Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU TIMOR-LESTE
Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport initial du Timor-Leste sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant ce rapport, M. Sebastião Dias Ximenes, Vice-Ministre de la justice du Timor-Leste, a notamment fait valoir que les services du procureur n’avaient été saisis d’aucune plainte pour torture depuis la ratification de la Convention par son pays, en 2003. Il a précisé que le Code pénal timorais prévoit des peines allant de 2 à 8 ans d’emprisonnement pour les fonctionnaires coupables d’avoir infligé des souffrances physiques ou psychologiques dans l’exercice de leurs fonctions ; la torture elle-même est un crime grave, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, a-t-il ajouté. Policiers et militaires convaincus d’actes de torture ou de mauvais traitements s’exposent aussi à des sanctions administratives, a précisé M. Dias Ximenes. L’interdiction de la torture et des mauvais traitements est consacrée par la Constitution et par le Code pénal, a-t-il insisté, souligant que la torture est interdite même lors de situations d’urgence.
Le Timor-Leste assure à chacun les garanties de procédure, a indiqué M. Dias Ximenes, avant d’ajouter que les aveux obtenus sous la torture ne sont pas admis par les tribunaux timorais. Le Timor-Leste n’a pas encore procédé à la moindre extradition, a-t-il également indiqué. La loi du Timor-Leste prévoit en outre que toutes les victimes de violence ont droit à un dédommagement pour le préjudice subi, a poursuivi le Vice-Ministre.
La délégation timoraise était également composée, entre autres, du Représentant permanent du Timor-Leste auprès des Nations Unies à Genève, M. Marciano Octavio Garcia da Silva, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères, de la Police nationale et des Forces de défense timoraises (F-FDTL), et de la Conseillère nationale sur les droits de l’homme.
La délégation a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s’agissant, notamment, des violations des droits de l'homme commises par le passé, y compris les disparitions forcées et la collaboration avec l’Indonésie dans ce domaine ; des questions de réparation aux victimes ; des questions d’asile, s’agissant en particulier des Rohingyas abordant les côtes timoraises ; de l’interdiction de la torture et des châtiments corporels ; des conditions de détention ; des mineurs en conflit avec la loi ; de l’avortement ; des questions de formation ; ou encore de l’intention du pays de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.
Mme Felice Gaer, corapporteuse pour l’examen du rapport du Timor-Leste, a salué les vastes consultations qui ont précédé l’élaboration du rapport timorais, avant de regretté le retard avec lequel a été présenté ce premier rapport – treize ans après la ratification de la Convention par le pays. Mme Gaer s’est ensuite dite très préoccupée par les affirmations du rapport et du Vice-Ministre de la justice selon lesquelles aucun cas de torture n’a été porté à l’attention des autorités; en effet, a-t-elle ajouté, non seulement le Conseil a reçu des informations selon lesquelles des actes de torture ont bel et bien été commis depuis que le Timor-Leste a ratifié la Convention, mais ces affirmations montrent en outre que les autorités ne comprennent pas quelles sont leurs obligations relativement aux actes de torture qui ont été commis avant la ratification de cet instrument. Mme Gaer s’est dite d’autant plus préoccupée que subsistent, selon les informations reçues par le Comité, de nombreux survivants de la torture, ainsi que de nombreux membres des familles de personnes décédées ou disparues pendant l’occupation indonésienne et pendant les violences qui ont suivi le référendum d’indépendance en 1999. Rapporté à la population timoraise, le nombre des victimes est en réalité colossal, a souligné l’experte. Elle a regretté que les tribunaux spéciaux mis sur pied par les Nations Unies n’aient jugé que des « seconds couteaux » et s’est demandée quelle mesure l’État timorais entendait prendre pour faire en sorte que les auteurs de torture, de disparitions et d’autres crimes soient effectivement poursuivis.
La corapporteuse a d’autre part indiqué que le Comité avait reçu des informations crédibles selon lesquelles des membres de la police et de l’armée ont infligé à des personnes détenues des actes constituant au minimum des mauvais traitements et au pire des tortures. Mme Gaer a également fait part de sa préoccupation face aux conditions de détention au Timor-Leste.
