Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DIALOGUE AVEC LA COMMISSION INTERNATIONALE D’ENQUÊTE SUR LA SYRIE
Le Conseil des droits de l’homme a entendu, cet après-midi, une mise à jour du Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, M. Paulo Sergio Pinheiro, avant de tenir avec lui un débat interactif.
M. Pinheiro a souligné que la fin probable de la bataille de Raqqa ne devait pas faire croire aux États qu’une victoire sur l’État islamique signifierait la fin de la guerre en Syrie. L’État islamique n’a jamais fait partie d’une solution politique à ce conflit, a-t-il fait observer.
M. Pinheiro a souligné que les civils syriens continuaient d’être la cible d’attaques délibérées, de privation d’aide humanitaire et de services de santé essentiels, ainsi que d’arrestations forcées et de prise d’otage, du fait de toutes les parties au conflit en Syrie. La Commission a constaté que la passation de trêves locales, si elle a permis de mettre fin à des sièges de villes, a aussi été le prétexte de déplacements forcés de population, a-t-il en outre souligné, avant d’ajouter que la Commission avait par ailleurs documenté des violations des droits de l’homme commises par l’État islamique notamment contre des minorités religieuses.
La grande majorité des morts de civils est imputable à l’utilisation illégale d’armes classiques, a ajouté M. Pinheiro, en particulier aux bombardements aériens de zones civiles par des munitions à fragmentation. Les forces gouvernementales ont utilisé des armes chimiques contre des civils dans des zones tenues par les rebelles, y compris à Khan Cheikhoun le 4 avril : la Commission en a récolté de nombreuses preuves, a en outre affirmé M. Pinheiro. L’attaque s’est déroulée pendant une campagne aérienne menée par la Syrie et la Fédération de Russie au nord de la province de Hama, laquelle campagne visait des installations médicales, a-t-il ajouté. La Commission a constaté également que les États-Unis n’avaient pas pris les précautions nécessaires pour protéger les civils lors de l’attaque contre des supposés terroristes dans la mosquée d’al Jinah, dans la province d’Alep, le 16 mars dernier, a en outre déclaré M. Pinheiro. La Commission appelle donc toutes les parties qui mènent des attaques aériennes en Syrie à épargner les civils et à s’abstenir d’attaquer des écoles, des hôpitaux et des bâtiments religieux. Elle demande aussi que davantage d’efforts soient consacrés à venir en aide aux milliers d’hommes, de femmes et d’enfants yézidis qui ont été victimes de la campagne génocidaire de l’État islamique.
Membre démissionnaire de la Commission, Mme Carla Del Ponte a fait part de sa frustration face à l’incapacité de la communauté internationale, sept ans après le début de la guerre en Syrie, à trouver des réponses à l’impunité qui prévaut dans le pays.
En tant que pays concerné, la République arabe syrienne a souligné que, depuis son établissement, la Commission avait maintes fois outrepassé son mandat en s’arrogeant notamment le droit de proférer des accusations politiques infondées au lieu de procéder à une véritable analyse juridique. La délégation syrienne a en outre insisté sur le fait que la Commission ignore la responsabilité des régimes qui financent les groupes terroristes armés. La délégation a ensuite regretté l’impasse faite par la Commission sur les « atrocités barbares » perpétrées à Rachidine et sur l’utilisation du phosphore blanc par les groupes armés.
Lors du débat interactif qui a suivi, ont particulièrement été dénoncées les attaques délibérées de civils et d’infrastructures civiles en Syrie, ainsi que la guerre de siège menée dans ce pays et les entraves à l’aide humanitaire. De nombreuses délégations ont appelé à privilégier la recherche d’une solution politique, soulignant que ce conflit ne saurait avoir de solution militaire. L’accent a été mis sur la nécessité de traduire en justice, en particulier, tous les responsables d’utilisation d’armes chimiques. Certains intervenants ont prié la Commission de se pencher avec le même degré de vigueur sur les violations commises par toutes les parties au conflit.
Le Conseil poursuivait ses travaux dans l’après-midi en entamant son dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud.
Dialogue avec la Commission d’enquête internationale sur la Syrie
Présentation du rapport
Le Conseil était saisi du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne (A/HRC/36/55).
Présentant ce rapport, le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, a souligné que les civils syriens continuaient d’être la cible d’attaques délibérées, de privation d’aide humanitaire et de services de santé essentiels, ainsi que d’arrestations forcées et de prise d’otage, du fait de toutes les parties au conflit en Syrie. En mettant au jour ces atrocités, la Commission espère faire avancer la cause de la justice pour les victimes, a expliqué M. Pinheiro.
