Fil d'Ariane
AUDITIONS SUR LA SITUATION DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EN COLOMBIE, EN RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET EN RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a auditionné cet après-midi des organisations de la société civile – institutions nationales de droits de l'homme et organisations non gouvernementales – s’agissant de la situation dans les pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la Colombie, la République de Corée et la République de Moldova.
S’agissant de la Colombie, l’attention s’est tout particulièrement portée sur la question de l’utilisation des terres au profit de l’exploitation minière et des hydrocarbures ainsi que sur les fractures territoriales dont souffre le pays. En outre, la question de la diaspora colombienne a été également évoquée par plusieurs représentants de la société civile.
Concernant la République de Corée, la situation des personnes âgées et des travailleurs étrangers a été mis en avant par les représentants de la société civile. Le vieillissement de la population et l’augmentation nette du taux de suicide chez les personnes âgées sont également des sujets d’inquiétude pour les ONG.
Pour ce qui est de la République de Moldova, la question de la situation des Roms a été abordée, ainsi que celle de l’accessibilité pour les personnes handicapées.
Lors de sa prochaine séance publique, demain à 15 heures, le Comité doit entamer l’examen du rapport de la Colombie (E/C.12/COL/6).
Audition d’organisations de la société civile
S’agissant de la Colombie
Le représentant de l’institution nationale des droits de l’homme de la Colombie (Defensoria del Pueblo de Colombia), M. Álvaro Amaya, Médiateur délégué pour les droits économiques, sociaux et culturels (Defensor Delegado para los Derechos Económicos, Sociales y Culturales), a notamment déclaré que le pays rencontrait des difficultés pour assurer la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels, notamment pour ce qui est de la liberté syndicale, et le Médiateur a invité le Comité à suggérer à la Colombie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, de manière à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications de particuliers qui affirment être victimes d’une violation des droits énoncés dans le Pacte.
Pour ce qui a trait à l’accessibilité à l’éducation, le Médiateur s’est félicité de certains progrès, malgré d’importantes difficultés dans certaines sous-régions du pays. Concernant l’enseignement supérieur, des disparités subsistent, malgré certains efforts consentis par le Gouvernement, surtout dans les zones reculées. Le Médiateur a invité le Comité à adresser à la Colombie des recommandations en vue de réduire les fractures régionales et améliorer l’offre et la qualité de l’éducation.
M. Amaya s’est également inquiété de l’insuffisance des politiques sanitaires dans le pays, indiquant que cette question constituait la majorité des plaintes que recevait le Bureau du Médiateur depuis 2010. Il a également exprimé sa préoccupation s’agissant de l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels pour les personnes privées de liberté. Si les victimes du conflit armé jouissent de garanties spéciales, la mise en œuvre concrète des accords de paix reste très importante; cela passera par une revue des mécanismes visant à garantir les droits économiques sociaux et culturels afin que personne ne soit exclu de la société, alors que le pays aspire à vivre en paix.
Au cours du dialogue qui s’est engagé entre le rapporteur du Comité pour la Colombie et le médiateur du peuple pour les droits économiques sociaux et culturels, il a été souligné que c’était l’absence de moyens qui était plus préoccupante que les politiques publiques en elles-mêmes.
Le représentant d’une coalition d’organisations non gouvernementales colombiennes a interpellé le Comité sur la difficulté rencontrée par beaucoup d’enfants colombiens pour se nourrir correctement. Il a par ailleurs affirmé que certaines populations, souvent issues des minorités, étaient déplacées de force dans le cadre de la mise en œuvre de contrats d’exploitation minière conclus avec des entreprises privées.
Le représentant de la Corporación Desarollo Solidario a lui aussi appelé le Comité à s’intéresser aux minorités, notamment d’origine africaine, qui sont déplacées pour laisser place à l’extraction minière. Il a aussi attiré l’attention du Comité sur les effets négatifs de la monoculture de l’huile de palme sur l’environnement.
