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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU MEXIQUE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Mexique sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport a été présenté par le Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l’homme du Mexique, M. Miguel Ruiz Cabañas, qui a reconnu que, si le Mexique est la quinzième économie mondiale, il n’en est pas moins en butte à de grands défis pour réduire les inégalités économiques entre les régions et les disparités sociales, dont la plupart sont ancestrales. Grâce à la création d’environ 3,4 millions d’emplois, il a pu améliorer la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et a réussi à réduire l’extrême pauvreté. Des réformes structurelles de grande envergure ont été lancées en 2012 dans des domaines aussi divers que l’emploi, l’éducation, l’énergie, les biens fonciers et sociaux, la lutte contre la traite des personnes et la promotion de l’assistance aux victimes, entre autres. M. Ruiz Cabañas a salué le travail remarquable des défenseurs des droits de l’homme et condamné toute forme d’agression à leur encontre visant à porter atteinte à leurs droits fondamentaux. Il a aussi fait valoir que les autorités mènent des consultations avec les communautés autochtones s'agissant de projets de développement.

La très nombreuse délégation mexicaine était également composée de membres de la Mission permanente du Mexique auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, du directeur général des droits de l’homme et de la démocratie du Ministère des affaires extérieures, de la présidente de la Commission des droits de l’homme, de la présidente de la Commission de l’égalité de genre, de la directrice générale adjointe de la Troisième unité du mécanisme de protection des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels, de la secrétaire exécutive de l’Institut national des femmes, d’une représentante de la direction générale de la Cour suprême, de la Directrice des études et des politiques publiques, du Sous-directeur général de l’administration des eaux, d’une représentante de la direction générale pour l’éducation autochtone, notamment. La délégation a répondu à des questions portant notamment sur les phénomènes de migration, la lutte contre la corruption, l’implication des forces de sécurité dans les expulsions forcées et les agressions contre les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, le fonctionnement de la justice, la situation des LGBTI, la situation des enfants des rues, la violence à l’égard des femmes, la situation de l'emploi, la vie syndicale et les droits des communautés autochtones, entre autres.

Les experts du Comité chargés de l’examen du rapport du Mexique ont noté, pour s’en inquiéter, le nombre croissant d’agressions, voire d’assassinats, de défenseurs des droits de l’homme, en particulier les journalistes, et appelé à de plus grands efforts pour assurer la reddition de comptes. Ils ont aussi abordé les questions liées à l'accès à la protection sociale et aux soins de santé, notamment.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Mexique qui seront rendues publiques à l’issue de la session, qui se termine le 29 mars prochain.


Le Comité se réunit cet après-midi à 15 heures pour entamer l’examen du rapport initial du Niger (E/C.12/NER/1)..


Présentation du rapport du Mexique (E/C.12/MEX/5-6)

M. MIGUEL RUIZ CABAÑAS, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et des droits de l’homme au Ministère des relations extérieures, a remercié le Comité d’avoir positivement répondu à la requête de son gouvernement demandant le report de l’examen suite au séisme qui a frappé le pays en septembre dernier. Le Mexique a procédé à une transformation structurelle pour concrètement donner effet aux droits économiques, sociaux et culturels. Le pays envisage d’adhérer à d’autres instruments internationaux, notamment les protocoles facultatifs au Pacte et la Convention relative aux droits de l’enfant; la Convention n°189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail domestique; la Convention interaméricaine sur les droits de l'homme et la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance. Par ailleurs, une réforme constitutionnelle, en 2011, a conféré une hiérarchie constitutionnelle aux traités relatifs aux droits de l’homme et incorporé le principe « pro persona » aux fins de garantir la protection la plus large possible.

À partir de 2012, des réformes structurelles de grande envergure en termes d’emploi (en 2012 et 2017), d’éducation, d’énergie, de biens fonciers et sociaux, ont été mis en œuvre. D’autres réformes visaient la lutte contre la traite des personnes et la l’aide aux victimes. Des mesures ont aussi porté sur la transparence et l’accès à l’information, les finances, la compétence économique, la protection des filles, des garçons et des adolescents, la prévention et l’élimination de la discrimination, l’adoption de lois générales sur les disparitions forcées et la torture (2017).

