Aller au contenu principal

LE CONSEIL ENTAME SON DÉBAT SUR LE DROIT AU DÉVELOPPEMENT

Compte rendu de séance
Il conclut ses débats sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable et sur les mesures coercitives unilatérales

Le Conseil des droits de l'homme a achevé, ce matin, son débat interactif croisé, entamé hier après-midi, avec l'Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable et avec le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme, avant d’entamer son débat interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement, qui a présenté son premier rapport.

S’agissant de la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, de nombreuses délégations ont soutenu la recommandation de l’Expert indépendant, M. Alfred de Zayas, d’amener la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à tenir compte des droits de l'homme dans leurs accords.

Concernant les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme, de nombreuses délégations – y compris celles de pays touchés par de telles mesures – ont attiré l’attention sur les répercussions de ce type de mesures sur les populations et sur les droits de l’homme. Plusieurs intervenants ont en outre souligné le caractère illégal de ces mesures, estimant que seul le Conseil de sécurité pouvait prendre des sanctions contre un État.

Présentant son rapport, le Rapporteur spécial sur le droit au développement, M. Saad Alfarargi, a fait observer que plus de 30 ans après l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement, le droit au développement est loin d’être reconnu universellement et est encore plus éloigné de sa pleine mise en œuvre. Il a passé en revue les grandes lignes de son mandat et a rappelé que pour le réaliser, il aurait besoin de la pleine coopération des États membres, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, ainsi que du soutien du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Suite à la présentation de ce rapport, plusieurs délégations ont insisté sur le fait que le droit au développement est un droit de l’homme essentiel, universel et inaliénable. Le débat interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement se poursuivra demain, vendredi, à 15 heures.

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil tiendra sa réunion-débat biennale sur les mesures coercitives unilatérales et les droits de l’homme.

Promotion d’un ordre international démocratique et équitable et mesures coercitives unilatérales

Fin du débat interactif

En ce qui concerne le rapport de l’Expert indépendant pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, l’Équateur a évoqué les incidences que peuvent avoir les institutions financières internationales sur les droits de l’homme, comme le signale le rapport de l’Expert indépendant, M. de Zayas, et a rappelé qu’elles devraient intégrer cette dimension en examinant leurs projets. L’Équateur a regretté, à cet égard, que la balance penche trop en faveur des entreprises. La Libye s’est également dite favorable à une nouvelle politique pour la Banque mondiale, qui intégrerait mieux les droits de l’homme. La Bolivie a indiqué soutenir les propositions de l’Expert indépendant visant à inclure les droits de l'homme dans les activités des institutions financières internationales que sont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Le Bangladesh a souligné que des institutions internationales ont failli pour ce qui est de contribuer à la promotion des droits de l’homme. Le Bangladesh a dénoncé les allégations sans fondements de cas de corruption qui ont été proférées par des institutions internationales à l’encontre d’États souverains.

La Tunisie, s’exprimant au nom du Groupe africain, a considéré que les institutions financières ont un rôle important à jouer en termes de développement et a demandé à l’Expert indépendant ce qui en est de l’impact du nouveau cadre environnemental et social de la Banque mondiale et de sa stratégie de promotion des droits de l’homme et du développement. L’Égypte a dit partager l’avis de l’Expert indépendant quant à l’importance pour ces institutions financières d’adopter une approche basée sur les droits de l’homme et de rechercher quels sont les risques de certains investissements. Le Nigéria a estimé que la Banque mondiale et le FMI devraient soutenir les Nations Unies dans leurs efforts pour défendre les principes de la Charte de l’ONU.

Cuba a indiqué qu’elle allait présenter au cours de cette session du Conseil une résolution visant à renouveler le mandat de l’Expert indépendant.

La Malaisie a souligné que les partenariats public-privé ont été très favorables à la croissance et au développement dans le pays.

