Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DÉBAT DE L’IMPACT DU RACISME SUR LES DROITS FONDAMENTAUX DES FEMMES ET DES FILLES
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, une réunion-débat consacrée à l’impact, sur le plein exercice par les femmes et les filles de tous leurs droits fondamentaux, des formes multiples et convergentes de discrimination et de violence dans le contexte du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.
Animée par Mme Maria Nazareth Farani Azevêdo, Représentante permanente du Brésil auprès des Nations Unies à Genève, la réunion-débat a compté avec la participation de quatre panélistes : Mme Hilary Gbedemah, membre du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ; M. Carlos Augusto Viafara Lopez, professeur au Département d’économie de l’Université de la Valle, en Colombie ; Mme Warda El-Kaddouri, chercheuse, déléguée des jeunes de la Belgique aux Nations Unies en 2015 et 2016 ; et Mme Anastasia Crickley, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.
Dans une déclaration liminaire, Mme Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a observé que les femmes appartenant aux minorités courent davantage de risque de vivre dans la pauvreté et qu’elles rencontrent d’immenses difficultés dans l’accès aux services, à l’éducation et au logement. Mme Gilmore a ainsi expliqué qu’une étude réalisée dans onze États membres de l’Union européenne au sujet des conditions de vie des Roms montre que seules 23% des jeunes femmes roms fréquentent l’école après 16 ans, contre 32% des hommes roms et la majorité des femmes d’autres origines.
Mme Gbedemah a souligné d’emblée que l'intersectionnalité était un concept de base pour comprendre les obligations des États en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : les États doivent reconnaître et interdire de telles formes de discrimination composite, qui entraînent non seulement des violences physiques, mais aussi souffrances psychiques et sexuelles. Dans les zones rurales, les femmes autochtones ou d’ascendance africaine sont davantage exposées à la pauvreté : il s’agit d’une violence économique et psychologique. La discrimination opère alors sur des critères de classe, d’ethnicité et de religion tout à la fois, a dit aussi Mme Gbedemah. M. Lopez a constaté, pour sa part, que les femmes noires étaient prises dans un « cercle d’inconvénients cumulés », à savoir qu’un handicap ou un désavantage en entraîne un autre, qui lui-même en entraîne un autre, et ainsi de suite. Pour briser le cercle vicieux, l’universitaire a plaidé pour des politiques d’affirmation positive en direction des populations concernées.
Mme El-Kaddouri a encouragé les États à ne pas diaboliser les femmes de couleur qui portent le flambeau de la lutte contre les formes multiples de discrimination. Elle a souligné aussi l’importance d’identifier les groupes de femmes qui font l’objet de discriminations multiples, d’informer ces femmes de leurs droits fondamentaux et de les intégrer dans les politiques de lutte contre les discriminations. Mme Crickley a observé qu’au-delà des statistiques, il importe aussi de prendre en compte l’expérience vécue par les personnes victimes de la discrimination raciale. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes évoque systématiquement, lors de l’examen des rapports des États, le problème de la vulnérabilité des femmes migrantes face à la discrimination raciale, a précisé l’experte.
Au cours du débat, il a été souligné que la lutte contre les discriminations envers les femmes et les filles exige des efforts soutenus et à long terme, ainsi que l’établissement de mécanismes institutionnels avec des indicateurs spécifiques susceptibles de mesurer les discriminations. Une délégation a jugé absurde et inadmissible qu’en 2017 les femmes et les filles soient encore laissées de côté dans tant de domaines.
Le Conseil achèvera demain matin, à partir de 9 heures, le débat général sur la Déclaration et le Programme d’action de Vienne. Il tiendra ensuite un débat général sur le racisme, dans le cadre du suivi et de l’application de la Déclaration et du Programme d’action de Durban ; et examinera, au cours de la journée, des rapports sur la situation des droits de l’homme en Ukraine, dans la République démocratique du Congo, au Cambodge et en Somalie.
