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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT : REVUE DE LA POSTURE NUCLÉAIRE AMÉRICAINE ET SITUATIONS DANS LA PÉNINSULE CORÉENNE ET DANS L’EST DE L’UKRAINE SONT AU CŒUR DES INTERVENTIONS

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, les déclarations d’une quinzaine de délégations. La publication, vendredi dernier, de la « revue de posture nucléaire » (Nuclear Posture Review) des États-Unis, ainsi que les situations dans la péninsule coréenne et dans l’est de l’Ukraine étaient au cœur des débats.

La Fédération de Russie, la Chine et la République populaire démocratique de Corée renforcent leurs arsenaux, accordent une plus grande place aux armes nucléaires dans leurs stratégies de sécurité et – dans certains cas – développent de nouvelles capacités nucléaires, ont fait observer les Etats-Unis, avant de se dire particulièrement préoccupés par l’écart important entre leurs arsenaux non stratégiques et ceux de la Fédération de Russie. L’investissement de la Fédération de Russie dans les systèmes non stratégiques suggère qu’elle pense disposer d’un avantage exploitable sous la forme du recours à un engagement nucléaire limité, ont insisté les Etats-Unis. Dans le même temps, la modernisation militaire de la Chine s’accompagne du renforcement de sa force nucléaire, dans une grande opacité quant à ses intentions, ont-ils ajouté, avant d’assurer que les États-Unis ne considèrent ni la Fédération de Russie ni la Chine comme des adversaires et veulent entretenir des relations stables avec ces deux pays. Face à la République populaire démocratique de Corée – qui a accéléré ses efforts pour se doter d’armes nucléaires et de missiles balistiques et a proféré des menaces explicites d’utilisation des armes nucléaires contre les États-Unis et leurs alliés dans la région –, la « revue de posture nucléaire » réaffirme que le programme nucléaire illégal de la République populaire démocratique de Corée doit être éliminé de manière définitive et vérifiable, ont ajouté les États-Unis.

Les Etats-Unis ont en outre assuré que la mise au point d’armes nucléaires à faible puissance n’abaisse pas le seuil (nucléaire) mais l’élève pour ceux qui pourraient rechercher des points faibles dans la dissuasion nucléaire américaine.

La France a pour sa part indiqué qu’elle considère la dissuasion nucléaire élargie américaine comme un facteur de stabilité stratégique. Quant au Royaume-Uni, il a constaté que la Fédération de Russie avait accentué ces dernières années son positionnement hostile à l’égard de l’Occident, tout en modernisant ses forces armées et en se comportant de manière agressive en Ukraine. On ne peut donc exclure que la Fédération de Russie s’en prenne à des pays alliés de l’OTAN, a indiqué la délégation britannique.

Ce matin, la Fédération de Russie a exprimé sa profonde déception face au document de révision de la doctrine nucléaire des États-Unis rendu public par Washington vendredi dernier, 2 février, eu égard au caractère de confrontation et d’orientation antirusse de ce document, alors qu’en 2014, la Fédération de Russie a au contraire fait part de son adhésion à un système de dissuasion non nucléaire pour la prévention des conflits en se fondant sur les forces classiques et non pas nucléaires.

La Chine a quant à elle regretté que la posture des États-Unis aille à l’encontre des aspirations de la communauté internationale en faveur de la paix et du développement. « En abaissant le seuil d’engagement de leurs armes nucléaires, les États-Unis ne font que renforcer leur puissance et aggravent le risque d’utilisation des armes nucléaires », a mis en garde la Chine, avant d’assurer qu’elle ne prendrait jamais part à aucune course aux armes nucléaires et ne faisait que maintenir le niveau minimal d’armes nucléaires pour garantir sa sécurité.

La République populaire démocratique de Corée a pour sa part rejeté les mensonges proférés par les États-Unis relativement à son « programme militaire d’autodéfense ». Les initiatives sincères de la République populaire démocratique de Corée ont eu un effet spectaculaire sur la situation dans la péninsule coréenne, en vue d’une réconciliation intercoréenne et d’un abaissement des tensions, a estimé le pays, avant d’ajouter que les États-Unis, mécontents de cette tendance, cherchent à aggraver la situation en déployant d’énormes capacités nucléaires près de la péninsule, y compris des porte-avions nucléaires.