La Chine a souligné que la construction d’un ordre démocratique équitable est essentielle pour la promotion des droits de l’homme. Les données de l’Expert indépendant sont partiales, a regretté la Chine. L’affaiblissement de la croissance, les lacunes en matière de développement, les conflits et les changements climatiques sont autant de freins à la construction d’un ordre démocratique équitable, a-t-elle souligné. L’Algérie a souligné qu’il fallait intégrer les droits de l’homme dans toutes les politiques de développement en insistant pour que la communauté internationale dénonce les instruments qui favorisent la déréglementation nationale.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont ensuite pris la parole. Le Conseil indien d'Amérique du Sud a souligné le courage de l’Expert indépendant d’avoir fait des recommandations concrètes et a fait observer que la Banque mondiale et autres institutions internationales violent les droits de l’homme des autochtones sans aucun scrupules. Women’s Human Rights International Association a estimé que l’instauration d’un ordre économique équitable requiert une responsabilité commune. Le Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droits de l’homme a rappelé que chaque pays a le droit de faire valoir ses propres intérêts et que les Nations Unies ont pris naissance pour réaliser cet objectif.

Center for Organisation Research and Education a évoqué la situation en Inde, qui impose des mesures très dures à beaucoup de citoyens, comme les castes inférieures ou les minorités religieuses, et a appelé le Gouvernement indien à mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme. Libération a également déploré l’exclusion de certaines communautés en Inde, problème inextricablement lié à des facteurs sociaux, et a prié le Conseil d’évoquer cette situation avec le Gouvernement indien. L’Association pour l’intégration et le développement durable au Burundi a souligné que le tissu social s’écroule en Inde et que la plupart des minorités sont forcées d’arrêter leurs pratiques séculaires. Les minorités sont des cibles faciles, alors que les auteurs de violations restent sous la protection des autorités.

Verein Sudwind Entwicklungspolitik a regretté l’absence de mandat thématique parmi les procédures spéciales pour le droit à des élections libres et justes et s’est donc adressé à l’Expert indépendant pour déplorer l’exclusion des femmes et des non-chiites de l’élection présidentielle en République islamique d’Iran. L’ONG a demandé à l’Expert si son mandat pouvait empêcher cette situation en se fondant sur le droit humanitaire et les droits de l’homme. Women’s Human Rights International Association a dénoncé les violations des droits de l’homme en Iran depuis des décennies.

S’agissant du rapport du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l'homme, M. Jazaïry, le Qatar a rappelé qu’il subissait lui-même des mesures coercitives unilatérales en violation des droits de l’homme et ce, sans susciter d’intérêt suffisant de la part des procédures spéciales. La délégation qatarienne a demandé au Rapporteur spécial comment assurer des voies de recours et d’indemnisation aux victimes de ces mesures si lui-même ne les reconnaît pas. L’Égypte a par la suite réagi aux propos du Qatar pour dire qu’il ne s’agit pas d’un blocus mais plutôt d’un boycott (qui frappe le Qatar) compte tenu du soutien apporté par le Qatar à certaines organisations. Après s’être prononcé pour le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial, le Soudan a rappelé qu’il subissait lui aussi des mesures coercitives unilatérales depuis 1997, ce qui a des effets catastrophiques sur la jouissance des droits de l’homme au Soudan. La délégation soudanaise a dit espérer que tous les États prendraient des mesures pour y mettre un terme et a rappelé que son Gouvernement a recommandé la création d’une commission ad hoc pour que les victimes puissent accéder aux voies de recours et d’indemnisation. Cuba a elle aussi rappelé que le peuple cubain souffre de ce type de mesures coercitives depuis plus de 55 ans en raison du blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis. Cuba a rejeté toute stratégie du deux poids, deux mesures. La Malaisie a pour sa part regretté que de telles mesures coercitives unilatérales soient utilisées contre certains pays.

Le Zimbabwe a dit partager l’avis du Rapporteur spécial s’agissant de l’impact sur les droits de l’homme des mesures coercitives unilatérales. Comme ces mesures ne sont pas adoptées par le Conseil de sécurité, elles sont illégales, a en outre souligné le Zimbabwe. L’Algérie a elle aussi rappelé que des sanctions ne peuvent être prises que dans le cadre du Conseil de sécurité. La Chine a souligné que la législation d’un État ne devait pas devenir la base de mesures coercitives ; le droit international doit se baser sur les principes de la Charte des Nations Unies. Les États concernés doivent tenir compte des observations du Rapporteur spécial, a insisté la Chine. La République islamique d'Iran et la République arabe syrienne ont souligné que les sanctions extraterritoriales se décident au mépris des règles du droit international. Les délégations du Zimbabwe et de Syrie ont appelé les États qui appliquent ce type de mesures à les lever et à ne plus en prendre de nouvelles.