Réunion-débat sur l’impact des formes multiples et convergentes de discrimination et de violence dans le contexte du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée sur le plein exercice par les femmes et les filles de tous leurs droits fondamentaux
Déclaration liminaire
MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a observé que les femmes appartenant aux minorités courent davantage de risque de vivre dans la pauvreté et qu’elles rencontrent d’énormes difficultés dans l’accès aux services, à l’éducation et au logement notamment. Mme Gilmore a ainsi expliqué qu’aux États-Unis, les femmes d’ascendance africaine risquent trois fois plus que les autres de mourir pendant l’accouchement ; une étude réalisée dans onze États membres de l’Union européenne au sujet des conditions de vie des Roms montre que seules 23% des jeunes femmes roms fréquentent l’école après 16 ans, contre 32% des hommes roms et la majorité des femmes d’autres origines. Mme Gilmore a ajouté qu’au Guatemala, 64% de toutes les femmes autochtones sont des travailleuses domestiques non rémunérées, avec peu ou pas d’accès indépendant à la terre, au crédit ou à d’autres ressources productives.
La Haut-Commissaire adjointe a également évoqué des « stéréotypes débilitants » dus aux formes multiples de discrimination à l’égard des femmes des communautés marginalisées. Ainsi, en France, une expérience a démontré qu’une femme ayant un nom à consonance africaine a 8,4% moins de chances d’être appelée pour un entretien d’embauche qu’une femme ayant un nom à consonance française. Quant à l’Agence européenne des droits fondamentaux, une de ses recherches montre que la plupart des actes islamophobes commis en 2015 ciblaient des femmes (70% en France et 90% aux Pays-Bas).
Dans un contexte de conflit ou de migration, les femmes et les filles issues de groupes ethniques et religieux, ou de populations autochtones, subissent aussi de graves atteintes à leurs droits : mariage forcé, traite des êtres humains, viol systématique, abus et esclavage sexuels. Cette tendance est si marquée que la violence sexuelle fondée sur l’appartenance ethnique a été reconnue comme une arme de guerre aussi bien par le Tribunal pénal international pour le Rwanda que par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a souligné Mme Gilmore.
La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme a observé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est le document le plus récent à réitérer l’appel sans équivoque visant à garantir l’égalité des chances et à mettre fin à la discrimination envers les femmes. Elle a cité à cet égard les objectifs n° 5 (promotion de l’égalité des sexes) et 10 (réduction des inégalités dans et entre les pays). Le succès de ce programme sera mesuré à la manière dont on traite les femmes et les filles appartenant aux communautés les plus marginalisées, a conclu Mme Gilmore.
Présentation des panélistes
MME HILARY GBEDEMAH, membre du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a déclaré que, dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, l'intersectionnalité signifiait qu’il y avait deux ou plusieurs types de discrimination créant des inégalités. L'intersectionnalité est un concept de base pour comprendre les obligations des États en vertu de la Convention : ils doivent reconnaître et interdire de telles formes de discrimination composite. Les violences composites ne sont pas uniquement physiques : il s’agit aussi de souffrances psychiques, sexuelles ou autres.
Les travailleuses migrantes font face à de multiples formes de discrimination sur la base de leur sexe et aussi de leur origine ethnique. On sait d’autre part que les femmes et les jeunes filles apatrides font face à des risques plus importants de violence lors des conflits. Dans les zones rurales, les femmes autochtones ou d’ascendance africaine sont davantage exposées à la pauvreté : il s’agit d’une violence économique et psychologique. La discrimination opère alors sur des critères de classe, d’ethnicité et de religion tout à la fois. Une attention toute particulière doit être apportée aux femmes migrantes, réfugiées ou déplacées dans leur pays.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a entrepris une enquête novatrice sur le Canada, qui a montré que des violations graves y avaient été commises contre des femmes autochtones. Des recommandations ont été faites face à cette situation, y compris pour demander l'établissement d'une enquête.
