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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME AU SOUDAN DU SUD

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi un dialogue interactif renforcé sur la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud, auquel ont participé la Présidente de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, Mme Yasmin Sooka ; le Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, M. Paulino Wanawila ; le Vice-Président de la Commission conjointe de suivi et d’évaluation pour l’accord sur la résolution du conflit au Soudan du Sud, M. Augustino Njoroge ; le Directeur des droits de l’homme à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud, M. Eugene Nindorera ; et le Directeur du Département des affaires politiques de la Commission de l’Union africaine, M. Khabele Matlosa.

Dans ses remarques liminaires, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore a souligné que des souffrances dépassant tout entendement sont imposées aux populations du Soudan du Sud. Plus d’un tiers de la population a fui le Soudan du Sud et deux millions de personnes sont déplacés à l’intérieur du pays, a-t-elle indiqué. Parmi les crimes commis dans le pays, certains peuvent relever des crimes de guerre, a-t-elle prévenu, se félicitant toutefois de l’engagement du Gouvernement à créer un tribunal hybride.

Mme Sooka a pour sa part déploré que la pratique du viol par les soldats gouvernementaux soit devenue monnaie courante, en particulier dans l’État d’Equatoria. S’il faut certes apprécier la création d’un tribunal censé juger ces crimes, il convient de souligner que ce ne sont pas seulement les soldats subalternes qui doivent être jugés, mais aussi ceux de haut rang.

M. Wanawila a pour sa part déploré que son pays soit condamné et que l’on exagère la situation en oubliant de mentionner que la majorité du pays se trouve sous le contrôle des groupes armés. Le Gouvernement de transition a pour sa part adopté des mesures liées à la justice transitionnelle et à la réconciliation nationale, a-t-il souligné. Ce Gouvernement accorde en outre un accès humanitaire aux zones sécurisées et a adressé au Haut-Commissariat aux droits de l'homme une demande d’assistance technique, a-t-il ajouté.

M. Njoroge a de son côté indiqué que la Commission de l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et d’autres partenaires explorent les moyens de mieux mettre en œuvre l’accord de 2015, notamment en ce qui concerne la reddition de comptes. Cela dit, les conditions adéquates pour parvenir à la vérité et la réconciliation ne sont pas encore tout à fait réunies tant qu’il n’y a pas de cessez-le-feu respecté, a-t-il souligné.

M. Nindorera a quant à lui déploré que la violence sexuelle se poursuive sans aucune forme de justice pour les victimes. Par ailleurs, alors que le conflit se généralise et que l’insécurité alimentaire apparaît, les travailleurs humanitaires paient le prix fort, avec des assassinats ou des arrestations. Il n’y aura pas de retour à la normale tant qu’il ne sera pas mis un terme aux violences, a ajouté M. Nindorera.

M. Matlosa a insisté sur le rôle joué par la Commission de l’Union africaine dont les recommandations de la commission d’enquête ont abouti à un accord qui prévoit la création d’une commission vérité et réconciliation; l’établissement d’une cour hybride pour les crimes commis; et la mise sur pied d’une autorité de compensation et de réparation. Il s’agit maintenant de rendre ces mécanismes opérationnels, a-t-il souligné.

Les délégations qui ont pris part au débat ayant suivi ces présentations ont indiqué rester préoccupées par la persistance des violations des droits de l'homme commises dans ce pays, à la fois par les forces gouvernementales et par les groupes armés de l’opposition. Cette situation exige que des mesures de lutte contre l’impunité soient prises par le Gouvernement de transition, a-t-il été souligné, nombre d’intervenants insistant pour que soit rendu opérationnel le tribunal hybride et pour que soit trouvé un accord politique. Plusieurs délégations ont néanmoins salué les progrès intervenus dans le pays depuis la signature de l’accord de résolution du conflit de 2015. Tout en soulignant qu’il est urgent de mettre en œuvre ces dispositions, en particulier au regard de l’obligation redditionnelle, un appel a été lancé à la communauté internationale pour qu’elle accompagne ce processus, notamment en appuyant les efforts déployés par l’Union africaine. Il faut aussi que le Haut-Commissariat réponde la demande d’assistance technique et de renforcement des capacités qui lui a été adressée, a-t-il été souligné.

