Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DU TADJIKISTAN AU TITRE DE LA CONVENTION ET DE DEUX DE SES PROTOCOLES
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier et ce matin, les rapports présentés par le Tadjikistan au sujet des mesures qu’il a prises pour appliquer la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que ses Protocoles facultatifs sur l’implication d’enfants dans les conflits armés et sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
Présentant les rapports, le Ministre de la justice du Tadjikistan, M. Rustam Shohmurod, a déclaré qu’en dépit des défis posés par la transition d’un régime totalitaire vers une démocratie, et des affres de la guerre suite au démantèlement de l’Union soviétique en 1991, son pays, qui compte 8,9 millions d’habitants, dont 3,5 millions âgés de moins de 18 ans, s’est doté d’une base normative alignée sur les instruments internationaux, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à la santé.
Le Ministre de la justice a cité en particulier la loi sur la protection de l’enfant, adoptée en mars 2015, qui stipule tous les droits de l’enfant, qu’elle définit comme l’individu n’ayant pas encore atteint 18 ans. M. Shohmurod a brièvement décrit les progrès enregistrés par le Tadjikistan grâce à l’application du plan quinquennal de réforme de l’administration de la justice pour mineurs, qui fixe à 14 ans l’âge de la responsabilité pénale et limite à 12 ans la sentence maximale qu’il est possible d’infliger à un mineur.
Mme Amal Salman Aldoseri, membre du Comité et corapporteuse pour l’examen du rapport du Tadjikistan, a voulu savoir quels efforts avaient été déployés pour garantir les droits des enfants dans la nouvelle économie industrialisée du Tadjikistan et quelle place y prenait la protection de l’environnement, compte tenu de la prolifération de nouvelles usines. La corapporteuse, Mme Renate Winter, a noté que la discrimination à l’égard des filles persistait dans la pratique sinon dans la loi du Tadjikistan et que les handicapés étaient toujours considérés comme des citoyens de deuxième classe.
Les autres membres du Comité ont traité, en particulier, du respect des opinions de l’enfant et de son droit à être entendu dans les procédures le concernant, y compris judiciaires. Ils se sont également intéressés aux mesures prises, ou envisagées, pour remédier aux maltraitances et à la violence domestique dans le milieu scolaire. Le travail des enfants dans le secteur informel, souvent non rémunéré lorsqu’il s’agit du travail domestique, a aussi fait l’objet de discussion avec la délégation.
S’agissant des rapports sur l’application des Protocoles facultatifs, Mme Hynd Ayoubi Idrissi, corapporteuse, s’est enquise de la coordination des multiples mécanismes chargés du suivi du protocole concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Mme Ann Marie Skelton, également corapporteuse, a demandé si le Tadjikistan envisageait de ratifier la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
Concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, Mme Amal Salman Aldoseri s’est enquise des efforts déployés pour prévenir la radicalisation des jeunes et leur enrôlement dans des groupes armés non-étatiques. Mme Ayoubi Idrissi, corapporteuse, s’est interrogée sur le sort d’enfants tadjiks enrôlés en Afghanistan ou en Syrie, une fois de retour au Tadjikistan. Plusieurs experts se sont également intéressés aux mesures prises en faveur des enfants victimes de mines antipersonnel.
La délégation tadjike était composée de la Directrice de l’agence des statistiques rattachée à la Présidence de la République, Mme Gulnora Hasanzoda ; du Ministre adjoint de l’intérieur, M. Alamsho Alamshozoda ; et de la Ministre adjointe à la santé et à la protection sociale, Mme Saeeda Umarzoda. Mme Rajabmo Habibulozoda, Médiatrice des enfants, a également assisté aux débats en qualité d’observatrice indépendante. La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité portant, notamment, sur les mariages de mineurs, sur la prise en charge des enfants vivant avec le VIH/sida, sur le traitement réservé aux mineurs par le système judiciaire et sur la protection des enfants vivant dans les zones rurales.
Au terme des débats, M. Shohmurod a confié que l’implication des enfants dans la prise de décisions les concernant était un concept tout à fait étranger au Tadjikistan, mais qui commençait pourtant « à faire son chemin dans les esprits ».
