Fil d'Ariane
LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT RÉFLÉCHIT SUR LA MANIÈRE DE RELANCER SES TRAVAUX
La Conférence du désarmement a entendu ce matin les interventions de près d’une dizaine de délégations qui se sont notamment exprimées sur la manière de revitaliser les travaux de cette instance. L’Éthiopie, le Bélarus, le Chili, l’Allemagne, la Fédération de Russie, le Japon, la Chine, l’Ukraine et le Brésil ont fait des déclarations.
Tout en se félicitant de l’adoption, en juillet dernier, du traité d’interdiction des armes nucléaires, ainsi que de la reprise du dialogue intercoréen, le Chili a pour sa part souligné que ces bonnes nouvelles ne doivent pas nous empêcher de conserver une évaluation objective de la réalité et reflètent l’urgente nécessité de réagir face à la croissance alarmante de la menace nucléaire. Nous en sommes arrivés à ce stade dramatique à cause de l’insistance avec laquelle les Etats dotés d'armes nucléaires assignent un rôle aux armes nucléaires – et même accroissent ce rôle – dans leurs doctrines de défense et de sécurité nationales, ce qui s’est traduit par une course à la modernisation des arsenaux et au développement de nouvelles technologies pour les armes nucléaires. Il est également alarmant qu’existent des projets visant à abaisser le seuil à partir duquel justifier le recours aux armes nucléaires dans le contexte d’une prétendue guerre nucléaire limitée, a ajouté le Chili, avant de déplorer la suspension des négociations bilatérales de réduction d’armement entre les deux principales puissances nucléaires et le recours à la menace d’utilisation des armes nucléaires comme ressort légitime de la politique étrangère. Aussi, le Chili se réjouit-il de l’initiative du Secrétaire général de convoquer au mois de mai prochain une conférence de haut niveau sur le désarmement nucléaire.
Ce matin, plusieurs délégations ont recommandé qu’au-delà des quatre questions essentielles inscrites à son ordre du jour (désarmement nucléaire, matières fissiles, prévention d’une course aux armements dans l’espace, garanties négatives de sécurité), la Conférence débatte également des nouveaux défis et des nouvelles menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales, et notamment des systèmes d’armes autonomes, de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle, ou encore du risque de voir des acteurs non étatiques mettre la main sur des armes nucléaires. Pour la Fédération de Russie, « le moment est venu d’élaborer une convention internationale contre le terrorisme biologique et chimique ».
Il est possible que cette année encore, la Conférence ne parvienne pas à adopter son programme de travail, lequel, en réalité, n’est qu’un document technique, a pour sa part affirmé le Bélarus, avant de préconiser que le point de départ (pour relancer les travaux de la Conférence) soit au contraire l’examen des objectifs, buts et modalités des futurs accords.
Le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Ravinatha Aryasinha de Sri Lanka, a jugé encourageantes les discussions qui ont eu lieu mardi dernier et s’est félicité de l’esprit positif dans lequel les délégations abordent les échanges informels.
La prochaine séance plénière publique de la Conférence se tiendra mardi 6 février, à 10 heures.
Aperçu des déclarations
L’Éthiopie a jugé indispensable de préserver la crédibilité de la Conférence – unique instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement – en revitalisant son travail de fond. Soulignant le risque d’utilisation d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive par des acteurs non étatiques, l’Éthiopie a appelé les parties concernées à prendre conscience de l’urgence de lancer des négociations en vue de l’élimination complète et vérifiable des armes nucléaires. Elle a appelé tous les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) à œuvrer à l’élimination des arsenaux nucléaires.
L’Éthiopie s’est également dite convaincue que l’ouverture de négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire contribuerait sensiblement à la non-prolifération nucléaire. Estimant, d’autre part, que les « garanties négatives de sécurité » (assurances données par les États dotés d’armes nucléaires de ne pas utiliser de telles armes contre les États qui n’en sont pas dotés) renforcent le régime de non-prolifération, l’Éthiopie a encouragé la Conférence à adopter des instruments juridiquement contraignants concernant les quatre questions essentielles inscrites à l’ordre du jour et en particulier lesdites garanties.