L’Ukraine a pour sa part rappelé que la Fédération de Russie menait contre elle une « guerre hybride » depuis 2014, en dépit des assurances de sécurité qu’elle avait données dans le mémorandum de Budapest (1994) : une partie de l’Ukraine, notamment la Crimée et Sébastopol, est actuellement occupée par la Fédération de Russie ; des mercenaires et des troupes régulières russes se trouvent actuellement dans le sud-est de l’Ukraine et la Fédération de Russie fournit des armes sophistiquées à des groupes armés.

La Fédération de Russie a déclaré que le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie avait répondu à 100 % à la volonté exprimée par les Criméens eux-mêmes. Quant au Donbass, il s’agit d’une région refusant de vivre sous le joug ukrainien ; s’en est suivi une guerre dans laquelle la Fédération de Russie ne joue qu’un rôle d’arbitre politique, conformément aux accords de Minsk, a ajouté la délégation russe.

En début de séance, la Présidente du Groupe préparatoire de haut niveau chargé de faire des recommandations sur le contenu d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes et autres dispositifs explosifs nucléaires, la Canadienne Heidi Hulan, a déclaré que, compte tenu du fait que des pays continuent de produire des matières fissiles destinées aux armes nucléaires et que certains arsenaux ne cessent de croître, l’importance d’un tel traité ne saurait être mise en doute.

Ont fait des déclarations les délégations des pays suivants : Etats-Unis, République populaire démocratique de Corée, Colombie, Bulgarie (au nom de l’Union européenne), Pologne, Hongrie, Pakistan, Pays-Bas, Chine, France, République de Corée, Australie, Royaume-Uni, Fédération de Russie et Ukraine.


La prochaine séance publique plénière de la Conférence se tiendra jeudi prochain, 8 février, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

En tant que Présidente du Groupe préparatoire de haut niveau chargé de faire des recommandations sur le contenu d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes et autres dispositifs explosifs nucléaires (TIPMF) MME HEIDI HULAN, du Canada, a rappelé que ce Groupe avait tenu sa première réunion à Genève l’été dernier. Elle s’est félicitée des efforts du Groupe pour, sinon entamer les négociations proprement dites, du moins faciliter le travail quand elles commenceront, grâce notamment à des discussions techniques touchant aux enjeux de fond et dépassant les positions politiques bien connues. Le Canada présidera une deuxième réunion consultative les 15 et 16 février prochain: il veillera, à cette occasion, à ce que les opinions de la communauté internationale soient prises en compte à toutes les étapes du processus, a assuré Mme Hulan.

Compte tenu du fait que des pays continuent de produire des matières fissiles destinées aux armes nucléaires et que certains arsenaux ne cessent de croître, l’importance d’un TIPMF ne saurait être mise en doute, a poursuivi Mme Hulan. Même dans l’hypothèse où un traité sur l’interdiction des armes nucléaires serait pleinement en vigueur, a-t-elle ajouté, il vaut la peine de rappeler qu’un traité interdisant la production de matières fissiles est nécessaire pour veiller à ce que ces matières ne soient pas détournées vers des programmes militaires. Le soutien à un tel traité ne s’amoindrit pas, bien au contraire, comme en témoignent les derniers votes de l’Assemblée générale sur cette question, a souligné Mme Hulan.

La Présidente du Groupe préparatoire de haut niveau a toutefois constaté que la communauté internationale se trouvait à la croisée des chemins, l’esprit de coopération qui avait permis d’adopter le plan d'action en 64 points lors de la Conférence d'examen du TNP de 2010 s’étant pour l’essentiel dissipé. Le manque de progrès s’agissant du désarmement jette un doute sur la capacité des États dotés et non dotés d’armes nucléaires de travailler de manière constructive à l’avènement d’un monde exempt d’armes nucléaires, a mis en garde Mme Hulan. Elle s’est dite fermement convaincue que les négociations autour d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles permettraient de trouver des approches et des solutions capables de lever les craintes qu’un tel traité puisse être contraire aux intérêts sécuritaires de certains États.