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur les rapports du Tadjikistan et les rendra publiques à l'issue de la session, le 29 septembre.
La prochaine réunion publique du Comité aura lieu demain vendredi, à partir de 10 heures, pour examiner le rapport du Danemark (CRC/C/DNK/Q/5).
Présentation des rapports
Le Comité était saisi des troisième à cinquième rapports périodiques du Tadjikistan (CRC/C/TJK/3-5) au sujet de l’application de la Convention, ainsi que de ses réponses (CRC/C/TJK/Q/3-5/Add.1) à la liste de « points à traiter » (CRC/C/TJK/Q/3-5) que lui avait adressée le Comité. Ce dernier était, de même, saisi des rapports concernant l’application des Protocoles facultatifs à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/TJK/Q/1) et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/OPAC/TJK/Q/1).
M. RUSTAM SHOHMUROD, Ministre de la justice du Tadjikistan, chef de la délégation, a présenté ces rapports en décrivant les nombreux défis que son pays avait dû relever durant la période de transition d’un régime totalitaire à la démocratie. Il a également mis l’accent sur les dommages subis lors des années de guerre civile. Malgré cela, le Tadjikistan s’est efforcé de prendre les mesures nécessaires pour appliquer les recommandations du Comité. L’article 34 de la Constitution, qui protège la mère et l’enfant, est le pilier d’un système juridique national que les autorités sont en train d’aligner sur les normes internationales. Le Ministre a précisé que la population tadjike compte 8,9 millions d’habitants, dont 3,5 millions âgés de moins de 18 ans.
M. Shohmurod a fait valoir la consultation et la coopération de son Gouvernement avec les organisations de la société civile. Depuis 2008, des commissions pour la famille, la jeunesse et les sports ont été mises en place dans plusieurs villes et régions. Un institut chargé des droits de l’enfant veille pour sa part à la sensibilisation de la population et à la coopération avec les différentes composantes de la société. Un département a été créé au sein du Ministère de l’intérieur pour œuvrer à la prévention de la violence à l’égard des mineurs.
Le Tadjikistan s’est aussi doté d’une base normative pour la protection et la promotion des droits de l’enfant. Ainsi, suite à une recommandation du Comité, une loi sur la protection des droits de l’enfant a été adoptée en mars 2015 : elle stipule tous les droits de l’enfant, qu’elle définit comme l’individu n’ayant pas encore atteint 18 ans. Un recensement d’enfants orphelins a également été mené, tandis qu’une série de textes législatifs ont garanti des allocations au profit des orphelins ou des parents n’ayant pas les moyens matériels suffisants pour s’occuper correctement de leurs enfants, a encore déclaré M. Shohmurod.
L’âge minimum du mariage est passé de 17 à 18 ans ; des sanctions sont prises contre toute personne coupable d’avoir « arrangé un mariage de mineur ». Une loi sur la responsabilité des parents a en outre été adoptée pour éviter que les enfants ne soient envoyés à l’étranger ou embrigadés par des extrémistes. Le Ministre de la justice a ensuite expliqué que 18 centres de crise avaient été ouverts afin de venir en aide aux enfants victimes de violence domestique.
Au sein du système de justice, le mineur fait l’objet d’une procédure distincte de celle réservée aux adultes. Durant l’interrogatoire, la présence d’un avocat, d’un psychologue ou d’un enseignant est obligatoire. Le Code pénal prévoit des garanties pour les condamnés mineurs, notamment des règles en matière d’alimentation et la séparation des adultes. De nombreux articles du Code pénal définissent les crimes commis à l’égard de mineurs, a ajouté le chef de la délégation.
Un groupe de travail a été créé en vue d’introduire, dans le Code pénal, des peines alternatives à la privation de liberté. Un plan national 2010-2015 sur la réforme de la justice pour les mineurs a été mis en œuvre : il fixe à 14 ans l’âge de la responsabilité pénale et limite la sentence qu’il est possible d’infliger à un mineur à 12 ans de détention au maximum. Avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), des salles pour l’audition de mineurs ont été ouvertes dans sept tribunaux. Le Tadjikistan ne dispose pas de prison pour les mineurs.