Le Bélarus a dit appuyer les efforts déployés par les présidents successifs de la Conférence pour relancer les travaux de cette instance. De nombreux États ont insisté sur la nécessité, pour que la Conférence reste d’actualité, de traiter des nouveaux défis que constituent, par exemple, la cybersécurité, l’utilisation de l’intelligence artificielle, les systèmes d’armes autonomes, ou encore le risque de voir des acteurs non étatiques mettre la main sur des armes de destruction massive, a poursuivi le Bélarus. La Conférence doit faire preuve de davantage d’ambition pour débattre de ces questions et d’autres menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales et ce, sans préjudice pour ce qui est des questions essentielles inscrites à son ordre du jour, a ajouté le pays. Il est possible que cette année encore, la Conférence ne parvienne pas à adopter son programme de travail, lequel, en réalité, n’est qu’un document technique, a poursuivi le Bélarus, avant de préconiser que le point de départ soit au contraire l’examen des objectifs, buts et modalités des futurs accords.
Le Chili a fait part de son inquiétude face à la menace persistante que les armes nucléaires font planer sur la survie de toute l’humanité. Le pays s’est dans ce contexte félicité de l’adoption, en juillet dernier, du traité d’interdiction des armes nucléaires, ainsi que de la reprise du dialogue intercoréen. Mais ces bonnes nouvelles ne doivent pas nous empêcher de conserver une évaluation objective de la réalité et reflètent l’urgente nécessité de réagir face à la croissance alarmante de la menace nucléaire. Nous en sommes arrivés à ce stade dramatique à cause de l’insistance avec laquelle les Etats dotés d'armes nucléaires assignent un rôle aux armes nucléaires – et même accroissent ce rôle – dans leurs doctrines de défense et de sécurité nationales, ce qui s’est traduit par une course à la modernisation des arsenaux et au développement de nouvelles technologies pour les armes nucléaires. Il est également alarmant qu’existent des projets visant à abaisser le seuil à partir duquel justifier le recours aux armes nucléaires dans le contexte d’une prétendue guerre nucléaire limitée. Nous sommes en effet convaincus, sur la base des vastes investigations scientifiques qui ont été menées ces dernières années, que toute utilisation d’arme nucléaire aurait des conséquences humanitaires catastrophiques, a déclaré la délégation chilienne, avant de déplorer la suspension des négociations bilatérales de réduction d’armement entre les deux principales puissances nucléaires et le recours à la menace d’utilisation des armes nucléaires comme ressort légitime de la politique étrangère. Aussi, le Chili se réjouit-il de l’initiative du Secrétaire général de convoquer au mois de mai prochain une conférence de haut niveau sur le désarmement nucléaire. La possession d’armes nucléaires ne doit être un motif de prestige pour aucun pays, a mis en garde le Chili.
Le Chili a réitéré sa préoccupation face au programme nucléaire et balistique de la République populaire démocratique de Corée, qui constitue un défi, mais a souligné que tous les pays, et en particulier ceux qui sont dotés d’armes nucléaires, ont l’obligation d’avancer sur la voie du désarmement nucléaire, ce pour quoi il est impératif de réduire le rôle de la dissuasion nucléaire dans les doctrines nationales de défense. Telle est la meilleure manière de contribuer à la promotion de la non-prolifération nucléaire et au renforcement du TNP, a conclu le Chili.
L’Allemagne a suggéré de rendre à la Conférence son rôle de forum pour des débats de fond, même en l’absence de programme de travail spécifique contenant un mandat de négociation explicite. Pour l’Allemagne, il est peu réaliste d’imaginer que le programme de travail de la Conférence soit adopté en 2018. C’est pourquoi elle estime que la Conférence pourrait être dotée d’un mandat plus précis, prévoyant notamment la tenue de débats approfondis sur les questions essentielles inscrites à l’ordre du jour, sans complications procédurales. Des progrès doivent être faits au moins sur certaines questions essentielles et sur la formulation de nouvelles approches, y compris s’agissant des nouvelles menaces pour la sécurité internationale.