M. CARLOS AUGUSTO VIAFARA LOPEZ, professeur au Département d’économie de l’Université de la Valle, en Colombie, a commencé par dire qu’il est important de définir ce que l’on entend par « discrimination », car tout ce que l’on observe ne procède pas nécessairement de la discrimination. Cela dit, la définir n’est pas chose aisée, car il faut pouvoir déterminer si la race et le genre jouent un facteur déterminant dans le phénomène observé.
En tout état de cause, l’étude et la méthodologie adoptées par le professeur Lopez montrent que les jeunes filles noires entre 6 et 9 ans et entre 10 et 15 ans ont plus de risques de quitter l’école que les filles blanches. Elles ont également moins de chances de suivre un cursus scolaire secondaire ou universitaire et donc un risque plus élevé d’être moins formées que les blanches.
Le schéma est le même pour les hommes noirs par rapport aux homme blancs, même si l’écart est moins grand que pour les femmes. La tendance se retrouve également sur le marché de l’emploi, où, à cause de leur faible niveau de formation, les femmes noires ont plus de chance d’occuper des postes de travail manuel, comme il a été observé dans une étude menée dans la ville de Cali. Hommes et femmes noirs ont moins de chance d’occuper un travail à forte valeur ajoutée, a poursuivi M. Lopez : ce fait découle de ce qui est appelé le « cercle d’inconvénient cumulé », à savoir qu’un handicap en entraîne un autre, qui lui-même en entraîne un autre, et ainsi de suite. Dans ce contexte et pour briser le cercle vicieux, l’universitaire a plaidé pour des politiques d’affirmation positive en direction des populations concernées.
MME WARDA EL-KADDOURI, chercheuse, Déléguée des jeunes de la Belgique aux Nations Unies en 2015 et 2016, a donné des exemples tirés de son expérience personnelle sur les moyens de promouvoir le droit des filles et des femmes à l’autonomisation dans un contexte croissant de manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de rhétorique populiste. Elle a notamment présenté son point de vue sur la décision de la Cour européenne de justice autorisant les employeurs à interdire à leur personnel de porter des symboles idéologiques visibles, décision qui, selon la panéliste, revient à une interdiction déguisée du port du hijab sur le lieu de travail dans le secteur privé. L’absence forcée de symboles religieux, comme le hijab, ne peut être neutre en soi, comme le prétendent certains partis populistes de droite, a-t-elle commenté.
Mme El-Kaddouri a encouragé à prendre des distances par rapport à l’idée et au discours politiques selon lesquels les droits de l’homme sont inhérents aux cultures démocratiques occidentales et doivent être inculqués à d’autres. Elle a également recommandé d’investir fortement dans l’inclusion des filles et des femmes et de cesser de diaboliser les femmes de couleur qui portent le flambeau de la lutte contre les formes multiples de discrimination (crimes de haine fondés sur le sexe, islamophobie et discrimination structurelle multiple). Elle s’est ensuite efforcée d’analyser la situation des femmes de couleur visiblement musulmanes qui font partie d’un des groupes sociaux les plus vulnérables en Occident et se heurtent au sexisme et au racisme, entre autres discriminations.
MME ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a souligné que la définition de la discrimination raciale était acceptée par tous les États qui ont adhéré à la Convention. La définition décrit les effets de cette discrimination sur les victimes. Le Comité joue un rôle de pionnier dans la lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes. Il s’est engagé de développer avec tous les États membres une approche pour étudier les discriminations raciales à l’encontre des femmes et intégrer une approche sexospécifique dans l’ensemble de ses travaux. Le Comité est conscient que les États portent toujours une attention insuffisante à la Convention et à son approche sexospécifique.
Au cours des dernières années, le Comité s’est penché sur les discriminations intersectionnelles vécues par les migrantes et les réfugiées, notamment. La vulnérabilité des femmes migrantes face à la discrimination raciale est toujours évoquée lors de l’examen des rapports des États.
