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LE CONSEIL SE PENCHE SUR LES SITUATIONS AU CAMBODGE ET EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Compte rendu de séance
Il entend une déclaration du Président de la République centrafricain

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin un débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, Mme Rhona Smith, venue présenter un rapport au Conseil. Il avait au préalable conclu son dialogue interactif renforcé sur l’assistance technique à la République démocratique du Congo dans le domaine des droits de l'homme, entamé hier après-midi.

Le Conseil a en outre entendu une allocution du Président de la République centrafricaine, M. Faustin-Archange Touadéra, venu partager les avancées de son pays et expliquer l’importance que revêt la lutte contre l’impunité. « La fin de la transition politique ne signifie pas la fin de la crise en République centrafricaine », car « la situation sécuritaire et humanitaire y demeure fragile », a mis en garde le Président. L’appui des partenaires et amis de la République centrafricaine et de la communauté internationale en général permettra au Gouvernement de relever ces défis afin d’offrir un avenir meilleur à ce peuple centrafricain très meurtri, a-t-il déclaré.

Mme Rhona Smith, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, a souligné que les élections municipales de juin 2017 se sont globalement bien déroulées; 90% de l’électorat a pu voter, a-t-elle précisé, jugeant cela encourageant pour les élections générales qui doivent se dérouler le 29 juillet 2018. Toutefois, la situation générale est alarmante pour un pays qui affirme être une démocratie libérale pluraliste, a-t-elle poursuivi. Des changements ont été apportés à la Loi sur les partis politiques, dont l’un permet leur dissolution sans possibilité de recours. Dans le contexte cambodgien, ces amendements affectent de manière disproportionnée les membres de l’opposition politique, le sort de l’opposition politique semblant se trouver entre les mains du pouvoir exécutif. Depuis le mois d’août, trois présidents de partis d’opposition ont été détenus. La pression sur les organisations non gouvernementales s’est accrue ces derniers mois avec l’application de diverses dispositions de la loi sur les associations et les ONG, a ajouté Mme Smith. Un autre problème est la réduction importante de la liberté des médias, a-t-elle indiqué. La réduction de l’espace démocratique et sa remise en cause atteignent des niveaux jamais atteints auparavant, a déclaré Mme Smith. Le pays se trouve « au bord du précipice », si rien n’est fait à partir de maintenant pour garantir la crédibilité des élections, a-t-elle averti.

Intervenant en tant que pays concerné, le Cambodge, par la voix de son Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, M. Ney Sam Ol, a affirmé que le rapport de Mme Smith contenait très peu de recommandations encourageantes et d’évaluations positives et ne prenait pas en considération la réalité et les acquis. Le Cambodge reste attaché à la coopération et au partenariat avec tous les mécanismes des droits de l’homme et autres parties prenantes, a-t-il indiqué.

Au cours du débat qui a suivi, la plupart des intervenants se sont inquiétés de la pression voire du musèlement dont sont victimes les opposants politiques, les médias et les organisations de la société civile au Cambodge. Ils ont insisté sur la nécessité pour les autorités de corriger le tir afin d’assurer la tenue d’élections libres l’an prochain, des élections générales devant en effet se tenir dans le pays le 29 juillet 2018. Certains orateurs ont attiré l’attention sur les progrès réalisés par le Cambodge pour se stabiliser et coopérer avec les organes des Nations Unies, insistant sur le droit pour ce pays de choisir sa trajectoire.

Achevant son débat interactif renforcé sur l’assistance technique à la République démocratique du Congo dans le domaine des droits de l'homme, le Conseil a entendu un certain nombre de délégations faire part de leurs vives préoccupations face à la situation dans le pays, qui se manifeste par des tueries dans le Kasaï, une répression impliquant les agents de l’État et qui s’abat sur les civils, les défenseurs des droits de l'homme, les médias et les opposants politiques, en plus de la grave crise humanitaire que connaît la pays, avec des déplacés internes et d’autres fuyant vers les pays voisins. Cette situation est le résultat du refus du Gouvernement d’organiser les élections présidentielles à temps et de limiter la durée des mandats présidentiels, a-t-il été affirmé. En outre, le Gouvernement n’applique pas l’Accord du 31 décembre qui doit permettre d’assurer une transition politique pacifique, a-t-il été souligné.

Quelques délégations ont pour leur part estimé que le Gouvernement faisait preuve de coopération avec les mécanisme des Nations Unies et avait les capacités de régler seul ses problèmes dans le cadre d’un dialogue politique interne ; la communauté internationale doit donc respecter la souveraineté de la République démocratique du Congo et se borner à lui fournir une assistance technique dans les droits de l'homme.

Le Conseil doit se pencher à la mi-journée sur l’assistance technique à la Somalie et à la Libye dans le domaine des droits de l'homme.

Allocution du Président de la République centrafricaine

M. FAUSTIN-ARCHANGE TOUADÉRA, Président de la République centrafricaine, a déclaré que son pays était confronté, depuis plusieurs décennies, à de grands défis de gouvernance et à des « crises militaro-politiques fragilisant le fonctionnement des institutions et la justice en particulier ». La situation actuelle est caractérisée par des crimes graves, des violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Les femmes notamment sont prises pour cibles de guerre et sont victimes de crimes sexuels et de violence sexiste ; les enfants soldats sont commis à des tâches de criminalité ; des centaines de milliers de personnes ont été déplacées. Depuis janvier 2013, le conflit aurait fait 4000 morts, des milliers de blessés et des milliers de personnes déplacées. Cette grave crise vient s’ajouter aux violations graves des droits de l’homme commises depuis plusieurs décennies, a observé le Président.