Ont en outre été évoqués l’afflux de réfugiés dans les pays voisins, la famine qui menace et la violence touchant les travailleurs humanitaires et, dans ce contexte, l’accent a notamment été mis sur la nécessité de faciliter l’accès humanitaire et de garantir la protection des travailleurs humanitaires.

En fin de séance, les délégations de l’Argentine, de l’Inde, du Brésil, de la République démocratique populaire lao, de l’Iraq, de l’Azerbaïdjan et du Pakistan ont exercé leur droit de réponse.

Le Conseil tiendra demain, à partir de 9 heures, un dialogue interactif avec la Mission d’établissement des faits au Myanmar et par la suite avec la Commission d’enquête sur le Burundi.

Dialogue élargi sur la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud

Déclarations liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que l’ampleur des souffrances causées au Soudan du Sud par le conflit dépassait tout entendement. Les civils paient le prix de l’incapacité des dirigeants à s’entendre. Plus d’un tiers de la population sud-soudanaise a fui le pays, dont deux millions d’enfants. La plupart de ces réfugiés se trouvent en Ouganda, outre deux millions de Soudanais déplacés à l’intérieur de leur pays.

Parmi les crimes recensés au Soudan du Sud, on compte des viols et des destructions d’infrastructures civiles, entre autres ; certains de ces crimes peuvent constituer des crimes de guerre. Mme Gilmore a appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à reconnaître l’existence de ces crimes et à en poursuivre les auteurs. Elle s’est ensuite félicitée de l’engagement du Gouvernement à créer un tribunal hybride et de sa coopération avec la mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l'homme. Le Haut-Commissariat pour sa part continuera d’appuyer la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), et notamment sa branche des droits de l'homme, pour la collecte d’informations.

La Haut-Commissaire adjointe a enfin estimé que le dialogue au Soudan du Sud dépendait du respect des droits de la société civile et de la presse. « Le temps est venu d’unir toutes les forces en présence pour faire cesser ces violences et sortir du conflit », a conclu Mme Gilmore.

MME YASMIN SOOKA, Présidente de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, a rappelé que cette commission avait été créée par le Conseil des droits de l'homme avec pour mission de collecter des informations sur les violations des droits de l'homme commises dans ce pays.

Mme Sooka a ensuite rapporté avoir été alertée, lors de la visite de terrain de la Commission, d’un viol commis sur une petite fille de trois ans par un soldat de l’Armée populaire de libération du Soudan. La mère ayant porté plainte auprès du commandant, un accord a été trouvé avec les autorités militaire locales pour que le soldat indemnise la famille en lui fournissant une chèvre, dès qu’il aurait reçu sa solde. Ce genre de cas est courant dans l’État d’Equatoria, a dit la Présidente : le viol va de soi au Soudan du Sud, les autorités ne semblant pas s’en émouvoir. Si la création d’un tribunal censé juger les viols commis par les soldats est appréciée par la Commission, celle-ci insiste sur le fait que ce ne sont pas seulement les soldats subalternes qui devront être jugés, mais aussi les officiers responsables.

M. PAULINO WANAWILA, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a d’abord rejeté les allégations infondées selon lesquelles son Gouvernement aurait perdu la souveraineté sur son territoire, qui serait sous la coupe de groupes armés. Le Ministre a ensuite informé le Conseil que, conformément à la résolution 2304 (2016) du Conseil de sécurité, son Gouvernement avait autorisé le déploiement d’une force de protection régionale. Le Ministre a aussi informé de la création d’institutions de sécurité et de la révision de la Constitution. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre de l’application en cours de l'Accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, a indiqué le Ministre.

M. Wanawila a ensuite présenté une série de mesures prises par son Gouvernement en faveur de la justice transitionnelle, de la reddition des comptes, de la réconciliation et de la guérison sociale. Le projet de création d’un tribunal hybride au Soudan du Sud est devant le Conseil des ministres, qui doit l’examiner avant de le promulguer. Au niveau des comtés, deux procès pénaux se sont ouverts pour des faits d’homicides, de viols et de pillages. M. Wanawila s’est dit étonné que les organisations non gouvernementales refusent les escortes proposées par le Gouvernement pour l’acheminement de l’aide humanitaire. Il a souligné que les pillages étaient imputables à des groupes armés motivés par des problèmes économiques. Le Gouvernement accorde l’accès humanitaire à l’ensemble du territoire, avec une réserve pour les régions non sécurisées, a précisé le Ministre.