L’Iran et la Namibie ont soutenu les propositions du Rapporteur spécial concernant les réparations aux victimes des mesures coercitives unilatérales, s’agissant notamment de la mise en place de mécanismes de réparation.

Il faut souligner que l’impact des mesures coercitives unilatérales ne se limite pas aux pays ciblés, a expliqué l’Iran, avant d’insister sur leur impact sur les droits humains des populations civiles.

La Syrie a affirmé que les mesures coercitives unilatérales sont prises pour des raisons uniquement politiques, principalement par l’Union européenne et les États-Unis, et au mépris des répercussions que ces mesures ont sur les populations. La Syrie a invité le Rapporteur spécial à venir dans le pays pour enquêter sur l’impact de ces mesures sur la population syrienne.

Le Viet Nam a rappelé que la protection et la promotion des droits de l’homme sont du ressort des États. La délégation vietnamienne s’est dite préoccupée que la jouissance des droits de l’homme dans les pays en développement continue d’être entravée par des mesures coercitives et s’est prononcée en faveur de la création d’une commission de compensation et d’évaluation de l’impact de telles mesures. Elle a demandé au Rapporteur spécial d’en dire un plus sur les mesures de prévention. L’Iraq a dit avoir beaucoup souffert de mesures coercitives unilatérales dans les années 1980 et a attiré l’attention sur leurs effets sur les catégories les plus vulnérables de la population et non pas tellement, en fin de compte, sur les responsables politiques. La délégation a rappelé que les droits de l’homme constituent un ensemble indivisible. La Libye s’est dite favorable au plan d’intervention en faveur des victimes de mesures coercitives unilatérales.

Le Venezuela a déclaré que l’imposition de mesures coercitives unilatérales sur des pays en développement pour exercer sur eux des pressions politiques est une violation évidente de la Charte des Nations Unies et constitue de plus une ingérence dans les affaires intérieures des États. La délégation vénézuélienne appelle donc le Conseil à rejeter ces mesures et à en évaluer les conséquences sur les droits de l'homme. La Bolivie et l’Afrique du Sud ont ajouté que les États touchés par ces mesures devraient recevoir des compensations de la part des États qui les imposent. La République populaire démocratique de Corée a affirmé qu’en tant que pays sous sanctions des États-Unis, elle souhaitait insister sur le fait qu’en plus de saper le droit au développement, de telles sanctions empêchent les activités humanitaires, avec pour conséquence que leur impact en République populaire démocratique de Corée a même été qualifié de « génocide » par des observateurs. Mais du point de vue des États-Unis, de telles mesures coercitives ne violent en rien les droits de l'homme, mais permettent au contraire de les mettre en œuvre en visant les personnes qui les violent, notamment en Fédération de Russie et au Venezuela. L’Ukraine estime aussi que les sanctions imposées à la Fédération de Russie sont conformes au droit international, en raison de l’annexion par ce pays d’une partie du territoire ukrainien.

L’Azerbaïdjan s’est prononcé contre les mesures coercitives unilatérales, estimant qu’elles ne font qu’éloigner l’objectif de développement durable puisque le seul résultat en sont les difficultés imposées à la population, en particulier aux groupes les plus vulnérables. Le Nicaragua a réaffirmé sa ferme condamnation de l’adoption de mesures coercitives unilatérales, qui sont contraires aux droits de l’homme et qui ne font que perpétuer « la diplomatie de la canonnière ». Le Nicaragua a estimé qu’il faudrait une déclaration sur les mesures coercitives unilatérales et l’état de droit ; le pays s’est prononcé en faveur de la création d’une commission d’indemnisation des victimes de ces mesures dans le cadre des Nations Unies. Le Nicaragua a lancé un appel à tous les États pour qu’ils s’abstiennent d’imposer ce type de mesures. La Tunisie, s’exprimant au nom du Groupe africain, a dit que les mesures coercitives unilatérales ont un impact négatif sur l’exercice des droits de l’homme, et a pris bonne note de la proposition de création d’une commission d’indemnisation et d’un registre des sanctions. Le Nigéria a estimé pour sa part que la création d’un registre des sanctions en fonction de leur impact sur l’état de droit est une bonne idée. La délégation nigériane s’est en outre inquiétée de l’impact de mesures coercitives unilatérales sur la population, rappelant que le but ne saurait être de punir les populations.

