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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants d’organisations non gouvernementales et d’institutions nationales de droits de l’homme au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la Malaisie, le Chili, la République de Corée et les Fidji.

S'agissant de la Malaisie, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) se sont inquiétées de la persistance de mesures discriminatoires à l’encontre des femmes, notamment dans le droit religieux applicable dans ce pays et s’agissant plus particulièrement des questions familiales. Il a en outre été recommandé que les tribunaux civils malaisiens puissent être en mesure de casser des décisions prises par des tribunaux islamiques. Ont également été dénoncées les violations des droits des personnes LGBTI.

S’agissant du Chili, les ONG se sont dites inquiètes de la répression violente dont sont victimes les femmes qui défendent les droits des Mapuche. Il a en outre été regretté que le système juridique en place ne tienne pas compte de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes. Il a également été déploré que l’avortement pratiqué en dehors des trois cas de figure où il est autorisé par la loi donne toujours lieu à des poursuites et que le droit à l’objection de conscience des médecins ait été conservé dans ce contexte.

S’agissant de la République de Corée, une coalition d’ONG a recommandé que le nouveau Gouvernement fasse évoluer les relations de pouvoir, encore largement inégales, entre les sexes et fasse adopter une loi générale interdisant la discrimination sous toutes ses formes. Il a également été déploré que les femmes qui décident d’avorter en République de Corée soient sanctionnées. Ont en outre été dénoncées les discriminations multiples dont sont victimes les femmes LGBTI, les femmes migrantes, ainsi que les femmes transfuges de la République populaire démocratique de Corée.

S’agissant enfin des Fidji, une coalition d’ONG a déploré l’application décevante de la Convention par les autorités, qui explique la persistance de fortes discriminations envers les femmes dans cet archipel.

Les institutions nationales de droits de l’homme de la Malaisie, du Chili et de la République de Corée sont intervenues dans le cadre du débat.


Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l’examen du rapport de la Malaisie.


Audition de la société civile et des institutions nationales de droits de l’homme

S’agissant de la Malaisie

Suhakam, l’institution nationale de droits de l’homme (INDH) de la Malaisie, a salué l’interdiction formelle de la discrimination contre les femmes inscrite dans la Constitution du pays, mais a recommandé au Gouvernement malaisien de légiférer en outre dans le domaine de l’égalité entre les sexes. Suhakam a regretté la persistance de règlements qui octroient au mari des droits exorbitants sur son épouse et au sein de la famille, notamment lors du divorce et pour ce qui concerne la religion des enfants. L’institution nationale de droits de l’homme a par ailleurs fait état de nombreuses violations des droits des LGBTI et des femmes candidates à l’immigration.

Honey Tan – Empower s’est dite préoccupée que la Malaisie n’ait pas levé les réserves qu’elle maintient à l’égard de certaines dispositions de la Convention. Elle a regretté que le Gouvernement ne considère pas l’intégration de la perspective sexospécifique comme une tâche incombant à tous les ministères. Elle a par ailleurs mis en garde contre la demande de certains groupes en Malaisie visant le rétablissement de la charia et a plaidé pour que les tribunaux civils soient en mesure de casser des décisions prises par des tribunaux islamiques.

Sisters in Islam a regretté l’absence de progrès dans l’application des recommandations du Comité visant la réforme du droit religieux en Malaisie, lequel reste discriminatoire envers les femmes et les fillettes. L’ONG a condamné la persistance de discriminations envers les femmes dans le mariage et le divorce et a déploré que la polygamie ait été facilitée pour les hommes. Le Gouvernement doit avoir la volonté politique de mettre un terme à toutes ces formes de discrimination à l’égard des femmes musulmanes.

Women’s Aid Organisation a déploré les restrictions apportées aux droits des femmes dans le droit de la famille, notamment pour ce qui est de la violence sexiste. L’application de la loi, incohérente, entraîne de nombreuses lacunes de protection, notamment du fait que le viol conjugal n’est pas condamné.

