Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA SITUATION DANS QUATRE PAYS
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile – organisations non gouvernementales (ONG) et institutions nationales de droits de l'homme – au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir le Monténégro, la Barbade, le Niger et le Nigéria.
En ce qui concerne le Monténégro, l'accent a été mis sur les lacunes en matière d'application de la Convention et les cas d'impunité pour les personnes coupables de viol.
Pour ce qui est de la Barbade, ont particulièrement été évoquées les attitudes patriarcales toujours très présentes au sein de la société et les violences à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.
S'agissant du Niger, ont particulièrement été débattus la situation des femmes rurales, soumises à une surcharge de tâches ménagères, le problème des grossesses précoces et le fort taux de natalité.
Concernant enfin le Nigéria, l'accent a été mis sur la sous-représentation politique des femmes et les taux élevés de mortalité maternelle.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Monténégro.
Audition de la société civile
S'agissant du Monténégro
S'exprimant au nom d'une coalition de sept ONG ayant participé à l'élaboration du rapport, une représentante de la société civile a regretté l'application très partielle de la Convention au Monténégro. Elle a souligné notamment que l'État n'avait pas mis en place le quota de 30% de femmes au Parlement ni amélioré la protection juridique contre les discriminations sur la base du sexe, entre autres recommandations du Comité. La représentante a attiré l'attention du Comité sur le fait que le Gouvernement prenait souvent des mesures de manière irréfléchie, sans prendre en compte leur impact sur la vie des femmes, décrédibilisant ainsi les institutions nationales. Ce fut le cas notamment de la Loi sur la protection sociale et de l'enfant, modifiée à trois reprises en deux ans avant d'être finalement abrogée. En conséquence, 22 000 femmes sont demeurées dans une situation économique précaire.
La représentante a souligné que, malgré la ratification de la Convention d'Istanbul par l'État partie, celui-ci ne s'employait pas suffisamment à lutter contre la violence faite aux femmes. La pratique montre que l'impunité profite aux agents de la fonction publique, a-t-elle par ailleurs relevé. Récemment, le cas d'une personne condamnée pour viol ayant reçu des allocations de l'État a envoyé un message très négatif aux victimes d'abus sexuels. S'agissant des mères célibataires, la représentante a souligné qu'environ 60% des pères n'offraient aucune forme d'assistance à leurs enfants pendant plus de 24 mois.
Juventas et Spektra and Queer s'est inquiétée d'importantes lacunes en matière de protection des travailleurs du sexe, qui font face à de nombreux actes de violence. La prostitution restant pénalisée au Monténégro, les travailleurs du sexe n'ont pas suffisamment accès aux mesures de protection juridique et sociale, a précisé l'ONG. Elle a par ailleurs porté l'attention du Comité sur la situation des toxicomanes et souligné que les femmes n'avaient pas accès à des traitements spécifiques à l'hôpital contrairement aux hommes. Elle a souligné que le cadre juridique de protection des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ne permettait pas à ces personnes de faire respecter leurs droits. L'ONG a dénoncé les discriminations contre les transsexuelles, notamment la stérilisation forcée. Enfin, l'ONG a déploré la situation très difficile des femmes roms, confrontées aux mariages précoces et à la violence domestique.
S'agissant de La Barbade
Life In Leggings a souligné que La Barbade était une société patriarcale influencée par l'idéologie chrétienne. Dans le domaine politique, l'ONG a souligné que les remarques sexistes et les préjugés empêchaient toujours les femmes d'accéder à des postes politiques. Les chefs religieux utilisent les médias pour perpétuer les stéréotypes négatifs à l'endroit des femmes, a relevé l'organisation. Enfin, l'ONG s'est inquiétée de nouvelles formes de harcèlement sexuel, notamment en ligne, tels que le revenge porn. Elle a assuré que certains parents incitaient leur filles mineures à se prostituer afin de rapporter un complément au revenu familial. Les filles mineures souhaitant dénoncer des abus sexuels font face au refus et aux moqueries des agents de police.
Equals a indiqué que les lois adoptées par La Barbade contre la discrimination ne couvraient pas les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres. Ces femmes n'ont pas accès aux prestations sociales. Elles sont obligées de se conformer aux rôles masculins et féminins traditionnellement admis dans la société. L'ONG a souligné par ailleurs que la législation sur les individus transgenres ne leur permettaient pas de modifier leurs papiers d'identité conformément à leur identité de genre.