Les États-Unis ont présenté les résultats de leur dernière « revue de posture nucléaire » (Nuclear Posture Review) menée par le Secrétaire à la défense à la demande du Président Trump. La démarche, a expliqué la délégation américaine, avait pour objectif de faire en sorte que la dissuasion nucléaire des États-Unis soit moderne, solide, résiliente, prête et adaptée aux menaces du XXIe siècle. Cette Nuclear Posture Review reflète la volonté des États-Unis de disposer d’un arsenal qui soit capable de dissuader des attaques nucléaires et non nucléaires, de rassurer leurs alliés, de riposter en cas d’échec de la dissuasion et enfin de se prémunir contre des risques et incertitudes potentiels.

La délégation a rappelé que les États-Unis n’avaient cessé, depuis des années, de réduire le nombre de leurs armes nucléaires et de revoir à la baisse leurs utilisations potentielles. Cette priorité politique a été mise en relief dans le dernier examen de posture, en 2010. Or, depuis cette date, d’autres pays ont adopté une attitude contraire et, contrairement aux États-Unis, ont procédé à une modernisation ambitieuse de leurs forces nucléaires. La Fédération de Russie, la Chine et la République populaire démocratique de Corée renforcent leurs arsenaux, accordent une plus grande place aux armes nucléaires dans leurs stratégies de sécurité et – dans certains cas – développent de nouvelles capacités nucléaires pour menacer d’autres pays pacifiques. L’environnement de sécurité actuel est donc plus dynamique, plus complexe et plus menaçant qu’à n’importe quel autre moment depuis la guerre froide, ont insisté les États-Unis. Grandes puissances et « États voyous » y remettent de plus en plus souvent en cause l’ordre international, « violant les frontières et augmentant leur capacité de menacer les alliés des États-Unis », a déclaré la délégation.

Les États-Unis sont particulièrement préoccupés par l’écart important entre leurs arsenaux non stratégiques et ceux de la Fédération de Russie. Outre sa doctrine stratégique, l’investissement de la Fédération de Russie dans les systèmes non stratégiques suggère qu’elle pense disposer d’un avantage exploitable sous la forme du recours à un engagement nucléaire limité. Dans le même temps, la modernisation militaire de la Chine s’accompagne du renforcement de sa force nucléaire, dans une grande opacité quant à ses intentions. Les États-Unis ne considèrent ni la Fédération de Russie ni la Chine comme des adversaires et veulent entretenir des relations stables avec ces deux pays, a assuré la délégation. Cela étant, a-t-elle ajouté, la « revue de la posture nucléaire », par nécessité, évalue de manière objective les problèmes posés par les politiques et programmes stratégiques de tous les pays.

Quant à la République populaire démocratique de Corée, ont poursuivi les États-Unis, elle a accéléré ses efforts pour se doter d’armes nucléaires et de missiles balistiques et a proféré des menaces explicites d’utilisation des armes nucléaires contre les États-Unis et leurs alliés dans la région. Compte tenu de la menace imminente et imprévisible que ce pays représente pour les États-Unis et leurs alliés, la « revue de posture nucléaire » réaffirme que le programme nucléaire illégal de la République populaire démocratique de Corée doit être éliminé de manière définitive et vérifiable, ont insisté les États-Unis.

La délégation a par ailleurs souligné que le document que les Etats-Unis ont publié il y a quelques jours (Nuclear Posture Review) était marqué par la continuité, puisqu’il stipule que les États-Unis n’envisagent de recourir aux armes nucléaires que dans des circonstances extrêmes, pour défendre les intérêts vitaux des États-Unis, de leurs alliés et de leurs partenaires. Le document décrit quelles pourraient être ces circonstances, tout en précisant que les États-Unis n’utiliseront pas d’armes nucléaires contre des pays membres du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et respectueux de ses dispositions. La « revue de posture nucléaire » ne prévoit pas d’abaisser le seuil d’utilisation des armes nucléaires des États-Unis: ce document vise plutôt à convaincre des ennemis potentiels qui songeraient à utiliser des armes nucléaires, même de manière limitée, que les coûts d’une telle démarche seraient plus élevés qu’ils ne pourraient le supporter, a conclu la délégation américaine.