Mme Sapana Pradhan-Malla, corapporteuse pour l’examen du rapport du Timor-Leste, a notamment recommandé que le Timor-Leste adopte une loi sur l’indemnisation des victimes de torture et de mauvais traitements, conformément à l’article 14 de la Convention. Elle a en outre constaté que les amendements introduits depuis 2005 dans le Code pénal avaient limité l’accès des femmes à un avortement sûr, puisque cette intervention est désormais interdite même si la grossesse résulte d’un viol. L’experte a par ailleurs observé que la loi timoraise ne réprime toujours pas l’inceste. Mme Pradhan-Malla a en outre relevé qu’en dépit de quelques succès, la prise en charge des personnes handicapées est difficile au Timor-Leste, certaines personnes atteintes de maladie mentale vivant toujours enfermées, isolées voire maltraitées par des proches.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Timor-Leste et les rendra publiques à l'issue de la session, le 6 décembre prochain.
Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation du Rwanda aux questions qui lui ont été posées hier matin par les membres du Comité.
Présentation du rapport
Le Comité était saisi du rapport initial du Timor-Leste (CAT/C/TLS/1) et des réponses du pays à une liste de points à traiter préalablement transmise par le Comité.
M. SEBASTIÃO DIAS XIMENES, Vice-Ministre de la justice du Timor-Leste, a fait valoir que les services du procureur n’avaient été saisis d’aucune plainte pour torture depuis la ratification de la Convention par son pays, en 2003. Lorsque le cas se présentera, a-t-il assuré, l’État prendra les mesures nécessaires conformément aux lois nationales et internationales pertinentes. C’est ainsi que l’article 167 du Code pénal prévoit des peines allant de 2 à 8 ans d’emprisonnement pour les fonctionnaires coupables d’avoir infligé des souffrances physiques ou psychologiques dans l’exercice de leurs fonctions; la torture elle-même est un crime grave, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement (article 117 du Code pénal). Policiers et militaires convaincus d’actes de torture ou de mauvais traitements s’exposent aussi à des sanctions administratives, a précisé M. Dias Ximenes.
Le Timor-Leste a pris des mesures concrètes pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements, a poursuivi M. Dias Ximenes. La Constitution stipule, en son article 147, que la prévention du crime se fera dans le respect des droits de l’homme. L’interdiction de la torture et des mauvais traitements est consacrée par la Constitution (article 30) et par le Code pénal. La torture est interdite même lors de situations d’urgence, a souligné le Vice-Ministre de la justice.
Le Timor-Leste assure à chacun les garanties de procédure, a poursuivi M. Dias Ximenes, avant d’ajouter que les aveux obtenus sous la torture ne sont pas admis par les tribunaux timorais. En matière d’aide juridictionnelle, le Timor-Leste garantit à toute personne [arrêtée] le droit de bénéficier d’un avocat, de communiquer avec sa famille et de recevoir des services médicaux. En outre, le Ministère de la justice a lancé plusieurs initiatives avec des partenaires internationaux et la société civile afin de prévenir la torture et les mauvais traitements, grâce à des formations portant sur les droits de l’homme, sur la Convention contre la torture ou encore sur l’utilisation de la force par les policiers et les soldats. Les autorités informent la population s’agissant de toutes ces questions par le biais des médias. Le Ministère de la justice veille à former les magistrats aux questions en lien avec la prévention de la torture et des mauvais traitements. Pour leur part, plus de 2400 membres de la police nationale (sur un total de 3500 agents) ont reçu des formations sur le recours acceptable à la force, sur les droits de l’homme et sur la manière d’interroger des demandeurs d’asile, notamment.
Le Timor-Leste n’a pas encore procédé à la moindre extradition, a ensuite indiqué le Vice-Ministre de la justice. Les mécanismes existants dans ce domaine reposent sur des accords bilatéraux avec des pays tiers, a-t-il précisé. La coopération judiciaire internationale du Timor-Leste est régie par la loi, qui autorise l’extradition d’une personne pour autant que cette mesure ne viole pas la loi timoraise, a-t-il expliqué.
La loi du Timor-Leste prévoit en outre que toutes les victimes de violence ont droit à un dédommagement pour le préjudice subi, a indiqué M. Dias Ximenes, avant de faire valoir que les autorités publiques s’efforcent de sensibiliser les populations à l’existence des programmes de soutien aux victimes.