Le peuple de la République centrafricaine est convaincu que la lutte contre l’impunité, par la consolidation de l’état de droit, la justice, la sécurité et la promotion des droits humains, est la base d’une paix que l’on veut prochaine et durable, et un axe de la prévention de nouvelles violences. C’est pourquoi le Gouvernement de la République centrafricaine a engagé, avec l’appui de la communauté internationale, plusieurs actions contre l’impunité sous toutes ses formes et pour la promotion et protection des droits de l’homme.

La République centrafricaine a d’abord opté pour une « impunité zéro », convaincue que la paix et la justice ne sont pas contradictoires mais plutôt complémentaires, a poursuivi M. Touadéra. Elle doit donc juger les responsables des graves violations du droit international, dont des crimes de guerre et contre l’humanité commis en République centrafricaine. Faire justice est un impératif pour une paix véritablement durable en République centrafricaine, a insisté le Président : en effet, l’impunité qui sévit en République centrafricaine depuis plusieurs décennies a incité à la commission de nouveaux crimes. « Des procès justes et équitables ne sont pas seulement une obligation envers les victimes », a dit à cet égard le Président centrafricain ; ils « enverraient un signal fort indiquant que les crimes graves ne seront plus tolérés »

Face à une situation sécuritaire difficile, en particulier lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des crimes complexes impliquant des groupes encore actifs, et tenant compte de ce que le système judiciaire dispose de moyens limités, la République centrafricaine a créé une Cour pénale spéciale appelée à juger les auteurs ou complices des violations graves des droits humains commises en République centrafricaine depuis 2002. Des magistrats internationaux ont été nommés en février 2017 pour faire partie des organes de poursuites de la Cour pénale spéciale ; cinq procureurs nationaux s’y sont adjoints en mai. Le Gouvernement se réjouit que la Cour pénale spéciale soit complémentaire de la Cour pénale internationale et des juridictions nationales, permettant le jugement des auteurs des crimes graves dans les lieux où ils ont été perpétrés. Elle sera ainsi en mesure d’apporter une certaine satisfaction morale aux victimes.

La Cour pénale spéciale pourra s’appuyer sur un exercice de cartographie des principales violations des droits de l’homme en République centrafricaine depuis 2003, exercice finalisé sous la direction de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a rappelé M. Touadéra.

Dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme, la République centrafricaine a connu des améliorations importantes de son cadre législatif, s’est félicité le Président centrafricain. Ainsi la nouvelle Constitution du 30 mars 2016 reconnaît-elle les droits de l’homme comme base de toute communauté humaine, de la paix et la justice dans le monde, de même qu’elle consacre la séparation des pouvoirs. La République centrafricaine s’est aussi dotée d’un code de justice militaire visant notamment à promouvoir la discipline au sein de l’armée et garantissant les droits des victimes en leur offrant la possibilité de se constituer partie civile, a indiqué M. Touadéra.

Autre avancée singulière, la loi portant création de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été adoptée en avril dernier, sur la base des Principes de Paris. La Commission sera opérationnelle en octobre prochain. Le Président Touadéra a remercié l’Union africaine et l’Organisation internationale de la Francophonie du soutien qu’elles ont promis d’apporter à cette jeune institution.

Le Président a ensuite mentionné le lancement d’autres activités importantes pour la protection des droits de l’homme en République centrafricaine, telles que l’ouverture du centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre et le sexe ; l’adoption de mesures en faveur de l’intégration des personnes handicapées ; la formation d’agents de police aux techniques d’enquête en matière de protection de l’enfant et des violences basées sur le genre et le sexe pendant les conflits ; ou encore l’amélioration des conditions de détention.

« La fin de la transition politique ne signifie pas la fin de la crise en République centrafricaine », a mis en garde son Président, car « la situation sécuritaire et humanitaire y demeure fragile ». L’appui des partenaires et amis de la République centrafricaine et de la communauté internationale en général permettra au Gouvernement de relever ces défis afin d’offrir un avenir meilleur à ce peuple centrafricain très meurtri, a conclu M. Touadéra.

Assistance technique et renforcement des capacités en matière de droits de l’homme en République démocratique du Congo

Dialogue interactif renforcé

La Tunisie, au nom du Groupe africain, a souligné que la situation politique en République démocratique du Congo était délicate et que le pays avait encore à relever de nombreux défis en matière de droits de l’homme. La Tunisie salue le déploiement du Groupe d’experts internationaux chargés d’enquêter sur les crimes commis au Kasaï. La Tunisie a félicité le Gouvernement congolais pour la mise en œuvre de l’Accord de paix.

Le Maroc a salué la volonté du Gouvernement congolais de coopérer avec les mécanismes des Nations Unies et sa volonté de tenir des élections dans les délais prévus par l’accord du 31 décembre. Le Maroc demande que la communauté internationale appuie « ce pays africain frère » dans ce processus. La Chine estime que le Gouvernement congolais a les capacités nécessaires pour résoudre les problèmes auxquels la RDC est confrontée. La communauté internationale doit donc continuer de lui apporter une assistance technique adéquate, dans le respect de sa souveraineté, a dit le représentant chinois. L’Égypte a plaidé pour une approche globale capable d’aider la RDC à résoudre ses problèmes. Le Soudan a encouragé les autorités congolaises à coopérer avec les organisations internationales.

