Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU BANGLADESH
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et ce matin, le rapport initial du Bangladesh sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Le Ministre d’État aux affaires étrangères et chef de la délégation du Bangladesh, M. Mohamed Shahriar Alam, a présenté le rapport initial de son pays, qui a adhéré au Pacte le 5 octobre 1998. Il s’est enorgueilli d’être passé, aujourd’hui même, de la catégorie des pays les moins avancés à celle des pays à revenu intermédiaire, soit avant la date butoir que le pays s’était fixée. Soucieux de répondre concrètement aux dispositions du Pacte, le Gouvernement a centré ses politiques sur une répartition équitable des dividendes du développement entre tous les secteurs de la société et l’amélioration de la qualité de la vie. Le Ministre d’État a en outre annoncé qu’au vu des pressions insoutenables exercées par l’accueil de plus d’un million de Rohingya fuyant le Myanmar, il a été décidé, à titre provisoire, d’installer ces personnes à Bhashan Char, une île située au sud du pays. Le chef de la délégation a aussi souligné que, suite à l'incendie de l'usine Tazreen Fashion en 2012 puis l'effondrement du Rana Plaza en 2013, tout le secteur textile avait été rénové et 3 780 usines textiles inspectées. L’enregistrement des syndicats a été simplifié et le pas en compte aujourd'hui 8 042. Le Bangladesh s’est aussi engagé à éliminer le travail des enfants d’ici à 2025 et 100 000 enfants ont été retirés de travaux dangereux.
La délégation était également constituée de représentants des Ministères du travail et de l’emploi, de l'aménagement du territoire, de l'intérieur, du bien-être social, de l’agriculture, de l’éducation, des affaires féminines et de l'enfance, de la santé et du bien-être de la famille, ainsi que de M. Kazi Shafiqui Alam, Directeur de la Commission anticorruption. Elle a répondu à des questions portant notamment sur les droits des réfugiés Rohingya du Myanmar; la politique visant à l’élimination du travail des enfants; les mesures prises contre le mariage d’enfants; l’accès à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’à l’alimentation; le rétrécissement de la liberté d’expression, en particulier avec la future loi sur le numérique; la mise en œuvre des Accords des Chittagong Hill Tracts entre le gouvernement et les communautés tribales locales; les droits des communautés tribales à un consentement préalable; la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale.
Les membres du Comité ont demandé des informations complémentaires sur les conditions de travail et la protection des travailleurs du secteur informel. Le secteur de l’habillement et du textile a aussi été au centre du débat, en particulier les indemnisations aux victimes et aux familles des accidents de Tazreen Fashion et Rana Plaza, ainsi que l’inspection et l’amélioration des conditions de travail et de sécurité dans les usines. Ils ont aussi défendu les droits économiques, sociaux et culturels des Dalits au Bangladesh, soit 5,5 millions de personnes, d’autres castes et des autochtones. Les experts ont en outre prié les autorités de veiller au respect des droits économiques, sociaux et culturels des Rohingya dans les camps de Balukhali et Kutupalong et de prendre des mesures en particulier à l’approche de la saison des moussons.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Bangladesh qui seront rendues publiques à l’issue de la session, qui se termine le 29 mars prochain.
Lors de sa prochaine séance publique, lundi 19 mars à 10 heures, le Comité tiendra une réunion avec des représentants de la société civile de la République centrafricaine, de l’Espagne et de la Nouvelle Zélande, États parties dont les rapports seront examinés au cours de la semaine prochaine.
Présentation du rapport du Bangladesh (E/C.12/BGD/1)
M. MOHAMED SHAHRIAR ALAM, Ministre d’état aux affaires étrangères, a rappelé que son pays était sorti de la liste des pays les moins avancés ayant atteint, en 2015 le statut de nation à revenu moyen. Dans sa route vers le développement, le Bangladesh s’engage également sur la voie des objectifs de développement durable sur la base des Visions 2021 et 2041 envisagées par le Père de la Nation, Sheikh Mujibur Rahman, lors de son discours historique du 7 mars 1970 devant le parlement, promettant une constitution garantissant au peuple son émancipation économique, politique et culturelle. Sa fille Sheikh Hasina, a pu former en 1996 un gouvernement démocratique et souscrire, en 1998, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un nouvel élan a été insufflé lorsqu’en 2009 elle a formé un nouveau gouvernement – qu'elle dirige encore – qui a adopté une « vision claire » tendant à faire du Bangladesh un pays à revenu intermédiaire en 2021, et un pays prospère d’ici à 2041.