Depuis la soumission du présent rapport [en août 2016], le Timor-Leste a adopté des plans d’action nationaux contre la violence sexiste et contre la violence envers les enfants, prévoyant notamment que les châtiments corporels seront traités de la manière recommandée par le Comité des droits de l’enfant, a par ailleurs souligné M. Dias Ximenes. Enfin, a-t-il ajouté, les autorités ont récemment condamné les violences commises contre la communauté LGBT timoraise, violences mises au jour par une étude de la société civile. Le Premier Ministre a appelé publiquement ses concitoyens à accepter et respecter les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, a conclu le Vice-Ministre de la justice du Timor-Leste.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
MME FELICE GAER, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Timor-Leste, a salué les vastes consultations qui ont précédé l’élaboration du rapport timorais. Le Timor-Leste a ratifié la Convention en 2003 et n’a présenté son premier rapport qu’en 2016 : ce retard est regrettable, a affirmé Mme Gaer, qui s’est cependant dite satisfaite de la composition de la délégation, qui est de haut niveau. L’experte s’est aussi félicitée de l’interaction étroite du Timor-Leste avec les Nations Unies, y compris avec l’ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Sir Nigel Rodley.
Mme Gaer s’est ensuite dite très préoccupée par les affirmations du rapport et du Vice-Ministre de la justice selon lesquelles aucun cas de torture n’a été porté à l’attention des autorités. En effet, a-t-elle ajouté, non seulement le Conseil a reçu des informations selon lesquelles des actes de torture ont bel et bien été commis depuis que le Timor-Leste a ratifié la Convention, mais ces affirmations montrent en outre que les autorités ne comprennent pas quelles sont leurs obligations relativement aux actes de torture qui ont été commis avant la ratification de cet instrument. Mme Gaer s’est dite d’autant plus préoccupée que subsistent, selon les informations reçues par le Comité, de nombreux survivants de la torture, ainsi que de nombreux membres des familles de personnes décédées ou disparues pendant l’occupation indonésienne et pendant les violences qui ont suivi le référendum d’indépendance en 1999. Rapporté à la population timoraise – 1,3 million d’habitants –, le nombre des victimes est en réalité colossal, a souligné l’experte, puisque l’on parle de 18 600 morts entre 1974 et 1999, outre 11 000 allégations de torture, mille allégations de violences sexuelles et l’enlèvement de 4500 enfants.
Mme Gaer a regretté que les autorités timoraises aient refusé de collaborer au rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées publié en 2015. Dans ce document, le Groupe de travail regrettait que les autorités n’aient pas adopté de programme de réparation pour les victimes, ni renforcé les capacités du secteur judiciaire, soulignant que cela empêcherait la poursuite des responsables de crimes graves. À cet égard, la corapporteuse a regretté que les tribunaux spéciaux mis sur pied par les Nations Unies n’aient jugé que des « seconds couteaux ». Mme Gaer a demandé à la délégation de dire quelles mesures l’État timorais allait prendre pour faire en sorte que les auteurs de torture, de disparitions et d’autres crimes soient effectivement poursuivis.
Mme Gaer a ensuite prié la délégation de décrire le rôle de l’Institut national de la mémoire dans l’octroi de réparations aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Relevant que le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées avait recommandé de réaliser de nouvelles enquêtes sur plusieurs massacres commis entre 1982 et 1993, Mme Gaer a voulu savoir quelles mesures le Gouvernement avait prises pour donner effet à cette recommandation.
La corapporteuse a d’autre part indiqué que le Comité avait reçu des informations crédibles selon lesquelles des membres de la police et de l’armée ont infligé à des personnes détenues des actes constituant au minimum des mauvais traitements et au pire des tortures. Les organisations non gouvernementales affirment quant à elles que 56 plaintes pour des actes de torture ont été déposées. Dans l’un de ces cas, des soldats et des policiers auraient frappé des femmes et des enfants lors d’une opération conjointe. Des policiers ont fouetté un groupe de jeunes accusés d’appartenance à un groupe illégal d’arts martiaux – une séquence capturée sur vidéo en septembre dernier. De très nombreuses autres plaintes de ce type sont enregistrées, a insisté Mme Gaer. Elle a voulu savoir combien de procédures avaient été lancées contre les policiers et militaires impliqués et quelles sanctions leur avaient été infligées. La corapporteuse a noté que les informations disponibles et les déclarations du Timor-Leste montrent que les autorités considèrent qu’elles n’ont pas à intervenir lorsque des policiers et des militaires sont accusés de torture, une attitude qui n’est pas conforme aux obligations de l’État au titre de la Convention.