Le Mozambique a félicité le Gouvernement congolais pour ses progrès dans la lutte contre la violence et pour les efforts faits pour appliquer l’Accord de décembre 2016 qui devrait aboutir à la tenue d’élections libres et transparentes. Le Mozambique a condamné les violences commises dans le Kasaï par les milices armées. Le Haut-Commissariat doit continuer à apporter une aide technique à la République démocratique du Congo. L’Angola a salué les progrès enregistrés par la République démocratique du Congo dans la lutte contre l’impunité et les violences sexuelles ; ainsi que les mesures prises pour favoriser l’accès à la justice. L’Angola exprime sa satisfaction quant à l’amélioration des conditions de sécurité en République démocratique du Congo, notamment dans le Kasaï. L’Angola continue à être seul à accueillir les réfugiés du Kasaï, sans aide extérieure, a-t-il souligné.

L’Algérie a salué les efforts des autorités congolaises, notamment la libération de prisonniers politiques. L’Algérie encourage la République démocratique du Congo à lancer des enquêtes sur les violations des droits de l’homme et les violences commises par les forces armées dans le Kasaï. Le Congo a salué les efforts des autorités de la République démocratique du Congo dans la lutte contre les violences sexuelles. Les auteurs de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire doivent être poursuivis en justice.

L’Ouganda a souligné l’impact négatif qu’ont les groupes armés et les milices sur les civils. La protection des civils doit être la priorité de la mission de la MONUSCO. L’Ouganda félicite le Gouvernement congolais des mesures prises pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays. Les autorités de la République démocratique du Congo doivent continuer à coopérer dans ce sens avec le Haut-Commissariat. Le Botswana a noté avec préoccupation que l’espace démocratique se rétrécit en RDC. Le Botswana note toutefois que la République démocratique du Congo est prête à coopérer avec le Haut-Commissariat. Le Botswana recommande une meilleure participation des femmes dans la vie politique de la RDC.

L’Union européenne a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation désastreuse des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC), au détriment surtout des femmes et des filles. Elle a noté un rétrécissement significatif de l’espace civil et démocratique, ajoutant par ailleurs qu’aucune mesure suffisante n’a été prise en vue de faire comparaître devant la justice les auteurs présumés des graves violations des droits de l’homme. L’Union européenne a jugé primordiale la coopération des autorités congolaises avec les experts des Nations Unies et autres observateurs internationaux. Elle a demandé à la Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo quelles mesures ont été prises pour garantir le droit de réunion et d’assemblée et pour punir les auteurs de violations des droits de l’homme.

Abondant dans le même sens, le Canada a ensuite souligné qu’aux violences qui perdurent s’ajoutent les graves violations des droits de l’homme dans la région du Kasaï, imputables notamment aux forces de sécurité et aux milices qui y sont affiliées. Craignant les conséquences de cette situation pour la stabilité du pays, le Canada a appuyé toutes les recommandations figurant dans le rapport du Haut-Commissariat et encouragé le Gouvernement de la RDC à respecter les droits politiques et les libertés. Le Portugal a exhorté les autorités congolaises à appliquer les recommandations, notamment réduire la tension politique et s’orienter vers l’organisation d’élections crédibles.

Alors qu’un grand nombre de délégations se sont inquiétées de la situation dans le Kasaï et du nombre de réfugiés fuyant vers l’Angola, les Pays Bas, les États-Unis et la République tchèque ont estimé chacun que la crise humanitaire actuelle était le résultat du retard pris dans l’organisation des élections et de la violence que le Gouvernement fait régner en RDC. Dans ce contexte, les trois délégations ont demandé au Gouvernement congolais de définir rapidement un calendrier électoral réaliste qui permettra une transition démocratique et de traduire en justice les auteurs des actes répertoriés dans le rapport du Haut-Commissariat. La Suisse a dénoncé, quant à elle, les actes de violence et d’intimidation à l’égard des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui sapent un processus électoral d’ores et déjà fragilisé. Elle a également dénoncé l’utilisation d’enfants comme boucliers humains dans le conflit armé.

L’Allemagne a déclaré que le nombre des déplacés à l’intérieur de la RDC avait doublé en moins de six mois. Elle a prié la RDC d’organiser des élections libres, appelant toutes les parties prenantes à agir de bonne foi. L’équipe d’experts internationaux devrait avoir un accès sûr et sans entraves aux zones concernées, a encore estimé l’Allemagne.

La Grèce a mis l’accent sur les répercussions néfastes de la détérioration de la situation pour la population civile congolaise. Elle a appelé les autorités à mettre fin à l’usage excessif de la force par les forces de sécurité et à appliquer le principe de proportionnalité.

La France a fermement condamné les violations des droits de l’homme dans le Kasaï depuis août 2016, dont certaines pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Elle demandé au Gouvernement d’assurer le plein accès à l’équipe d’experts ; d’organiser des élections justes, libres et équitables ; de mettre un terme aux procédures judiciaires politiquement motivées ; et de conduire des enquêtes indépendantes sur les allégations de violations dans la province du Kasaï.

La Belgique s’inquiète également de la situation en République démocratique du Congo, y compris la forte régression des libertés publiques et le recours excessif à la force par des agents de l’État. Pour faire la lumière sur toutes les allégations de crime commis dans le Kasaï, la Belgique, ancienne puissance coloniale en République démocratique du Congo, demande au Gouvernement congolais de coopérer avec l’équipe des trois experts internationaux créée par le Conseil en juin dernier. Elle estime aussi que les auteurs identifiés des crimes doivent rendre compte de leurs actes devant la justice nationale ou internationale.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) s’inquiète pour sa part du recrutement d’enfants dans les groupes armés, rappelant que l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés est un crime de guerre au sens du droit international. L’institution onusienne demande par ailleurs au Gouvernement congolais de traiter les enfants libérés des groupes armés comme des victimes et de leur fournir une protection adéquate.