Dans son rapport, a poursuivi M. Pinheiro, la Commission observe en particulier que « les parties belligérantes ont continué d’assiéger des populations et d’instrumentaliser l’aide humanitaire afin de saper les bases de soutien civil et d’obtenir la reddition de leurs adversaires ». Dans ce contexte, la Commission a constaté que la passation de trêves locales, si elle a permis de mettre fin à des sièges de villes, a aussi été le prétexte de déplacements forcés de population. Cela a été notamment le cas dans les villes de Barza, Qaboun et Tishreen, a précisé M. Pinheiro. Les civils de ces cités ne sont pas partis de leur plein gré, a assuré le Président de la Commission : ils ont fui parce qu’ils n’avaient pas le choix et craignaient des représailles. Le contraste est saisissant entre le sort réservé aux civils dans le cadre de ces trêves et le sort des personnes libérées après que les forces du Gouvernement eurent levé le siège de Deir Ezzor par l’État islamique: deux jours après la levée du siège, l’aide humanitaire a afflué et personne n’a été contraint de partir. Cela montre qu’il est possible d’apporter de l’aide humanitaire après un siège sans nécessité de procéder à des déplacements forcés, a souligné M. Pinheiro.
La Commission a par ailleurs documenté des violations des droits de l’homme commises par l’État islamique notamment contre des minorités religieuses, dans des villes sous son contrôle aussi bien que sous le contrôle du Gouvernement.
La grande majorité des morts de civils est imputable à l’utilisation illégale d’armes classiques, a ajouté M. Pinheiro, en particulier aux bombardements aériens de zones civiles par des munitions à fragmentation. D’autre part, a poursuivi M. Pinheiro, la Commission a l’obligation, de par son mandat, de documenter sans doute possible l’utilisation illégale d’armes chimiques interdites, en violation du droit international. À cet égard, les forces gouvernementales ont utilisé des armes chimiques contre des civils dans des zones tenues par les rebelles, y compris à Khan Cheikhoun le 4 avril : la Commission en a récolté de nombreuses preuves, y compris des dizaines d’entretiens, et l’examen de débris et de photographies satellites, a précisé M. Pinheiro. La Commission a conclu qu’un avion syrien avait largué une bombe remplie de sarin sur cette ville, faisant 80 morts, en majorité des femmes et des enfants, et blessant des centaines d’autres personnes. L’attaque s’est déroulée pendant une campagne aérienne menée par la Syrie et la Fédération de Russie au nord de la province de Hama, laquelle campagne visait des installations médicales. Les victimes de l’attaque au sarin du 4 avril n’ont pas pu recevoir l’assistance nécessaire, a ajouté M. Pinheiro.
La Commission a constaté également que les États-Unis n’avaient pas pris les précautions nécessaires pour protéger les civils lors de l’attaque contre des supposés terroristes dans la mosquée d’al Jinah, dans la province d’Alep, le 16 mars dernier.
La Commission, a indiqué son Président, appelle donc toutes les parties qui mènent des attaques aériennes en Syrie à épargner les civils et à s’abstenir d’attaquer des écoles, des hôpitaux et des bâtiments religieux. La Commission demande aussi que davantage d’efforts soient consacrés à venir en aide aux milliers d’hommes, de femmes et d’enfants yézidis qui ont été victimes de la campagne génocidaire de l’État islamique.
Enfin, M. Pinheiro a souligné que la fin probable de la bataille de Raqqa ne devait pas faire croire aux États qu’une victoire sur l’État islamique signifierait la fin de la guerre en Syrie. L’État islamique n’a jamais fait partie d’une solution politique à ce conflit, a fait observer l’expert. L’incapacité à traiter les causes profondes de l’extrémisme violent, ainsi que l’impunité dont ses auteurs jouissent, ne pourra qu’aider les groupes terroristes à trouver de nouvelles recrues pour ce conflit toujours plus asymétrique, a mis en garde M. Pinheiro. Le Président de la Commission internationale d’enquête a appelé la communauté internationale à donner clairement la priorité au peuple syrien, à ses droits et à ses aspirations légitimes, et a estimé qu’il était temps de trouver une solution politique tenant compte de l’avis de tous les Syriens.