M. Ruiz Cabañas a expliqué que le processus d’élaboration du rapport avait été l’occasion d’un dialogue respectueux et fructueux avec la société civile sur l’état d’application du Pacte et les défis qui subsistent. À cet égard, il a salué le travail remarquable des défenseurs des droits de l’homme et condamné toute forme d’agression à leur encontre dans le dessein de porter atteinte à leurs droits fondamentaux.

Le chef de la délégation mexicaine s’est félicité que l’économie nationale ait réussi, en dépit d’un climat économique international défavorable, à maintenir une croissance moyenne continue de 2,5% au cours des cinq dernières années, ce qui a permis de générer 3,4 millions d’emplois formels pour la même période. Selon les estimations, 4 millions d’emplois auront été créés d’ici la fin de l’année en cours, et c’est bien cette création massive d’emplois qui a permis, dans la pratique, une amélioration de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. M. Ruiz Cabañas a invité le Comité à prendre en considération les complexités de son pays, avec ses 130 millions d’habitants, une structure fédérale de 32 États et de plus de 2500 municipalités. Nation pluriethnique et multiculturelle, le Mexique est la quinzième économie mondiale. Il fait pourtant fait face à de grands défis pour réduire les inégalités économiques entre les régions; des disparités sociales dont la plupart sont d’ordre ancestral.

S'agissant de la question de l’autodétermination des peuples et communautés autochtones, et plus particulièrement du droit à la consultation préalable, M. Ruiz Cabañas a souligné qu'entre 2013 et février dernier se sont tenues 89 consultations relatives à des projets de développement et de réformes constitutionnelles légales sur les questions autochtones, notamment l’identification des communautés et leur reconnaissance par les instances parlementaires locales, a-t-il encore expliqué. Ces consultations se fondent sur le Protocole de consultation des peuples et communautés autochtones, publié en 2013 par la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones et conçu sur la base des normes de la Convention n°169 de l'OIT.

Dans le domaine de l’emploi, les réformes sont axées sur une augmentation de l’offre, la rentabilité des entreprises, l’amélioration de la compétitivité du pays et la protection des droits des travailleurs et travailleuses. Dans tous ces efforts, le concept d’emploi décent est déterminant, de même que celui de la représentativité et la transparence des organisations syndicales. La sécurité sociale, de l’autre côté, fonctionne à partir d’un système visant à garantir le droit à la santé, l’assistance médicale, la protection des moyens de subsistance et les services sociaux nécessaires au bien-être individuel et collectif. Le Mexique compte également un système de protection sociale qui garantit l’accès aux services de santé publique de la population non affiliée à la sécurité sociale, favorisant ainsi les secteurs les plus vulnérables. La «sécurité populaire» touche désormais 53,5 millions de bénéficiaires. D’autre part, le pays a ratifié la Convention n°138 de l’OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi. Le pouvoir judiciaire a en outre adopté une jurisprudence de protection des familles dans toute leur diversité.

Le Mexique a aussi lancé une croisade nationale contre la faim avec 65 programmes fédéraux de développement social et l’accès à l’alimentation. Le pays a réduit, par ailleurs, l’extrême pauvreté, pour atteindre 18,1% de la population entre 2014 et 2016. Des efforts ont également été déployés dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et le Plan de développement national contient, pour la première fois, une perspective de genre concrétisée dans une stratégie transversale du programme d’égalité des sexes.

Le chef de la délégation a fait valoir que le Mexique avait réussi à associer des réformes structurelles de grande ampleur tout en restant conscient des défis que sont la pauvreté, l’inégalité dans l’accès aux services pour tous et la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Le Comité avait chargé un groupe de travail constitué de plusieurs de ses membres pour préparer l'examen du rapport du Mexique. Le groupe était présidé par M. MIKEL MANCISIDOR.