Les États membres pourraient ainsi confier à la Conférence le mandat de débattre des principaux points de l’ordre du jour, notamment du désarmement nucléaire et du contrôle des armements – y compris un traité d’interdiction de la production de matières fissiles – ainsi que des assurances de sécurité, de la non-militarisation de l’espace et des nouveaux défis que sont, notamment, l’intelligence artificielle, les systèmes d’armes autonomes et les menaces dans le cyberespace. Ce faisant, la Conférence devrait toujours avoir des négociations en perspective et veiller à ce que les questions discutées puissent être intégrées à un programme de travail formel. L’Allemagne a suggéré que la Conférence définisse des étapes intermédiaires avant d’atteindre l’objectif ultime du désarmement complet.
La Fédération de Russie a attiré l’attention de la Conférence sur l’importance de l’entrée en vigueur il y a vingt ans de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. Cet instrument a été très efficace pour assurer la sécurité au niveau international : 96% des 72 000 tonnes de matériel chimique mortel qui devaient être détruites l’ont déjà été. La Fédération de Russie a pour sa part détruit sa dernière munition chimique le 27 septembre dernier, soit avec trois ans d’avance sur le calendrier prévu. C’est en effet par des actes concrets que la Fédération de Russie s’acquitte de ses obligations au titre du droit international, a souligné la délégation russe. Plusieurs États ont participé à la réalisation de ce programme d’élimination, ce dont la Fédération de Russie leur sait gré, a-t-elle ajouté, avant d’appeler les autres États concernés à suivre son exemple.
La Fédération de Russie s’est ensuite dite préoccupée par l’utilisation d’armes chimiques par des terroristes au Moyen-Orient et a condamné le recours aux armes chimiques quels qu’en soient les responsables, pour autant que les responsabilités soient dûment établies. La Fédération de Russie a souligné la nécessité pour la communauté internationale d’agir de concert pour éviter que des terroristes n’acquièrent des armes de destruction massive. « Le moment est venu d’élaborer une convention internationale contre le terrorisme biologique et chimique », a-t-elle insisté, estimant qu’un tel traité pourrait être au cœur des efforts communs déployés au sein de la Conférence.
Le Japon a dit être favorable à un programme de travail complet « basé sur une méthode inclusive », capable d’inciter les États à faire preuve de souplesse. D’autre part, la mission de la Conférence étant fondamentalement de lancer des négociations sur le désarmement, cette instance doit se prononcer sur ce qu’il conviendrait de faire s’il s’avérait impossible de tomber d’accord sur un tel mandat, a estimé le Japon. Pour sa part, le Japon juge nécessaire d’insister, parmi les quatre questions essentielles inscrites à l’ordre du jour, sur le traité d’interdiction de la production de matières fissiles.
La Chine a observé que Fédération de Russie venait de terminer la destruction de son arsenal d’armes chimiques, ce qui marque un grand progrès dans l’histoire de la Convention sur l’interdiction de ces armes. La Chine a espéré que le Japon ferait des progrès plus rapides dans la destruction des armes chimiques qu’il a abandonnées en Chine il y a plus de 70 ans et a indiqué qu’elle continuerait de travailler avec le Japon pour accélérer le mouvement.
Le Japon, réagissant à l’intervention de la Chine, a assuré s’être occupé de cette question de manière très consciencieuse, en collaboration avec la Chine et dans le cadre d’un plan de travail élaboré avec l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques.
L’Ukraine a déclaré que, face au risque accru de prolifération, dû notamment à la menace terroriste, il importait de coopérer pour faire appliquer la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité (par laquelle le Conseil de sécurité a décidé que « tous les États doivent s’abstenir d’apporter un appui, quelle qu’en soit la forme, à des acteurs non étatiques qui tenteraient de mettre au point, de se procurer, de fabriquer, de posséder, de transporter, de transférer ou d’utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs, en particulier à des fins terroristes »). L’Ukraine a organisé récemment un séminaire international sur cette question, dont les actes et les recommandations ont été distribués aux membres de la Conférence.
Le Bélarus a suggéré que la Conférence examine les propositions faites par la Fédération de Russie ce matin s’agissant de la poursuite des travaux de fond.
Le Brésil a relevé que les différentes propositions pour relancer les travaux de la Conférence n’étaient pas mutuellement exclusives.
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DC18.005E