M. Shohmurod a ajouté que de nouvelles formes d’éducation inclusive ont vu le jour et qu’il est désormais interdit de soumettre les enfants à des travaux agricoles. D’autre part, il existe désormais un département universitaire consacré aux droits de l’homme. Il existe en outre 602 garderies maternelles.
Le travail des enfants demeure l’un des principaux problèmes du Tadjikistan. Plusieurs projets sont appliqués pour y mettre un terme. Un programme national 2015-2020 visant l’élimination des pires formes de travail est également en cours d’application.
Le code de la santé contient des dispositions sur la protection de la santé des enfants et des femmes et sur la planification familiale. Le programme de prévention du VIH/sida informe la population sur le virus, sur ses modes de transmission et sur les moyens de prévention. Par ailleurs, des mesures sont prises en vue de réduire la mortalité maternelle, a ajouté le chef de la délégation du Tadjikistan.
Examen du rapport du Tadjikistan au titre de la Convention
Questions et observations des membres du Comité
MME AMAL SALMAN ALDOSERI, membre du Comité et corapporteuse pour l’examen du rapport du Tadjikistan, s’est demandé si les lois mentionnées par l’État partie étaient assorties de mesures d’application. Elle s’est enquise du fonctionnement et du budget de la Commission gouvernementale des droits de l’enfant ainsi que du Département des droits de l’enfant attaché au cabinet présidentiel. Les principaux postes de ces deux organes sont vacants, a-t-elle remarqué. Les enfants sont-ils au courant de l’existence du Bureau du Médiateur, y ont-ils accès et peuvent-ils déposer plainte sans forcément être accompagnés de leurs parents ou tuteurs ? Le Bureau du Médiateur respecte-t-il l’anonymat des enfants ?
La rapporteuse a voulu savoir quels efforts avaient été déployés pour garantir les droits des enfants dans la nouvelle économie industrialisée du Tadjikistan et quelle place y prenait la protection de l’environnement, compte tenu de la prolifération de nouvelles usines. Mentionnant cinquante cas de mariages illégaux de mineurs (nikah), Mme Aldoseri a voulu savoir si les religieux incriminés avaient été sanctionnés, ou même sensibilisés à ce problème. Elle a aussi prié le Tadjikistan d’envisager d’abolir l’isolement cellulaire en tant que sanction.
MME RENATE WINTER, Présidente du Comité, corapporteuse, a noté que la discrimination à l’égard des filles persistait dans la pratique sinon dans la législation du Tadjikistan. De leur côté, les handicapés sont considérés comme des citoyens de deuxième classe au sein de la société. Beaucoup d’enfants sont placés en institution : on les retrouve souvent dans le système judiciaire. Que faire pour prévenir cette situation et garantir, en pratique, les mêmes droits à l’éducation et à la santé pour tous les enfants, a-t-elle demandé. Quant aux enfants vivant avec le VIH/sida, certains ne désirent pas être enregistrés en tant que tels en raison de leur stigmatisation sociale, a remarqué Mme Winter, qui a prié la délégation d’expliquer ce que les autorités font à ce propos.
Les enfants en milieu rural bénéficient-ils des mêmes droits et services, s’est-elle également enquise, avant de se pencher sur la situation des enfants migrants et réfugiés. Ces derniers sont forcés de vivre dans des zones spécifiques, ce qui restreint leur liberté de mouvement. Elle a rappelé que tous les enfants se trouvant sur le territoire de l’État partie doivent être enregistrés, au même titre que les nouveau-nés. La Présidente du Comité a recommandé de créer des brigades mobiles d’enregistrement des naissances.
Une autre experte du Comité s’est enquise de la loi de 2015 sur la protection de l’enfance, se demandant si elle incluait le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans l’affirmative, quelles mesures sont prises pour intégrer systématiquement ce principe dans toutes les politiques et tous les programmes touchant les enfants, a voulu savoir l’experte. Elle a exhorté le Tadjikistan à appliquer sans restriction le principe de respect des opinions de l’enfant dans les questions qui le concernent, dans tous les aspects de la vie publique et privée.
