entendait prendre des mesures pratiques pour faire avancer ses travaux de fond, a poursuivi Mme Dallafior, estimant que l’incapacité de concrétiser cet engagement serait difficile à comprendre et que ses enjeux n’étaient pas insignifiants. Mme Dallafior s’est dite consciente des sensibilités qui ont été exprimées concernant la proposition de créer les organes subsidiaires, et que toute proposition devrait recueillir l’assentiment de toutes les parties. La Présidente a appelé à la souplesse et à la créativité dans la création d'organes subsidiaires.

Le Bélarus a rappelé que, voici 75 ans, le 22 mars 1943, le petit village biélorusse de Khatyn avait été entièrement détruit par le feu et sa population massacrée, partageant ainsi le sort de centaines d’autres villages détruits pendant la guerre. Pour plusieurs générations de Bélarussiens et d’habitants d’autres pays créés après la chute de l’URSS, le nom de Khatyn est le symbole de l’horreur vécue par les civils et de leurs souffrances. C’est pourquoi le Bélarus a dit regretter et être très préoccupé par la forte méfiance et l’hostilité toujours plus grande qui règnent, depuis quelques années, entre les États les plus importants du système international de sécurité et qui possèdent l’essentiel du potentiel militaire de la planète. Le Bélarus veut croire que la mémoire historique est le meilleur vaccin contre une nouvelle guerre. Il importe d’éviter de franchir certaines limites, au-delà desquelles la civilisation pourrait être confrontée à des conséquences irréversibles. La Conférence du désarmement assume un rôle particulier dans la préservation de la paix: dans les pires moments de la guerre froide, c’est la Conférence qui a reçu la mission de construire un système de sécurité moderne, a rappelé le Bélarus. Il a demandé aux États de rendre à cette enceinte son rôle dans la réduction des tensions et dans le renforcement de la confiance.

Le Royaume-Uni a déclaré que l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) avait envoyé des représentants au Royaume-Uni pour enquêter sur la tentative d’assassinat de deux personnes à Salisbury. Ils sont partis avec des échantillons de l’agent toxique Novitchok: les résultats de leur analyse devraient être connus dans deux semaines. Le Royaume-Uni respecte pleinement les dispositions de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, au contraire de la Fédération de Russie, qui n’a apporté aucune réponse aux demandes d’explication du Royaume-Uni. Le Royaume-Uni s’est dit encouragé par le soutien qu’il a reçu à ce jour dans cette affaire.

La Turquie a assuré la nouvelle Présidente de son soutien dans sa tâche. La Turquie insiste sur l’importance, pour les membres de la Conférence, de tirer les conséquences de leur échec résultant du manque de confiance et de volonté politique dans la concrétisation de la décision de créer les organes subsidiaires. La Turquie a par ailleurs dit sa totale solidarité avec le Royaume-Uni face à l’attaque chimique de Salisbury.

La Norvège a condamné l’attaque de Salisbury, qui représente la première utilisation d’un agent innervant sur le territoire d’un pays membre de l’OTAN depuis la création de l’alliance. La Norvège a demandé à la Fédération de Russie de répondre aux questions légitimes du Royaume-Uni.

Le Viet Nam a souligné le rôle de la Conférence en tant qu’unique instance multilatérale de négociation sur le désarmement. Il a dit être convaincu de l’importance du désarmement nucléaire et de l’élimination totale des armes nucléaires. La Conférence a pris de l’élan cette année, a observé le Viet Nam, demandant aux membres de consentir encore un dernier effort pour concrétiser l’engagement qu’elle a pris en décidant de se doter d’organes subsidiaires.

L’Indonésie, estimant indispensable de relancer les travaux de la Conférence, s’est elle aussi félicitée des travaux réalisés par les présidences successives en vue de la création d'organes subsidiaires. Elle a souligné que le fonctionnement de ces organes devrait respecter les termes de la décision qui a porté leur création.

La Slovaquie a condamné l’utilisation d'un agent chimique innervant à Salisbury, une arme interdite par le droit international et qui n’a pas sa place dans le monde moderne. La Slovaquie rejette les accusations absurdes du Ministère des affaires étrangères russe, qui a laissé entendre que l’agent pourrait avoir été fabriqué en Slovaquie.