Justice for Sisters a recommandé que les femmes LGBTI fassent l’objet de mesures de protection face aux attitudes discriminatoires dont elles sont victimes en Malaisie.

Asylum Access Malaisia a souligné que les femmes requérantes d’asile en Malaisie vivent dans des conditions extrêmement difficiles et a appelé le Gouvernement à prendre des mesures de protection en leur faveur.

Dans le cadre du dialogue qui s’est engagé suite à ces exposés, une experte du Comité a voulu savoir comment les organisations non gouvernementales (ONG) pouvaient défendre le droit des femmes à s’habiller comme elles l’entendent. Une autre experte a demandé des explications sur les raisons de l’augmentation du taux de divorce en Malaisie.

Les organisations de la société civile ont alors précisé que plusieurs femmes défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtées devant le Parlement au motif que leurs jupes n’étaient pas assez longues et ce, bien qu’il n’existe pas de règlement officiel à ce sujet. Quant au divorce, une ONG a constaté que les hommes qui répudient leur femme sont trois fois plus nombreux que ceux qui engagent une procédure de divorce devant les tribunaux. Le fait que de nombreuses dispositions de la charia s’imposent progressivement aux non-musulmans en Malaisie est très préoccupant, a constaté une ONG.

Une ONG a déclaré que la situation des femmes LGBTI en Malaisie n’avait subi aucune amélioration notable au plan juridique et réglementaire; la police malaisienne applique des critères totalement discriminatoires pour « détecter » ces personnes. Pour ce qui est du statut de l’institution nationale des droits de l'homme, Suhakam a précisé qu’elle était totalement indépendante de toute influence gouvernementale; s’il est vrai qu’elle travaille en étroite collaboration avec les pouvoirs publics, les chefs religieux et les ONG, c’est pour en tirer tous les renseignements dont elle a besoin pour mener sa mission à bien.

S’agissant du Chili

L’institution nationale de droits de l’homme du Chili a regretté que la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention ne soit toujours pas actée, alors que cela fait 17 ans que le Parlement en est saisi. L’institution s’est en outre dite très alarmée par les violences contre les jeunes filles âgées de 14 à 17 ans, lesquelles sont particulièrement touchées par les violences sexuelles et par la prévalence du féminicide au Chili. L’institution a condamné les violences extrêmement graves infligées par des agents de l’État aux femmes mapuches qui défendent les droits de leur communauté. L’INDH a plaidé pour le respect effectif des droits de santé génésique des femmes au Chili et a pointé à cet égard le manque de services gynécologiques adaptés aux besoins des femmes autochtones.

Corporación Humanas a regretté que le Gouvernement chilien n’accorde qu’une attention désordonnée à la protection des droits des femmes. L’ONG a dénoncé la répression violente dont sont victimes dans le cadre de l’application de la loi antiterroriste les femmes qui défendent les droits des Mapuche. Le système juridique en place ne tient pas compte de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, a regretté l’ONG.

Corporación Opción a déploré que les textes juridiques chiliens contre la violence à l’égard des femmes et des adolescentes ne contiennent aucune mesure contraignante. L’ONG a en outre recommandé de fixer l’âge minimal du mariage à 18 ans.

Agrupacion Lesbica Rompiendo El Silencio a condamné les violences dont sont victimes les femmes et les jeunes filles LGBTI au Chili et le manque de protection prévu par la loi à cet égard. Dania Linker a pour sa part recommandé au Gouvernement chilien de se doter de politiques publiques en faveur de la protection des droits des femmes transsexuelles et intersexuelles.

Center for Reproductive Rights s’est réjoui de l’adoption de la loi chilienne autorisant l’avortement dans trois cas précis, tout en regrettant que l’avortement pratiqué pour toute autre raison donne toujours lieu à des poursuites et que le droit à l’objection de conscience des médecins ait été conservé dans ce contexte.