Au nom de la Corporación Grupo Semillas, un intervenant a déploré les conséquences négatives sur l’environnement des pratiques agricoles encouragées par l’État, parmi lesquelles la culture d’aliments transgéniques. Les dégradations de l’environnement frappent en premier les peuples autochtones, a-t-il souligné.
Le représentant de la Campaña Colombiana Contra Minas a souligné les liens étroits qui existent entre la question des mines antipersonnel dans le pays et la culture de la coca. L’orateur a par ailleurs souhaité que le Gouvernement assure des réparations aux victimes des mines et qu’il cesse d’employer des civils dans les opérations de déminage.
Pour l’organisation Consultas Populares en Colombia, un intervenant a dénoncé les violations de la Constitution par le Gouvernement lui-même, qui ne respecte pas les résultats des consultations populaires locales quant à l’exploitation de la terre.
Un autre intervenant, au nom de Assoruana de Italia, a affirmé que la diaspora colombienne, qui représente plus de 15% des Colombiens, est laissée pour compte en matière de participation politique. Le Gouvernement colombien devrait prendre des mesures pour recenser les Colombiens de l’étranger et, entre autres, prévoir des réparations pour les réfugiés, ainsi que favoriser l’intégration dans les pays d’accueil des réfugiés qui ne souhaitent pas revenir au pays.
Un représentant du Congreso de los Pueblos a dénoncé un modèle de développement brutal pour le peuple colombien et trop centré sur l’extraction de matières premières.
ASOCOLEMAD, par la voix de son représentant, a attiré l’attention du Comité sur la situation des femmes appartenant aux communautés paysannes. L’accès à la terre pour les femmes est très difficile en Colombie. En outre, les femmes ne sont pas suffisamment prises en compte dans la mise en œuvre des accords de paix.
Le représentant de CORPOAMEN a appelé la Colombie à appliquer le principe de précaution dans l’exploitation des terres. Il a aussi dénoncé les violences exercées contre les défenseurs de l’environnement dans ce pays.
L’organisation UMIYAC a pour sa part appelé à la suspension de tous les projets miniers ou d’exploitation d’hydrocarbures lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet de consultations avec les populations autochtones.
Le représentant de Constituyente Exiliados Politicos a souligné que l’expatriation de nombreux colombiens était le résultat de la violence politique dont le pays avait souffert pendant toutes ces années de conflit, précisant que l’État était autant responsable de cette violence que les groupes armés rebelles.
Un membre du comité s’est inquiété du taux de scolarisation des enfants en zone rurale, ainsi que de leur exploitation dans les opérations d’extraction minière. En réponse à d’autres questions, des représentants d’ONG ont rappelé que les questions liées à la ruralité et à l’exploitation des terres étaient essentielles en Colombie, que ce soit en ce qui concerne la protection de l’environnement, la souveraineté alimentaire, le respect des minorités et l’exercice de la démocratie.
S’agissant de la République de Corée
La représentante de l’institution nationale des droits de l’homme de la République de Corée, Mme Kyungsook Lee, Commissaire permanente de la Commission nationale des droits de l'homme de Corée, a dénoncé la réduction des dotations accordées par le Gouvernement à son institution. Elle a également dénoncé la passivité du Gouvernement quant à l’adoption d’une véritable législation contre la discrimination, l’accusant de multiplier les manœuvres dilatoires pour éviter son adoption.
Mme Lee a interpellé le Comité sur la situation, jugée alarmante, des travailleurs qui ont recours au travail dissimulé. En outre, la situation sanitaire de nombreux Coréens, s’agissant particulièrement les personnes âgées, s’est fortement dégradée, alors que le vieillissement de la population s’accélère fortement. Les efforts du Gouvernement coréen en faveur de cette population doit s’accroître, a-t-elle affirmé.