Dans le cadre de l’application du Pacte, le Bangladesh dépasse beaucoup de pays en développement et de sa région, a affirmé M. Alam, qui s’est enorgueilli du maintien de la croissance bien au-dessus de 6% au cours des dix dernières années, ajoutant que le pays n’avait jamais subi, dans son histoire, de croissance négative, et se place aujourd'hui à la 34e place de l’Index de développement inclusif du Forum économique mondial. Pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte, le Gouvernement a centré ses politiques sur une répartition équitable des dividendes du développement entre tous les secteurs de la société et l’amélioration de la qualité de la vie. Concrètement, le taux de pauvreté a baissé de 38,4% en 2006 à 24,3% en 2016, tandis que le revenu par habitant est passé de 543 dollars en 2006 à 1610 dollars dix ans plus tard. Aujourd'hui, l’espérance de vie des Bangladais a atteint 71,6 ans.
Le chef de la délégation a en outre souligné que la protection des femmes de la violence avait été érigée en priorité. Le dix-septième amendement de la Constitution, approuvé, réserve des sièges pour les femmes au Parlement, et un tiers des sièges dans les municipalités. Il a aussi fait valoir que 33,5% des femmes travaillent le secteur productif.
Le Ministre d’État a souligné que, suite aux accidents tragiques de Tazreen Fashion en 2012 et Rana Plaza en 2013, tout le secteur textile avait été rénové et 3 780 usines textiles avaient été inspectées. L’enregistrement des syndicats a été simplifié et, aujourd’hui, 8 042 sont enregistrés pour 202 fédérations syndicales. Le Bangladesh s’est aussi engagé à éliminer le travail des enfants d’ici à 2025; 100 000 enfants ont été retirés de travaux dangereux. Le pays a par ailleurs établi un quota d’1% réservé aux personnes handicapées dans le secteur de l’emploi. La délégation a aussi mis l’accent sur la Stratégie nationale de sécurité sociale mise en place en 2015 et devant inclure tous les groupes vulnérables dans la protection garantie par la sécurité sociale.
Le Child Marriage Restraint Act a également été adopté en 2017, abolissant la loi de 1929 sur le mariage, a indiqué M. Alam, qui a ajouté qu'un plan d’action pour mettre fin au mariage des enfants (2017-2030) avait été préparé.
M. Alam a en outre cité le projet Ekti Bari Ekti Khamar (Un foyer, une ferme), lancé en 2009 qui a permis la formation de 40 200 coopératives, avec la participation de 10 millions de pauvres et très pauvres qui ont déposé environ 385 millions de dollars dans le projet.
Le chef de la délégation du Bangladesh a ensuite attiré l'attention sur l’accueil que le Bangladesh accordait à plus d’un million de Rohingya « déplacés par la force de leur patrie, le Myanmar » pour fuir la persécution systématique dont ils sont l’objet, la discrimination et l’exclusion. Comme ce n’est pas la première fois, la présence de longue durée des Rohingyas au Bangladesh a posé des défis immenses et variés. Il a en outre mis l’accent sur l’impact de ces mouvements de populations sur l'environnement, les menaces à la sécurité et les répercussions négatives sur les communautés d’accueil, notamment la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Au vu de ces pressions insoutenables, il a été décidé d’installer ces personnes sur Bhashan Char, une île située au sud du pays, et le Gouvernement s’active à présent à rendre l’île habitable. Le représentant a précisé qu'il s'agissait d'une mesure provisoire car la priorité consiste à résoudre ce problème une fois pour toutes pour garantir un retour sûr, digne et durable des Rohingya dans leur pays d’origine, le Myanmar.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Le groupe de travail du Comité chargé de préparer l'examen du rapport du Bangladesh était présidé par MME SANDRA LIEBENBERG.
Mme Liebenberg a demandé si des mesures avaient été prises pour assurer des recours au plan national pour les personnes qui considèrent que leurs droits ont été violés, notamment par des communications individuelles. Elle a constaté que, dans le cadre du Plan stratégique, des dispositions sont prévues pour les droits économiques, sociaux et culturels. Elle a toutefois relevé que la Commission nationale des droits de l’homme ne jouissait que du statut B attribué par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Elle s’est ensuite enquise des mesures qui sont envisagées pour améliorer l’indépendance du processus de nomination de ses membres, ainsi que de ses ressources. Constatant la situation extrêmement grave des Rohingya au Myanmar, elle a grandement apprécié les efforts du pays hôte, et reconnu les immenses défis qui se posent, alors qu’il bataille pour garantir les droits de ses propres citoyens. Cependant, les Rohingya doivent aussi jouir de tous les droits prévus dans le Pacte, a insisté l’experte, qui a demandé au Gouvernement du Bangladesh d’y veiller alors que la saison des moussons arrive dans les camps de Balukhali et Kutupalong. L’experte a insisté sur la protection des réfugiés des épidémies en particulier.