Débat
La Tunisie, au nom du Groupe africain, a déploré qu’en dépit de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, ainsi que du Programme d’action de Beijing, les discriminations à l’égard des femmes et filles persistent. Cependant, par la déclaration d’Addis-Abeba, les États africains se sont engagés à prendre des mesures pour combattre les discriminations partout et dès qu’elles se produisent. Parmi les discriminations observées contre les femmes, il y a l’interdiction qui leur est faite de porter le hijab, a dit le Pakistan, s’exprimant au nom de l’Organisation pour la coopération islamique (OCI). Ce genre d’interdiction est la conséquence directe des discours islamophobes qui souhaitent diviser les peuples, a dit la représentante.
L’Union européenne a demandé aux États d’appliquer les instruments internationaux juridiques pertinents pour combattre la discrimination envers les femmes. L’Union européenne a souhaité savoir si les panélistes pouvaient identifier des synergies entre les instruments internationaux de droits de l’homme et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Appliquer ces instruments est la volonté des pays de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), dont la voix a été portée par le Portugal. Et pour preuve, ces pays présenteront au Conseil à la fin de semaine, une résolution visant la protection des droits des filles et des femmes dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a annoncé le représentant. L’Espagne a estimé qu’appliquer le Programme de développement durable à l’horizon 2030 était une obligation pour les États. La Colombie, au nom d’un groupe de pays, a appelé tous les pays à adopter des mesures spécifiques visant les filles et femmes d’ascendance africaine.
Il est important de comprendre que les discriminations ne touchent pas les hommes et les femmes de la même manière, a poursuivi l’Autriche, au nom d’un groupe de pays. Parmi les façons de lutter contre ces discriminations, il y a l’interdiction des pratiques discriminatoires dans les législations, l’implication des femmes dans les processus de décision et la garantie d’un accès à la justice et aux moyens de recours, a expliqué la délégation australienne. C’est ce qu’a fait l’Italie, a-t-elle dit, expliquant appliquer un programme pilote d’accès à la justice par les femmes Roms et caminantis. La délégation a demandé à ce propos aux panélistes s’ils connaissaient des bonnes pratiques qui tiennent compte des spécificités culturelles des communautés mobiles.
Aux Émirats arabes unis, l’article 102 du code pénal sanctionne sévèrement les pratiques discriminatoires, y compris celles basées sur le genre, a assuré leur représentante. L’article 8.2 de la Constitution de la Malaisie a été amendé pour tenir compte des obligations de la Malaisie suite à la ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a assuré son représentant. Comme d’autres États, Israël a dit mettre en œuvre des mécanismes pour prévenir et lutter contre les discriminations faites aux femmes, notamment la fourniture d’une assistance juridique aux femmes victimes de violence conjugale. Au Monténégro, le Gouvernement s’efforcer de créer les conditions propices à l’autonomie des femmes roms et gitanes.
Le Pakistan a jugé nécessaire de s’opposer à tout prix à la discrimination raciale et de « jeter des filets de sécurité structurelle pour la protection des femmes et des filles ». L’Équateur a indiqué que ses propres politiques étaient axées sur une approche sexospécifique, ethnoculturelle, générationnelle, sensible à la situation des handicapées et à la mobilité humaine, en harmonie avec les principaux Objectifs de développement durable. La Grèce a multiplié pour sa part les efforts visant à combattre le racisme et ses différentes manifestations, notamment celles qui reposent sur le sexe. À cet effet, le plan d’action sur l’égalité des sexes a été mis à jour pour mieux appréhender la discrimination et la violence auxquelles les femmes se heurtent.
La Bulgarie a dit que le Conseil des enfants auprès du Conseil des Ministres abordait régulièrement de sujets en rapport avec le racisme et la discrimination, notamment en milieu scolaire. La Bulgarie a pris note de la nécessité de combattre la violence et la traite des êtres humains. Le Canada a déclaré que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées avait marqué un jalon dans la lutte contre cette forme de violence, que le Canada est déterminé à éradiquer.
L’Inde a demandé aux panélistes d’expliquer comment protéger les femmes handicapées contre les violences sexistes, en particulier lorsque les systèmes nationaux sont défaillants dans ce domaine. La Bolivie a demandé aux panélistes quels types d’instruments pourraient aider les États à lutter contre les discriminations faites aux filles et femmes vivant à la campagne.