Une autre experte a observé que si la violence est interdite dans les écoles, on peut se demander si cette violence inclut les châtiments corporels, qui ne sont pas interdits explicitement par la loi. La même experte, qui a dit avoir été saisie de nombreuses informations sur la violence intrafamiliale au Tadjikistan, a demandé s’il existait une loi traitant spécifiquement de la violence à l’égard des enfants. Un autre membre du Comité a sollicité des informations sur la liberté de religion, soumise à de très fortes restrictions ces dernières années au motif de la lutte contre l’extrémisme violent.
Un membre du Comité a estimé que douze inspecteurs ne suffisaient pas pour prévenir la violence domestique, vu la population du Tadjikistan. Il a conseillé l’utilisation du téléphone portable et de la télévision pour alerter ou sensibiliser sur des cas de violence ou de disparition d’enfants. L’expert a voulu savoir si les pensionnats étaient inspectés régulièrement et s’il existait des mécanismes de plainte et de recours pour les 11 000 enfants qui y vivent. L’expert s’est interrogé aussi sur la manière dont ces enfants sont préparés pour affronter le monde et s’ils obtiennent un logement et un emploi à leur sortie du pensionnat.
D’autres experts ont fait part de leur vive préoccupation devant la persistance au Tadjikistan des tests de virginité des filles. Ils se sont enquis des services d’appui offerts aux enfants victimes de violence. Les experts se sont en outre interrogés sur l’existence de centres de privation de liberté pour mineurs, en dépit de leur interdiction formelle.
Une autre experte a voulu connaître les raisons empêchant le Tadjikistan de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Elle a posé des questions sur la situation et les droits des enfants handicapés, en particulier dans l’enseignement.
S’agissant de la santé, un membre du Comité a suggéré au Tadjikistan d’adopter les indicateurs quantitatifs préconisés par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Il a demandé quelles mesures sont prises pour la prévention et le contrôle des infections dans les hôpitaux et a fait état d’informations selon lesquelles les infections par le VIH se multiplient en milieu hospitalier. L’expert a voulu savoir si le Code de la santé était favorable à l’allaitement maternel et quelle était la durée du congé de maternité ou de paternité.
Une experte s’est concentrée sur la prévalence du VIH, ses modes de transmission, sa prévention et l’accès au traitement antirétroviral. Elle a déploré que 174 enfants de 0 à 10 ans soient infectés par le VIH, dont 40% sont pris en charge par des organisations non gouvernementales. Par ailleurs, il n’existe pas de médecins traitant la tuberculose ni de dispositif de dépistage du VIH dans les zones rurales.
Une experte a relevé que plus d’un demi-million d’enfants étaient astreints au travail au Tadjikistan : elle a invité la délégation à préciser combien d’entre eux sont dans le secteur informel et quelle est l’efficacité du système d’inspection et de contrôle du travail. Elle s’est enquise des mesures de protection sociale prises pour encourager la fréquentation scolaire et prévenir le travail des enfants. L’experte a ensuite constaté que le Tadjikistan était un pays d’origine de la traite d’êtres humains vers les États voisins et vers les pays arabes. Les victimes identifiées de ce trafic, les jeunes filles plus particulièrement, reçoivent une assistance en fonction de leur degré de coopération avec les autorités, a noté l’experte.
Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le Tadjikistan avait pu garantir que seuls les enfants de plus de 14 ans sont soumis à une procédure pénale, et s’il prévoyait de revoir à la baisse la peine maximale de 12 années infligées aux mineurs.
Les membres du Comité ont également posé des questions sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ; sur les retards de croissance ; sur les personnes handicapées et la formation des professionnels scolaires, les aménagements adéquats et les subventions au profit des enfants handicapés.
Réponses de la délégation
La délégation a affirmé que la Convention prime sur la législation nationale devant les tribunaux. Le Gouvernement est en train de préparer un projet de loi sur la prévention des violations des droits de l’enfant, y compris toutes les formes de violence, pour mettre la loi en conformité avec les dispositions des instruments internationaux.