En tant qu’institution nationale des droits de l'homme, le Comité national des droits de l’homme du Qatar a prôné la recherche d’un mécanisme de réparation pour les victimes de mesures coercitives unilatérales et s’est dit en accord total avec les propositions du Rapporteur spécial. Le Comité national des droits de l'homme du Qatar a rejeté toutes les mesures coercitives unilatérales et souligné que toutes les victimes de ces mesures devaient obtenir réparations.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) se sont également exprimées. Alliance Defending Freedom a souligné que les Nations Unies sont censées défendre des valeurs communes et qu’un ordre démocratique et équitable est un monde où tout le monde est respecté. Or, certains pays se trouvent dans des situations pénibles et doivent adopter des mesures par obligation sous la pression d’autres États, a dénoncé l’ONG.

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc. a dit partager la préoccupation du Rapporteur spécial concernant les importantes répercussions sur les droits de l'homme des mesures coercitives unilatérales et a dénoncé le blocus opéré par l’Arabie saoudite contre le Yémen, qui a des répercussion importantes sur la population yéménite et participe à la dévastation économique du Yémen. La population yéménite n’a pas accès à l’alimentation et aux médicaments, a insisté l’ONG.

Asian Legal Resource Centre a expliqué que la préoccupation principale en Asie est le Myanmar ; l’ONG a demandé au Rapporteur spécial d’user de son influence pour amener le Myanmar à faire en sorte que les ressources que le pays reçoit soient bien affectées aux plus nécessiteux. L’ONG a par ailleurs expliqué que l’Inde a adopté des mesures contre le Népal pour amener ce dernier à accepter ses exigences stratégiques.

Centre Europe Tiers-Monde - CETIM s’est dit préoccupé par le blocus imposé à Cuba qui a été renforcé par Donald Trump. Il s’agit de mesures coercitives unilatérales qui ont des retombées énormes sur la population cubaine. De telles mesures constituent une violation du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies. Cela peut être considéré comme un acte de guerre non déclaré et pourrait constituer un crime contre l’humanité. La légitimité du Gouvernement cubain ne peut pas être remise en cause, a ajouté l’ONG.

Le Conseil indien d'Amérique du Sud a souligné que les mesures coercitives unilatérales avaient un impact très important sur le produit intérieur brut des États et qu’elles mettaient à mal leur souveraineté. L’ONG a recommandé au Rapporteur spécial de travailler avec d’autres experts pour contribuer à l’assistance technique et au renforcement des capacités.

Maarij Foundation for Peace and Development, au nom également de Health and Environment Program, a dit que les mesures coercitives unilatérales ont des effets néfastes dans les pays visés et qu’il est désormais nécessaire de passer de la prévention de ces effets à la réparation due aux victimes.

United Nations Watch a regretté que la Fédération de Russie soit décrite par le Rapporteur spécial comme une victime et a condamné l’occupation russe de territoires ukrainiens. L’ONG a en outre évoqué la situation au Venezuela pour regretter que les politiques qui ont provoqué les pénuries n’aient pas été évoquées.

Africa Culture Internationale a dénoncé les mesures prises par Israël contre des lieux de culte musulmans à Jérusalem, ainsi que les entraves de l’Arabie saoudite à la venue de Qatariens à La Mecque. Les lieux de culte ne devraient pas faire l’objet d’enjeux politiques, a souligné l’ONG.

Réponses et conclusions des titulaires de mandat

M. ALFRED DE ZAYAS, Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, a remercié les délégations pour leurs commentaires, ajoutant que les points de vue qu’il a défendus dans son rapport s’agissant de la Banque mondiale ont depuis longtemps déjà été exprimés dans le livre de la journaliste canadienne Naomi Klein intitulé « La Stratégie du choc : la montée d'un capitalisme du désastre » (« The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism ») publié en 2008. Ce qui est étonnant, est que ces points de vue n’aient pas été repris depuis longtemps, a relevé M. de Zayas.