Dans le cadre du dialogue qui s’est noué suite à ces exposés, une experte du Comité a salué l’action des ONG présentes et leur a demandé de décrire leurs liens avec les pouvoirs publics. L’experte a en outre observé la faiblesse des résultats électoraux des femmes au Chili et s’est enquise des obstacles à cet égard. Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur les attributions exactes du Ministère de la condition féminine et sur la participation de la société civile aux campagnes de prévention de la traite des femmes et des jeunes filles.

Une autre experte a demandé si les femmes autochtones qui défendent leurs droits à la terre contre les grandes entreprises forestières étaient considérées au Chili comme des défenseurs des droits de l’homme. La même experte a voulu savoir si la loi sur la violence contre les femmes tenait compte aussi de la violence psychologique. Une autre experte a demandé si les adolescentes chiliennes ont accès à des informations sur la santé procréative, sans le consentement de leurs parents. Les ONG ont été priées de dire combien de femmes avaient vu leur demande d’avortement refusée après l’adoption de la nouvelle loi sur l’avortement.

Les organisations de la société civile ont indiqué que les autorités n’ont pas prévu un nombre de places suffisant pour la prise en charge des femmes victimes de la traite des êtres humains ; de même, les programmes de réparation pour les victimes sont insuffisants car ils ne couvrent pas l’ensemble du territoire. La violence psychologique est bel et bien considérée comme une forme de violence domestique, a indiqué une ONG: il reste cependant un problème de compétence juridique, car il est difficile de déterminer quel tribunal est compétent en fonction du type d’infraction.

Les ONG ont aussi regretté que les lois fixant des quotas dans les listes des partis politiques ne disent rien de la présence effective des femmes dans les postes publics.

L’institution nationale de droits de l’homme du Chili a déploré le manque de volonté politique des autorités chiliennes pour ce qui est de ratifier le Protocole facultatif à la Convention. Les femmes qui connaissent l’existence de cet instrument de plainte sont très rares, a-t-elle ajouté, avant de préciser qu’elle n’était pas en mesure de dire dans quels délais le Protocole facultatif serait ratifié. L’institution a en outre regretté que le Chili n’applique pas les « Règles de Bangkok » concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes.

S’agissant de la République de Corée

L’institution nationale de droits de l’homme de la République de Corée a dit s’acquitter régulièrement de tâchées liées à l’application de la Convention. Elle a recommandé que le Gouvernement créé un département autonome chargé de lutter contre la discrimination à l’encontre des femmes. De même, le Gouvernement devrait se montrer beaucoup plus actif pour enrayer les discours de haine contre les minorités sociales en République de Corée, ainsi que pour enrayer la misogynie et les appels à la violence en ligne.

L’INDH a en outre recommandé que le Gouvernement de la République de Corée mette en place un environnement permettant aux femmes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Elle a d’autre part préconisé l’adoption d’un plan détaillé pour augmenter la présence de femmes aux postes de direction. L’institution nationale de droits de l’homme a par ailleurs demandé aux autorités de faciliter l’accès aux voies de recours juridique pour les femmes victimes de violences sexuelles. L’institution a enfin plaidé pour un renforcement des droits de santé génésique en faveur des femmes et pour que cessent, en République de Corée, les poursuites contre les femmes qui subissent un avortement.

Une coalition de quinze organisations non gouvernementales a regretté que le nouveau Gouvernement ne réponde pas aux attentes qui étaient placées en lui. Elle lui a recommandé d’œuvrer pour faire évoluer les relations de pouvoir, encore largement inégales, entre les sexes et de faire adopter une loi générale interdisant la discrimination sous toutes ses formes. De nombreuses recommandations antérieures du Comité n’ont pas été analysées sérieusement, ce qui entraîne la perpétuation de discriminations contre les femmes au travail, de même que la persistance de cas de harcèlement sexuel, a en outre regretté la coalition. Elle a également déploré que les femmes qui décident d’avorter en République de Corée soient sanctionnées.