Le Comité a été saisi d’allégations sur le rétrécissement de la liberté d’expression, notamment le projet de loi sur la sécurité numérique qui aura des incidences négatives sur la liberté des médias. Le Comité est préoccupé par la questions du respect de cette liberté fondamentale qu'est la liberté d'expression, a déclaré Mme Liebenberg.
L'experte a plaidé pour les droits des peuples autochtones dont les territoires ont été détériorés pour la construction de mégaprojets d'exploitation des ressources naturelles, sans consentement préalable. Le Gouvernement prévoit-il la ratification de la Convention n°169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux? S'agissant des Accords des Chittagong Hill Tracts avec les communautés tribales locales, elle a noté le fait que la Commission prévue par les accords avait commencé ses travaux mais a voulu savoir si elle disposait des ressources nécessaires et si les communautés tribales avaient concrètement voix au chapitre.
Mme Liebenberg a relevé que la pauvreté extrême au Bangladesh était passée de 91% en 1992 à 12,9% en 2013, ce qui pourrait permettre au pays d'atteindre le premier Objectif de développement durable avant l'horizon 2030. Toutefois, l’experte a relevé un ralentissement de la baisse du taux de pauvreté. Elle a aussi voulu savoir quels efforts étaient envisagés pour remédier à l’évasion fiscale; comment la taxe en valeur ajoutée pourrait devenir plus progressive; quelles mesures sont prises dans la lutte contre la corruption, notamment en améliorant l’efficacité de la Commission anticorruption et la reddition de comptes de personnalités réputées être corrompus.
L'experte a mis l’accent par ailleurs sur les discriminations à l’endroit des Dalits, des Hindous, des personnes pour leur identité et orientation sexuelles et d’autres groupes minoritaires. Elle a invité le pays à lever ses réserves concernant l'accès à l’emploi de ces groupes. L’experte a aussi mis l’accent sur la nécessité de réformer la législation sur le mariage et l’héritage.
Un autre membre du Comité s’est enquis des raisons pour lesquelles le Bangladesh avait émis des réserves au Pacte et de la logique de leur maintien. Il a attiré l’attention sur l’observation générale n° 20 du Comité, soulignant que la « liste fermée » de discriminations n’était pas compatible avec le Pacte. Il a aussi voulu la connaître la position du Bangladesh quant à l'impact sur l’égalité de facto, en particulier pour les femmes, du statut de religion d’État accordé dans le pays a une religion.
Un membre du Comité a relevé que le chef de la délégation avait dépeint un tableau très positif de la situation au Bangladesh. Certes, de progrès considérables ont été accomplis, en particulier en termes de démocratisation. Il a voulu savoir dans quelle mesure les décideurs ont véritablement conscience des dispositions du Pacte au moment d’élaborer leurs programmes et stratégies de développement économique. Il a demandé à la délégation de fournir des informations qui pourraient indiquer que les ressources maximales ont été consacrées
pour la protection et la promotion des droits figurant dans le Pacte. L'expert a voulu savoir quelle était la perception de la parité au sein des autorités bangladaises, notant que la délégation ne comptait que 4 femmes sur un total de 20 membres. Il a par ailleurs rappelé que des travailleuses domestiques bangladaises subissent de très mauvais traitements au Moyen-Orient et s'est interrogé sur les mesures de protection prévues par les autorités du Bangladesh.
Une experte a insisté sur les droits des communautés tribales à un consentement préalable avant le commencement de grands projets tels la construction de barrages. Une autre a plaidé en faveur de la ratification du Protocole se rapportant au Pacte, ce qui inciterait d’autres pays de la région à lui emboîter le pas. Elle a aussi encouragé au respect des droits et de la sécurité des journalistes et d’abroger la loi Special Powers Act de 1974. Elle a aussi défendu les droits des Dalits et invité à une liste non limitative relative à la non-discrimination.
Un expert a salué les efforts soutenus déployés par le Bangladesh, un pays essentiellement agricole, qui n’a pas une grande superficie, mais affiche une densité démographique élevée. Étant donné que 90% des emplois sont dans le secteur informel (92% en ce qui concerne les femmes), tous les travailleurs bénéficient-ils de conditions dignes, a-t-il demandé. Il a encouragé à une plus grande prise de conscience de l’importance des personnes handicapées (1% de la population) au sein de la société. Il a requis par ailleurs des données ventilées sur les Dalits, sur d’autres castes et sur les autochtones.