M. Mancisidor a félicité la délégation pour sa composition équilibrée entre hommes et femmes ainsi que pour la présence d’un grand nombre de représentants de la société civile. Rappelant le rôle positif joué par le Mexique dans l’élaboration du Pacte, l'expert a exprimé toute sa solidarité pour le séisme qui a frappé le pays alors que le Mexique devait présenter son rapport. Il a aussi signalé qu’il était aussi dans une période pré-électorale, soulignant qu’il importe de signaler des orientations qui pourraient s’avérer utile pour le prochain gouvernement. Le rapporteur a cependant pointé la situation difficile des défenseurs des droits de l’homme, avec des chiffres qu’il a qualifiés de très inquiétants, en particulier en ce qui concerne les journalistes. Il a appelé à ce que les cas graves ne demeurent pas impunis et ce, par un renforcement du travail sur le plan judiciaire. Quelles mesures ont été prises, ou seraient envisagées, en vue d’une politique étatique pour résoudre les affaires graves contre les défenseurs des droits de l’homme. Il a, dans ce contexte, encouragé à une formation des fonctionnaires publics dans tous les secteurs clés de l’administration. M. Mancisidor a aussi noté que, dans la pratique, il semble qu’il y ait des problèmes d’exécution des jugements, et que les dispositions du Pacte ne soient pas appliquées au titre des communications individuelles.

L'expert s'est félicité que le protocole conclu avec les peuples autochtones bénéficie d’un rang juridique plus solide.

Au sujet de la réforme budgétaire, le rapporteur a voulu savoir si les progrès étaient suffisants pour que le système fiscal mexicain facilite l’allocation d’un maximum de ressources pour faire avancer les droits économiques, sociaux et culturels. Il a également posé la question de la corruption, qui touche toute une série de domaines de la vie des mexicains et a pour conséquence une forte délégitimation de la politique étatique aux niveaux fédéral et des États. Il s’est aussi enquis des mesures prises pour résorber l’écart entre les hommes et les femmes, la violence intrafamiliale. Quelle la situation sur le front judiciaire et pénale en ce qui concerne la lutte contre cette forme de violence, a-t-il demandé.

Un autre membre du Comité s’est demandé pourquoi tant de Mexicains continuent de rêver à vivre aux États-Unis si la situation est si bonne et prometteuse au Mexique ? Il n’existe pas de loi générale contre la discrimination, a relevé un autre expert, qui a également pointé que certains États fédérés interdisent le mariage entre personnes du même sexe.

Un expert a demandé à la délégation de fournier des chiffres sur l’implication des forces de police dans les expulsions forcées et dans des affaires liées aux défenseurs des droits de l’homme. Il a demandé des statistiques à cet égard sur les condamnations des principaux auteurs de cas de persécution, voire d’assassinats de défenseurs des droits de l’homme.

Un autre membre du Comité a mis l’accent sur le sous-emploi des personnes handicapées (y compris autochtones). Il a aussi demandé si le salaire minimum permettait de remplir le panier de la ménagère. Il a voulu savoir par ailleurs quelles étaient les mesures prises pour prévenir les exactions à l’égard des dirigeants syndicaux, avant de prendre bonne note qu’environ plus de la moitié de la population n’a pas accès à la sécurité sociale car celui-ci était basé sur l’emploi.

Un expert a voulu savoir quelles mesures avaient été prises en faveur des enfants des rues. Il a jugé inacceptable que dans un pays prospère comme le Mexique, 11% de la population vit encore dans des conditions d’extrême pauvreté. Il paraît que plus de 22% des personnes dans le besoin souffrant de la faim ne sont toujours pas couvertes par les programmes de lutte contre la faim. L'expert a aussi relevé les chiffres intolérables de la malnutrition et de la sous-nutrition, d’une part, et de l’obésité infantile, d’autre part.

L'expert a pris note que plus de 94% de la population serait couverte par la distribution d’eau et l’assainissement, mais a souligné des disparités énormes entre les régions du pays. Il a relevé que les tarifs étaient fixés par chaque municipalité, ajoutant que les autorités ne veilleraient pas à s'assurer que l’eau est potable, peu onéreuse et sûre. Il a aussi mis le doigt sur le mauvais entretien des infrastructures. Le budget de l’assainissement est passé de 76 millions de pesos en 2012 à une somme absolument dérisoire quelques années plus tard.

Cet expert a enfin relevé que l’avortement était autorisé dans les cas de viol mais restait interdit - ou n'était pas garanti - dans la plupart des États fédéraux. Quelle mesure envisage le pays pour progresser sur cette question ?