MINBYUN a attiré l’attention du Comité sur le problème des discriminations multiples dont sont victimes les femmes LGBTI, les femmes migrantes, ainsi que les femmes transfuges de la République populaire démocratique de Corée. L’organisation a déploré que les femmes travailleuses migrantes, qui sont particulièrement vulnérables à la traite des êtres humains, soient mal informées de leurs droits par les services publics. L’ONG s’est en outre dite déçue par la persistance d’attitudes patriarcales qui empêchent les femmes de se réaliser pleinement dans leur vie professionnelle. La loi ne prévoit aucune mesure de protection pour les femmes victimes de violence sexiste, a également déploré l’ONG.

Le Korean Council for the Women Drafted for Military Sexual Slavery by Japan a dénoncé la lenteur de l’action publique pour rendre justice aux femmes coréennes victimes de l’esclavage sexuel durant la Deuxième Guerre mondiale. Les précédentes autorités de la République de Corée avaient secrètement passé un accord avec le Japon, en 2015, pour clore le dossier – un accord dont de nombreuses ONG demandent l’annulation car il exclut totalement les survivantes et omet sciemment d’utiliser l’expression « esclaves sexuelles ».

Dans le cadre du dialogue qui s’est noué, suite à ces exposés, entre les membres du Comité et les organisations de la société civile, l’une de ces dernières a précisé que les femmes survivantes de l’esclavage sexuel durant le Seconde Guerre mondiale ne bénéficient d’aucun soutien de la part du Gouvernement.

Pour ce qui est de la santé génésique, une ONG a observé que les écoles ne dispensent aucun enseignement distinct dans ce domaine, l’éducation sexuelle étant intégrée au cours de biologie. Quant à l’avortement, il arrive que des femmes soient dénoncées par leur propre partenaire, a-t-il été souligné: aussi, le Gouvernement doit-il prendre des mesures pour améliorer la situation dans un contexte où les conceptions traditionnelles tiennent encore le haut du pavé.

S’agissant des Fidji

Une coalition d’organisations non gouvernementales a déploré l’application décevante de la Convention par les autorités, qui explique la persistance de fortes discriminations envers les femmes. Les prochaines élections seront l’occasion de voir si les droits des femmes dans la vie politique sont respectés, a ajouté la coalition, avant de regretter à ce propos que les autorités aient refusé d’adopter des mesures temporaires spéciales afin de favoriser la participation des femmes à la vie politique.

La coalition a en outre regretté que les succès revendiqués par les autorités en matière de lutte contre la violence sexiste ne soient étayés par aucune statistique. Cette forme de violence, qui est généralisée jusqu’au sein même de la famille, devrait inciter le Gouvernement à donner aux femmes victimes les moyens de déposer plainte auprès de la police. La coalition a par ailleurs dénoncé l’adoption de lois limitant la liberté d’expression aux Fidji. Elle a d’autre part remis en cause l’indépendance de l’institution nationale de droits de l’homme des Fidji, faisant observer que cette institution avait perdu son accréditation en tant qu’institution conforme aux Principes de Paris.

Dans le cadre du dialogue qui s’est noué suite à cette présentation, une experte du Comité a souhaité savoir s’il est possible de contester les décisions rendues par les tribunaux fidjiens. Une autre experte a souhaité connaître les raisons de la persistance de « l’hypermasculinité » de la société fidjienne, dénoncée par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme lors d’une visite récente en tant que source de nombreuses discriminations envers les femmes.

Il a alors été répondu à ces questions que la Constitution pouvait être encadrée par des décrets émis par le pouvoir exécutif. Près de la moitié des cas de violence sexiste ne sont pas dénoncés aux Fidji, faute de confiance dans le système judiciaire, a-t-il en outre été souligné.


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CEDAW/18/002F