La politique visant à l’élimination du travail des enfants en 2025 semble ambitieuse mais, d’ici là, beaucoup d’entre eux travaillent encore dans bien des secteurs, surtout dans l’industrie du tabac, a-t-il encore souligné. Le secteur de l’habillement et du textile est très important mais cela fait plusieurs années que le salaire minimum n’a pas augmenté, et la Banque mondiale le juge nettement faible. Ce secteur étant devenu très compétitif, comment le Bangladesh entend-il répondre à cette concurrence croissante?
Revenant sur le renforcement des mesures d’inspection suite à l’effondrement du Rana Plaza, en avril 2013, et de l’incendie de l’usine Tazreen Fashion en 2012, l’expert a voulu savoir, à l’instar d’autres membres du Comité, comment cette inspection est assurée dans tous les autres secteurs. Quelles sont les conditions de travail en général?
L'expert a aussi voulu savoir s'il existait des comités de lutte contre le harcèlement sur le lieu de travail ou le harcèlement sexuel, a encore demandé l’expert. Les secteurs du textile, de la construction et des transports affichent un nombre élevé d’accidents graves, a-t-il encore fait remarquer, ajoutant que les pouvoirs publics devraient accorder davantage d’importance à la protection des travailleurs. Il a aussi appelé à résoudre le problème de l’écart salarial. Le Bangladesh a-t-il l’intention de ratifier la Convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques alors que c’est un secteur à la fois important et majoritairement occupé par les femmes au Bangladesh et à l’étranger.
Un expert s’est enquis du plan d’action sur les droits de l’homme et les entreprises, tel que recommandé par le Conseil des droits de l’homme. Comme il y a 7,7 millions de Bangladais qui travaillent à l’étranger, quelle protection leur est fournie par le Bangladesh ? Le Comité est en effet saisi de nombreuses informations sur les mauvais traitements infligés à ces travailleurs.
Une autre experte qui s’est rendue sur place au lendemain de l’effondrement du bâtiment du Rana Plaza, où beaucoup d’enfants ont été tués, a témoigné de l’ampleur du drame pour les travailleurs et leurs familles et regretté l’insuffisance de l’indemnisation aux nombreux morts et blessés. Elle a dénoncé toutes les situations d’exploitation et d’abus qui perdurent dans ce secteur de l’industrie bangladaise. L’experte a exigé de savoir ce que la délégation entendait par « tolérance zéro contre les abus sur le lieu de travail » car les informations qu’elle détient prouvent que les ouvrières n’ont même pas le droit de se rendre aux toilettes ou de faire une pause.
Un autre membre du Comité a réfuté les justifications de la délégation sur la mise en œuvre et la garantie de la jouissance des droits fondamentaux, soulignant que la protection de ces droits n'attend pas l’allocation de ressources.
Un expert a fait état de nombreux cas de menaces à l’endroit des syndicats indépendants, tout en relevant que la plupart des syndicats reconnus sont liés au patronat.
Une experte a abordé la question de l’apatridie des enfants nés dans les camps de réfugiés. Les enfants apatrides n’ont pas accès à l’école et aux soins de santé. Comment est appliquée la loi sur l’enregistrement des naissances et existe-t-il une évaluation et un ajustement des politiques pour régler ce problème? Elle a voulu obtenir des données ventilées détaillées. Par référence au paragraphe 164 du rapport, l'âge minimum d’emploi des enfants, elle a indiqué que malgré l’interdiction de l’emploi d’enfants de moins 14 ans, beaucoup d’enfants plus jeunes exercent des métiers, certains dangereux. Elle a en outre noté que des femmes enceintes effectuent souvent des tâches nocives pour leur santé. Selon les informations reçues par le Comité, les lois sur le statut personnel régissent le mariage, le divorce et l’héritage religieux. Quelles mesures sont prises pour unifier les lois concernant la famille? Comment sont assurés les soins de santé primaire dans les zones plus défavorisées, s’est-elle aussi enquise.
Malgré l’adoption d’une loi, en 2017, sur le mariage des enfants, 18% des filles mariées ont moins de 15 ans et le mariage précoce est encore très courant au Bangladesh et affecte la santé sexuelle et procréative des filles, avec une mortalité maternelle très élevée, selon l’UNICEF. Elle a aussi attiré l’attention sur le viol en tant que moyen d’affaiblir certains groupes ou communautés. Ainsi, 73% des femmes mariées ont connu au moins une forme de violence pendant la durée de leur mariage. Elle a par ailleurs requis plus d’informations sur les fatwas à l’encontre des femmes.