Un autre expert a posé des questions sur la « Croisade nationale contre la faim », lancée en 2013, et remarqué que, sur les 90 programmes fédéraux, seuls 61 fonctionnent concrètement. Ces programmes identifient-ils clairement les bénéficiaires et reposent-ils sur des droits ? Il s’est enquis de l’amende ou de la taxe sur les boissons sucrées prévue pour pouvoir équiper les écoles de fontaines d’eau potable. Il a voulu savoir ce qu'il était advenu des sommes perçues. Qu’est-il fait pour fournir les substituts de lait maternel dans les cas de catastrophes comme le dernier séisme. Cela est-il compatible avec les normes relatives à la vente de ce type de lait.

Un expert a insisté sur la pertinence d’une approche axée sur les droits aux fins d’éviter la non-inclusion de pans entiers de la population nécessiteuse dans les programmes décrits par la délégation. Parmi ces groupes, les travailleuses domestiques et celles du secteur informel. À cet égard, un membre du Comité a posé des questions sur les inspections du travail. Un autre a relevé que l’université UNAM de Mexico constate que 3,6 millions d’enfants mexicains travaillent, dont 1,6 million ont moins de 14 ans alors même que la loi interdit le travail des mineurs.

Un membre du Comité s’est enquis des protections économiques, sociales et culturelles des membres des familles des 30 000 personnes disparues.

Sur le plan culturel, un expert a souligné la richesse culturelle sans pareille du Mexique et s'est inquiété qu'entre 2016 et 2017, le budget de la culture ait été réduit à 2%, portant préjudice à l'organisation de festivités et manifestations artistiques et culturelles ciblant divers groupes d’une population extrêmement inventive et créative. Qu’en est-il de l’accès de tous à l’internet, s’est-il également enquis.

Les membres du Comité ont voulu obtenir davantage d’informations sur les expulsions et le relogement des personnes issues de communautés paupérisées, relevant notamment que plus de 5000 personnes ont été déplacées au Chiapas. Ils ont par ailleurs posé des questions portant, notamment, sur les dépenses militaires mexicaines et sur les taux de criminalité, sur l'accès aux traitements des utilisateurs de drogues illégales, sur la situation difficile des femmes mexicaines, en particulier autochtones, jeunes, rurales ou handicapées, sur les cas de grossesses d’adolescentes sur la généralisation de la sécurité sociale.

Réponses de la délégation

La délégation mexicaine a déclaré que la reconnaissance des défenseurs des droits de l’homme était une question essentielle pour son pays. Il existe, depuis 2012, un mécanisme de protection des journalistes et défenseurs des droits de l’homme. La délégation a ajouté que, suite aux agressions récentes contre des journalistes, un Plan de Contingencia para la Protección de Personas Defensoras de Derechos Humanos y Periodistas a été mis sur pied à Chihuahua. La stratégie sera poursuivie sur la base des lignes directrices adoptées à cet effet et pour protéger les droits démocratiques dans le pays. La délégation a aussi attiré l'attention sur un bureau chargé de la liberté d’expression qui travaille avec les journalistes. Quatre condamnations ont été prononcées, chiffre très modeste certes, mais le bureau mentionné n’est pas un mécanisme d’enquête. Répondant à une série de questions complémentaires sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, la délégation a expliqué qu'un protocole d’enquête avait été élaboré en coopération avec la Rapporteuse spéciale de l'ONU sur les droits des défenseurs des droits de l’homme.

La réforme de 2011 a impulsé l’un des plus grands changements du fonctionnement du système judiciaire, toutes les normes étant directement puisées dans les textes internationaux. Ainsi, les juges peuvent être saisis en vertu du Pacte et des critères importants ont été définis pour transversaliser le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

La Convention n°169 de l'OIT sur les peuples autochtones est un guide qui énonce un certain nombre de principes qui guident la procédure de consentement préalable et éclairé, a-t-elle poursuivi, soulignant que le droit à la consultation préalable est régi par la Constitution et dans les lois des entités fédérées et autres documents. Les affaires dont ont été saisie les tribunaux ayant mené à ces critères sont liées aux activités de Monsanto et à d’autres entreprises dans plusieurs régions du pays. En réponse à d'autres questions, la délégation a expliqué que le processus de consultation est ordonné par la Cour suprême de justice et c’est la première fois, dans l’affaire de l’aqueduc Independencia et de la consultation avec le peuple yaqui, qu’une cour se prononce sur un tel cas. La tribu yaqui utilisait les eaux du fleuve du même nom depuis des temps ancestraux. La délégation a toutefois fait observer que les communautés autochtones ne sont pas des entités homogènes et qu’elles ont aussi des disputes entre elles. Certains processus de consultation font ainsi l’objet de plaintes par ceux qui estiment ne pas avoir été pleinement consultés ou pris en compte. Dans le cadre de l'exploitation des hydrocarbures, les processus de consultation se tiennent lors de la période des appels d’offres. Un document a été produit définissant les contenus minimums des protocoles de consultation sur la base de la Convention n°169 de l'OIT.