La question se pose aussi de savoir quelles mesures les autorités vont prendre pour remédier à la perception – très répandue au sein de la population – selon laquelle la police et l’armée ne prennent pas au sérieux leur obligation de sanctionner leurs membres qui se rendent responsables de mauvais traitements ou d’actes de torture, a ajouté Mme Gaer.
La corapporteuse a également fait part de sa préoccupation face aux conditions de détention au Timor-Leste, marquées notamment par des brutalités commises systématiquement contre les nouveaux détenus à titre de rite d’initiation. Mme Gaer a voulu savoir si un détenu pouvait se plaindre directement auprès de la direction nationale des établissements pénitentiaires. Elle a également demandé si la législation en vigueur prévoyait des peines alternatives à la détention.
Après avoir entendu une première série de réponses apportées par la délégation timoraise aux questions du Comité, Mme Gaer s’est dite satisfaite de la volonté des autorités de renforcer les mesures de réparation aux victimes de torture; elle a alors renvoyé le Timor-Leste au commentaire général du Comité sur la question des réparations. Mme Gaer a souligné que les victimes considèrent souvent les retards dans la justice comme autant de dénis de justice. La confrontation des victimes aux faits du passé et aux responsabilités pour ces faits contribue au sentiment que la justice est rendue, a-t-elle insisté, recommandant au Timor-Leste de jeter un regard neuf sur ses politiques en la matière. L’État doit notamment reconnaître publiquement que des mesures de réparation sont dues du fait même que des crimes ont été commis.
Mme Gaer a ensuite demandé à la délégation d’indiquer combien d’enfants enlevés vers l’Indonésie étaient rentrés au pays et combien étaient restés en Indonésie.
S’agissant des Rohingyas abordant les côtes timoraises, Mme Gaer a voulu savoir comment les autorités du Timor-Leste avaient déterminé qu’ils avaient pour but l’Australie et si elles s’étaient enquises du sort final de ces migrants.
Mme Gaer a souligné que le fait de garder un nouveau détenu au secret dans une « cellule de sécurité » pendant trois ou quatre jours peut être assimilé à un mauvais traitement. Un détenu qui se dit victime de mauvais traitement peut-il exiger d’être examiné par un médecin, a-t-elle en outre demandé ?
Quand les autorités timoraises entendent-elles ratifier le Protocole facultatif, a enfin demandé la corapporteuse?
MME SAPANA PRADHAN-MALLA, corapporteuse pour l’examen du rapport du Timor-Leste, a insisté, compte tenu du manque avéré de connaissance de la loi au Timor-Leste, sur le rôle crucial que jouent l’information et l’éducation pour renforcer les capacités des populations et des fonctionnaires. Elle a souhaité savoir si les programmes de formation à l’intention des policiers, gardiens de prison et médecins pénitentiaires comprenaient des enseignements quant à la manière d’enquêter efficacement sur la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (conformément au Protocole d’Istanbul).
Mme Pradhan-Malla a ensuite demandé si le Gouvernement timorais entendait augmenter les moyens à la disposition du Médiateur pour les droits de l’homme et la justice, afin qu’il puisse s’acquitter de sa mission consistant à visiter tous les lieux de détention du pays. La délégation a été priée de dire si le Gouvernement envisageait d’élargir les pouvoirs du Médiateur au dépôt de plaintes pour torture et mauvais traitements.
La corapporteuse a d’autre part recommandé que le Timor-Leste adopte une loi sur l’indemnisation des victimes de torture et de mauvais traitements, conformément à l’article 14 de la Convention. Elle s’est en outre enquise de l’accès des victimes aux services de réhabilitation.