Les dalits sont « entassés dans des baraquements » ou relégués dans des zones isolées sans aucune possibilité de développement, a relevé une experte. Elle a voulu obtenir des données sur leur nombre exact et leur répartition sur tout le territoire. Elle a aussi décrit les problèmes concernant l’alimentation liés à l'utilisation de pesticides, la sécurité alimentaire et la diminution des ressources halieutiques et la pollution de l’eau, les industriels étant davantage attachés à leurs intérêts qu'au bien-être des populations. Comment éradiquer les dangers des pesticides et assurer à tous un accès à l’eau potable et à l’assainissement, se sont interrogés plusieurs membres du Comité.
Un expert a sollicité des informations sur les madrasas, dont les programmes d'enseignement ne sont pas contrôlés par les ministères mais par l’Alia Madrasa, établie en 1780 par le Gouvernement britannique. Sachant que 9 319 madrasas fonctionnent aujourd’hui au Bangladesh et qu’elles enseignent à plus de 2 409 373 élèves, comment prévenir, dans ces conditions, les risques d’extrémisme, certains groupes religieux ayant notamment sollicité des dérogations pour leurs cursus. Ce problème se pose-t-il également pour d’autres groupes religieux comme les hindous?
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que, si le Pacte ne peut être invoqué directement devant les tribunaux, il fournit des lignes directrices pour le respect des droits qu'il consacre. Elle a par la suite indiqué que les droits civils et politiques pouvaient être invoqués directement devant les tribunaux, mais le Bangladesh considère que les droits économiques, sociaux et culturels peuvent être réalisés graduellement et exigent qu'un pays dispose de ressources régulières. La délégation a souligné qu’en tant que pays en développement, il ne saurait garantir une jouissance effective de ces droits sans assurer le financement nécessaire à long terme pour ce faire. Toutefois, des règles spécifiques dans différents aspects de la vie ainsi que des lois sectorielles garantissent la jouissance des droits protégés par le Pacte. Le Bangladesh envisage la ratification du Protocole facultatif au Pacte (sur l'examen de plaintes) à une date ultérieure.
Quant aux réserves aux articles 1, 2, 3, 7, 8, 10 et 13 du Pacte, elles résultent du fait que ces articles ne sont pas tout à fait compatibles avec le code du statut personnel, notamment au sujet de l’héritage. Cela est également vrai pour la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La délégation a fait valoir des réalités socioculturelles qui influent sur la manière dont certaines questions sont abordées. Ainsi, la législation nationale a fini par aider à retirer des réserves à la Convention relative aux droits de l’enfant.
Interrogée sur les raisons du retard dans la soumission du rapport initial du Bangladesh, la délégation l'a attribué à un manque de continuité politique et, a-t-elle reconnu, à un manque de volonté, les priorités ayant été placées ailleurs compte tenu du manque de capacités du pays.
La Commission des droits de l’homme du Bangladesh avait été créée en 2009 pour enquêter sur les violations, analyser les lois, garantir l’accès à la justice et sensibiliser à la perception de ces droits. Pour sa part, la Commission anticorruption est une institution autonome plus efficace que le bureau qu’elle a remplacé. Elle compte 2 900 employés, dont 25 équipes chargées de la lutte contre la corruption institutionnelle, a fait valoir la délégation. Plus de 16 000 cas de corruption ont été ouverts, 14 000 sont encore devant les tribunaux. La Commission a poursuivi 222 affaires de blanchiment d’argent, 1408 comptes bancaires ont été gelés avec des fonds importants. Il a mentionné l’exemple très récent de l’ancienne Premier ministre, Khaleda Zia, et des membres de sa famille, qui ont détourné de l’argent destiné à la construction d’orphelinats et ont été jugés et condamnés à de lourdes peines de prison. Aussi, 57 autres affaires de corruption impliquant des personnalités connues ont été ouvertes.