La République populaire démocratique de Corée a rejeté les mensonges proférés par les États-Unis relativement à son « programme militaire d’autodéfense ». Les initiatives sincères de la République populaire démocratique de Corée ont eu un effet spectaculaire sur la situation dans la péninsule coréenne, en vue d’une réconciliation intercoréenne et d’un abaissement des tensions. Au contraire, les États-Unis, mécontents de cette tendance, cherchent à aggraver la situation en déployant d’énormes capacités nucléaires près de la péninsule, y compris des porte-avions nucléaires. La nature et la taille de ces renforts militaires montrent qu’ils sont conçus pour lancer des frappes préventives contre la République populaire démocratique de Corée, a affirmé la délégation de ce pays, estimant d’autre part que l’annonce, par les États-Unis, de la tenue de manœuvres militaires de grande ampleur immédiatement après les Jeux olympiques, était également de nature à bloquer le processus en cours entre les deux Corées.

L’organisation de manœuvres militaires conjointes, avec les États-Unis à leur tête, constitue toujours une menace pour la paix et la sécurité dans la péninsule coréenne, a insisté la République populaire démocratique de Corée. Elle a demandé aux pays qui, dans cette enceinte, se disent préoccupés par la situation dans la péninsule coréenne de bien comprendre où se situent les principaux facteurs de tension et d’exiger des États-Unis qu’ils cessent leurs provocations militaires.

La Colombie a jugé opportun et urgent d’élargir la composition de la Conférence et de prévoir des moyens d’assurer une participation responsable et véritable de la société civile au sein de cette instance. La Colombie a par ailleurs jugé important d’établir des synergies et des processus complémentaires entre les instruments existants – comme la deuxième réunion du Comité préparatoire en vue de la Conférence d’examen du TNP de 2020 – et les nouvelles initiatives qui sont apparues au sein de la communauté internationale, en veillant à ce que ces processus soient orientés vers la formulation et l’adoption de mesures qui visent à libérer le monde de la menace que représentent les armes nucléaires. La Colombie a en outre rendu compte des efforts qu’elle a entrepris pour renforcer sa coopération internationale, à travers des activités bilatérales, aux fins de l’application de la résolution 1540 du Conseil de sécurité (sur la non-prolifération des armes de destruction massive dans le contexte de la lutte contre le terrorisme).

La Bulgarie a déclaré que l’Union européenne, au nom de laquelle elle s’exprimait, voyait ses États membres plaider depuis vingt ans en faveur du lancement immédiat de négociations, au sein de la Conférence, sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. L’adoption d’un tel traité est largement soutenue au sein de la communauté internationale, étant donné la contribution importante qu’il apporterait au désarmement et à la non-prolifération nucléaires, a souligné la Bulgarie, avant d’appeler les États membres de la Conférence à faire preuve de souplesse et à entamer sans délai cette négociation. La Bulgarie a par ailleurs estimé que des mesures de confiance pourraient être adoptées immédiatement, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le lancement de négociations officielles.

La Bulgarie a d’autre part rappelé que tous les États membres de l’Union européenne avaient approuvé la création, en 2015, du Groupe d’experts gouvernementaux « qui ne négociera pas le traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes et autres dispositifs explosifs nucléaires, mais qui fera des recommandations sur les aspects susceptibles d’y contribuer ». Pour preuve de son engagement de longue date en faveur d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, l’Union européenne a décidé d’aider des pays d’Afrique, d’Amérique latine, des Caraïbes et d’Asie à participer au processus consultatif: une somme de 1,2 million d’euros a été consacrée à l’identification des besoins et priorités politiques dans ces régions.

La Pologne a estimé que la méthode de travail proposée par le Président de la Conférence semblait correspondre à l’état d’esprit actuel de la Conférence et que les échanges de vues de la semaine dernière avaient été très intéressants. La Pologne s’est dite particulièrement sensible à une déclaration du Brésil selon laquelle la notion de consensus est primordiale au sein de la Conférence; la Pologne estime cependant que ce principe du consensus doit être utilisé avec précaution, de manière à ne pas bloquer les délibérations. La question principale reste de démythifier la notion de programme de travail, a ajouté la Pologne, qui s’est félicitée à cet égard des suggestions concrètes émises par la Hongrie, les Pays-Bas et la Suisse. Les États doivent revenir aux racines de la Conférence et se mettre d’accord sur un document simple, de nature procédurale, « privé d’adjectifs mais pourvu d’un calendrier de travail », pour cadrer les débats de manière à accommoder les préférences de chacun, a recommandé la Pologne.