Le Royaume-Uni a demandé que les responsables des violations des droits de l’homme soient poursuivis en justice. La RDC doit appliquer très rapidement l’Accord du 31 décembre pour que des élections puissent se tenir encore en 2017. L’Irlande s’est félicitée de la mise en place du groupe d’experts internationaux chargés d’enquêter dans le Kasaï et a demandé aux autorités de lui donner plein accès à cette région. L’Irlande a condamné les restrictions à la liberté d’expression en RDC.

La Suède a fait part des préoccupations des pays nordiques face aux graves violations des droits de l’homme au Kasaï. La réduction de l’espace politique et les restrictions aux libertés fondamentales sont aussi préoccupantes. Le Gouvernement congolais doit prendre des mesures pour faire respecter les droits de l’homme. Sans une solution politique, la République démocratique du Congo ne se stabilisera pas. Le Gouvernement doit appliquer les recommandations du rapport du Haut-Commissariat.

Le Saint-Siège est gravement préoccupé par la dégradation de la situation socio-économique et par les violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo. Le Saint-Siège est préoccupé par les répercussions de cette situation sur la vie des citoyens. Le Saint-Siège exhorte le Gouvernement congolais à prendre toutes les mesures appropriées pour mettre fin à l’impunité en poursuivant en justice l’ensemble des auteurs des graves violations des droits de l’homme, notamment les forces armées.

Parmi les organisations non gouvernementales qui se sont exprimées, La Fédération internationale de l'ACAT Action des chrétiens pour l'abolition de la torture - FIACAT a enregistré et documenté plus de 500 cas de violations des droits de l’homme en RDC, en particulier des atteintes à la liberté et à la sécurité de la personne et au droit à l’intégrité physique. Elle a aussi documenté 54 cas d’exécutions sommaires ou extrajudiciaires commises par la police nationale congolaise, le service de renseignement et les forces armées. À ces violations s’ajoutent les activités accrues de la milice Kamuina Nsapu, dans la province du Kasaï central. Les violences dans cette région se sont particulièrement aggravées cette année : plus de 80 fosses communes, dont dix nouvelles dans la ville de Kananga, ont été identifiées.

Amnesty International a dit être régulièrement saisie d’allégations de violations des droits de l’homme, notamment les tirs de gaz lacrymogènes et l’utilisation de balles réelles contre des manifestants non armés qui demandaient la publication du calendrier électoral, le 31 juillet, ce qui a fait au moins quatre blessés. En outre, plus d’une centaine de personnes ont été arrêtées sur l’ensemble du territoire lors des manifestations ; parmi elles, douze journalistes qui couvraient les événements. Si la plupart de ces personnes ont été relâchées, il reste que cinq autres, considérées comme des prisonniers de conscience par Amnesty International, sont encore en détention à Lubumbashi. En août 2017, les autorités ont bloqué l’utilisation des médias sociaux, ce qui a limité le droit à la liberté d’expression et à l’information.

Espace Afrique International a rappelé que, lors de la dernière session du Conseil, la Ministre congolaise des droits humains avait banalisé les fosses communes mises à jour au Kasaï en affirmant que, dans certaines d’entre elles, on n’avait trouvé qu’une motocyclette et un vieux fusil en lieu et place de cadavres. Quel crédit faut-il donc accorder à de telles déclarations, quand on sait que des contre-enquêtes démontrent le contraire, s’est insurgée la représentante d’Espace Afrique international, qui a attiré l’attention du Conseil sur « la menace d’implosion et d’éclatement » en RDC si rien n’est fait pour remédier au vide légal et institutionnel qui interviendra le 31 décembre prochain. Elle a considéré que la responsabilité de cette situation incombe uniquement au Chef de l’État, qui ne devrait pas user de sa position dominante pour bloquer toute mise en œuvre transparente de la Constitution et de l’Accord de la Saint-Sylvestre, afin de se maintenir, vaille que vaille, au pouvoir. Telle est la racine principale de la crise congolaise, a-t-elle commenté.

Human Rights Watch a dénoncé l’utilisation par le Président Kabila de la répression au lieu d’organiser un processus électoral, comme convenu dans l’Accord du 31 décembre. L’ONG a décrit plusieurs un schéma d’exactions qui dévoilent une véritable « stratégie du chaos », avec la découverte de 80 fosses communes et le double assassinat d’experts de l’ONU et de leur équipe locale. Harcèlement judiciaire d’opposants, enlèvements, assassinats et arrestations d’opposants malgré l’engagement ferme pris pour décrisper le climat politique en libérant tous les prisonniers politiques – tous ces crimes ont été dénoncés par African Development Association.

International-Lawyers.Org a souligné que des infrastructures de la RDC essentielles pour l’éducation, la santé et d’autres services de base sont dans un état piteux, et que l’aide humanitaire n’arrive pas ceux qui en ont besoin.

La Fédération internationale des ligues de droits de l’homme a présenté les résultats des enquêtes menées par ses collaborateurs sur le terrain. Elle s’est inquiétée que la situation dans certaines provinces révèle une épuration ethnique. L’ONG a dénoncé le ciblage systématique des défenseurs des droits de l’homme en RDC. L’étau ne fait que se resserrer à l’approche de l’échéance de l’Accord du 31 décembre, elle observé la FIDH. Quant à elle, la Rencontre Africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO) a demandé à la communauté internationale d’agir rapidement et résolument pour éviter que la situation en RDC ne devienne aussi grave qu’au Soudan, une situation qui a fini par la partition du pays. La RADDHO a demandé au Gouvernement congolais de mettre en œuvre l’Accord du 31 décembre pour garantir tous les droits de sa population et d’appliquer les recommandations contenues dans le rapport du Haut-Commissaire.