En raison de l’amélioration de la sécurité au Soudan du Sud, le retour de personnes déplacées à l’intérieur du pays a été facilité par le Gouvernement, a fait savoir le Ministre. Il a précisé encore qu’à la suite du dialogue national, le Président avait annoncé une amnistie au profit des personnes détenues pour avoir recruté des jeunes dans les groupes armés, conformément aux termes de l'Accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud. M. Wanawila a enfin réitéré la requête de son Gouvernement pour une assistance technique et un renforcement de ses capacités afin de consolider la promotion et la protection des droits de l’homme au Soudan du Sud.

M. AUGUSTINO NJOROGE, Vice-Président de la Commission conjointe de suivi et d’évaluation de l'Accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, a déclaré que les progrès signalés en mars 2016 avaient été anéantis par les événements de juillet de la même année en raison de la recrudescence des attaques contre les civils qui ont conduit à des déplacements massifs et à l’aggravation de la crise humanitaire. En dépit de l’appel lancé aux parties belligérantes pour mettre un terme à la violence, celle-ci s’est poursuivie. La Commission de l’Union africaine, l’IGAD (Autorité intergouvernementale pour le développement) et d’autres parties prenantes ont continué à rechercher des solutions. Il a été ainsi décidé d’organiser un forum de revitalisation des négociations pour élaborer un calendrier révisé réaliste, un plan de mise en œuvre de l’Accord et l’organisation d’élections démocratiques. Ce forum sera une plateforme d’identification et de résolution des problèmes entravant la pleine mise en œuvre de l’Accord mentionné.

S’agissant de l’application du Chapitre V de cet Accord, qui traite de la reddition de comptes pour crimes contre l’humanité, M. Njoroge a annoncé qu’un comité multipartite établi en 2016 avait commencé de travailler à la création de la Commission de paix et de réconciliation ; et qu’un accord avait été conclu en vue de la création du tribunal hybride. Cependant, les conditions de création de la Commission ne sont pas encore réunies, le principal obstacle étant qu’il n’y a pas de cessez-le-feu.

M. EUGENE NINDORERA, Directeur des droits de l’homme à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud, a indiqué que le conflit était passé d’une crise touchant deux communautés du Haut-Nil à un conflit de plus grande envergure, ce qui n’a pas manqué d’avoir des incidences sur les droits de l’homme. Les forces gouvernementales utilisent des tactiques dures contre les populations civiles accusées de sympathie envers l’opposition et les violences sexuelles se poursuivent sans aucune forme de justice pour les victimes.

Alors que le conflit s’est propagé à l’ensemble du territoire du Soudan du Sud, le nombre des déplacés s’élève à deux millions, tandis que six millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire. Les humanitaires paient aussi le prix fort : deux travailleurs de la Mission ont été arbitrairement détenus, par exemple. M. Nindorera a jugé louable le travail visant à l’établissement d’un tribunal hybride. Et de conclure que ce n’est qu’en mettant un terme aux violations des droits de l’homme que l’on pourra envisager un retour à la normale au Soudan du Sud.

M. KHABELE MATLOSA, Directeur du Département des affaires politiques de la Commission de l’Union africaine, a assuré que la Commission accordait une importance capitale à la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud, d’autant plus que le coût humain de cette guerre ne cesse de s’alourdir : depuis 2013, on compte un nombre de mort oscillant entre 50 000 et 300 000 et plus de 4 millions de personnes déplacées et réfugiées. Plus de 80 travailleurs humanitaires ont été tués tandis que près de 100 000 personnes sont actuellement victimes d’une famine organisée.