Concernant la nouvelle réforme fiscale, l’idée est d’élargir l’assiette fiscale et de se concentrer sur les plus défavorisés tout en ayant un système d’imposition plus juste et progressif. L’idée est d’élargir la base de l’impôt en axant sur les segments les plus riches de la population, l’idée étant que 53% du revenu émanant des impôts proviennent des plus nantis. La délégation a fait valoir que, pour la première fois, il a été décidé que les objectifs de développement durable seront la base pour déterminer le budget 2018. À partir de maintenant, toutes les entités fédérées doivent utiliser ces objectifs comme critères d’orientation dans la définition de leur budget respectif. Il existe d’ores et déjà un conseil national de mise en œuvre des objectifs de développement durable, créé par décret présidentiel, ce qui obligera, en tant que fédération, à calquer le budget sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Cela ouvre la possibilité d’un dialogue élargi avec les entités législatives et un espace avec la société civile allant dans le même sens. Il s’agit là d’une obligation au moins jusqu’en 2030. La délégation a par la suite ajouté que l’OCDE avait reconnu que la réforme fiscale avait bel et bien favorisé une meilleure répartition des revenus et engendré des possibilités de développement accrues. La délégation a assuré que le Mexique s’efforcera d’aller vers une politique fiscale plus équilibrée.

La délégation a reconnu l'importance et les préjudices causés par la corruption, rappelant qu'elle touchait tous les pays du monde. Ces dernières années, ayant pris conscience des effets redoutables de la corruption, l’État mexicain a tenté de concevoir un système exhaustif pour prévenir, poursuivre et sanctionner les auteurs. S’agissant de la corruption de hauts fonctionnaires, la délégation a par a suite fait valoir que des procès était en cours qui concernent d’anciens gouverneurs extradés vers le Mexique ou arrêtés dans le pays. Dans le cas d’accusations avérées, les fonctionnaires doivent comparaître devant la justice et être jugés et condamnés.

La législation fédérale sur l’égalité est claire et interdit la discrimination à l'égard des LGBTI. Une mesure sans précédent a été prise suite à une réunion sous la tutelle du Président de la République en 2006 qui avait émis des instructions précises aux fins de lancer une campagne de sensibilisation sur les droits de ces personnes, en particulier des transgenres, sur la base de la manière dont elles s’identifient elles-mêmes. La délégation a toutefois précisé que 29 entités régionales ne reconnaissent toujours pas ces personnes. La délégation a évoqué le Mouvement sans haine qui favorise un discours positif, loin de celui, de haine, courant sur les médias sociaux, par exemple. Le Procureur général examine les cas de délits commis à l’encontre de ces personnes.

Le Mexique est pionnier en Amérique latine dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, a affirmé la délégation. Après avoir évoqué la lutte historique du pays contre ce phénomène, la délégation a indiqué que près de 50% des députés mexicains sont des femmes et que des efforts sont en cours dans tous les autres secteurs. Deux mécanismes essentiels ont été mis en place: un système au plus haut niveau pour traiter de cette question et un mécanisme au niveau de l’exécutif chargé de recenser et d’alerter sur les violences contre les femmes dans tous les États et territoires. Il existe aussi 8 centres de justice pour répondre aux besoins des femmes.

En réponse à des questions complémentaires, la délégation a déclaré que le huitième cycle des négociations de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique allait bientôt commencer. Elle a souligné à cet égard que le Mexique était une puissance économique, industrielle, touristique très diversifiée, et que le pays était «plus grand que tout traité commercial»; il cherche surtout à répondre aux intérêts des Mexicains et à renforcer son économie.