Pays concerné
La République arabe syrienne a souligné que, depuis son établissement, la Commission internationale d’enquête sur la Syrie avait maintes fois outrepassé son mandat en s’arrogeant notamment le droit de proférer des accusations politiques infondées au lieu de procéder à une véritable analyse juridique. Le fait que la Commission se fonde sur des témoignages et des entretiens avec des individus anonymes, loin des lieux où se déroulent les faits, et qu’elle accorde foi aux rapports émanant de parties suspectes et de pays opposés au Gouvernement syrien, montre bien à quel point son travail est irrecevable et lui ôte toute crédibilité quant à l’établissement des faits. La délégation syrienne a critiqué, en particulier, la réunion qu’ont eue en Turquie les membres de la Commission avec des parties opposées au Gouvernement syrien.
La délégation syrienne a en outre insisté sur le fait que la Commission ignore la responsabilité des régimes qui financent les groupes terroristes armés. La délégation a relevé la confrontation survenue cette année entre les régimes qatarien et saoudien, qui révèle au grand jour leurs implications respectives dans le conflit syrien, aux côtés de la Turquie, des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. La délégation syrienne a rappelé que son pays avait toujours alerté sur les conséquences d’une approche sélective des mécanismes du Conseil et a réfuté toutes les accusations figurant dans le rapport, y compris celles relatives au déplacement forcé de populations. Le rapport prétend notamment que le Gouvernement syrien aurait pris des mesures législatives destinées à déposséder les populations dissidentes de leurs biens et pris des mesures juridiques et administratives pour empêcher les personnes déplacées d’enregistrer ou de conserver des biens privés. Ces mesures auraient forcé beaucoup d’habitants au déplacement, selon le rapport, alors que plusieurs rapports de l’ONU confirment que plus de 700 000 personnes déplacées étaient retournées dans les régions libérées, a ajouté la délégation syrienne.
La délégation de la Syrie a ensuite regretté l’impasse faite par la Commission sur les « atrocités barbares » perpétrées à Rachidine et sur l’utilisation du phosphore blanc par les groupes armés.
La délégation syrienne s’est demandée si les critères de la Commission étaient réellement impartiaux et a prié M. Pinheiro de révéler l’identité des experts techniques qui collaborent avec la Commission. Elle a aussi dénoncé l’approche de la Commission, qui accuse l’armée de l’air syrienne d’avoir utilisé du sarin à Khan Cheïkhoun, dans le gouvernorat d’Edleb, contre la population civile. La délégation a conclu que le rapport de la Commission internationale d’enquête était truffé de contradictions et empreint d’une approche de « deux poids, deux mesures », ne trouvant aucune justification, par exemple, pour faire assumer aux États-Unis les conséquences désastreuses de leurs frappes aériennes, pas plus que n’est réclamée l’ouverture de couloirs humanitaire, ni de trève humanitaire.
Débat interactif
La Finlande, au nom des États nordiques, a souligné que les violations des droits de l’homme en Syrie sont épouvantables. Les pratiques de blocage de l’aide humanitaire et de siège sont particulièrement préoccupantes. L’utilisation des armes chimiques est inacceptable et les auteurs de ces attaques doivent être traduits devant la justice, a ajouté la Finlande, soulignant que tous les auteurs de violations des droits de l‘homme doivent être tenus responsables. Ceux qui ont commis une attaque à l’arme chimique devront répondre de leurs actes, a elle aussi souligné l’Allemagne. La Commission doit se voir accorder l’accès sans entraves en Syrie, a-t-elle en outre plaidé.
Le Liechtenstein a relevé que la Commission internationale d’enquête sur la Syrie avait clairement évoqué les violations du droit humanitaire par les différentes parties, notamment le siège de villes ou les bombardements de cibles civiles. L’Union européenne a souligné que ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut s’agissant de ces violences. Le Koweït a dénoncé les nombreuses violations des droits fondamentaux du peuple syrien, notamment de son droit à la vie. Les parties au conflit doivent mettre fin à la souffrance de ce peuple, a affirmé le Koweït, se disant particulièrement préoccupé par le sort des enfants syriens. L’Allemagne a souligné que les femmes et les enfants souffraient le plus des innommables crimes commis en Syrie.
L’Union européenne et la Finlande ont exigé des autorités syriennes qu’elles coopèrent avec la Commission d’enquête.
L’Union européenne a condamné les violations du droit international humanitaire en Syrie et s’est engagée à participer au processus visant à assurer l’obligation redditionnelle pour tous les crimes commis. Pour l’Union européenne, les auteurs d’attaque à l’arme chimique doivent être traduits devant les tribunaux. La justice et l’obligation redditionnelle doivent être intégrées dans tout processus politique de reconstruction, a lui aussi souligné le Liechtenstein; il faut mettre en place un tribunal pénal spécial pour les crimes commis en Syrie. Pour la Pologne également, l’obligation redditionnelle est indispensable. Le Brésil a souligné qu’il fallait donner la priorité aux victimes, prévenir les violations et identifier les auteurs de graves violations des droits de l’homme, afin que ceux-ci rendent des comptes. Le Brésil a par ailleurs estimé qu’il fallait mettre fin aux intérêts subjectifs et aux récits partiaux qui induisent en erreur la communauté internationale.