La Pologne a enfin dit partager l’analyse de l’environnement sécuritaire international faite par les États-Unis, avant d’insister sur la nécessité d’assurer la transparence et la vérification des mesures de désarmement.

La Hongrie a observé que seul un processus graduel impliquant les États pourrait aboutir à un désarmement authentique. Conclure un traité d’interdiction de la production de matières fissiles qui soit vérifiable serait une contribution utile au régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ; aussi, la Hongrie a-t-elle encouragé toutes les délégations à entamer les négociations sur un tel traité ici, au sein de la Conférence. La Hongrie a demandé à Mme Hulan ce qu’il adviendrait du Groupe préparatoire qu’elle préside lorsque de telles négociations commenceraient.

Le Pakistan a dit attacher la plus haute importance aux travaux et au fonctionnement efficace de la Conférence et a estimé que les États importants au plan militaire doivent pouvoir participer à ses travaux sur un pied d’égalité et y défendre leurs intérêts de sécurité nationale dans le cadre de la règle du consensus. Une avancée à la Conférence dépend d’une volonté politique authentique, pour faire avancer, de manière collaborative, les objectifs de la paix et de la sécurité internationales et régionales, sur une base non discriminatoire, a rappelé le Pakistan. Le pays s’est dit prêt à s’associer à une telle démarche, mais non à rejoindre toute initiative qui irait à l’encontre de ses intérêts légitimes de sécurité nationale.

S’agissant du Groupe préparatoire de haut niveau présidé par Mme Hulan, le Pakistan a estimé que ses travaux étaient limités par le fait qu’il exclut certains intervenants très importants et par le fait que son mandat restreint manque de clarté et est biaisé. Le Pakistan ne se sentira pas lié par les recommandations ou conclusions de cette instance, a fait savoir la délégation pakistanaise.

Les Pays-Bas se sont dits fiers de parrainer le Groupe préparatoire de haut niveau, avec le Canada et l’Allemagne. Les Pays-Bas estiment que la nécessité d’adopter un traité d’interdiction de la production de matières fissiles est avérée : un tel traité pourrait mettre un terme définitif, de façon vérifiable, à la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, imposer un plafond aux arsenaux nucléaires et contribuer à faire cesser la course aux armements nucléaires. Les Pays-Bas ont donc recommandé que la Conférence commence sans délai la négociation d’un tel traité.

La Chine a regretté que la posture des États-Unis (en référence à la Nuclear Posture Review des Etats-Unis telle que publiée vendredi dernier) aille à l’encontre des aspirations de la communauté internationale en faveur de la paix et du développement. « En abaissant le seuil d’engagement de leurs armes nucléaires, les États-Unis ne font que renforcer leur puissance et aggravent le risque d’utilisation des armes nucléaires », a mis en garde la Chine. La Chine a assuré qu’elle s’efforçait depuis toujours de créer une communauté de destin pour l’humanité. Favorable à l’élimination, à terme, de tous les arsenaux nucléaires, la Chine ne prendra jamais part à aucune course aux armes nucléaires, a-t-elle assuré, précisant qu’elle ne maintenait que le niveau minimal d’armes nucléaires pour garantir sa sécurité. « Il faut espérer que les États-Unis renonceront à leur mentalité de guerre froide et qu’ils contribueront à la paix et à la sécurité internationale par des mesures concrètes », a conclu la Chine.

S’agissant des processus internes à la Conférence, la France a insisté sur l’importance d’assurer davantage de continuité dans les efforts des présidences successives. Cette continuité pourrait être recherchée à travers l’établissement d’un ou plusieurs groupes subsidiaires de la Conférence, dont le mandat pourrait être reconduit chaque année. Une autre amélioration consiste à davantage intégrer la Conférence au reste de la machine du désarmement comme aux autres processus multilatéraux, a ajouté la France. Enfin, « pour rétablir la confiance dans le dialogue à l’heure où les divisions au sein de la communauté du désarmement sont si aiguës », la France a estimé qu’une reconnexion des débats de la Conférence avec l’état du monde actuel était indispensable. Elle a recommandé qu’une priorité soit accordée aux mesures de nature à renforcer la confiance et à améliorer la transparence, dans le plein respect des intérêts de sécurité de chacun. Cela signifie aussi « de redonner à la voie exigeante du consensus toute sa valeur ».