De par son emplacement géographique, le Mexique est voisin du plus grand marché de stupéfiants au monde, qui représente 150 milliards de dollars si l'on considère le calcul cumulé de ce que consomment les Américains en stupéfiants illicites. La consommation de certaines drogues a augmenté au Mexique mais il n’y a pas de hausse de consommation de drogues fortes, comparables à certains de ses voisins. La tendance dans certains pays de l’hémisphère va vers la légalisation du cannabis à des fins médicales et récréatives. Ainsi, la Californie a légalisé le cannabis, ce qui risque de provoquer un nouveau défi pour le Mexique.

La délégation a fait état d’un autre problème lié à la position géographique du pays: la vente libre d’armes aux États-Unis alors qu’elle est interdite au Mexique. Sur les 3000 km de frontière entre les deux pays, il y aurait environ 9000 marchands d’armes. Cette situation est très difficile à juguler tant il est facile pour quiconque, y compris des mineurs, de se procurer des armes aux États-Unis. D’autre part, des quantités importantes d’armes proviennent d’Amérique du Sud et ont été détournées vers le Mexique.

Ainsi, les drogues du Sud et les armes du Nord constituent une combinaison tout à fait explosive. La politique du Gouvernement fédéral se centre sur les grands cartels et leur démantèlement, remportant un certain nombre de succès au fil du temps. Aujourd’hui, à l’exception d’un ou deux grands cartels, de petits cartels subsistent dont les actions sont d’une extrême violence, surtout pour garder un territoire ou en contrôler de nouveaux, a poursuivi la délégation. La délégation a par la suite reconnu que le taux de criminalité restait encore trop élevé à cause de la criminalité organisée. C’est l’un des grands défis auxquels le Mexique se heurte, au même titre que ses voisins.

Depuis 5 ans, le taux de migration net est négatif : il y a davantage de Mexicains qui reviennent au pays que de gens qui le quittent, a expliqué la délégation pour qui le défi actuel est le flux de migration à la frontière Sud. Les flux migratoires vers les États-Unis datent de 1948, mais sont négatifs à présent.

La délégation a indiqué que 53 millions de Mexicains constituent la population active. On prévoit que d’ici novembre 2018, 4 millions de nouveaux emplois auront été créés. La part des femmes sur le marché du travail a augmenté plus rapidement que celle des hommes, soit 23% en 2012. Les femmes à la recherche de travail en s’aidant des outils pour le soutien à l’emploi sont plus à même d’en trouver un, a commenté la délégation. D’autre part, 671 mille personnes handicapées ont également obtenu un emploi entre 2012 et février 2018.

Quant aux outils pour lutter contre le chômage, la délégation a notamment attiré l'attention sur les efforts menés pour concilier l’offre et la demande par une ligne téléphonique, des centres d’aide à l’emploi et les informations disponibles auprès de l’Observatoire national du travail. Des foires d’emplois sont aussi organisées, notamment à l’intention des femmes, exercice utile qui a porté ses fruits. Les secteurs de l’automobile et des ventes sont parmi les secteurs qui offrent le plus d’emplois.

Comme l’inflation ne permettait guère une augmentation des salaires, il a été convenu de fixer un salaire minimum. Le 1er janvier 2018, le salaire minimum est passé à 88,03 pesos.

Des mesures interinstitutionnelles sont en cours en vue de la protection des travailleurs agricoles tandis que le protocole de lutte contre le travail des enfants a permis de faire baisser le nombre de mineurs dans le secteur agricole. Les petites entreprises sont aussi incitées à formaliser les emplois pour bénéficier d’une aide. Depuis 2005, plus de 2000 centres de travail ont été créés et les entreprises sont encouragées à y participer.

De leur côté, les syndicats travaillent très sérieusement avec le Gouvernement, a souligné la délégation. Il y a eu des cas de violence à l’égard de leurs dirigeants, dont la justice a été saisie. Tous les syndicats ont une vie active et transparente.

Dans le domaine de la santé, la délégation a souligné que les efforts ont été centrés sur l’amélioration de l’accès aux soins, l’amélioration de la santé obstétricale et la situation des femmes âgées. S’agissant des problèmes de toxicomanie, la délégation a signalé l’existence d’un Comité d’intégration juvénile qui fait un travail remarquable sur la consommation de drogues. La consommation de l’héroïne n’a pas augmenté, si on la compare à celle du voisin américain, par exemple.