L’Union européenne condamne en outre toutes les violations des droits de l’homme commises par Daech et toutes les organisations terroristes.
La Pologne a remercié la Commission d’enquête d’avoir attiré l’attention sur les attaques constantes menées contre les minorités religieuses; les actes d’intolérance et de violence à l’encontre des minorités religieuses préoccupent en effet très fortement la Pologne.
Israël s’est montré préoccupé par la participation à ce conflit de l’Iran et du Hezbollah, qui se sont emparés du vide laissé par Daech. L’armée israélienne apporte de l’aide humanitaire à la population syrienne proche de ses frontières, a ajouté la délégation israélienne.
La Fédération de Russie a affirmé que le rapport de la Commission internationale d’enquête montrait qu’elle n’était pas indépendante : les forces politiques y sont présentées de manière biaisée et il n’y a aucun mot sur les crimes de guerre commis par l’armée des États-Unis et la coalition à Rakka. En outre, les preuves de l’utilisation de l’arme chimique semblent construites de toute pièce, a ajouté la délégation russe, affirmant que l’activité de cette Commission n’était pas utile.
Les Émirats arabes unis ont indiqué que les violences se poursuivaient en Syrie et a déploré que la communauté internationale n’ait pu unifier sa position sur le sujet. Les Émirats arabes unis se sont dits préoccupés par l’instauration de zones de désescalade qui, ont-ils souligné, ne doivent pas être utilisées pour consolider les bases du régime syrien.
Le Canada a condamné toutes les violations du droit international humanitaire et a souligné que le Conseil de sécurité devait user de toute son influence pour assurer un processus de paix inclusif et global en Syrie. Le Canada a condamné l’utilisation de l’arme chimique en Syrie et s’est dit préoccupé par la guerre des sièges et l’utilisation de l’aide humanitaire comme arme politique.
La France a demandé à la Commission internationale d’enquête de continuer d’examiner l’ensemble des violations commises en Syrie, y compris le dossier Cesar. Il importe aussi, a dit la France, de continuer de documenter les actes criminels de Daech, qui se poursuivent dans le contexte de la libération de Raqqa. Il est plus que jamais urgent de mettre en œuvre une transition politique conforme aux termes de la résolution 2254 du Conseil de sécurité. La France a aussi jugé que l’impunité des auteurs d’attaques chimiques en Syrie n’était pas acceptable. La Belgique a souligné qu’il ne saurait y avoir de paix sans justice. Elle a assuré la Commission de son plein soutien dans la conduite de ses travaux.
Les États-Unis ont dit soutenir pleinement le mandat de la Commission, estimant qu’elle accomplissait un travail essentiel pour documenter les faits graves dont l’État syrien est le premier responsable. Les États-Unis se sont ainsi félicités de la documentation réunie par la Commission au sujet des attaques contre les civils et les personnels humanitaires et médicaux, de même que sur le recours aux fausses promesses de réconciliation et aux évacuations forcées pour procéder à un nettoyage ethnique. Également choqués par les 300 attaques délibérées contre des hôpitaux ayant fait 800 victimes parmi les personnels soignants, les États-Unis ont espéré que les responsables de ces actes seraient amenés à rendre compte de leurs actes.
L’Australie s’est dite très préoccupée par les informations faisant état d’attaques délibérées contre les civils en Syrie. Elle a voulu savoir si la réduction de la violence dans certaines parties du pays en avait facilité l’accès par la Commission. Le Chili s’est dit très préoccupé par la poursuite des violations des droits de l’homme graves et systématiques en Syrie. Il a appelé les pays qui exercent une influence au plan régional à œuvrer à une sortie de conflit et à mettre ainsi fin aux souffrances des victimes. Les Maldives ont condamné toutes les formes de violence contre les civils, notamment les attaques contre les installations et personnels de santé et contre les écoles. La communauté internationale a été appelée à mettre en place les conditions propices au dialogue entre toutes les parties au conflit.
La Grèce a plaidé pour la recherche d’une solution politique durable à la crise en Syrie, estimant que des événements récents pourraient constituer une « fenêtre d’opportunité » à cet égard. Ainsi, a estimé la Grèce, le processus d’Astana visant à apaiser les tensions en Syrie pourrait avoir des résultats durables et faciliter l’accès de l’aide humanitaire. La Grèce a également salué les efforts déployés par M. de Mistura.