Réponses et conclusions des panélistes

M. GEORGES KAPIAMBA, Président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice, a souligné que l’origine de la crise en République démocratique du Congo était, d’une part, le refus du Gouvernement congolais d’octroyer les moyens nécessaires à la Commission nationale électorale indépendante pour organiser les élections ; et, d’autre part, de limiter la durée de sa présidence à deux mandats consécutifs. La situation est aussi aggravée par la violence que font régner les forces de sécurité gouvernementales sur la société civile et les partis politiques. Pour cette raison, M. Kapiamba a estimé que la communauté internationale devait rester saisie de la situation dans la République démocratique du Congo, tant qu’une transition politique pacifique n’est pas réalisée. Le Conseil des droits de l'homme doit refuser d’admettre la République démocratique du Congo en tant que membre aussi longtemps que la situation perdure, a dit le panéliste.

MME MINATA SAMATE CESSOUMA, Commissaire aux affaires politiques de la Commission de l’Union africaine, a dit partager les observations exprimées par les délégations. Elle a encouragé les autorités congolaises à coopérer avec l’équipe d’experts et à publier un calendrier électoral au plus vite. L’Union africaine est prête à envoyer une mission d’appui pour l’élaboration de ce calendrier. Comme un gage de ses efforts, une mission de haut niveau de l’Union africaine sera à Kinshasa cette semaine pour voir comment accompagner le Gouvernement congolais dans la recherche d’une solution politique acceptable par tous, a dit Mme Cessouma.

MME MARIE ANGE MUSHOBEKWA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a dit que son Gouvernement s’efforce de mettre en œuvre l’accord du 31 décembre 2016, comme le montre la nomination en avril 2017 d’un Premier Ministre issu des rangs de l’opposition et membre fondateur du premier parti d’opposition. Cette nomination est conforme à cet accord, dit « de la Saint Sylvestre ». « Ce n’est pas parce qu’un Premier Ministre choisi par les occidentaux n’a pas été nommé que cet accord n’est pas respecté », a affirmé Mme Mushobekwa. La Ministre a assuré que son Gouvernement était déterminé à organiser les élections. En revanche, il n’entend pas publier de calendrier dans la précipitation et sous la pression internationale. Le Gouvernement discute avec la commission nationale électorale indépendante pour élaborer un calendrier crédible et réaliste. À la suite de ces discussions, un calendrier sera publié, a dit Mme Mushobekwa.

Répondant à la déclaration d’une organisation non gouvernement qui l’avait accusée d’avoir « banalisé les fosses communes dans le Kasaï », la Ministre a estimé que l’organisation l’avait mal comprise. Mme Mushobekwa a assuré n’avoir jamais banalisé l’existence ces fosses communes. Elle en reconnaît l’existence, mais conteste les chiffres qui circulent sur leur nombre. Le Gouvernement estime qu’il faut attendre la fin des enquêtes pour donner un chiffre exact et les localiser.

Il ne faudrait pas accuser de violence le Gouvernement exclusivement, a demandé la Ministre. La milice Kamunia Nsapu, que l’on qualifierait en Europe de groupe terroriste, est responsable de tueries : ses membres égorgent des militaires congolais et boivent leur sang, a-t-elle dit. Le Gouvernement reconnaît que ce qu’il se passe au Kasaï n’honore pas la RDC. Mais des enquêtes seront menées et les auteurs des tueries seront arrêtés, jugés et condamnés, a encore assuré la Ministre des droits humains.

Par ailleurs, les accusations de fermeture de l’espace dévolu à la société civile ne sont pas justifiées, a dit Mme Mushobekwa : 600 partis politiques, 60 chaînes de télévision non cryptées, 300 stations de radio et une centaine de journaux s’expriment et sont publiés librement en République démocratique du Congo. Les manifestations publiques ont certes été interdites ces derniers mois, mais les mesures – qui concernaient les partis tant d’opposition que de la majorité – étaient motivées par des raisons de sécurité, compte tenu du fait que, par le passé, des débordements avaient eu lieu, notamment des pillages. Mais le Gouvernement lèvera cette mesure une fois le calme revenu, a encore assuré la Ministre.

Elle a également reconnu que des défenseurs des droits de l'homme étaient souvent arrêtés arbitrairement par les forces de police. Cependant, cela est lié au fait que certains policiers ne comprennent pas leur rôle. La Ministre est souvent personnellement intervenue pour faire libérer ces personnes. Le Gouvernement reconnaît qu’une formation des forces de police est nécessaire et entend mener des activités en ce sens.

Enfin, le Gouvernement de la République démocratique du Congo déplore les sanctions ciblées prises par l’Union européenne contre certaines personnalités gouvernementales. Il estime qu’un dialogue aurait dû avoir lieu en place de ces mesures coercitives unilatérales contre-productives, a conclu Mme Mushobekwa.

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déploré que seul 10% des éléments des forces de sécurité impliqués dans les actes de violence sont traduits justice. Parmi ces accusés, on ne trouve jamais de haut gradés, a-t-elle regretté, ajoutant que cela montre à suffisance la nécessité d’une assistance technique dans le domaine de la formation judiciaire. Cependant, l’assistance technique ne remplace pas la justice elle-même, a encore déclaré Mme Gilmore.

Situation des droits de l'homme au Cambodge

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du second rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Cambodge (A/HRC/36/61).