Outre les réunions internationales auxquelles la Commission de l’Union africaine a participé ou qu’elle a organisées, elle a créé, en 2015, une mission d’enquête dont les recommandations ont abouti à l'Accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud. Le Chapitre 7 de cet Accord prévoit les trois mécanismes clefs de la justice transitionnelle au Soudan du Sud : la création d’une Commission de vérité et réconciliation ; l’établissement d’une cour hybride chargée de juger les crimes commis au Soudan du Sud ; et la mise sur pied d’une autorité de compensation et de réparation. Il s’agit maintenant de rendre ces mécanismes opérationnels afin qu’ils puissent remplir leurs mandats et mettre un terme à l’impunité, a dit M. Matlosa.

Certains progrès ont été observés par la Commission de l’Union africaine depuis la signature de l’Accord de paix, notamment la nomination des anciens Présidents du Mali et du Botswana, MM. Alpha Oumar Konaré et Festus Mogae, aux postes, respectivement, de Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Soudan du Sud et de Président de Commission mixte de suivi et d'évaluation. Le nouveau président de la Commission de l’Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, a rencontré, lors d’une visite en mars dernier, les acteurs clés et les a encouragés à mettre sur pied les mécanismes censés lutter contre l’impunité au Soudan du Sud, a dit M. Matlosa.

Débat interactif

L’Union européenne est alarmée par les violations atroces des droits de l’homme commises par toutes les parties au conflit en totale impunité, notamment les violences sexuelles. L’Allemagne est profondément choquée par les graves violations des droits de l’homme qui mènent à une catastrophe humanitaire dans le pays. La France est elle aussi vivement préoccupée par la croissance des violations des droits de l’homme commises par les parties au conflit au Soudan du Sud et qui sont susceptibles de constituer des crimes de guerre voire des crimes contre l’humanité. La Belgique partage les préoccupations quant à la très grave crise sécuritaire, humanitaire et des droits de l’homme dans le pays et appelle l’ensemble des acteurs à prendre leur responsabilité pour mettre fin aux violences, aux attaques ciblées et aux bombardements de zones civiles, aux violences sexuelles et aux violations des droits de l’homme. Les Pays-Bas ont souligné que la communauté internationale ne pouvait rester silencieuse face aux violations des droits de l’homme au Soudan du Sud. Le Danemark est alarmé par la situation de l’aide humanitaire et par les abus et violences commis au Soudan du Sud, où la population vit dans une insécurité alimentaire aiguë et où la violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre. Six travailleurs humanitaires ont été assassinés en mars dernier, a-t-il été ici rappelé. Les autorités du Soudan du Sud ont l’obligation de protéger la population des souffrances.

L’Union européenne engage le Soudan du Sud à coopérer à la création d’un tribunal hybride. L’Allemagne demande une reddition des comptes pour tous les auteurs de violations des droits de l’homme et regrette précisément le manque de progrès dans la création d’un tribunal hybride. La France a déploré qu’aucune avancée n’ait été enregistrée concernant la poursuite des auteurs des violations des droits de l’homme et a appelé à la mise en place rapide d’un tribunal hybride. La Belgique regrette elle aussi l’absence de poursuites contre les auteurs de violations des droits de l’homme, y compris celles commises par les forces de sécurité. Les Pays-Bas estiment que les autorités du Soudan du Sud doivent prendre des mesures urgentes pour la création d’un tribunal hybride ; les auteurs des violations de droits de l’homme doivent rendre des comptes. L’Autriche a fait part de sa préoccupation concernant le retard pris dans l’établissement du tribunal hybride. Elle a souligné que la coopération avec l’Union africaine, l’IGAD et la MINUSS reste indispensable.

La Suisse continue de s’alarmer des graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et demande que les parties au conflit cessent les hostilités et garantissent un accès humanitaire illimité. Pour la Suisse, le Soudan du Sud doit s’engager dans la lutte contre l’impunité. L’établissement et l’opérationnalisation d’un tribunal mixte se fait toujours attendre, a regretté la Suisse.

Le Japon a souligné qu’il était déplorable d’assister à une nouvelle détérioration des droits de l’homme au Soudan du Sud. Le Gouvernement sud soudanais doit prendre des mesures de prévention pour garantir les droits de l’homme, notamment pour les réfugiés et les personnes déplacées internes. Le Japon est en outre préoccupé par les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire et par la mort de travailleurs humanitaires. Le Gouvernement du Soudan du Sud doit mettre en place un environnement propice à un processus politique inclusif.