S’agissant du fond, la France plaide en faveur du lancement sans délai au sein de la Conférence de la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. Elle entend à cet égard contribuer activement aux travaux du Groupe préparatoire et à leur prolongement dans le cadre de la Conférence. La négociation d’un traité cut-off, visant à plafonner les stocks actuels de matières fissiles, représenterait une avancée majeure, mettant définitivement fin à toute possibilité de relancer une nouvelle course aux armes nucléaires. « C’est en travaillant de manière pragmatique sur la base de positions connues et des acquis que nous parviendrons à progresser », a affirmé la France, avant de revenir sur deux pistes évoquées lors des dernières sessions. D’abord, l’idée d’ouvrir le champ des négociations possibles dans le cadre de la Conférence à d’autres formes d’accords que les seuls nouveaux instruments de droit international ; ensuite, les sujets liés aux progrès dans le domaine des sciences et technologies.

Répondant à la déclaration faite ce matin par la République populaire démocratique de Corée, les États-Unis ont relevé qu’en dépit de ses affirmations, la situation n’avait pas changé dans la péninsule coréenne. « L’offensive de charme de la Corée du Nord » ne trompe personne, ont affirmé les États-Unis, ajoutant que la République populaire démocratique de Corée n’avait renoncé ni à ses programmes nucléaire et balistiques, ni à ses comportements provocateurs. L’engagement des États-Unis envers leurs alliés est indéfectible, a assuré la délégation américaine. « La tension dans la péninsule coréenne ne baissera que si le Gouvernement de la “Corée du Nord” renonce à ses programmes nucléaire et balistique et laisse sa population choisir la manière dont elle veut être gouvernée », ont affirmé les États-Unis.

La République de Corée s’est dite d’avis que la « revue de posture nucléaire » des États-Unis, centrée sur la dissuasion, reflétait les tensions actuelles au sein de la communauté internationale, notamment les menaces nucléaires sur la péninsule coréenne. La République de Corée continuera de coopérer avec les États-Unis pour accroître l’efficacité de leur engagement en faveur de la sécurité de leurs alliés. Dans le contexte des Jeux olympiques qui commencent bientôt, la République de Corée poursuit aussi le dialogue avec la République populaire démocratique de Corée et la communauté internationale en vue de la résolution pacifique de la situation sur la péninsule.

L’Australie a salué la publication de la Nuclear Posture Review des États-Unis, qui témoigne selon elle de la transparence de ce pays s’agissant des enjeux sécuritaires et nucléaires. L’Australie salue la confirmation par les États-Unis de leur engagement en faveur du désarmement vérifiable et continuera de collaborer avec les États-Unis et la communauté internationale pour faire adopter des mesures pratiques et réelles de non-prolifération et de désarmement.

La Présidente du Groupe préparatoire de haut niveau chargé de faire des recommandations sur le contenu d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes et autres dispositifs explosifs nucléaires, MME HULAN, est de nouveau intervenue pour faire savoir que la Conférence du désarmement, si elle adoptait un programme de travail comprenant la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, reprendrait les travaux du Groupe préparatoire qu’elle préside, lequel cesserait alors ses activités. Cependant, le Groupe préparatoire ne sera pas en mesure de répondre à toutes les questions techniques relatives à un tel traité, notamment en ce qui concerne la vérification, a-t-elle fait observer.

La République populaire démocratique de Corée a demandé aux États-Unis de s’abstenir d’aggraver les tensions sécuritaires dans la région et de se mêler de ses affaires internes. Elle a estimé que la République de Corée n’avait rien à dire s’agissant du programme nucléaire de la République populaire démocratique de Corée, la discussion devant avoir lieu entre les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée.

Le Royaume-Uni a rappelé la priorité que constitue pour lui un traité d’interdiction de la production de matières fissiles.