M. de Zayas a rejeté les attaques ad nominem qu’elles viennent des États ou de la société civile. Les titulaires de mandat ne devraient pas être traités «d’assemblées de Cassandre», alors qu’ils font un travail formidable, a-t-il déclaré. M. de Zayas, qui termine son mandat, a affirmé que son successeur aura du « pain sur la planche et bien des défis à relever », à cause de l’unilatéralisme qui menace la paix dans le monde. Il est anormal qu’un pays consacre plus d’un tiers de son budget à l’armement, au détriment de la santé et de l’éducation, a souligné l’Expert indépendant. L’interventionnisme extraterritorial, qui est une claire violation du droit international, ne constitue pas un facteur de paix, a-t-il ajouté. La manipulation et le détournement des notions de droits de l'homme à des fins militaires ou mercantilistes nous éloignent des objectifs communs de l’humanité, a-t-il ajouté, appelant à un retour vers un état d’esprit plus pacifique. Les peuples qui voient leurs droits de l'homme violés pourraient bénéficier d’une Cour mondiale des droits de l'homme, a enfin plaidé M. de Zayas.

M. IDRISS JAZAÏRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l'homme, a de nouveau souligné que c’est la licéité des mesures coercitives unilatérales appliquées contre des pays qui était ici en cause, d’autant que le droit coutumier donne quelques indications à cet égard. Mais compte tenu des divergences, le Rapporteur spécial a indiqué qu’il propose aussi qu’un organe tel que la Cour internationale de Justice se prononce sur cette question – d’autant que ces mesures coercitives unilatérales ont des effets sur les droits de l'homme. « Il n’y a pas de raisons que des populations innocentes paient pour des désaccords politiques entre grands de ce monde », a déclaré M. Jazaïry, ajoutant que cela n’avait pas beaucoup de sens d’entraver les droits de l'homme en prétendant les défendre.

Le Rapporteur spécial a en outre rappelé qu’une observation générale adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels souligne la responsabilité des États lorsque leurs actes ont des conséquences extraterritoriales. Le Conseil devrait s’inspirer de cette observation générale et voir comment les effets de ces mesures coercitives peuvent être minimisés sur des populations qui n’ont rien à voir avec les conflits entre États, a affirmé le Rapporteur spécial.

M. Jazaïry a fait observer que l’on voit bien que les sanctions ne produisent pas toujours les effets escomptés, comme l’illustre le cas du Myanmar, pays contre lequel les États-Unis avaient imposé des sanctions avant de les lever, a-t-il rappelé ; c’est actuellement aussi le cas pour des pays comme la Syrie, a-t-il ajouté.

Droit au développement

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du (premier) rapport du Rapporteur spécial sur le droit au développement (A/HRC/36/49), qui a pris ses fonctions le 1er mai 2017.

M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a expliqué que plus de 30 ans après l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement, ce droit est loin d’être reconnu universellement et est encore plus éloigné de sa pleine mise en œuvre. La réalité est que des milliards de personnes ont besoin d’améliorer leur vie et ont le droit de voir réaliser leurs droits de l’homme, y compris le droit au développement, a-t-il souligné. Le droit au développement met l’accent sur le droit à s’épanouir pleinement, a-t-il rappelé. Le Conseil a insisté sur le besoin de rendre réel le développement pour tous, a-t-il ajouté; l’objectif doit être le développement pour tous et pas seulement la croissance économique – cette dernière étant quantitative et n’ayant pas de valeur en soi, alors que le développement, lui, a une valeur qualitative.