L’Union européenne a en outre fermement condamné les attaques contre les civils et contre les organisations humanitaires. La France a pour sa part relevé que les humanitaires sont pris pour cible et l’aide humanitaire, régulièrement pillée. Le nombre de réfugiés dans les pays voisins atteint les deux millions, a-t-il été souligné.

Le Soudan, au nom d’un groupe de pays, a félicité tous les efforts accomplis en faveur de la création d’un tribunal hybride et a pris note du déploiement de la force régionale de protection. Le Soudan demande aux parties au conflit de permettre un accès total de l’aide humanitaire au Soudan du Sud et a remercié les pays voisins qui accueillent des milliers de réfugiés.

Le Soudan a en outre souligné que le Soudan du Sud était confronté à de nombreux problèmes à l’intérieur de son territoire; la Conférence sur le Soudan du Sud est une chance de donner la possibilité à toutes les parties de faire part de l’ensemble de leurs doléances.

L’Australie a apporté son soutien aux efforts diplomatiques récents, notamment au Forum de revitalisation (de haut niveau pour le processus de paix au Soudan du Sud). Elle a exprimé l’espoir que le Gouvernement sud-soudanais et les groupes impliqués dans le conflit s’engagent à nouveau en faveur de l’application de l’accord de paix de 2015, faute de quoi cela aurait des conséquences dévastatrices sur la population. L’Australie a exprimé sa profonde inquiétude face à la violence en cours, qui a eu un sérieux impact sur la situation humanitaire des quatre millions de personnes déplacées. En conséquence, la délégation australienne a appelé le Gouvernement sud-soudanais et les groupes armés à œuvrer avec les agences humanitaires afin de garantir l’acheminement effectif de l’assistance. Elle s’est aussi alarmée de nombreuses allégations faisant état d’acteurs armés ayant commis des crimes de guerre ou contre l’humanité.

Les États-Unis ont souligné que les parties au conflit continuent d’exacerber la situation sur le terrain et se sont dits préoccupés par la violence sexuelle utilisée en tant que tactique militaire ainsi que par le ciblage de l’opposition à l’extérieur du pays. Le Soudan du Sud s’est converti en un temps record en l’endroit le plus dangereux pour les humanitaires, ont ajouté les États-Unis. Ils ont appelé à la cessation des hostilités et ont demandé que le Gouvernement sud-soudanais cesse de s’en prendre à sa propre population.

L’Albanie a condamné dans les termes les plus fermes le ciblage des convois humanitaires et toute action militaire entravant l’assistance humanitaire. Les victimes civiles sont attaquées sur la base de leur appartenance ethnique et la violence sexuelle est perpétrée à grande échelle, s’est en outre inquiétée l’Albanie. Elle a exhorté toutes les parties au conflit à s’abstenir de se servir du corps des femmes comme arme de guerre. L’Albanie a en outre encouragé le Gouvernement du Soudan du Sud à coopérer avec l’ensemble des mécanismes, y compris régionaux, en vue de garantir une paix durable.

La Croatie a mis l’accent sur le rétrécissement de l’espace démocratique et plus particulièrement de la liberté d’expression au Soudan du Sud. Elle s’est dite inquiète face à la violence directe à l’égard des journalistes et des travailleurs des médias, ainsi que face aux restrictions auxquelles se heurte le travail des médias.

La Chine a rappelé qu’elle a toujours estimé que les Africains doivent résoudre eux-mêmes leurs problèmes et que la communauté internationale doit s’attacher à améliorer la coopération. Aussi, la Chine a-t-elle appelé la communauté internationale à apporter l’aide humanitaire en temps voulu et à poursuivre ses bons offices pour que la crise soit dûment réglée.

Le Portugal a fait observer qu’au Soudan du Sud, les exactions délibérées à l’encontre des populations civiles, fondées sur la seule base de l’identité ethnique, se traduisent par des meurtres, des enlèvements, des détentions illégales ou des privations de liberté, des viols et des violences sexuelles, ainsi que par des incendies de villages et des pillages par les forces armées et par d’autres groupes armés : tout cela est simplement inacceptable.