MME RHONA SMITH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, a remercié le Gouvernement du Cambodge pour l’avoir invitée à visiter se rendre dans le pays. Elle a souligné que le Cambodge était entre deux élections. Les élections municipales de juin 2017 se sont globalement bien déroulées; 90% de l’électorat a pu voter, a-t-elle précisé, jugeant cela encourageant pour les élections générales qui doivent se dérouler le 29 juillet 2018. Toutefois, la situation générale en amont et en aval des élections est alarmante pour un pays qui affirme être une démocratie libérale pluraliste. Des changements ont été apportés à la Loi sur les partis politiques, dont l’un permet leur dissolution sans possibilité de recours. Dans le contexte cambodgien, ces amendements affectent de manière disproportionnée les membres de l’opposition politique, le sort de l’opposition politique semblant se trouver entre les mains du pouvoir exécutif. Depuis le mois d’août, trois présidents de partis d’opposition ont été détenus. En outre, des partis politiques sont responsables de discours de haine, a ajouté la Rapporteuse spéciale. Le Président du CRNP, le principal parti d’opposition, se trouve aujourd’hui en détention préventive – où il a été maintenu hier par décision de la Cour d’appel) pour conspiration avec une puissance étrangère en raison d’une déclaration faite en Australie en 2013 et qui est disponible en ligne ; on a prétendu l’avoir arrêté en flagrant délit, ce qui a permis d’éviter ainsi de recourir à la procédure normale de levée de l’immunité parlementaire et il a été emprisonné avant que les charges pesant contre lui ne lui eurent été signifiées, se voyant dénier nombre de droits et garanties prévus par la loi cambodgienne. La Rapporteuse spéciale a exhorté le Gouvernement, le Parlement et le pouvoir judiciaire à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les dispositions du flagrant délit ne soient appliquées que dans les seules situations qui correspondent à la définition normale de ce terme, alors que c’est la quatrième fois en deux ans que le flagrant délit est utilisé pour arrêter un parlementaire membre de l’opposition.

La pression sur les organisations non gouvernementales s’est accrue ces derniers mois avec l’application de diverses dispositions de la loi sur les associations et les ONG (Law on Associations and Non Government Organisations - LANGO) : toutes les ONG doivent remettre leurs comptes au Ministère de l’intérieur ce mois-ci, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Ce même Ministère exige par ailleurs désormais de toutes les associations de la société civile qu’elles fassent rapport de toutes leurs activités aux autorités communales et de district, alors qu’une telle démarche n’est pas légalement requise en vertu de la loi susmentionnée. Les ONG considèrent que c’est une forme intrusive de contrôle. Le fait que la loi LANGO exige des ONG qu’elles soient neutres politiquement est problématique car tout peut être considéré comme politique au Cambodge, a en outre fait observer Mme Smith. Le Gouvernement doit de nouveau encourager le dynamisme de la société civile pour lequel le pays était connu auparavant.

Un autre problème est la réduction importante de la liberté des médias, a ajouté la Rapporteuse spéciale, faisant observer que plusieurs stations de radio ont été fermées après sa visite dans le pays et qu’un journal s’est vu infliger un redressement fiscal pour un arriéré de plus de 6 millions de dollars à payer dans les 30 jours, ce qui a eu comme conséquence sa fermeture. La Rapporteuse spéciale a insisté sur le grand danger qu’il y a pour un pays d’être davantage régi par la loi que conformément à l’état de droit.

La réduction de l’espace démocratique et sa remise en cause atteignent des niveaux jamais atteints auparavant, a déclaré Mme Smith. La situation s’est aussi détériorée au niveau de la surpopulation carcérale, alors que des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées dans le cadre du plan de lutte contre la drogue. Des mineurs se trouvent en détention avec des adultes. La Rapporteuse spéciale a souligné qu’elle n’avait pas pu rencontrer les détenus dans les prisons.

Il y a eu néanmoins certaines avancées positives dans le domaine de la justice, s’agissant notamment de la base de données électronique et de la gestion électronique des différentes affaires. En outre, un projet prévoit des mesures alternatives à la détention pour les mineurs, a ajouté la Rapporteuse spéciale.

En conclusion, Mme Smith a souligné qu’elle allait continuer à suivre la situation des droits de l’homme au Cambodge, notamment durant la période électorale.

Pays concerné

M. NEY SAM OL, Représentant permanent du Cambodge auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, a réitéré l’attachement de son pays à l’importance du mandat de la Rapporteuse spéciale depuis sa création en 1993. Il a précisé que depuis un quart de siècle maintenant, le Cambodge avait ainsi eu un dialogue régulier avec six rapporteurs spéciaux qu’il avait également invités à effectuer des visites, y compris Mme Rhona Smith. Saluant le rapport annuel de la Rapporteuse spéciale, il a cependant affirmé que celui-ci contenait « très peu de recommandations encourageantes et d’évaluations positives » et qu’il ne prenait pas en considération la réalité et les acquis. Cette approche « à la carte » sape la bonne volonté et l’engagement (des autorités cambodgiennes) avec les mécanismes des procédures spéciales et fait en outre peser un risque sérieux sur la crédibilité de l’ensemble du système onusien des droits de l’homme. Le Représentant permanent du Cambodge a ajouté que la tragédie irréparable qui a coûté la vie à des millions de personnes et a tourmenté la population entière a été fortement condamnée par la communauté internationale et les Nations Unies, ce qui a conduit à la mise en place du Tribunal spécial chargé de juger les crimes commis par les Khmers rouges pour lequel des millions de dollars ont été dépensés afin de juger les auteurs de ces crimes monstrueux; mais Mme Smith qualifie simplement ces crimes contre l’humanité de « troubles du siècle passé », a-t-il déploré.