Reconnaissant que le Gouvernement avait fait du signalement des abus sur les mineurs une des priorités de son action, Mme Lee a toutefois souligné que sa commission avait demandé à la Corée de traduire ses efforts en véritables modifications institutionnelles.
La Commissaire permanente de la Commission nationale des droits de l'homme de Corée a enfin attiré l’attention sur les travailleurs étrangers, victimes de conditions de travail plus pénibles que le reste de la population et faisant parfois face à des cas de violence.
Le représentant de People’s Solidarity for Participatory Democracy a dénoncé la situation des personnes handicapées en République de Corée. Il s’est par ailleurs inquiété du taux de suicide important dans le pays. En outre, l’ONG a interpellé le Comité sur la situation des droits pour les non nationaux.
Au nom de la Confédération coréenne des syndicats, un orateur a attiré l’attention du Comité sur la situation sociale de nombreux travailleurs, particulièrement les indépendants, qui ne bénéficient pas d’une protection sociale suffisante.
Le représentant de Human Rights Law Foundation GongGam a exprimé son inquiétude quant à la situation du logement dans le pays. Il a aussi souligné que les étrangers ne bénéficiaient d’aucune couverture de santé publique. De manière générale, le Gouvernement coréen ne prévoit pas un budget suffisant pour soutenir la santé publique.
Jongchul Kim – ETO a déploré la situation des travailleurs dans de nombreux secteurs, notamment la pêche.
Le directeur de l’organisation KHIS a affirmé que la société civile coréenne, notamment les syndicats, n’a pas été consultée dans le cadre du processus de rédaction de la législation du travail.
Le représentant de Rainbow Action a dénoncé les discriminations et les stéréotypes dont sont victimes les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres en République de Corée. En outre, les personnes LGBT subissent encore souvent des «thérapies de conversion».
Dans le cadre du dialogue qui s’est noué entre les représentants de la société civile coréenne et les membres du Comité, un expert a demandé quelles mesures politiques seraient utiles pour permettre aux travailleurs de faire valoir leurs droits, notamment le droit à la grève. Les représentants de la société civile coréenne ont rappelé que le droit de grève était très limité dans le pays. En outre, les grandes entreprises ne respectent pas le droit social, en toute impunité, ont-ils affirmé.
S’agissant de la République de Moldova
Le représentant de l’institution nationale des droits de l’homme de la République de Moldova, M. Ian Feldman, Président du Conseil pour la prévention et l’élimination de la discrimination et pour assurer l’égalité (Consiliului pentru Prevenirea și Eliminarea Discriminãrii și Asigurarea Egalitãții), a indiqué que cette institution était juridiquement indépendante et que ses décisions avaient force obligatoire.
M. Feldman a notamment souligné la situation difficile des personnes issues de la communauté rom, premières victimes de la discrimination en République de Moldova. En outre, il a dressé un constat inquiétant des droits des femmes au travail, soulignant que certaines dispositions législatives relatives au travail sont discriminatoires envers les femmes. Il a aussi attiré l’attention sur les bas revenus des personnes handicapées en République de Moldova et a appelé à mettre en place des incitations financières en faveur des employeurs pour qu’ils embauchent des personnes handicapées. Les discriminations légales auxquelles font face les retraités, particulièrement au regard de la législation du travail – pour ceux d’entre eux qui souhaitent poursuivre une activité professionnelle – violent l’égalité devant la loi, a par ailleurs souligné le Président du Conseil pour la prévention et l’élimination de la discrimination et pour assurer l’égalité.
Des intervenants de la société civile ont notamment attiré l’attention sur la prise en compte insuffisante des droits économiques sociaux et culturels dans le système judiciaire, le manque d’accessibilité des personnes handicapées, la privation de capacité juridique pour les personnes souffrant d’un handicap mental, entre autres.
Le rapporteur pour la Moldavie s’est inquiété de la situation des Roms et des moyens dont dispose l’organisme national des droits de l’homme pour faire face à ce défi.
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ESC/17/19F