Mme Pradhan-Malla s’est ensuite enquise des mesures prises par l’État pour protéger les femmes contre la violence sexiste, qui – selon elle – est l’un des problèmes de droits de l’homme les plus graves au Timor-Leste. Elle a constaté que les amendements introduits depuis 2005 dans le Code pénal avaient limité l’accès des femmes à un avortement sûr, puisque cette intervention est désormais interdite même si la grossesse résulte d’un viol. L’experte a par ailleurs observé que la loi timoraise ne réprime toujours pas l’inceste.
Mme Pradhan-Malla s’est enquise du nombre de plaintes reçues par le Médiateur au sujet de châtiments corporels infligés à des enfants et de la réaction des autorités à cet égard. Elle a en outre relevé qu’en dépit de quelques succès, la prise en charge des personnes handicapées est difficile au Timor-Leste, certaines personnes atteintes de maladie mentale vivant toujours enfermées, isolées voire maltraitées par des proches.
La corapporteuse a ensuite demandé s’il existait au Timor-Leste des procédures pour faire connaître non seulement à l’exécutif mais aussi aux magistrats timorais les recommandations émanant des organes de traités, en particulier celles du Comité contre la torture. Il ne suffit pas de former les policiers et autres fonctionnaires aux droits de l’homme : une évaluation de l’impact de cette formation est également nécessaire, a-t-elle en outre souligné.
Mme Pradhan-Malla a par ailleurs recommandé au Timor-Leste d’établir des statistiques ventilées sur les personnes détenues.
Un autre membre du Comité a salué l’attitude positive du Timor-Leste dans sa collaboration tant avec la société civile timoraise qu’avec le Comité. Néanmoins, quand le Timor-Leste entend-il concrétiser l’engagement qu’il a pris dans le cadre de l’Examen périodique universel, en mars 2017, de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [qui vise « l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté »], a-t-il été demandé ? La délégation a en outre été priée de fournir des statistiques récentes sur les plaintes pour torture ou mauvais traitements ayant entraîné des sanctions.
Un expert a relevé que, selon la presse nationale, le pays comptait 648 prisonniers en 2016, dont 488 se trouvant en détention provisoire. L’expert s’est étonné que près de 80% des personnes détenues se trouvent en fait en détention provisoire. En 2017, 669 prisonniers étaient détenus, toujours selon la presse, pour une capacité carcérale totale de 310 ou 320 places. Aussi, l’expert s’est-il enquis des mesures que l’État entendait prendre pour remédier à cette surpopulation carcérale, s’agissant notamment des peines alternatives à la détention.
Une experte a fait observer qu’une décision d’expulsion d’un étranger prise par le Ministère de l’intérieur était en réalité un acte administratif ; la délégation a été priée de dire si un recours devant la justice était possible contre une telle décision.
Une autre experte a relevé que le Parlement avait récemment demandé au Gouvernement timorais de mettre fin aux contrats de tous les membres du personnel judiciaire ; cette mesure est considérée, par plusieurs organisations de la société civile timoraise, comme un moyen de pression sur des magistrats enquêtant sur des fonctionnaires du Gouvernement.
D’autres questions ont porté sur le statut de la justice pour mineurs au Timor-Leste, sur la définition de la torture et des mauvais traitements inscrite dans le Code pénal timorais et sur l’amnistie accordée à des personnes condamnées pour torture.
Est-il envisager de prononcer des peines alternatives à la détention pour remédier à l’importante surpopulation carcérale au Timor-Leste, a-t-il été demandé ?
Un expert a regretté que le Timor-Leste ait décidé de renoncer à faire appel à des juges internationaux pour poursuivre les crimes graves commis par le passé.
Réponses de la délégation
S’agissant des anciennes violations des droits de l’homme commises au Timor-Leste, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement timorais avait décidé de rédiger une nouvelle loi sur l’indemnisation des victimes et de créer une institution mémorielle. Le nouveau Parlement est saisi de ces questions, qu’il aborde sur la base des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, a-t-elle ajouté. Ce sujet complexe appelle une solution mesurée qui dispense les victimes de revivre les événements du passé tout en permettant d’empêcher la répétition des crimes.