La délégation bangladaise a relevé que la France, au lendemain des attentats de novembre 2015, avait décrété l’état d’urgence et la fermeture de comptes sur les médias sociaux. De la même façon, le 5 mai 2013, le Bangladesh a été confronté à une vague de fausses informations et des photos truquées ont été diffusées sur la Toile. Il y a eu un détournement de l’utilisation d’Internet. Le projet de loi sur la sécurité numérique, en cours d’élaboration, fait l’objet de débats approfondis. Les journalistes ont cru à tort que le journalisme d’enquête allait être affecté et les journalistes harcelés. La délégation a aussi mentionné à cet égard l’incendie criminel d’un temple et des incidents de violence contre des minorités religieuses à proximité de Dacca, suite à de fausses rumeurs publiées dans les médias sociaux. Le pays compte 32 chaînes de télévision, très populaires, ainsi que 2 800 journaux. Tout incident de violence contre les médias est traité avec le plus grand sérieux et, en cas d’agression, des mesures ont immédiatement prises. La délégation a aussi regretté l’assassinat de cinq bloggers par des gens qui ne sont pas du pays ou sont des Bangladais établis en Australie ou ailleurs. Les autorités continuent à être vigilantes pour que cela ne se reproduise pas.
La Constitution considère tous les citoyens sur le territoire du Bangladesh comme des autochtones, « ce qui correspond à la définition de la Convention n°169 de l’Organisation internationale du travail ». Si le Bangladesh n’a pas adhéré à la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, l’État est néanmoins tenu de promouvoir le style de vie de toutes les communautés qui vivent dans les collines et les plaines et de préserver leur héritage culturel. Des manuels scolaires ont été récemment traduits dans des différentes langues locales. La délégation a déploré l’impasse dans la mise en œuvre des accords de paix des Chittagong Hill Tracts, soulignant qu’il faut un courage et un engagement inconditionnel pour appliquer ces accords avec les communautés. Plus de 2000 plaintes ont été reçues par un bureau mis sur pied à cet effet dans le district des collines.
S'agissant de l'arrivée massive au Bangladesh de personnes appartenant à la minorité rohingya du Myanmar, la délégation a indiqué que son pays avait accueilli 300 000 Rohingya dans les années 1990; 600 000 autres sont arrivés après août 2017. Environ 100 000 personnes sont identifiées comme vulnérables autour des camps à l'approche de la mousson et seront réinstallées dans le camp par les services de l’armée. Il faudrait mettre au point un plan de réponse qui exigera 930 millions de dollars, ce qui fait que le Gouvernement s’est résout à solliciter l’aide internationale. La pression est bien forte car il existe aussi des dimensions de politique intérieure, ce million de personnes dénuées de tout est très vulnérable à la radicalisation, par exemple. Elle a par ailleurs indiqué que l’enregistrement des naissances était effectué dans les camps de réfugiés, mais pour les Rohingya qui ont fui le Myanmar après août 2017, les enfants nés après l’arrivée des parents au Bangladesh seront enregistrés par les tribunaux pour être notifiés comme il se doit au Gouvernement du Myanmar.
La délégation a affirmé, au sujet des nombreuses minorités ethniques sur le territoire qui représentent 5 millions de personnes, que toutes les politiques se veulent inclusives et tiennent comptent de l’existence de tels groupes. La délégation s’est étonnée que le Comité insiste surtout sur les Dalits (opprimés). Il n’existe pas de quota particulier mais 5% des emplois dans le nettoyage leur est réservé, à leur demande. Les autorités ont versé 79,7 millions de taka en faveur du développement des Dalits.
Les personnes transgenres ont été reconnues et le Gouvernement a décidé de reconnaître les droits d’autres communautés négligées. La délégation a souligné que la discrimination envers les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués remonte à l’ère coloniale britannique. L’accès au traitement et aux soins est garanti à ces personnes.
La loi antidiscrimination vise de très nombreux groupes et est encore à l’examen par les institutions gouvernementales, le Parlement et la société civile avant de la finaliser ce qui fera que personne ne sera laissé pour compte, a-t-elle expliqué.
La délégation a expliqué que la notion de religion d’État avait été intégrée à la Constitution pour répondre à la volonté de la majorité de la population. Elle a toutefois rappelé que le principe de laïcité figurait également dans la Constitution, qui stipule que tous les autres groupes religieux pourront librement pratiquer leur religion. La délégation a aussi souligné que le mariage était régi par la loi sur la famille. Une loi récente exige désormais l’enregistrement des mariages hindous, faute de quoi l’accès à un compte bancaire, entre autres, est rendu impossible.
Quatre millions de travailleurs du Bangladesh se trouvent à l’étranger et les autorités font tout ce qu’elles peuvent pour leur venir en aide, a déclaré la délégation. Elle a ajouté que 14 accords bilatéraux ont été signés concernant les travailleurs bangladais à l'étranger. Des exceptions subsistent toutefois, l’envoi de travailleurs ayant été suspendu vers certains pays. Elle a au contraire cité Hong Kong comme un modèle, précisant qu'il n’y avait jamais eu de plainte de la part de travailleurs bangladais qui y travaillaient. Les travailleurs migrants constituent une importante source de revenu pour le pays et réduit la dépendance de l’aide publique au développement.