Le Royaume-Uni a déclaré être incapable de comprendre les niveaux inégalés de violence infligés à des non-combattants au Soudan du Sud. Des civils innocents paient le tribut de cette crise: ils sont ciblés et tués sur la base de leur seule appartenance ethnique, tandis que femmes et enfants sont soumis à la violence sexuelle. Le viol est utilisé comme arme de guerre et les auteurs continuent d’agir en toute impunité. Constatant que dix-huit travailleurs humanitaires ont péri cette année, le Royaume-Uni a fait observer que le Soudan du Sud est devenu l’un des théâtres d’opération les plus dangereux au monde ; le Royaume-Uni a fermement condamné les récentes attaques menées par toutes les parties et ciblant les travailleurs humanitaires. Le Royaume-Uni a appelé l’Union africaine et le Gouvernement du Soudan du Sud à travailler main dans la main en vue de l’établissement immédiat d’un mécanisme de justice indépendant. Il a également demandé à la Commission quels mécanismes l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pourrait selon elle mettre en place pour garantir l’obligation redditionnelle des auteurs des abus et violations au Soudan du Sud.

Alors que plus jeune État du monde fait face, depuis des années, à des difficultés politiques et militaires, le moment est venu pour la communauté internationale de soutenir les efforts déployés par l’Union africaine pour y ramener la paix et instaurer la justice transitionnelle, comme le stipule l’Accord de 2015, a dit le Mozambique, déplorant aussi que l’on parle davantage d’enquêtes que de promotion de la paix. Il faut en effet louer les efforts déployés par l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement pour ramener la paix, a poursuivi le Botswana, appelant la communauté internationale à soutenir l’Union africaine dans la création du tribunal hybride censé juger des crimes commis au Soudan du Sud. L’Algérie appelle également la communauté internationale à aider le Soudan du Sud à rétablir la paix et à répondre aux besoins humanitaires de la population. Elle appelle aussi le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à fournir au pays toute l’assistance technique voulue.

L’Ouganda, membre de l’IGAD, et qui accueille près de deux millions de réfugiés sud-soudanais, a salué le déploiement d’une force d’interposition régionale au Soudan du Sud. L’Ouganda, qui est déjà aux limites de ses capacités d’accueil, demande le soutien de la communauté internationale. Autre membre de l’IGAD, l’Éthiopie a soutenu cet appel, observant que la communauté internationale doit aider l’Ouganda à assumer le fardeau des réfugiés, tout comme elle doit soutenir les efforts de l’Union africaine et de l’IGAD.

La Norvège a pour sa part condamné les violations des droits de l'homme et les assassinats de travailleurs humanitaires au Soudan du Sud. Elle a estimé qu’il revenait au Gouvernement sud-soudanais de prendre des mesures concrètes et immédiates pour appliquer la justice, la fin de la violence devant être une responsabilité commune. L’Irlande s’est dite préoccupée par les atrocités commises sur la base de l’origine ethnique des victimes et par les attaques contre les travailleurs humanitaires. L’Irlande a plaidé pour la traduction en justice des auteurs des crimes commis au Soudan du Sud et pour la recherche d’une résolution politique au conflit. La Nouvelle-Zélande a observé, elle aussi, qu’en dépit de la conclusion de l’Accord de 2005, les exactions, viols et meurtres contre les personnels humanitaires se poursuivent, attribuables tant aux forces gouvernementales qu’à celles de l’opposition. Dans ce contexte, la Nouvelle-Zélande a appelé toutes les parties à appliquer l’Accord de 2015.

Des organisations non gouvernementales ont aussi pris part au débat. La Fédération luthérienne mondiale s’est félicitée de la tenue d’un dialogue national pour mettre un terme au conflit. Seul un accord politique permettra de résoudre le conflit, a dit l’ONG, observant toutefois que la réconciliation est difficile « lorsque la population meurt de faim ou doit se cacher ».

Article 19 - Centre international contre la censure a dénoncé de nombreux cas de détention arbitraire et d’exécution extrajudiciaire au Soudan du Sud, en particulier des meurtres de journalistes. Beaucoup de détenus sont en prison et privés de leur droit d’expression. La loi sur le blasphème doit être abrogée, a demandé Article 19. East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a fait part de ses préoccupations devant les attaques très violentes dont sont victimes les civils, les journalistes et les travailleurs humanitaires au Soudan du Sud.