Pour ce qui est des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation s’agissant des disparitions forcées, les autorités, le Médiateur pour les droits de l’homme et la justice et les organisations non gouvernementales collaborent afin de permettre aux personnes enlevées dans leur enfance et amenées en Indonésie pendant la période de 1975 à 1999 de retrouver leurs familles au Timor-Leste, a poursuivi la délégation. Le Timor-Leste n’a jamais cessé de rechercher ces enfants perdus, en collaboration avec l’Indonésie, a-t-elle assuré. Certains disparus sont déjà rentrés au pays ; d’autres ont préféré rester en Indonésie, pour des raisons familiales, a-t-elle précisé. La délégation a par la suite précisé que toutes ces personnes étaient maintenant des adultes, souvent avec des familles, qui ont changé de nom et parfois même de religion. Les autorités timoraises ont déjà permis à une centaine de personnes de retrouver leurs familles et poursuivent leurs efforts pour retrouver toutes les autres ; elles collaborent à cette fin avec les autorités indonésiennes et avec des groupes religieux.
Le Timor-Leste n’oublie pas les événements et les expériences du passé dans le conflit avec l’Indonésie, y compris les crimes qui ont été commis, que la Commission de vérité et de réconciliation a pour mission d’enregistrer pour la mémoire collective, a ensuite insisté la délégation. Cela étant, les relations avec l’Indonésie se sont beaucoup améliorées, a-t-elle fait valoir.
La délégation a en outre indiqué qu’elle ferait part aux autorités timoraises des préoccupations du Comité s’agissant du suivi des réparations accordées aux victimes de la torture.
Les autorités timoraises sanctionnent les auteurs de châtiments corporels dans les écoles, a par ailleurs assuré la délégation. Le Ministère de l’éducation interdit absolument tout châtiment corporel dans les écoles, a-t-elle par la suite insisté. Les inspecteurs académiques prennent les sanctions appropriées en cas de manquement à ce principe et les associations de parents sont très vigilantes sur cette question, a souligné la délégation.
En ce qui concerne les questions d’asile, la délégation a assuré qu’aucun Rohingya n’a demandé la protection du Timor-Leste : dans tous les cas, les personnes concernées (NDLR : Rohingyas abordant les côtes timoraises, comme l’a évoqué la corapporteuse, Mme Gaer – voir ci-dessus) souhaitaient se rendre en Australie, a-t-elle expliqué. Le Timor-Leste n’est en effet pas un pays de destination des migrants, a insisté la délégation. Les autorités timoraises ont donné aux Rohingyas concernés l’eau et la nourriture dont ils avaient besoin, mais n’ont pas été en mesure de les aider à se rendre en Australie.
Par ailleurs, a poursuivi la délégation, le Timor-Leste n’opère aucune discrimination à l’encontre des visiteurs étrangers : un visa d’entrée est accordé à toute personne qui se présente aux frontières pour visiter le pays.
Le Timor-Leste peut procéder à deux types d’expulsion : l’expulsion administrative, décidée au niveau du Gouvernement, et l’expulsion judiciaire, décidée par un tribunal compétent. Les deux types d’expulsion peuvent faire l’objet de recours, a ajouté la délégation.
Le Code pénal ne distingue pas entre la torture et les mauvais traitements, a admis la délégation ; néanmoins, dans la pratique, les juges et les tribunaux prononcent des peines qui sont en fonction de la nature du crime commis. La torture est passible de vingt ans d’emprisonnement, a précisé la délégation.
La délégation a ensuite fait part des nouveaux régimes d’administration de la justice qui sont en cours de préparation s’agissant des mineurs en conflit avec la loi. Les autorités sont également en train de prendre les mesures pour construire un nouvel établissement adapté aux besoins des détenus mineurs ; cet établissement devrait pouvoir accueillir une centaine de délinquants mineurs, qui y bénéficieront, notamment, de mesures d’insertion professionnelle.
Le Ministère de la justice a mis à son programme de travail la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, a en outre indiqué la délégation. Elle a ajouté qu’elle demanderait au Conseil des Ministres d’inviter rapidement le Rapporteur spécial sur la torture.
Le Timor-Leste a ratifié les sept principaux traités de droits de l’homme dès son accession à l’indépendance, a rappelé la délégation. Le pays a désormais pour priorité de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture ; le Ministère de la justice se penchera sur la question de savoir s’il est possible d’accélérer cette ratification, a-t-elle indiqué.