Le Représentant permanent a ensuite souligné que désormais, le Cambodge connaît une croissance économique moyenne de 7,7% depuis plus de deux décennies, les prévisions de croissance étant de 7,1% pour cette année et la prochaine, amenant le pays à passer du rang de pays à faible revenu à celui de pays à revenu moyen ; la pauvreté a chuté de 53% à 13,5% entre 2004 et 2014, ce qui fait du Cambodge l’une des nations du monde ayant les meilleures performances en la matière. Le Représentant permanent du Cambodge a d’autre part fait valoir que près de 90% des électeurs ont pris part aux élections municipales de juin dernier ; il a regretté que la Rapporteuse spéciale n’y voie qu’un «verre à demi plein» et affirme que « la situation générale du pays demeure tendue » et que « le Cambodge semble être au bord du précipice ».

M. Sam Ol a donc fait part de son étonnement, rappelant que le Cambodge avait reconduit pour deux ans le mandat du bureau du Haut-Commissariat, tout comme le mandat de la Rapporteuse spéciale avait été prorogé de deux années par le Conseil. Le Cambodge est aussi partie à neuf des principaux instruments internationaux des droits de l’homme et a accepté la grande majorité des recommandations qui lui ont été adressées à l’occasion du deuxième cycle de l’examen périodique universel. Le Représentant permanent a reproché à la Rapporteuse spéciale une démarche sélective s’agissant des sources sur lesquelles elle se fonde, des sources qui ne sont en outre pas vérifiées; il a dénoncé une politisation du mandat, en particulier pour ce qui est de l’arrestation d’un député, de la fermeture de quelques médias et d’une organisation non gouvernementale, alors que toutes ces démarches ont été entreprises dans le cadre de la loi.

Le Cambodge reste attaché à la coopération et au partenariat avec tous les mécanismes des droits de l’homme et autres parties prenantes, a conclu le Représentant permanent du Cambodge, mettant l’accent sur l’importance du respect mutuel et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État, conformément à la Charte de l’ONU et autres instruments internationaux pertinents.

Dialogue interactif

L’Union européenne s’est félicitée des progrès accomplis ces derniers mois au Cambodge, notamment avec la bonne tenue des élections municipales en juin dernier. Mais les intimidations contre les défenseurs des droits de l'homme et les partis politiques inquiètent l’Union européenne, qui appelle les autorités à créer un climat propice à une bonne tenue des élections législatives prévues pour juillet 2018. L’Allemagne est également préoccupée par ce climat de représailles contre la société civile dans un contexte pré-électoral. Journaux suspendus ou fermés, hommes politiques d’opposition arrêtés, immunités parlementaires violés figurent au nombre des inquiétudes de l’Allemagne, ainsi que de l’Australie. La Suisse aussi se préoccupe de ce climat de restriction de l’espace de la société civile et souhaite savoir comment la communauté internationale pourrait aider le Cambodge à assurer l’indépendance de la justice et la liberté de la société civile.

Le Japon appelle le Gouvernement cambodgien à créer un cadre acceptable pour la tenue des prochaines élections, en 2018. Ce cadre devra faciliter la présence d’observateur étrangers, a précisé le Japon, avant de demander à la Rapporteuse spéciale quelle est selon elle l’origine des tensions dans le pays et comment la communauté internationale peut aider à les dissiper. Le France déplore pour sa part que les autorités cambodgiennes n’aient pas mis en œuvre tous leurs engagements et restreignent l’espace de la société civile, comme le montre l’arrestation de l’opposant Kem Sokha ou l’assassinat du commentateur Kem Ley le 10 juillet 2016.

La Thaïlande a de son côté salué les progrès du Cambodge, particulièrement dans le domaine de la protection de l’enfance et des minorités. La Thaïlande encourage le pays à réformer son système judiciaire et son système éducatif. En tant que membre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE, ou ASEAN selon l’acronyme anglais), la Thaïlande a ajouté se tenir aux côté du Cambodge.

La République tchèque a demandé au Cambodge de renforcer ses efforts pour mettre en œuvre les recommandations émanant des organes de traité. La République tchèque est elle aussi inquiète de la réduction de l’espace démocratique et de la loi restreignant les activités des organisations non gouvernementales. L’ensemble des droits des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes doit être respecté, a insisté le pays. Les États-Unis se sont également dits très inquiets, car le Gouvernement cambodgien a entamé une répression contre les partis d’opposition, les médias et la société civile. Il faut que le Conseil reste saisi de cette question. Les États-Unis sont préoccupés par les restrictions imposées à l’action des organisations de la société civile et des médias. Le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par la situation des droits de l’homme au Cambodge. Il regrette en particulier que la loi sur les partis politique ait été amendée et se dit préoccupé par les restrictions imposées aux activités des organisations non gouvernementales et aux journalistes. Le Royaume-Uni a souhaité savoir comment la Rapporteuse spéciale faisait en sorte que ceux qui ont témoigné auprès d’elle ne soient pas victimes de représailles. Le Mexique est préoccupé par la situation politique que traverse le Cambodge et notamment par le harcèlement à l’encontre des opposants politiques, des médias et des organisations de la société civile. Il faut un environnement calme pour le bon déroulement des prochaines élections; les opposants politiques contre lesquels il n’y a aucune preuve de crime ou délit quelconque doivent être libérés. L’Irlande est très préoccupée par la détérioration de l’espace de la société civile et démocratique au Cambodge. Les mesures prises pour limiter l’espace démocratique sont préoccupantes; l’Irlande est particulièrement inquiète par l’arrestation du chef de l’opposition.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a souligné que les enfants qui sont dans des établissements spécialisés au Cambodge sont très vulnérables, notamment aux violences sexuelles. Le Gouvernement a lancé une cartographie des établissements pour enfants et pris des mesures pour favoriser le retour des enfants dans les familles. Les familles ont besoin de soutien pour garder leurs enfants à la maison. La pauvreté ne doit pas justifier le placement d’un enfant dans un établissement. L’UNICEF s’est dit préoccupé que de plus en plus d’enfants soient détenus au Cambodge et s’est inquiété de la situation des enfants des rues.