Sur décision d’un tribunal, l’âge du mariage peut être abaissé au cas par cas et en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. En 2014, 1211 décisions ont été rendues en ce sens, 717 en 2016 et 242 en 2017, ce qui montre une nette tendance à la baisse. Des efforts sont déployés, par ailleurs, pour garantir l’éducation des filles et reculer l’âge du mariage afin qu’elles soient en mesure d’achever leurs études. Les mariages conclus par des religieux ne sont pas toujours communiqués : mais les femmes mariées par cette voie ont la possibilité de porter plainte devant un tribunal pour percevoir une pension alimentaire, au même titre que les autres femmes.
La délégation a signalé un seul cas avéré de torture sur un mineur dans la région de Yovon : le policier responsable a été condamné à 7 ans de prison ferme, avec comme circonstance aggravante la minorité de la victime. La délégation a indiqué qu’il existe des anonymes pour le dépôt de plaintes anonymes dans les tribunaux et les centres de détention. Par ailleurs, toutes les composantes de la société jouent un rôle pour détecter d’éventuels cas de torture dans les centres de détention. Les enfants retenus dans le centre pour mineurs de Douchanbé sont libres de circuler à l’intérieur, ne vivent pas en cellule et pratiquent des activités variées.
La délégation a indiqué qu’entre 2012 et 2015, les dépenses au titre de l’éducation ont augmenté de façon constante pour atteindre 5,2% du PIB en 2015. Le nombre de nouveaux établissements scolaires a été multiplié par trois. L’augmentation des budgets de l’enseignement et de la santé, entre autres services sociaux, a été rendue possible grâce aux fonds fédéraux et aux bailleurs de fonds, a précisé la délégation, qui a toutefois fait état d’une baisse du PIB en 2015 due à la chute du prix de l’aluminium et du coton.
Malgré les progrès, a admis la délégation, la scolarisation de la petite enfance dans les zones rurales est encore insuffisante. C’est pourquoi les enfants n’ayant pas bénéficié d’une éducation préscolaire suivent des cours de préparation pendant le mois d’août, avant la rentrée du primaire. Des mesures spéciales ont également été prises pour favoriser la scolarisation des filles jusqu’à la fin du cycle secondaire. Dans le secondaire, 58% des élèves sont des jeunes filles. Le nombre de jeunes femmes entreprenant des études universitaires à l’étranger est lui aussi à la hausse, s’est félicitée la délégation. Enfin, plus de mille enfants ayant des difficultés bénéficient d’un enseignement à domicile.
La délégation a en outre signalé une tendance à la hausse des enfants étudiant en tadjik (87%), contre 63% pour le russe et 4% pour l’ouzbek. Les établissements scolaires accueillent les enfants de toutes les nationalités. Les neuf groupes ethniques principaux jouissent des mêmes droits en termes d’éducation.
La question de la nationalité est posée dans tous les recensements, a précisé encore la délégation. La loi relative à l’état civil prévoit que l’enregistrement des naissances soit effectué par le service de l’état civil du lieu de résidence des parents. Cet enregistrement est gratuit. Répondant à des questions du Comité, la délégation a précisé que les Lulis forment un groupe ethnique transfrontalier, sédentaire et nomade à la fois. Qualifiés de « tziganes d’Asie centrale », les Lulis s’expriment en tadjik.
Un train de mesures a été adopté pour interdire le travail dangereux pour les enfants et des améliorations ont été apportées à la loi régissant le travail des enfants. L’enquête nationale sur le travail des enfants a révélé que ceux-ci travaillent dans l’agriculture ou à proximité de leur foyer, dans les mines ou dans la cueillette des roses. Seuls 6,3% des enfants sont salariés. D’autre part, de 5% à 10% travaillent dans des conditions dangereuses, dont 3% dans des conditions insalubres.
Le Tadjikistan a été le premier pays de la région à adopter une loi sur la traite des personnes et à tenir des réunions avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). La délégation a aussi indiqué que le Tadjikistan a créé une plateforme d’assistance et de services aux personnes contraintes au déplacement forcé, notamment suite à des catastrophes naturelles.