La Fédération de Russie a exprimé sa profonde déception face au document de révision de la doctrine nucléaire des Etats-Unis (Nuclear Posture Review) rendu public par Washington vendredi dernier, 2 février, eu égard au caractère de confrontation et d’orientation antirusse de ce document. En 2014, la Fédération de Russie a elle au contraire fait part de son adhésion à un système de dissuasion non nucléaire pour la prévention des conflits militaires en se fondant sur les forces classiques et non pas nucléaires. La Fédération de Russie n’envisage d’utiliser les armes nucléaires que dans deux cas de figure: d’abord en cas d’agression contre elle ou ses alliés au moyen d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive; ensuite en cas d’agression aux moyens d’armes classiques qui menacerait l’existence de l’État. La Fédération de Russie a jugé particulièrement dangereuse la volonté affichée par les États-Unis de fabriquer des armes nucléaires de faible puissance destinées à être lancées par des sous-marins ; et encore plus dangereuse la foi accordée, dans la « revue de posture stratégique » américaine, dans la capacité des États-Unis de modéliser correctement les conflits dans lesquels ils envisagent de recourir à des armes nucléaires de faible puissance : une telle attitude revient à jeter de l’huile sur le feu, a mis en garde la délégation russe.

La Fédération de Russie respecte strictement ses obligations internationales en matière de renforcement de la confiance et de sécurité, a poursuivi la délégation russe. Pour ce qui concerne le Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), la Fédération de Russie a suspendu sa participation à ce document à compter de 2007, car il ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui alors qu’un bloc (celui du Pacte de Varsovie) est dissout depuis longtemps, pendant que l’autre (l’OTAN) ne l’est pas et étend au contraire son rayon d’action. La Fédération de Russie n’en appelle pas moins les Etats-Unis à œuvrer avec elle à la recherche de solutions afin de maintenir la stabilité stratégique. Elle souligne, en outre, que les efforts de désarmement exigent la participation de la France et du Royaume-Uni, alliés des États-Unis.

Les États-Unis ont d’abord répondu à la République populaire démocratique de Corée en affirmant que la question nucléaire en « Corée du Nord » n’est pas une question entre la « Corée du Nord » et les Etats-Unis mais entre la « Corée du Nord » et la communauté internationale. Les Etats-Unis ont ensuite déclaré qu’ils ne s’attendaient pas à ce que la Fédération de Russie apprécie un document qui ne fait que refléter un changement de leur politique qui s’avère nécessaire face à la modernisation, par la Fédération de Russie, de ses armes nucléaires stratégiques. En ce qui concerne la mise au point d’armes nucléaires à faible puissance, elle n’abaisse pas le seuil (nucléaire) mais l’élève pour ceux qui pourraient rechercher des points faibles dans la dissuasion nucléaire américaine, a ajouté la délégation américaine. Les États-Unis appellent la Fédération de Russie à revenir vers le Traité FNI (sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, signé en 1987). Les États-Unis ajoutent qu’ils ne violent pas le TNP et que les accusations contraires proférées à leur encontre sont ridicules.

La République de Corée a rappelé à la République populaire démocratique de Corée que la communauté internationale avait clairement dit qu’elle n’accepterait jamais son programme nucléaire.

L’Ukraine a remercié les États-Unis pour la présentation de leur document de posture stratégique, pour leur franchise et pour leur attachement aux objectifs d’élimination des armes nucléaires. L’Ukraine a ensuite rappelé que la Fédération de Russie menait contre elle une « guerre hybride » depuis 2014, en dépit des assurances de sécurité qu’elle avait données dans le mémorandum de Budapest (1994). Une partie de l’Ukraine, notamment la Crimée et Sébastopol, est actuellement occupée par la Fédération de Russie, a poursuivi la délégation ukrainienne. Des mercenaires et des troupes régulières russes se trouvent actuellement dans le sud-est de l’Ukraine et la Fédération de Russie fournit des armes sophistiquées à des groupes armés, a-t-elle ajouté. Des organisations non gouvernementales et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) témoignent de ces méfaits commis par la Fédération de Russie, a assuré l’Ukraine, avant d’ajouter que cette situation suscite de vives tensions au niveau européen et au-delà. Est également en cause la militarisation de la Crimée, où la Fédération de Russie déploie des armements perfectionnés et n’exclut pas de déployer des armements nucléaires, a en outre fait observer l’Ukraine.

La République populaire démocratique de Corée a déclaré que la question nucléaire, née de la position hostile des États-Unis envers elle, ne concernait en rien la communauté internationale. Quant aux résolutions du Conseil de sécurité, ce sont des documents politiques, reflétant les positions des États-Unis, a affirmé la délégation de la République populaire démocratique de Corée, avant d’ajouter que Pyongyang ne renoncerait jamais à la dissuasion nucléaire.