La Chine a affirmé que ces dernières années, le Cambodge avait réussi à se stabiliser. Le Cambodge a le droit de choisir sa trajectoire. Les parties doivent tout mettre en œuvre pour permettre le bien-être de la population. Le Myanmar a félicité le Cambodge pour les progrès en matière des droits de l’homme que le pays a réalisés ces dernières années. La République démocratique populaire lao a félicité le Cambodge pour sa coopération constructive avec les organes des Nations Unies, ainsi que pour ses avancées en matière des droits de l’homme et pour sa croissance économique saine. La communauté internationale doit fournir une assistance technique au Cambodge pour que celui-ci puisse s’acquitter de ses obligations en matière des droits de l’homme.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont également intervenues. Parmi elles, Le Bureau international catholique de l'enfance a dénoncé le phénomène de la traite des enfants, de même que l’absence d’accès à l’école, les abus en milieu scolaire et à la maison ainsi que le manque d’assistance juridique et médicale en faveur des enfants abusés. L’ONG a demandé au Gouvernement cambodgien de veiller à la formation du personnel scolaire, des assistants sociaux et des services médicaux et d’envisager des mesures de suivi des enfants.

Human Rights Watch a dénoncé la surveillance dont font l’objet des organisations non gouvernementales et des médias, dont plusieurs ont été fermés à l’instar du Cambodia Daily, alors d’autres ont été poursuivis. L’Organisation mondiale contre la torture a ajouté que si cette situation persiste, il sera impossible de tenir des élections libres telles que prévues pour le 29 juillet 2018, alors que le chef de l’opposition a été arrêté et que deux amendements controversés ont été apportés à la loi régissant les partis politiques. Deux activistes environnementaux et les militants d’autres organisations sont victimes de détention arbitraire, a ajouté l’ONG. Il n’est pas trop tard pour inverser la tendance, élargir l’espace public et stopper la descente précipitée du Cambodge dans l’autoritarisme.

Le harcèlement judiciaire a été particulièrement dénoncé par Article 19 - Centre international contre la censure, qui s’est insurgé contre la fermeture de médias et a déploré le retrait de l’autorisation de Radio Free Asia et d’autres moyens audiovisuels. Depuis le début de la présente session du Conseil, deux militants des droits de l’homme ont été arrêtés, alors que les membres de la Commission électorale ont été arrêtés depuis plus d’une année. Que faire, avant les élections prévues pour l’année prochaine, pour remédier à ces abus, s’est interrogée l’ONG?

Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a fait observer que le Gouvernement cambodgien a recouru à la fiscalité pour tenir au silence les médias et les organisations de la société civile. En effet plusieurs médias et organisations ont été ciblés au titre de la loi fiscale, en se voyant imposer le paiement d’impôts exorbitants.

La Commission internationale de juristes a fermement soutenu le renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale et a dénoncé une campagne soigneusement orchestrée pour faire taire les forces de la société civile au Cambodge. Elle a rappelé que les défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux du groupe « ADOC 4 », Ny Chakrya, Tep Vanny, Hun Vannak, Doem Kundy, et le Président du parti d’opposition, Kem Sokha, font l’objet d’accusations à motivation politique. L’ONG a en outre dénoncé l’impartialité et le manque d’indépendance des juges qui ont conduit au meurtre du commentateur politique Kem Ley.

Lawyers’ Rights Watch Canada a salué les remarques de la Rapporteuse spéciale concernant l’administration de la justice, dénonçant les arrestations arbitraires et les jugements prononcés par des tribunaux qui ne sont pas indépendants. Certes, le Cambodge a ratifié nombre d’instruments internationaux, mais cela ne l’empêche pas d’avoir la mainmise sur les tribunaux. L’ONG a dit appuyer toutes les recommandations de la Rapporteuse spéciale.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme a condamné à son tour l’attaque en bonne et due forme menée par les autorités cambodgiennes contre la société civile. La Fédération a exigé la libération de tous les défenseurs des droits de l’homme emprisonnés. Si la situation des droits de l’homme continue de se détériorer dans ce pays, le Conseil devra envisager la tenue d’un débat d’urgence sur le Cambodge, a estimé l’ONG.

Réponses et conclusions de la Rapporteuse spéciale

MME SMITH a dit avoir pris note des nombreux commentaires et propositions qui ont été faits, mais a souligné que se pose aussi la question des moyens octroyés à son mandat. Elle a ensuite fait observer que depuis la création de son mandat, le Cambodge avait connu une forte croissance économique; dans ce contexte, elle a estimé que les Nations Unies devraient revoir le niveau de responsabilité que ce pays devrait assumer vis-à-vis des droits de l'homme.

Mme Smith a ensuite insisté pour que, dans le contexte pré-électoral actuel, les autorités cambodgiennes s’assurent que chacun puisse librement participer aux élections sans crainte. Or, de hauts responsables politiques du pays ont fait des déclarations dans lesquelles ils menacent les électeurs de violence ou de mort, montrant à quel point ce pays est « au bord du précipice » si rien n’est fait à partir de maintenant pour garantir la crédibilité des élections. Enfin, compte tenu des fonds disponibles, la Rapporteuse spéciale a indiqué être à même d’effectuer une autre visite au Cambodge cette année.



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HRC/17/153F