La Suisse a remercié la Commission d’enquête pour son rapport et a indiqué soutenir ses recommandations. Les violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire restent à l’ordre du jour ; l'utilisation d'armes chimiques par l’aviation syrienne à Khan Cheikhoun et le recours disproportionné à la violence contre la population civile par la Coalition anti-ISIL, les Forces démocratiques syriennes et ISIL à Raqqa, en sont de graves manifestations. La Suisse condamne fermement ces actes et appelle toutes les parties au conflit à respecter leurs obligations en la matière. La Suisse est également préoccupée par les déplacements forcés conséquents aux accords dits de réconciliation locale et souligne l'importance du respect du droit de propriété des personnes déplacées. La Suisse réitère son appel en vue d’un déferrement de la situation à la Cour pénale internationale. La Suisse exhorte en outre la communauté internationale à soutenir le Mécanisme international, impartial et indépendant de l’ONU et encourage vivement le Gouvernement syrien à autoriser l’accès à son territoire pour celui-ci comme pour la Commission d’enquête. Cette guerre meurtrière doit cesser au plus vite; la Suisse soutient le dialogue politique entre les parties au conflit et les exhorte à s’y engager de bonne foi et avec envergure, une fois pour toutes. Étant donné que le dernier rapport de la Commission concernant les disparitions forcées date de 2013, la Suisse aimerait lui demander son appréciation actuelle de ce phénomène.
Cuba a insisté sur l’urgence de trouver une solution négociée au conflit en Syrie et de reconstruire ce pays. Cuba a rejeté toute tentative de mettre en cause la souveraineté de ce pays arabe, notamment par le biais du recours à la force, qui est contraire au droit international et n’entraîne que l’insécurité. Le Venezuela a dénoncé l’action de groupes terroristes contre les autorités légitimes de la Syrie et a déploré les manipulations de la presse occidentale pour tromper l’opinion sur ce qu’il se passe réellement en Syrie. Le Venezuela appelle de ses vœux un processus politique piloté par les Syriens eux-mêmes.
Les Pays-Bas ont fait part de leur très grande préoccupation face à la situation très précaire des civils à Raqqa. Ils ont insisté sur l’importance de protéger les volontaires qui, comme les « casques blancs », apportent leur aide aux populations civiles. Le Japon a prié le Gouvernement syrien de laisser passer les convois humanitaires qui apportent des fournitures médicales aux zones actuellement assiégées; de laisser partir les populations assiégées; et de mettre fin à toute attaque chimique.
La République tchèque se range derrière toutes les condamnations exprimées par les autres délégations et les appels lancés à la justice internationale pour qu’elle se penche sur les crimes graves commis en Syrie. La République tchèque appuiera tous les efforts visant à la conclusion d’un accord entre Syriens. Il est en effet important que la paix soit conclue entre Syriens, loin de toute ingérence étrangère et dans le cadre des pourparlers de Genève, a poursuivi l’Iraq, avant de saluer la reprise par l’armée syrienne de villes précédemment sous contrôle de groupes terroristes armés.
L’Albanie a condamné les crimes commis par toutes les parties et les a appelées à y mettre fin, y compris aux politiques de changement démographique dans certaines parties de la Syrie. L’Albanie a estimé que seule une solution politique pourrait permettre de sortir de la crise. L’Estonie partage les mêmes condamnations, y compris le recours aux déplacements forcés, à la famine comme arme de guerre ou encore à la destruction d’installations civiles. L’Estonie est d’avis que la Cour pénale internationale doit être saisie de la question. Tous ces crimes sont commis par le « régime syriens et ses alliés » et sont utilisés comme une stratégie de guerre, a affirmé à sa suite, le Qatar, appelant le Conseil de sécurité et la communauté internationale à adopter une position ferme sur ces crimes et en référer à la CPI.
Alors que la situation humanitaire est préoccupante, la Croatie appelle à ce que les efforts soient redoublés pour réduire le fardeau des réfugiés et déplacés. Elle a dit soutenir le travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et a appelé les parties à s’inscrire dans le processus de Genève. L’Espagne a appelé pour sa part au respect et à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Elle estime aussi que le rôle du nouveau mécanisme international crée sur la Syrie doit être complémentaire du travail de la Commission d’enquête, l’objectif devant être de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes commis en Syrie. L’Italie a dit partager la même opinion sur la complémentarité entre les deux mécanismes et sur la nécessaire reddition de comptes. Car la réconciliation nationale sera impossible aussi longtemps que les auteurs des crimes les plus graves ne sont pas tenus responsables de leurs actes.