La Suède a condamné fermement les tentatives d’assassinat commises sur le territoire britannique au moyen d’un agent chimique innervant, attaque dont les auteurs devront rendre des comptes. Le Suède a dit s’être exprimée à ce sujet devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Vendredi dernier, le porte-parole du Ministère russe des affaires étrangères a dit que la Suède faisait partie de quatre pays « qui auraient pu » élaborer l’agent en question: la Suède a rejeté totalement ce qu’elle a qualifié de nouvel exemple de manipulation de l’espace médiatique par la Fédération de Russie.

La Fédération de Russie a regretté les affirmations irresponsables du Royaume-Uni concernant l’incident de Salisbury. Les communications médiatiques sur cet incident n’ont pas été précédées de tentatives de dialoguer avec la Fédération de Russie, malgré sa volonté exprimée en ce sens et ses dénégations, a regretté la Fédération de Russie, qui a souligné qu’il n’y avait toujours pas de preuve de son implication. Dès le début, la Fédération de Russie attendait du Royaume-Uni qu’il passe par les procédures établies par l’OIAC et par le Conseil de l’Europe en matière d’entraide juridique.

La Fédération de Russie a ensuite affirmé qu’elle avait détruit toutes ses armes chimiques. Mais des recherches sur les armes chimiques se sont poursuivies au Royaume-Uni et peut-être dans d’autres pays. Tout près de Salisbury se trouve un laboratoire gouvernemental d’armes de destruction massive. Si le Gouvernement britannique est en mesure de détecter le Novitchok, c’est bien qu’il doit en posséder la formule ou un échantillon, a fait observer la Fédération de Russie. Elle a aussi douté de la pertinence et de la légitimité de la démarche du Royaume-Uni auprès du secrétariat de l’OIAC et rappelé que le public du Royaume-Uni avait été trompé, en son temps, par les déclarations erronées de Tony Blair sur les armes de destruction massive en Iraq.

Les États-Unis ont mis en garde contre ce qu’ils ont qualifié de « propagande russe caractéristique » et qui consiste à rejeter sur autrui la responsabilité de ses propres actes. Il est tout à fait absurde de suggérer que d’autres pays sont responsables de l’attaque de Salisbury.

Le Royaume-Uni a estimé, lui aussi, que la réponse de la Fédération de Russie était caractéristique: détourner l’attention en formulant des hypothèses sans fondement. Le Royaume-Uni respecte la Convention et la procédure de saisine du secrétariat de l’OIAC, a-t-il répété. La Fédération de Russie n’a pas donné de réponse adéquate aux demandes d’explications qui lui ont été faites par l’intermédiaire de l’OIAC.

La Fédération de Russie a douté que le débat sur l’affaire de Salisbury fasse avancer les travaux de la Conférence. La Fédération de Russie nie toute implication dans cette affaire: quelle autre réaction le Royaume-Uni attend-il d’elle? La Fédération de Russie ne cherche pas à faire de la propagande. La Convention demande que toute allégation soit accompagnée de preuves: or, deux semaines après les faits, ces preuves n’ont pas toujours pas été apportées, a constaté la Fédération de Russie.

Le Royaume-Uni a dit suivre les procédures prévues par l’OIAC pour établir une enquête indépendante sur cette question, dont la communauté internationale dans son ensemble sera informée. En outre, la Conférence du désarmement est une enceinte appropriée pour traiter de cette question. Le Royaume-Uni s’interroge sur la valeur que peut avoir le contrôle des armements si une partie ne respecte pas ses obligations de déclaration. Les atermoiements de la Fédération de Russie au sujet de la production et de la possession – ou non – de Novitchok n’inspirent pas confiance, a dit le Royaume-Uni.

Les États-Unis ont recommandé à la Fédération de Russie de cesser d’accuser des pays tiers, une pratique qui la décrédibilise.

La Fédération de Russie a estimé raisonnable sa demande au Royaume-Uni qu’il produise des preuves de ses accusations.

Le Royaume-Uni a dit qu’il misait sur la réalisation d’une enquête impartiale.


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