M. Alfarargi a ensuite présenté les grandes lignes de son mandat. La première est que le Rapporteur spécial va œuvrer à mettre fin aux obstacles au droit au développement, qu’il s’agisse de la politisation, des changements climatiques, de la financiarisation des services publics, de la corruption, des pandémies mondiales ou du vieillissement de la population. En deuxième lieu, le Rapporteur spécial va entamer un dialogue constructif avec les États pour encourager et échanger les bonnes pratiques aux fins de la réalisation du droit au développement dans le contexte de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030, du Cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, de l’Agenda d’action d’Addis Abeba ou encore de l’Accord de Paris sur le climat. En troisième lieu, le Rapporteur spécial va réfléchir aux mesures pratiques et à la formulation de recommandations pour la réalisation du droit au développement aux niveaux national et international. Le Rapporteur spécial contribuera aussi aux travaux du Groupe de travail sur doit au développement afin de soutenir l’accomplissement de son mandat.

M. Alfarargi a souligné qu’il présentait le présent rapport seulement quelques mois après sa nomination. Il s’est dit conscient des sensibilités liées au débat sur le droit au développement. Pour conclure, le Rapporteur spécial a rappelé que pour réaliser son mandat, il aurait besoin de la pleine coopération des États membres, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, ainsi que du soutien du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Débat interactif

Le Pakistan, au nom de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), a indiqué que les pays membres sont décidés à passer à l’opérationnalisation du droit au développement et que la question la plus pressante reste la rhétorique sur sa mise en œuvre. Le droit au développement est un droit humain universel et il faut réfléchir aux moyens d’appliquer ce droit. L’OCI a demandé au Conseil de redoubler d’efforts pour déterminer les critères qui permettront de réaliser ce droit.

L’Union européenne a souligné que les droits civils et politiques doivent être réalisés en même temps que les droits économiques, sociaux et culturels pour promouvoir le développement durable et contribuer à la résolution des différends. Il faut reconnaître que le droit au développement suscite des divergences de points de vue, a poursuivi l’Union européenne, soulignant ne pas être favorable à l’élaboration d’une norme internationale juridiquement contraignante en la matière, car elle estime que ce n’est pas le bon moyen.

La Tunisie, au nom du Groupe africain, a rappelé que le droit au développement est un droit inaliénable. Le Groupe africain souscrit à l’idée que les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques visent à améliorer le sort des populations. La délégation tunisienne, qui souligne que le droit au développement doit aussi être pris en compte par les États en développement, a demandé aux États de coopérer avec le Rapporteur spécial en lui permettant des visites de pays, en lui fournissant les informations requises et en suivant ses recommandations.

Les Philippines, au nom de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ANASE, ou ASEAN selon l’acronyme anglais), ont espéré que le Rapporteur spécial aiderait à réaliser le droit au développement, droit humain inaliénable; conscientes qu’il reste encore beaucoup à faire, les Philippines ont encouragé tous les États à y contribuer de manière constructive. L’Égypte, au nom du Groupe des États arabes, a indiqué que les membres du Groupe travaillent à l’établissement d’un système basé sur l’efficacité financière et budgétaire au niveau régional afin d’améliorer les conditions de vie de tous.

Cabo Verde, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), a souligné que la problématique du développement est centrale pour la Communauté, composée en majorité de pays en développement. La CPLP est convaincue que les activités relatives au droit au développement sont essentielles au sein des Nations Unies et qu’elles exigent une action coordonnée. La délégation caboverdienne a jugé essentiel de disposer d’indicateurs pour évaluer les progrès dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est félicité de l’approche présentée par le Rapporteur spécial, qui met en exergue la coopération. Le Mouvement reconnaît les difficultés qui ont fait obstacle à la réalisation du droit au développement et espère que ce mandat permettra de les surmonter. La délégation vénézuélienne a lancé appel au Conseil et à ses mécanismes afin qu’ils apportent tout le soutien nécessaire à cette fin.

Les Émirats arabes unis ont exprimé la conviction que le droit au développement est essentiel pour la réalisation des droits de l’homme et a regretté la position conservatrice de certains pays développés quant à l’application de directives. Les Émirats arabes unis ont fait observer que le droit au développement ne concerne pas seulement les pays en développement, attirant l’attention sur la pauvreté dans les pays développés. La politique de développement des Émirats arabes unis a un visage humain car elle place en son centre les besoins élémentaires de l’être humain.