Le fait que l’on empêche l’accès humanitaire, en plus des agissements des groupes armés, a causé beaucoup de mal aux populations, a dit l’Égypte, appelant la communauté internationale à créer un cadre propice pour la conclusion d’un accord politique entre les parties syriennes. Cependant, l’Égypte a mis en garde contre tout accord qui pourrait mener à une division territoriale de la Syrie, au risque de créer des troubles non seulement dans le pays, mais aussi dans la région.
Bahreïn a lancé un appel à tous les États concernés par la situation en Syrie pour aider à un accord de paix entre parties syriennes et pour l’acheminement de l’aide humanitaire, dans un contexte où quatre millions de Syriens sont réfugiés et trois millions d’enfants de moins de cinq ans n’ont jamais connu la paix. L’effondrement de la Syrie n’est profitable à personne, a mis en garde Bahreïn.
La Slovénie a condamné non seulement les crimes relatés dans le rapport mais est préoccupée aussi par le fait que les frappes de la coalition causent de nombreuses victimes. Dans ce contexte, la Slovénie soutient les efforts de M. Staffan de Mistura, mais aussi la proposition de la Commission visant à lui permettre de pouvoir faire des réunions d’informations régulière à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité. Pour l’Équateur, il serait intéressant de connaître les sources de financement et l’origine des soutiens dont profitent les groupes armés présents en Syrie.
La Chine a déclaré que seul un règlement politique pourrait garantir le respect des droits de l’homme en Syrie. La Chine a recommandé de tirer parti de la confiance et de bâtir sur l’élan positif des pourparlers parallèles d’Astana et de Genève. La Chine s’est dite prête à collaborer à la recherche d’une solution politique au conflit en Syrie. La Turquie a salué la désescalade de la violence suite aux réunions d’Astana. Elle a condamné les déplacements forcés de population, qui pourraient constituer de crimes de guerre. La Turquie a dénoncé l’attaque chimique commise par le Gouvernement syrien.
La Jordanie a appuyé tous les efforts tendant à faire cesser les violences et le bain de sang et à privilégier une solution susceptible de rétablir la sécurité et la stabilité en Syrie, garantissant également le droit du peuple syrien à vivre dans la liberté et la sécurité sur son territoire. La Jordanie a insisté qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit et que la poursuite des affrontements fera davantage de victimes parmi la population civile. La Jordanie a souligné la nécessité d’une solution politique qui permette à la Syrie de préserver son unité territoriale et a salué les efforts déployés dans cet objectif par l’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, la Commission d’enquête et le processus d’Astana.
Le Bélarus a déclaré que le respect des droits de l’homme en Syrie ne serait possible qu’après la fin du conflit armé : il s’est félicité à cet égard des progrès enregistrés dans le cadre du processus de désescalade lancé à Astana. Mais le Bélarus a aussi demandé au Conseil des droits de l’homme de s’abstenir de servir d’outil politique pour faire pression sur un État souverain. La République populaire démocratique de Corée s’est dite pour sa part opposée aux tentatives de s’ingérer dans les affaires internes des États au prétexte des droits de l’homme. Les terroristes devront répondre des violations des droits de l’homme commises en Syrie, a dit la République populaire démocratique de Corée, assurant le Gouvernement syrien de son appui. Les mandats concernant des pays précis sont contreproductifs et devraient être supprimés, a aussi demandé la délégation.
Très préoccupée par la situation tragique des minorités religieuses en Syrie, telle que rapportée par la Commission, l’Autriche a dit soutenir le mécanisme d’enquête international, impartial et indépendant sur les crimes les plus graves commis en Syrie, à laquelle elle apporte une contribution financière. Le Maroc a réitéré l’urgente nécessité de mettre fin à la violence et de garantir la protection adéquate aux populations civiles, dont les besoins humanitaires doivent être satisfaits de manière inconditionnelle. Le Maroc a jugé également impérieux et urgent de faire cesser l’utilisation des sièges qui visent à opérer des déplacements forcés de populations civiles, et condamné fermement l’usage d’armes chimiques, comme signalé par la Commission d’enquête.
Le Portugal a assuré la Commission d’enquête de son soutien et demandé au Gouvernement syrien de laisser la Commission accomplir sa mission sur le terrain. Le Portugal a souligné que les violations des droits de l’homme décrites par la Commission pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Il a demandé que les auteurs de ces violations en rendent compte devant la justice.