Le Royaume-Uni a évoqué son propre examen de posture stratégique, datant de 2015, avant de faire observer que depuis cette date, la Fédération de Russie a accentué son positionnement hostile à l’égard de l’Occident, tout en modernisant ses forces armées et en se comportant de manière agressive en Ukraine. On ne peut donc exclure que la Fédération de Russie s’en prenne à des pays alliés de l’OTAN, a constaté le Royaume-Uni.

La Fédération de Russie a regretté que certaines délégations soulèvent des questions politiques qui n’ont pas à être débattues au sein de la Conférence. Elle a déploré l’attitude fondamentalement hostile que certains États manifestent à son encontre, ici-même à la Conférence, dans des documents doctrinaux et même dans leurs textes de loi, qualifiant la Fédération de Russie d’« État agresseur ». En réalité, la Fédération de Russie est le seul État qui ait pris l’engagement ferme de ne pas menacer d’utiliser des armes nucléaires contre un autre pays – ici l’Ukraine –, conformément au mémorandum de Budapest, a fait valoir la délégation russe. Ajoutant que ledit mémorandum ne mentionnait pas l’obligation pour telle ou telle partie de l’Ukraine de rester dans le giron ukrainien, elle a déclaré que dans ce contexte, le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie a répondu à 100 % à la volonté exprimée par les Criméens eux-mêmes. Quant au Donbass, il s’agit d’une région refusant de vivre sous le joug ukrainien ; s’en est suivi une guerre dans laquelle la Fédération de Russie ne joue qu’un rôle d’arbitre politique, conformément aux accords de Minsk, a indiqué la délégation russe.

L’Ukraine a souligné que le mémorandum de Budapest enjoignait non seulement à la Fédération de Russie de s'abstenir d'utiliser des armes nucléaires contre l'Ukraine, mais aussi de s’abstenir de toute menace ou usage de la force contre l'Ukraine ; de s'abstenir d'utiliser la pression économique sur l'Ukraine en vue d'influencer sa politique ; et de consulter les autres parties prenantes si des questions se posent au sujet de ces engagements. Ces autres exigences ont été bafouées par la Fédération de Russie, a assuré l’Ukraine. Elle a demandé à la Fédération de Russie de dire pour quelle raison elle bloquait l’envoi d’une mission de maintien de la paix dans le sud-est de l’Ukraine.

La France a précisé que sa force de dissuasion nucléaire était « strictement indépendante » et qu’elle considère cependant « la dissuasion américaine élargie, et les garanties de sécurité associées, comme un facteur important de la stabilité stratégique ». La France a salué « la consécration, par la revue de posture des États-Unis, du rôle de la dissuasion nucléaire de l’OTAN pour préserver la paix et la sécurité de l’espace euro-atlantique ». La coopération franco-américaine sur l’ensemble des dossiers nucléaires est étroite et le restera, a assuré la France.

Les États-Unis ont rappelé que les résolutions du Conseil de sécurité reflètent la volonté de la communauté internationale, et non pas celle des seuls États-Unis (comme vient de le prétendre la délégation de la République populaire démocratique de Corée). La nouvelle analyse de la posture nucléaire des Etats-Unis est argumentée et basée sur l’état du monde, a insisté la délégation américaine.

En ce qui concerne le déploiement du contingent de maintien de la paix dans l’est de l’Ukraine, la Fédération de Russie a souhaité souligner que cette initiative est soutenue par la Fédération de Russie et a même été lancée par le Président russe il y a plusieurs mois.

Évoquant à son tour le déploiement du contingent des Nations Unies dans le sud-est de l’Ukraine, l’Ukraine a tenu à rappeler que cette initiative avait été lancée au tout début aux Nations Unies par la partie ukrainienne. Il est toujours important de voir quel est le contenu de telle ou telle initiative: il est important de veiller à ce qu’une initiative soit viable et aboutisse à des résultats concrets. Or, les propositions avancées par la Fédération de Russie ne sont pas viables et ne sont pas de nature à ramener la paix dans le sud-est de l’Ukraine. Il faut commencer par appliquer le volet sécurité des Accords de Minsk et aborder sur le plan politique des discussions au Conseil de sécurité, de manière à lancer une initiative qui puisse ramener la paix et la sécurité dans l’est de l’Ukraine, a conclu la délégation ukrainienne.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC18.006F