La Sierra Leone a rappelé qu’il ne suffit pas d’avoir des références en termes d’accords internationaux, mais qu’il faut les traduire en action, notamment pour garantir le droit au développement et le respect de l’obligation de ne laisser personne de côté figurant dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. La Sierra Leone a demandé au Rapporteur spécial comment assurer que son travail s’inscrive dans les processus de suivi du Programme de développement durable à l’horizon 2030 aux niveaux national, régional et international. Le Brésil a souligné que la reconnaissance du droit au développement en tant que droit égal aux autres droits de l’homme constitue un jalon important. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est un exemple concret de l’interdépendance entre le développement durable et les droits de l’homme, a ajouté la délégation brésilienne.

Pour mettre en œuvre un ordre international équitable et réaliser le droit au développement, il faut répondre aux besoins des pays en développement, a souligné le Pakistan, ajoutant que la route économique construite avec la Chine (corridor économique Chine-Pakistan) est une manière de réaliser ce droit pour tous les États de la région. Constatant que les disparités ne cessent de grandir entre les pays riches et ceux en développement, et au sein-même des pays en développement, causant des tensions ou des conflits, le Togo a souligné que la réalisation du droit au développement devient une priorité et a appelé tous les États à participer au plan international visant à la réalisation de ce droit. C’est en effet un droit fondamental qui affecte tous les autres, comme celui à la santé, à l’éducation ou à l’eau potable, a pour sa part rappelé le Soudan, avant de demander au Rapporteur spécial s’il considère que les mesures coercitives unilatérales sont une entrave à la réalisation du droit au développement.

Parmi les défis que la Malaisie constate pour la réalisation du droit au développement, il y a la polarisation de cette question entre pays du Nord et pays du Sud, alors qu’il faut, selon elle, dépasser cet antagonisme. Le droit au développement est un bien commun, a souligné la Malaisie. Cuba a elle aussi déploré la politisation de cette question, d’autant que le Rapporteur spécial n’a pas pu participer à la dernière session du Groupe de travail sur le droit au développement. Cuba appelle toutes les délégations à apporter un soutien ferme au Rapporteur spécial. Rappelant soutenir le mandat du Rapporteur spécial, l’Égypte a appelé les États qui contestent la notion même de droit au développement à revoir leur position et à participer activement à sa réalisation par le biais de la coopération internationale.

Le Venezuela a salué la création historique du mandat du Rapporteur spécial, avant d’appeler à la création d’un instrument international juridiquement contraignant sur le droit au développement, afin d’en faire une réalité. Petit État insulaire en développement, les Maldives ont estimé que la mise en œuvre des Objectifs de développement durable est une manière de rendre le droit au développement concret. Mais compte tenu de leur vulnérabilité face aux changements climatiques et bien qu’elles soient classées parmi les pays à revenu intermédiaire, les Maldives dépendent de la coopération internationale, a rappelé la délégation maldivienne. L’Iraq lui aussi attend un soutien de la communauté internationale, compte tenu de sa situation actuelle, avec des groupes armés terroristes qui agissent dans le pays. Partisane de la coopération Sud-Sud, la Thaïlande a souligné l'importance de créer des synergies entre acteurs afin de réaliser le droit au développement et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a encouragé tous les États à partager leurs bonnes pratiques en matière de droit au développement.

Réponses du Rapporteur spécial

M. ALFARARGI s’est dit conforté par les propos encourageants tenus par les délégations. Il a précisé qu’il voulait élaborer une méthodologie spécifique pour mener à bien des visites dans les pays afin d’évaluer si le droit au développement est respecté. Sur le plan international, la résolution portant création de son mandat prévoit elle-même d’évaluer les efforts faits pour intégrer le droit au développement dans l’ensemble des actions prises par les gouvernements. Au niveau régional, le Rapporteur a expliqué avoir prévu d’identifier les bonnes pratiques dans la mise en œuvre du droit au développement.

Globalement, les pays visent toujours le même objectif : réaliser le droit au développement, a rappelé le Rapporteur, avant de préciser que la croissance n’est pas une condition sine qua non, le droit au développement n’étant en effet pas seulement économique. Le droit au développement vise l’ensemble des droits et du bien-être de l’être humain, a-t-il conclu.



For use of the information media; not an official record

HRC/17/126F