Le Royaume-Uni a demandé au régime syrien de libérer les personnes détenues illégalement et de permettre à des acteurs humanitaires impartiaux de visiter les lieux de détention. Le Royaume-Uni a rendu hommage au travail de Mme del Ponte au sein de la Commission d’enquête. Le Mexique a regretté que la Commission ne soit pas autorisée à se rendre sur le terrain en Syrie. Le Gouvernement de ce pays a été appelé à accorder l’accès aux convois humanitaires- Le Mexique a condamné que la fréquence des attaques contre des installations médicales en Syrie ainsi que le recours aux armes chimiques.
Le Luxembourg a estimé que la Commission d’enquête jouait un rôle primordial afin d’identifier les responsables des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Avec d’autres délégations, le Luxembourg a exhorté les autorités syriennes à coopérer avec la Commission d’enquête et à lui permettre l’accès sur son territoire. Il a également appuyé l’appel lancé par la Commission à toutes les parties afin qu’elles renoncent à recruter des enfants. Le Botswana a appuyé les recommandations faites par la Commission aux États pour qu’ils s’abstiennent d’actes qui pourraient avoir des conséquences graves pour les civils, surtout les enfants. La Roumanie a demandé que les principes du droit international humanitaire et des droits de l’homme soient respectés.
La Hongrie a exprimé sa grave préoccupation face au nombre élevé de victimes civiles qui continuent à payer un lourd tribut dans le conflit syrien. Depuis le début de ce mois, des déplacements d’envergure ont eu lieu et de nombreuses personnes, en particulier des enfants, ont été victimes des mines antipersonnel installées par l’État islamique de l’Iraq et du Levant (EILL). La Hongrie a adressé un appel à toutes les parties pour une cessation des hostilités et le respect de la vie humaine.
La République islamique d’Iran a insisté pour que les Syriens déterminent eux-mêmes leur sort. Elle a estimé que la situation s’était amélioré malgré tout et que les pourparlers dans le cadre du processus d’Astana étaient positifs. Elle s’est aussi félicité de progrès dans les efforts visant à faire reculer Daech, notamment la levée du siège de la ville de Deïr Ezzor. La Hongrie a condamné le recours aux armes chimiques par quelque partie que ce soit.
L’Irlande a jugé particulièrement répugnant le recours aux armes chimiques et au gaz sarin, ce qui souligne la nécessité d’une reddition de comptes à travers des mécanismes internationaux.
La Lituanie a invité le Gouvernement syrien à ouvrir un accès sans entraves à l’aide humanitaire. Le Gouvernement syrien a la responsabilité d’identifier les auteurs de crimes qui pourraient constituer des crimes de guerre ou contre l’humanité, a dit la Lituanie. Les civils sont les plus durement touchés par le conflit, marqué également par le ciblage volontaire d’établissements scolaires et d’hôpitaux. La Lituanie a remercié la Commission d’enquête indépendante pour son impartialité et ses efforts visant à garantir une redevabilité de tous les auteurs de crimes en Syrie. La Nouvelle-Zélande, épouvantée par les attaques chimiques contre la population, a condamné sans réserve le ciblage délibéré des civils, des minorités ethniques et religieuses et des agents humanitaires.
L’Algérie est également convaincue que seule l’émergence d’une solution politique qui préserve l’unité, la souveraineté et l’intégrité de la Syrie, et qui permette le retour des déplacés, mettra un terme à cette crise et dont l’accélération de la sortie dépend également de l’engagement des pays de la région qui doivent se montrer solidaires dans la prise en charge de la dimension humanitaire de la crise. L’Algérie a ajouté que la neutralité, l’impartialité et l’indépendance doivent guider la mission de la Commission, qui doit se pencher sur les violations commises par toutes les parties au conflit avec le même degré de vigueur et de détail. Enfin, l’Algérie a attiré l’attention sur les lourdes conséquences des sanctions économiques unilatérales qui « pénalisent au premier chef le peuple syrien ».
L’Arabie saoudite a réitéré son appui plein et entier aux efforts et travaux de la Commission. Le délégué a fustigé les abus et atrocités commis par le Gouvernement syrien, dont le plus récent est l’utilisation de gaz sarin contre sa propre population. Elle a aussi condamné les attentats-suicide et toutes les violences perpétrés contre la population syrienne.
Des organisations non gouvernementales ont aussi pris part au débat. European Centre for Law and Justicea souligné que les meurtres perpétrés par l’État islamique sont motivés par la religion. Il s’agit de crimes délibérés, dont l’objectif est de décimer les minorités religieuses et leur culture. Alliance Defending Freedoma dénoncé, pour sa part, des emprisonnements illicites de représentants des minorités religieuses. Les minorités ethniques et religieuses sont persécutées : ces faits doivent être reconnus comme un génocide.