La Géorgie a admis être confrontée à un problème de taille pour ce qui a trait à la pleine jouissance des droits des femmes et des filles dans les régions occupées et qui demeurent sous occupation militaire étrangère. La Libye a dit qu’elle avait eu à cœur de garantir la participation des femmes aux efforts de pacification du pays pendant la période de transition.
Le Bangladesh a rappelé qu’il est un pays marqué par le pluralisme religieux, dont le Gouvernement s’emploie à favoriser le dialogue avec toutes les composantes religieuses et à garantir les droits des femmes. Il est de la responsabilité des États de veiller à la protection des populations sur son territoire, a dit le Bangladesh : il a demandé au Gouvernement du Myanmar de protéger les Rohingyas. Les circonstances des derniers incidents graves dans ce pays justifient l’établissement d’une Commission d’enquête pour établir les faits et garantir justice aux victimes.
L’Iraq a dit appliquer une politique de réinsertion des femmes victimes des crimes des groupes terroristes, élaborée avec les partenaires des Nations Unies. L’Iraq est tout à fait disposé à partager cette expérience, a dit son représentant.
La Sierra Leone s’est félicitée que cette réunion arrive à point nommé alors que les pays sont embarqués dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il faudrait profiter de cette occasion pour identifier tous les groupes souffrant de formes multiples de discrimination et les mettre au cœur des priorités nationales. Les interventions pourraient être exécutées en fonction des informations quantitatives recueillies. Le moment est venu de passer aux actes, a insisté la représentante. L’Observateur du Saint-Siège a appelé les États à accorder la priorité à une campagne intelligente de promotion des femmes, à commencer par une reconnaissance universelle de la dignité de toutes les femmes.
La Tunisie a décrit les mesures qu’elle a prises pour protéger les droits des femmes, notamment l’adoption d’une Constitution qui, par son article 21, affirme le principe d’égalité entre homme et femmes. La Tunisie vient aussi de lever l’interdiction faite aux femmes tunisiennes d’épouser des non-musulmans, a indiqué la délégation. En Arabie saoudite, il y a des lois sans équivoque sur l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris en matière salariale, a déclaré sa délégation.
Le Burkina Faso, qui a adopté en 2015 une loi sur la prévention, la répression et la réparation pour les violences faites aux femmes, a estimé que le vrai problème est la méconnaissance des effets de certaines pratiques culturelles sur les droits des femmes. Il faut mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation aux droits de l'homme, a plaidé la représentante. La responsabilité de combattre ces discriminations est du ressort des États, ont estimé les Maldives.
Le Mexique a observé que toutes les mesures évoquées pendant le débat exigent des efforts soutenus et à long terme, ainsi que l’établissement de mécanismes institutionnels avec des indicateurs spécifiques susceptibles de mesurer les discriminations. Partant d’un diagnostic statistique, le Mexique s’est doté de programmes ciblant les femmes handicapées et autres femmes appartenant à des groupes vulnérables. Il a jugé absurde et inadmissible qu’en 2017 les femmes et les filles soient encore laissées de côté dans tant de domaines.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. Le Mouvement international contre toutes les formes de discrimination a regretté le manque d’informations fiables sur la situation des femmes dalits, en Inde, et des femmes appartenant à la communauté des burakumin, au Japon, deux groupes historiquement discriminés. Ainsi, les femmes burakumin ne disposent quasiment d’aucun accès à l’emploi et aux soins de santé. Les femmes dalits, pour leur part, courent de grands risques de violence sexuelle, de traite et de mariage forcé, et n’ont pratiquement aucun recours car elles sont confrontées à de sérieuses difficultés d’accès aux systèmes formels de justice.
Action Canada for Population and Development, au nom de la Coalition des LGBT et d’une autre organisation, a recommandé de créer davantage d’espace pour mettre en valeur les luttes des femmes noires et migrantes dans les instances de l’ONU. Le Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers a souligné l’impact de la discrimination raciale dans les systèmes de justice pénale. Elle a demandé aux panélistes de dire quelles mesures prendre pour assurer le respect des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok, 2011).