La délégation a souligné que des subventions et des aides à la construction sont offertes aux personnes délogées.

Les objectifs de développement durable relèvent des engagements prioritaires de l’État. Dans cette optique, les dépenses militaires ne représentent qu’1% du PIB, ce qui est bien inférieur au pourcentage d’autres pays.

Les groupes fondamentalistes contre les droits des femmes sont très actifs et l’État a mis sur pied des services d’information pour les garçons et les hommes pour lutter contre les stéréotypes sur ces droits, notamment l’avortement. Un travail articulé entre beaucoup de services a permis d’arriver à des résultats positifs sur la grossesse des adolescentes. La délégation a estimé que l’indépendance économique aidera les femmes à se libérer de certaines formes de dépendance, et de disposer de leur intégrité physique.

Traitant de la problématique des disparitions forcées, la délégation a affirmé que les familles des victimes peuvent directement s’adresser aux autorités locales en vertu d’une nouvelle loi et peuvent bénéficier d’un appui.

La délégation a reconnu que la qualité de l’enseignement n’est pas des meilleures et que le pays enregistre un retard considérable dans la création d’écoles pour la petite enfance. L’État a été forcé à investir dans des situations d’urgence, ce qui a grevé le budget prévu pour certains domaines. L’année 2013 a connu une réforme systémique et structurelle de l’enseignement avec 130 millions de pesos, notamment pour des ressources directes aux écoles autochtones et au programme Escuela Digna.

L’Institut national des langues autochtones travaille d’une façon systématique à l’élaboration de cartes et au lancement de campagnes sur les langues autochtones, en collaboration aussi avec des chaînes de radio. Les programmes ont été adaptés aux zones les plus pauvres et touchées par la violence. Un des programmes essentiels est La Cultura por la Armonìa qui vise 220 collectivités. Des pavillons culturels ont été mis en place dans des zones de transit migratoire comme à Tijuana et dans le Chiapas.

L’enquête nationale sur Internet montre une évolution positive pour résorber l’écart numérique grâce à un programme pilote pour le développement numérique, ou à un autre baptisé « Mexico Conectado » visant à garantir un meilleur accès.

La délégation s’est longuement exprimée sur le patrimoine culturel et naturel mexicain, en particulier sur la préservation d’une espèce marine sur les côtes à proximité de la Californie. Elle a souligné que la notion de civisme et de droits de l’homme fait partie de l'enseignement scolaire pour prévenir les idéologies radicales et extrémistes, même si le pays ne connaît pas ce problème. Dans les nouveaux programmes scientifiques, 42% des étudiants sont des femmes, dont 73% sont déjà intégrées dans la recherche, a-t-elle conclu.

Conclusion

M. MANCISIDOR, membre du Comité chargé de l’examen du rapport du Mexique, a félicité la délégation pour l’effort colossal pour fournir des informations de qualité, sans rien occulter, tout en admettant les difficultés et les retards et déficiences. Le rapport n’aura de valeur que s’il est divulgué auprès de la population mexicaine et serve de guide pour donner suite aux recommandations du Comité.

M. RUIZ CABAÑAS, Sous-Secrétaires aux affaires multilatérales et aux droits de l’homme du Mexique, a remercié le Comité d’avoir permis à son importante délégation de s’exprimer, d’avoir bien voulu lire le rapport et d’avoir posé des questions auxquelles la délégation ne manquera pas de répondre de la façon la plus précise possible. Elle n’est pas venue pour occulter ses défaillances ni les réalités qui font mal aux Mexicains, mais bien pour rechercher des solutions concrètes et viables.

MME MARIA VIRGINIA BRÁS GOMES, Présidente du Comité, a indiqué que le Comité précisera, par écrit, trois points précis sur lesquels le Comité espère avoir des réponses. Elle a salué la qualité du dialogue avec une imposant délégation qui a le sens du travail d’équipe. Elle a rappelé que la réalisation des droits figurant dans le Pacte était l’objectif majeur et qu’il fallait l’atteindre en œuvrant également à la réalisation des objectifs de développement durable.


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CESCR/18/02F