Amnesty International s’est dite préoccupée par les violences commises dans des régions du Soudan du Sud qui en étaient exemptes jusque-là. Amnesty International, qui a enquêté sur de nombreux cas de violences sexuelles au Soudan du Sud, a demandé au Gouvernement de cesser toutes les violations des droits de l’homme et d’œuvrer à la création du tribunal hybride. La Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH) a estimé que le tribunal hybride devrait mettre un terme à l’impunité dont jouissent les auteurs des nombreux crimes commis au Soudan du Sud : exécutions extrajudiciaires, tortures et violences sexuelles. L’Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a demandé que l’on tienne compte des traumatismes subis par les enfants et des effets de la famine qui est annoncée dans certaines régions du Soudan du Sud.

Human Rights Watch a déploré les nouveaux combats dans le Haut-Nil. Les forces gouvernementales continuent à cibler les civils en raison de leurs origines ethniques. Deux millions de Soudanais du Sud sont déplacés et deux millions ont trouvé refuge dans des pays voisins. Plus de la moitié du pays est confrontée à des manques graves de nourriture. Aujourd’hui, au niveau de la reddition des comptes, seul un procès militaire a eu lieu : il s’agissait de 12 soldats ayant attaqué un lieu de stockage de l’aide humanitaire. L’EAFORD a regretté que l’Accord de paix n’ait pas été suivi d’effets. Enfin, International-lawyers.Org a dénoncé le rôle que des États tiers jouent au Soudan du Sud, notamment ceux fournissent des armes pour alimenter le conflit.

Réponses des panélistes

M. MATLOSA a assuré le Conseil que l’Union africaine travaillait, aux côtés du Gouvernement et d’autres parties prenantes, en vue de l’établissement du tribunal hybride. Il a jugé impératif de créer tous les autres mécanismes et institutions prévus, y compris la Commission de vérité et de réconciliation. « La paix et la justice doivent être instaurées en tandem », a-t-il préconisé.

M. NINDORERA a indiqué que les auteurs présumés des crimes commis à l’hôtel Terrain en 2016 avaient été arrêtés. Il a insisté sur l’importance du tribunal hybride pour lequel le Gouvernement et l’Union africaine ont accompli des progrès notoires.

M. NJOROGE a regretté la lenteur des progrès du Soudan Sud en ce qui concerne la mise en œuvre de l’Accord de paix. Il a recommandé d’accorder la priorité au cessez-le-feu. Pour garantir la pérennité du cessez-le-feu, il sera indispensable d’obtenir l’accord des groupes d’opposition qui ne sont pas partie à l’Accord. S’agissant de la préservation des éléments de preuves, M. Njoroge a émis l’espoir que le Forum de réactivation de l’Accord de paix réunirait toutes les parties prenantes autour de la table des négociations aux fins de garantir la mise en œuvre durable de l’Accord.

M. WANAWILA a estimé qu’il était exagéré de parler de génocide : il n’y a pas eu d’hostilités dans la province d’Equatoria, dont les habitants ont fui vers l’Ouganda suite à des rumeurs, sans menaces ou violences réelles.

M. MUSILA, membre de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, a indiqué que la Commission inscrivait son travail dans une méthodologie axée sur les normes internationales en matière de droit. Les preuves qui seront utilisées par le tribunal hybride devront être recevables, a-t-il précisé. M. Musila a invité les autorités à aller beaucoup plus loin que l’incident de l’hôtel Terrain et à prendre l’initiative d’en rechercher activement les victimes. M. Musila a observé aussi que l’Église jouait un rôle vital dans la réconciliation.

Enfin, MME SOOKA a appelé à la création rapide du tribunal hybride. Elle a indiqué que la Commission organiserait un atelier sur les méthodes d’investigation et de documentation. Seize personnes seront chargées de recueillir les éléments de preuves sur le terrain et de saisir les données dans la base prévue à cet effet. Ces personnes devront avoir l’accès à l’ensemble du territoire, a recommandé Mme Sooka. Enfin, le Gouvernement doit faire montre de volonté politique en appuyant un processus plus libre et plus transparent, et en mettant fin aux arrestations et aux restrictions à la liberté d’expression, a estimé Mme Sooka.