La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a souligné que les activités des femmes activistes en Syrie n’étaient pas assez prises en compte dans les instances internationales.
L’Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme a regretté qu’aucun auteur de crime ou de violation grave des droits de l’homme n’ait été traduit en justice en Syrie. La Commission d’enquête démontre la gravité des faits. Des années d’impunité ne garantiront pas une voie pérenne vers la paix. L’ONG a demandé au Conseil de commander une étude détaillée sur un mécanisme pour poursuivre les auteurs de violations des droits de l’homme.
Syrian Center for Media and Freedom of Expression et United Nations Watch ont expliqué que l’utilisation d’armes chimiques équivaut à un crime de guerre. Pour Syrian Center for Media and Freedom of Expression, cette attaque est une violation de la Convention contre les armes chimiques. L’État syrien est responsable de graves violations à l’encontre de ses citoyens. Le terrorisme sévit en Syrie et le Centre attend le jour où le pays sera libéré l’État islamique. La reddition de compte et la sanction des auteurs de tous les crimes est indispensable pour offrir réparation à toutes les victimes.
Pour United Nations Watch la démission de Carla Del Ponte prouve l’inaction des Nations Unies. Il n’y a pas eu une seule session extraordinaire sur la Syrie au Conseil des droits de l’homme cette année, a déploré l’organisation.
Human Rights Watch a dit soutenir les conclusions de la Commission d’enquête concernant l’attaque à l’arme chimique. Cette pratique peut être considérée comme un crime contre l’humanité. Human Rights Watch a condamné la privation d’alimentation comme tactique de guerre et dénoncé les détentions forcées et les tortures commises en Syrie. La communauté internationale doit prendre des mesures pour dissuader les autorités syriennes de mener des attaques contre sa propre population.
L’Union des juristes arabes a dénoncé la politisation des débats au Conseil et regretté que la Commission d’enquête soit partiale et aille toujours à l’encontre de l’État syrien, une attitude qui ne résoudra pas le conflit. Dans ses premiers rapports, la Commission avait ignoré la présence de groupes terroristes payés par d’autres pays de la région pour détruire la Syrie. La Commission d’enquête s’est appuyée sur de faux témoignages. L’accusation de l’attaque chimique a ainsi été faite sans preuve.
Réponses et conclusions du Président de la Commission d’enquête
M. PINHEIRO a indiqué qu’en dépit du refus de coopération des autorités syriennes, la Commission d’enquête continuera de solliciter leur coopération et des échanges d’information. Le Président a rejeté toute politisation des travaux de la Commission, indiquant que dans la vingtaine de rapports publiés, la Commission ne faisait preuve d’aucune sélectivité, au contraire. Tous les crimes commis par toutes les parties – groupes armés et opposition compris – y sont répertoriés, a-t-il assuré. M. Pinheiro a demandé au Gouvernement syrien de lui permettre d’accéder à son territoire ou de lui fournir des informations en sa possession. La Commission ne publie d’informations que si les faits sont avérés et si elle dispose de preuves, a affirmé son Président. M. Pinheiro a également indiqué que la question des personnes disparues et celle des arrestations arbitraires étaient intiment liées.
M. Pinheiro a relevé que si le Conseil de sécurité reçoit des informations relatives au conflit en Syrie, il n’est pas du tout informé de la situation des droits de l'homme. C’est pour cette raison que la Commission estime qu’un briefing par trimestre pourrait permettre au Conseil de sécurité d’évaluer la situation des droits de l'homme et d’envisager des enquêtes ou la saisine de la justice internationale. La Commission prie toute personne ou institution ayant des informations sur la commission de crimes en Syrie, ou connaissant des victimes ou des témoins, de les lui communiquer. Toute la procédure restera couverte par le secret, conformément aux exigences en la matière.
MME CARLA DEL PONTE, membre de la Commission internationale d’enquête, a indiqué qu’elle s’en retirait et a fait part de sa frustration face à l’incapacité de la communauté internationale, sept ans après le début de la guerre en Syrie, à trouver des réponses à l’impunité qui prévaut dans le pays. En tant qu’ancien procureur général du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Mme Del Ponte a dit qu’elle ne s’attendait pas à une telle inaction. La Commission n’a pas réussi à obtenir de la part de la communauté internationale, ni même du Conseil de sécurité, la création d’un tribunal ad hoc indépendant sur la Syrie. Tout le monde réclame justice: il est temps de l’obtenir en créant ce tribunal, a insisté Mme Del Ponte.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC/17/131F