S’agissant de la saisie de terres publiques, celle-ci n’est possible qu’avec le consentement de l’individu concerné, a fait savoir la délégation. Une experte du Comité ayant soulevé le problème de la corruption, un phénomène qui semble chronique et institutionnalisé au Tadjikistan, la délégation a indiqué que le Gouvernement s’était doté d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption supervisée par une agence chargée de sa pleine mise en œuvre.
Une grande étude médico-démographique a été conduite en 2012 sur l’ensemble du territoire : elle a permis de dresser un état des lieux complets de la situation des enfants afin de dégager les priorités des programmes nationaux de prévention de la violence, de réadaptation des handicapés, de santé procréative et d’évaluation qualitative des soins à la mère et à l’enfant – entre autres. Plusieurs protocoles en matière de chirurgie infantile, de diagnostic, de réanimation ou encore traitement de la tuberculose ont été adoptés et appliqués. La faculté de pédiatrie ayant dû fermer il y a trois ans, le Tadjikistan souffre d’une pénurie de pédiatres, surtout dans les zones rurales et isolées, a dit la délégation.
La pauvreté touche 30% de la population tadjike, alors que 7% des habitants vivent dans la pauvreté extrême, en particulier parmi les familles ayant plus de deux enfants, selon les indicateurs de l’ONU. En 2016, environ un tiers des enfants étaient en proie à la pauvreté. Pour les dépenses d’éducation et de santé, la priorité est accordée aux familles pauvres et très pauvres, a précisé la délégation. En 2014-2016, plus d’un million et demi personnes ont bénéficié d’une aide, dont 300 000 enfants, soit 36% du nombre total des familles ayant reçu des subventions. L’étude médico-démographique précitée a également permis de recueillir des données précises sur l’approvisionnement en eau et sur l’assainissement. L’étude a révélé que 57% des ménages disposaient d’eau potable en 2009 et 62% en 2012.
Ces dernières années, la législation sur les droits de l’enfant a fortement été modifiée. C’est ainsi que l’analyse critique du système judiciaire pour les jeunes et les enfants en conflit avec la loi a débouché sur un programme intégrant toutes les dispositions de la Convention dans la législation interne. Dans le même esprit, la révision des systèmes de surveillance et de suivi a été axée sur l’éducation et la santé, ainsi que sur les enfants dans des situations de vulnérabilité.
La délégation a ensuite annoncé l’intention du Gouvernement de ratifier, en 2017, la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Par ailleurs, un programme, prévu jusqu’en 2020, facilitera le suivi des recommandations des organes onusiens des droits de l’homme.
Des procédures ont aussi été introduites quant à la possibilité de recours des migrants et des réfugiés. Le Gouvernement a ouvert trois centres d’accueil régionaux. Les représentants de la société civile sont habilités à inspecter les centres de détention et à déposer des plaintes contre les membres du personnel coupables d’abus. Un nouveau directeur a été nommé au Bureau du Médiateur des enfants.
Jusqu’en 2016, on a dépisté au Tadjikistan 9406 infections par le VIH. Actuellement, 13 enfants sont séropositifs ; 358 enfants nés de mères séropositives sont suivis par un dispensaire. Depuis 2006, des traitements antirétroviraux sont distribués sur tout le territoire. La délégation a décrit les moyens appliqués pour sensibiliser la population aux modalités de transmission du VIH. Les migrants qui entrent au Tadjikistan sont soumis à un dépistage. L’étude médico-démographique déjà mentionnée révèle que 48% des femmes de 15 à 49 ans n’ont jamais entendu parler du cancer du sein ; et que seulement un tiers des femmes dans ce groupe d’âge savent que l’utilisation d’un préservatif et des rapports sexuels avec un seul partenaire réduisent le risque de contracter le VIH.
Le nouveau programme 2017-2021 d’administration de la justice juvénile prolonge la réforme lancée par le programme précédent : cependant la création de tribunaux pour mineurs dépend d’un amendement constitutionnel, a expliqué la délégation.