S’agissant des conditions de détention, la délégation a fait savoir que les prisons timoraises disposent chacune de cellules de sécurité destinées à l’accueil des nouveaux détenus ; les détenus y sont évalués du point de vue médical et quant à leur capacité à intégrer le reste des détenus en toute sécurité.
Les nouveaux détenus doivent être placés dans les cellules de sécurité pour une période d’un à trois jours, a par la suite précisé la délégation ; le bilan complet de chaque détenu ne peut en effet se faire en deux ou trois heures. Mais si sa situation est claire, le détenu peut intégrer le régime commun après un jour déjà, a souligné la délégation. Quoi qu’il en soit, aucun détenu ne s’est plaint à ce jour de son séjour en cellule de sécurité, a-t-elle fait valoir.
La loi régit la détention à l’isolement pour des raisons de sécurité, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a précisé qu’après vérification, il apparaît que seuls 190 détenus sur les 690 que compte la prison de Becora se trouvent en détention préventive.
Le Gouvernement envisage par ailleurs d’ouvrir de nouveaux centres de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux, a poursuivi la délégation.
La délégation a assuré que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres ne faisaient l’objet d’aucune discrimination institutionnelle au Timor-Leste.
L’avortement est autorisé lorsqu’il s’agit de sauver la vie de la femme enceinte, pour autant qu’il soit réalisé par un médecin ou un autre professionnel de santé certifié et avec le consentement de la femme concernée, a ensuite expliqué la délégation. Sans certificat médical et en cas d’urgence, un médecin peut décider de réaliser un avortement après consultation de ses pairs.
S’agissant de cas particuliers mentionnés par des experts du Comité, la délégation a indiqué que plusieurs jeunes gens avaient effectivement été empêchés de participer à une manifestation relative à un art martial interdit par le Gouvernement. Un abus de pouvoir a été commis par la police en l’occurrence, qui a donné lieu à une dénonciation au procureur ; ce cas est pendant.
Les policiers timorais portent tous un uniforme et des insignes distinctifs, a ajouté la délégation, avant de confirmer que l’armée et la police peuvent effectivement collaborer lors d’opérations conjointes.
Les policiers reçoivent, dans le cadre de leur formation de base, des enseignements obligatoires aux droits de l’homme, a par ailleurs indiqué la délégation. La République de Chine a organisé des formations en matière de médecine légale à l’intention des policiers timorais, a-t-elle précisé. D’autres coopérations en matière de formation sont nouées avec la police fédérale australienne et avec la police de la Nouvelle-Zélande.
Au Timor-Leste, a par ailleurs fait valoir la délégation, les fonctionnaires reçoivent déjà des formations sur la manière de détecter les violences sexistes et les violences domestiques.
Pour remédier à son manque de ressources humaines et de compétences dans le secteur judiciaire, le Timor-Leste collabore avec le Portugal dans le domaine de la formation des magistrats, a en outre indiqué la délégation.
La police dispose d’un système électronique d’enregistrement des incidents, l’objectif étant de simplifier les processus administratifs et les relations avec le parquet, a d’autre part indiqué la délégation.
Remarques de conclusion
M. MARCIANO OCTAVIO GARCIA DA SILVA, Représentant permanent du Timor-Leste auprès des Nations Unies à Genève, a insisté sur le long chemin parcouru par son pays depuis la ratification de la Convention. Le Timor-Leste a présenté depuis lors de nombreux rapports devant les organes de traités et dans le cadre de l’Examen périodique universel, a-t-il rappelé, avant de remercier les membres du Comité pour leurs questions et observations qui aideront le Timor-Leste à remédier aux problèmes que le pays rencontre encore.
M. JENS MODVIG, Président du Comité, a indiqué que, lors d’une mission d’enquête effectuée sur le terrain il y a plusieurs années, il avait pu mesurer de visu l’ampleur et la gravité dramatiques des actes de torture qui avaient été commis contre la population timoraise ; le Timor-Leste revient de très loin à cet égard, a-t-il souligné, avant de se féliciter de la collaboration de la délégation timoraise durant le présent dialogue.
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CAT/17/29F