Droit de réponse

L’Argentine a réagi aux allégations concernant la disparition de M. Santiago Maldonado lors d’une manifestation, en expliquant que l’action de la gendarmerie nationale visait uniquement à libérer le trafic sur une route nationale, interrompu par un groupe de personnes portant des capuches ; les gendarmes ont agi comme le prévoit le Code de procédure pénale et personne n’a été arrêté, mais M. Maldonado a disparu. Il ne s’agit pas d’une disparition forcée, a insisté la délégation argentine. Les autorités judiciaires ont décidé d’exclure la gendarmerie de l’enquête concernant cette disparition et c’est aux juges qu’il reviendra de dire ce qui s’est passé.

L’Inde a réagi à la déclaration du Pakistan en affirmant que le Jammu-et-Cachemire fait partie intégrante de l’Inde et le restera. Les allégations proférées par le Pakistan concernant cette région sont fausses. La délégation indienne a affirmé que le Pakistan avait été le visage du terrorisme international et qu’il devrait fermer ses unités de fabrication du terrorisme. La population du Jammu-et-Cachemire a choisi à plusieurs reprises sa destinée. En revanche, la situation au Baloutchistan est déplorable, a poursuivi la délégation indienne, affirmant que le Pakistan y avait utilisé sa propre artillerie contre sa population.

Le Brésil a réaffirmé son attachement à la lutte contre la torture. Le pays a rappelé avoir mis en place le Comité national de lutte contre la torture, qui est chargé d’uniformiser la politique nationale contre la torture, avec la participation de la société civile. Un mécanisme de prévention de la torture effectue des visites dans l’ensemble des lieux de détention brésiliens, a poursuivi la délégation brésilienne. Le Brésil est par ailleurs fermement attaché au développement durable de l’Amazonie et à la protection des peuples autochtones, dans le plein respect des droits de l’homme, a-t-elle ajouté.

La République démocratique populaire lao a déclaré que les allégations proférées par une organisation non gouvernementale concernant les Hmong étaient fausses. Tous les groupes ethniques, y compris les groupes minoritaires, ont les mêmes droits; aucune discrimination ne peut être exercée sur la base de l’origine ethnique, a assuré la délégation lao. Pour empêcher les malentendus, la délégation a exhorté l’ONG concernée à vérifier les faits et à présenter la situation réelle sur le terrain.

L’Iraq a réagi à la déclaration d’une organisation non gouvernementale en assurant que la lutte contre Daech était respectueuse des droits de l’homme. Les combats de Mossoul ont été menés sous la direction directe du Gouvernement; l’objectif était de libérer les populations et les combats ont été exempts de toute violation des droits de l’homme. Un centre de commandement a été créé pour remettre sur pied les institutions et apporter des services aux citoyens qui ont été libérés, a ajouté la délégation iraquienne.

L’Azerbaïdjan a réagi à la déclaration faite par l’Arménie au titre du débat général sur le point 3 de l’ordre du jour, en soulignant que la seule solution durable repose sur le retrait complet des forces arméniennes du Haut-Karabakh afin de restaurer l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan dans ses frontières reconnues par la communauté internationale. La délégation azerbaïdjanaise a également dénoncé le crime contre l’humanité que constitue, en particulier, le génocide de 1992. La délégation arménienne a préféré quitter son siège au Conseil plutôt que de répondre du déplacement d’un million de personnes et de crimes contre l’humanité.

Répondant à l’Inde, le Pakistan a rappelé que la question du Jammu-Cachemire est inscrite à l’ordre du jour du Conseil de sécurité qui appelle à un plébiscite juste permettant à la population d’exprimer sa volonté. Le Pakistan a défendu la résistance légitime de la population, qui n’a rien à avoir avec ce que l’Inde critique comme étant un complot ourdi de l’étranger. Le Pakistan a fait part de sa consternation face à l’ordre politique « fasciste » en Inde. Le combat pour les droits démocratiques ne saurait être étouffé sous prétexte de la lutte contre le terrorisme, a ajouté le Pakistan; l’Inde ne saurait agiter le spectre du terrorisme pour occulter les violations flagrantes des droits de l’homme.



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HRC/17/132F