Le Médiateur des droits de l’homme et le Médiateur des droits de l’enfant ont enquêté sur 3000 plaintes. Environ 45 campagnes médiatiques ont été organisées pour informer les enfants de l’existence du Médiateur des droits de l’enfant. Trois centres sont chargés d’informer les enfants et de recevoir leurs doléances, y compris dans les régions éloignées de la capitale. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance a contribué à la mise en place de ces centres.
Examen du rapport au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants
Questions et observations des membres du Comité
MME HYND AYOUBI IDRISSI, membre du comité, corapporteuse pour l’examen du rapport du Tadjikistan sur le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, s’est réjouie que la mise en œuvre de cet instrument implique un large éventail d’organismes nationaux. Elle a cependant sollicité de plus amples informations au sujet de la coordination entre les différents acteurs et mécanismes concernés. La corapporteuse a aussi voulu savoir si le Médiateur des enfants avait été saisi de plaintes liées au Protocole. Elle a noté un manque de moyens dans la lutte contre les facteurs de risque : toxicomanie, enfants vivant dans la rue, notamment.
MME ANNMARIE SKELTON, membre du Comité, corapporteuse, a voulu savoir si la loi interdisait la vente d’enfants et ce que le législateur prévoyait lorsqu’un enfant prostitué est arrêté. Le code pénal érige en crime la pornographie mettant en scène les enfants. Or, le sexting est en plein essor, et ce sont souvent les adolescents qui échangent ce type de photos en ligne : le Comité a une approche nuancée en l’espèce, contrairement au sexting lorsqu’il est le fait d’un adulte. Mme Skelton a aussi voulu savoir si des enfants avaient participé, d’une manière ou d’une autre, à la préparation du rapport. Après avoir remarqué que la définition de la traite des êtres humains est plus large dans le nouveau code pénal, Mme Skelton a cherché à en connaître la raison. Elle a demandé si le Tadjikistan envisageait la ratification de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (1980). Elle a également posé des questions sur l’extradition et les accords bilatéraux en cas d’enlèvement.
Examen du rapport au titre du Protocole facultatif relatif à l’implication des enfants dans les conflits armés
Questions et observations des membres du Comité
MME AMAL SALMAN ALDOSERI, membre du Comité, corapporteuse pour l’examen du rapport du Tadjikistan sur le Protocole facultatif sur l’implication des enfants dans les conflits armés, a dit ne pas comprendre quelle autorité était responsable de l’application de cet instrument au Tadjikistan. L’experte a demandé si les données et statistiques sur les enfants entrés au Tadjikistan étaient archivées ; et si les gardes-frontières étaient formés pour détecter les enfants susceptibles d’être enrôlés dans des groupes armés et quelles mesures étaient prises pour éviter la radicalisation et la participation d’enfants dans des groupes armés, y compris en Syrie. Elle s’est demandé ce qui était actuellement fait pour prévenir une telle situation.
MME HYND AYOUBI IDRISSI, membre du Comité, corapporteuse, a prié la délégation de dire quelles mesures sont prises pour empêcher le recrutement de mineurs par des groupes armés non étatiques. Elle a cité des cas d’enfants tadjiks enrôlés en Afghanistan et en Syrie et s’est interrogée sur leur sort s’ils viennent à retourner au Tadjikistan. La corapporteuse a aussi demandé quelles mesures sont prises pour offrir une meilleure assistance aux enfants victimes de mines antipersonnel.
Plusieurs membres du Comité ont insisté pour obtenir des informations sur l’âge de l’enrôlement militaire et exhorté le Tadjikistan à veiller à ne pas recruter de mineurs. Certains experts se sont alarmés du nombre très faible de victimes de la traite cités par la délégation. Une experte a demandé s’il était possible de mentionner, dans le code pénal, l’interdiction de la vente d’enfants, en particulier pour trafic d’organes. La possession de matériel pornographique est-elle incriminée, a-t-il été encore demandé. Le Tadjikistan est le seul pays qui pratique le test de virginité avant toute inscription scolaire, a noté la Présidente du Comité.
Réponses de la délégation
S’agissant du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfant et la pornographie mettant en scène des enfants, la délégation a fait état de mesures visant à la prévention et à la pénalisation des mariages d’enfants, des jeunes filles en particulier. Dans ce contexte, 23 procès ont déjà été suivis de sanctions pénales.