En ce qui concerne la sécurité des travailleurs, la délégation a insisté sur les efforts importants consentis depuis les incidents de Rana Plaza et Tazreen Fashion et les mesures prises pour prévenir les accidents et garantir la protection des travailleurs. Au moins 4 millions de personnes travaillent dans l’industrie du vêtement et l’amélioration de leurs conditions a automatiquement un impact positif sur d’autres secteurs. Ainsi la loi de 2006 sur le travail a été amendée en 2013 avec des dispositions spécifiques sur la santé et la sécurité, ainsi que la création de syndicats indépendants. Une cellule d’ingénierie et de réfection a été mise sur pied et les bâtiments défectueux sont en train d’être réparés et rénovés tandis que 39 usines ont été fermées pour non-respect des normes de sécurité. L’Organisation internationale du travail et les alliances de grands importateurs ont tous estimé que les indemnisations versées aux victimes et à leurs familles étaient satisfaisantes. Après le Rana Plaza, aucune usine n’a enregistré un retard dans le paiement du salaire au-delà du 7 du mois, preuve du caractère strict des règles mise en place. Il a rappelé la signature, le 24 mars 2013, du Plan d’action national tripartite sur la sécurité incendie dans l’industrie du prêt à porter, en l’occurrence le Ministère du travail, les gros acheteurs, les organisations d’employeurs et de salariés ainsi que des organisations non gouvernementales.
Répondant à la question sur la concurrence dans l’industrie du textile, la délégation a informé le Comité que le Bangladesh était en pleine négociation avec les grossistes et livrait une concurrence à Sri Lanka, mais aussi à des pays africains qui ont des tarifs préférentiels avec l’Union européenne.
La délégation a indiqué que 1,6 million de jeunes ont été invités à une formation dans des centres des technologie de l’information et la communication (TIC) construits dans la partie occidentale du pays. D’autres projets sont envisagés dans la partie septentrionale. Des aides et allocations sont fournies à différents groupes vulnérables et la notion de salaire minimum est évolutive. Beaucoup de jeunes partent se former à l’étranger où certains s’établissent définitivement mais d’autres retournent pour contribuer au développement socioéconomique du leur pays. Les groupes de la société civile sont des partenaires naturels dans ce domaine.
S’agissant de la violence à l’égard des femmes, la délégation a dit la difficulté qu’il y avait à aborder cette question dans le milieu familial tout en indiquant que bien des femmes de son pays participent au mouvement #MeToo né de la série de révélations d’abus sexuel à Hollywood. Un comité de lutte contre le harcèlement sexuel a été créé au sein de la police et dans l’industrie du prêt à porter. Parallèlement, des mouvements fondamentalistes ont réclamé que les femmes restent au foyer. Ils ont organisé une manifestation assez violente que les autorités ont dû endiguer suite à des émeutes et incidents assez graves. Un laboratoire mobile ou centre d’urgence sur la violence aux femmes et aux enfants permet l’enregistrement du témoignage des victimes, qui dispose aussi d’une ligne gratuite. Le viol est passible d’une sentence à vie et 128 000 affaires sont en souffrance dans l’ensemble du pays. La délégation a aussi informé que le viol conjugal fait dorénavant partie des abus qu’une femme peut dénoncer devant la justice.
Une série de directives datant de 2009 a été distribuée pour prévenir le harcèlement sexuel, et des activités de sensibilisation ont eu pour résultat une diminution relative du nombre d’incidents. Plus important, les hommes respectent davantage les femmes qu’il y a dix ans, par exemple. L’autonomisation des femmes permet aussi de mieux faire comprendre la notion d’intérêt supérieur de l’enfant tandis que 2040 est la date butoir pour ne plus avoir de mariage d’enfant. La délégation a rappelé que le Bangladesh est un pays musulman modéré et qu’il faut avoir à l’esprit les contraintes sociales. Il faut apprécier l’engagement du Gouvernement et de la société dans le cadre de la loi sur l’intérêt supérieur de l'enfant, la délégation invitant le Comité à la patience sur ce sujet.