Verein Südwind Entwicklungspolitik a dénoncé la discrimination institutionnalisée et systématique des femmes iraniennes, qui se manifeste par des mariages forcés et par la quasi-vente de jeunes filles comme compensation pour dettes.
Le Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droits de l'homme a dénoncé les séquestrations et les viols dont sont victimes les femmes prises, au centre et au sud de l’Iraq, dans les activités des terroristes. Les femmes saoudiennes et bahreïnies connaissent également de fortes discriminations, a ajouté l’organisation. L’Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement – OIDEL a également alerté sur le sort fait aux femmes arabes, dans leurs pays d’origine et aussi dans les pays de l’Union européenne où leurs droits en tant que migrantes ne sont pas respectés – sans compter l’interdiction de porter le hijab.
L’Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination racial a demandé aux États de collecter des données ventilées sur toutes les violences envers les femmes et d’obliger leurs auteurs à rendre des comptes devant la justice.
Réponses et conclusions des panélistes
MME GBEDEMAH a expliqué que la sensibilisation doit se faire sur base de preuves concrètes, c’est pourquoi le Comité pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes demande toujours aux États dont il examine les rapports de fournir des statistiques sur les différents groupes de femmes, notamment les réfugiées et les migrantes. Le Comité a émis plusieurs recommandations visant à améliorer la protection des droits des femmes migrantes ou réfugiées dans différents pays, notamment le financement des organisations qui défendent ces femmes.
Mme Gbedemah a souligné également qu’il fallait sensibiliser aux conséquences des discriminations multiples. La participation des femmes pour lutter contre ces discriminations est essentielle. Il faut examiner l’impact des formes intersectionnelles de discrimination. Il faut renforcer les institutions à tous les niveaux et donner les financements conséquents pour y parvenir. Les États doivent jouer un rôle de chef de file pour contrer les stéréotypes et la patriarchie. Il faut enfin accorder une assistance juridique à toutes les victimes des formes intersectionnelles de discrimination.
M. LOPEZ a expliqué que l’approche ethnico-raciale de la lutte contre les discriminations envers les femmes devait être combinée à l’approche de genre. Il importe également de donner aux femmes noires un accès à une éducation de qualité. M. Lopez a souligné qu’il fallait lutter contre les discriminations multiples envers les femmes par le biais de démarches associant politiques éducatives et mesures d’insertion dans le marché du travail. Il a aussi observé que le cadre législatif international de lutte contre la discrimination devait s’accompagner d’un cadre local, car les autorités locales sont les principales responsables de la lutte contre les discriminations à l’encontre des populations autochtones et des femmes noires.
Pour MME EL-KADDOURI, la lutte contre les formes multiples de discrimination doit passer par des changements à de nombreux niveaux, notamment au niveau de l’éducation. Les actes islamophobes augmentent depuis quelques années et les États doivent investir pour faire des recherches sur cette question. Il faut faire connaître la législation sur les droits de l’homme. Il faut également qu’une personne victime de discriminations sache à qui en parler et auprès de qui porter plainte. Mme El-Kaddouri a enfin souligné l’importance d’identifier les groupes de femmes qui font l’objet de discriminations multiples, d’informer ces femmes de leurs droits fondamentaux et de les intégrer dans les politiques de lutte contre les discriminations.
MME CRICKLEY a souligné que chaque État devait disposer des données nécessaires pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Cependant, au-delà des statistiques, il importe aussi de prendre en compte l’expérience vécue par les personnes victimes de la discrimination raciale ; elle a observé à ce propos qu’il n’existe pas de hiérarchie dans l’oppression raciste. Avant tout, il convient de rassembler la volonté politique indispensable à l’application des instruments internationaux déjà existants. À ce propos, l’experte a appelé le Myanmar à ratifier rapidement la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
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HRC/17/149F