Avec le plan de 2014 contre la traite des personnes et l’aide aux victimes, l’architecture juridique a été consolidée. Des recommandations spécifiques ont été émises aux différentes parties prenantes dans le cadre du suivi de l’application de cette loi. Entre 2014 et 2016, le Ministère de l’intérieur a graduellement adopté des mesures pénalisant la traite de mineurs, érigée en crime. Au cours de cette période, une trentaine de victimes ont été rapatriées des Émirats arabes unis et une de Turquie. Quarante procédures ont été lancées, notamment 33 plaintes pour viol sur mineur. Depuis 2016, un centre d’assistance aux victimes de la traite a été ouvert. Environ 400 douaniers de la région limitrophe avec l’Afghanistan bénéficient d’une formation spécialisée dans la répression de la traite des personnes.
La délégation a ensuite abondé dans le sens des experts pour qui la pauvreté est l’un des principaux facteurs de vulnérabilité à la traite et à la prostitution. Le taux de pauvreté au Tadjikistan a rapidement chuté ces dernières années, a dit la délégation, grâce au programme 2007-2009 de réduction de la pauvreté. Le même programme contient des objectifs en matière d’énergie renouvelable, sans laquelle il ne sera pas possible au Tadjikistan d’atteindre l’Objectif de développement durable relatif à la réduction de la pauvreté, a commenté la délégation.
Les adoptions internationales sont envisageables comme une alternative pour l’enfant. Le Tadjikistan prévoit d’adhérer à la Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Les accords bilatéraux sont un bon moyen de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce contexte, a affirmé la délégation.
La loi sanctionne la diffusion de matériels pornographiques, a dit la délégation. Elle devrait couvrir les problèmes liés au sexting.
Concernant le Protocole facultatif relatif à l’implication d’enfants dans les conflits armés, la délégation a indiqué que le service militaire était obligatoire à partir de 18 ans mais que les jeunes gens peuvent devancer l’appel dès l’âge de 17 ans, une fois leurs études secondaires achevées. La formation militaire est dispensée dans des académies et dans un lycée militaire d’enseignement général.
Le programme d’enseignement inclut des cours sur les mines antipersonnel. En 2017, plus de 25 000 élèves ont été impliqués dans des activités de prévention. Les enfants blessés par des mines antipersonnel bénéficient d’une assistance complète (prothèse, appui psychologique, logement et réhabilitation ainsi que participation à des projets pilotes).
Depuis 2015, des mesures ont été prises pour le retour de 79 ressortissants tadjiks de zones de conflit armé. Des campagnes de sensibilisation pour éviter l’embrigadement des mineurs sont menées en milieu scolaire et dans les espaces publics.
La délégation a confirmé que le Tadjikistan pouvait poursuivre au pénal un ressortissant tadjik, un résident ou un apatride résidant au Tadjikistan pour des crimes commis à l’étranger, s’il n’a pas déjà été condamné dans un pays tiers. L’extradition se fait sur la base d’accords bilatéraux.
Conclusion
M. RUSTAM SHOHMUROD, Ministre de la justice du Tadjikistan, a dit vouloir être sincère : le dialogue avec le Comité a été compliqué mais très agréable compte tenu du caractère méticuleux des questions et des connaissances approfondies des experts. Il ne fait aucun doute que le dialogue permettra d’honorer les obligations prises dans le cadre de la Convention. Le Ministre a souligné que les différentes entités gouvernementales ne manqueront pas de prendre en considération les recommandations du Comité. M. Shohmurod a observé enfin que la participation des enfants dans la prise de décisions les concernant, un concept tout à fait étranger au niveau national, commence à faire son chemin dans les esprits.
MME AMAL SALMAN ALDOSERI, membre du Comité, a estimé que beaucoup restait à faire pour améliorer la situation des enfants au Tadjikistan. Elle a invité le Tadjikistan à ratifier le Protocole facultatif à la Convention instituant une procédure de communication (plainte) ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
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CRC/17/28F