La Stratégie nationale pour les jeunes et les adolescents, mise en place en 2017 pour 14 ans dans le cadre de la réalisation des Objectifs de développement durable, est au cœur des efforts en matière de soins et de prévention. Des tribunaux itinérants sont très populaires et sont chargés de recevoir et traiter les doléances de la population concernant les produits alimentaires. Des programmes de distribution d’aliments dans les zones défavorisées sont opérationnels dans plusieurs provinces, notamment dans les Chittagong Hills où il y a eu une pénurie alimentaire en 2016.
La délégation a admis qu’il n’y avait pas un bon contrôle des 54 cours d’eau du pays, mais une stratégie nationale pour l’accès à l’eau et à l’assainissement a été adoptée en 2014. Le droit à l’eau est reconnu ainsi que celui à une eau potable de qualité et abordable. Il est prévu que toute la population ait accès à l’eau potable et à l’assainissement. Le plus grand pollueur du fleuve qui coule à Dacca était une usine de tannerie que les autorités ont fini par déplacer dans une zone exclusivement consacrée aux tanneries.
La délégation s’est félicitée que le Bangladesh ait reçu, le 16 mars 2018, la nouvelle de son passage de la catégorie des pays les moins avancés à celle de pays à revenu intermédiaire. Avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Bangladesh compte établir un mécanisme national sur les droits de l’homme et les entreprises. D’ici à 2021, le pays ambitionne de passer sous la barre de 12% pour la pauvreté extrême.
Le recours aux fatwas est en déclin, a assuré la délégation, qui a souligné qu'elles ne sont pas utilisées à bon escient dans certaines circonstances, notamment en ce qui a trait aux châtiments extrajudiciaires. La délégation a rejeté l’idée que les madrasas soient des pépinières d’extrémistes, arguant, au contraire, que tous les terroristes (sauf un) ayant sévi au Bangladesh étaient issus de l’élite ou avaient grandi à l’étranger. Bien que très délicate, la tâche de modernisation des manuels et du cursus dans ces écoles coraniques s’est avérée positive. Les autorités ont ainsi persuadé les madrasas de supprimer un chapitre des manuels intitulé « Djihad ». Le Ministère des affaires religieuses est aussi chargé du fonctionnement des temples, des mosquées et autres lieux de culte. La révision des manuels scolaires pour les rendre exempts d’erreurs factuelles est un effort continu, notamment face aux pressions constantes des fondamentalistes qui veulent, avant tout, que les filles ne fréquentent pas l’école, ce à quoi le Gouvernement s’oppose fermement.
En matière d’éducation, un nouveau projet de loi (Education Act) est à l’examen pour rassembler toutes les différentes formes d’enseignement qui existent dans le pays de sorte à fournir à tous les enfants un enseignement de même qualité. L’élaboration de ce texte se fait en collaboration avec la société civile et le document final sera publié en ligne. Des aménagements alternatifs sont aussi prévus pour les enfants travaillant avec leurs parents dans le secteur informel. Il est également prévu de construire au moins une école publique pour chaque communauté locale et d’offrir un repas scolaire. Dans ce contexte, la délégation a aussi mentionné des cas de corruption qui ont incité à un contrôle plus rigoureux des établissements scolaires.
Rappelant que le Bangladesh formait le plus grand delta du monde, la délégation a indiqué que le pays avait signé un accord avec les Pays-Bas pour des travaux gigantesques de digues.
Conclusions
MME SANDRA LIEBENBERG, présidente du groupe d'experts du Comité chargé de l’examen du rapport initial du Bangladesh, a jugé extraordinaire la réalisation du Bangladesh qui passe à la catégorie de pays à revenu intermédiaire et a prié le Gouvernement de veiller à ce que sa population en tire les dividendes également. Elle a salué la franchise de la délégation, notamment concernant le mariage d’enfants. Elle a espéré que maintenant que le contact était établi avec ce premier dialogue, celui-ci sera permanent, y compris avec la Commission nationale des droits de l’homme et les organisations de la société civile ayant soumis des rapports alternatifs.
M. ALAM, Ministre d’État aux affaires étrangères et chef de la délégation du Bangladesh, a souligné que sa délégation était venue raisonnablement préparée mais qu’il y avait des questions pour lesquelles elle ne l’était pas. Il a assuré que le développement est un périple et que depuis la guerre d’indépendance de 1971, la région où est situé le pays aujourd’hui avait souffert plusieurs inondations, des cyclones dévastateurs et d’autres catastrophes naturelles de grande envergure. Il est essentiel de comprendre la réalité sur le terrain et de ne pas ignorer les défis. Il a promis en conclusion que son pays n’attendra pas 17 ans pour soumettre le prochain rapport.
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CESCR/18/04F