S'agissant du Niger
La Coordination des ONG et associations féminines du Niger s'est inquiétée des réserves émises par le Niger à la ratification de la Convention ainsi que des lacunes dans son application. Elle a appelé à la mise en place d'un plan d'action 2017-2021 pour garantir l'application de la Convention. L'ONG a souligné que les femmes, qui constituent la moitié de la population du pays, ont un accès limité aux ressources et aux moyens de production. L'ONG s'est inquiétée aussi de l'accès limité à l'eau potable et de l'insécurité alimentaire et nutritionnelle dont souffrent de nombreux ménages. Elle s'est dite préoccupée de la situation des femmes en zone rurale, où elles sont confrontées à une surcharge de tâches domestiques. Le faible taux d'inscription des filles à l'école (7 filles pour 10 garçons) et l'abandon scolaire des jeunes filles en raison des mariages précoces sont aussi particulièrement préoccupants. L'ONG s'est donc inquiétée du faible taux d'alphabétisation des filles, évalué à 17,1% seulement, contre 42,8% pour les garçons. Enfin, l'âge de la première union est d'environ 15,8 ans, donnant lieu à une très forte fécondité: 7,9 enfants par femme en 2006 et toujours 7,6 en 2012.
S'agissant du Nigéria
Center for Reproductive Rights et WILDAF se sont inquiétées de la non-application de la Convention par le Nigéria: les organisations ont appelé à l'adoption de réformes législatives pour protéger et promouvoir les droits des femmes. Elles ont rappelé qu'actuellement moins de 10% de femmes sont élues à des positions politiques fédérales et ont appelé à l'adoption d'actions affirmatives avant la tenue des élections de 2019, afin que 35% de femme soient élues. Enfin, les organisations non gouvernementales ont souligné que la plupart des femmes du Nigéria n'ont pas accès à la propriété foncière.
IPAS Nigeria, qui s'est présentée comme spécialisée dans la santé procréative, a souligné que le Code pénal nigérian interdisait l'avortement sauf quand la vie de la mère est en danger. En conséquences, nombre d'avortements clandestins donnent lieu à des décès ou à de graves blessures. Les décès maternels représentent 32% du nombre de décès total des femmes au Nigéria. Une femme sur quatre ayant eu recours à un avortement a dû faire face à d'importantes complications, a indiqué l'ONG.
CEDAW Coalition on Women, Peace and Security s'est alarmée de la faible représentation des femmes dans les instances de décision politique a Nigéria, ce qui freine considérablement l'application du Plan national d'action pour la résolution 1325 du Conseil de sécurité, sur les femmes, la paix et la sécurité. L'ONG a indiqué que le très fort taux de circulation des armes de petit calibre continuait d'avoir un impact négatif sur les femmes dans les zones de conflit en Afrique de l'Ouest.
Precious Jewels s'est alarmée des conditions de travail déplorables dans lesquelles les travailleurs du sexe exercent leurs activités au Nigéria. L'ONG a déploré les actes de violence contre ces personnes de la part de la police, pendant les interrogatoires. Elle a regretté que la loi ne fasse aucune mention des travailleurs du sexe, empêchant ainsi leur protection.
Au cours de l'échange de vues qui a suivi ces déclarations, une experte du Comité s'est enquise des mécanismes de reconnaissance juridique établis par le Monténégro en faveur de la reconnaissance des droits des personnes du même sexe vivant en union libre. Une représentante de la société civile a expliqué que l'un projet de loi soutenu par la société civile prévoyait une égalité symbolique entre les unions de personnes de sexe différent et de personnes du même sexe. La loi actuelle reconnaît les relations homosexuelles hors mariage et peut protéger certains droits des femmes, mais il est nécessaire de prouver que la relation a duré plus de deux ans.
Concernant le Niger, une représentante de la société civile a souligné que le plan d'action 2017-2021 permettra de continuer le plaidoyer en faveur des femmes. Mais cela dépend d'un engagement politique fort en la matière de la part des dirigeants. Elle a noté que certaines instances religieuses s'opposaient systématiquement à toute interprétation des textes de loi dans un sens favorable aux femmes, ce qui entraîne des blocages. Une experte du Comité a demandé quelles mesures temporaires spéciales seraient les plus efficaces dans la situation actuelle au Niger.
En ce qui concerne le Nigéria, une représentante d'ONG a souligné que le projet de loi sur l'égalité des chances n'avait toujours pas été adopté. De même, la transposition de la Convention dans le droit national se fait toujours attendre: ce processus reste actuellement enlisé à cause du fondamentalisme religieux et du manque de volonté politique, a-t-elle indiqué. Elle a souligné la situation particulièrement difficile auxquelles font face les filles dans le nord-est du pays, du fait du conflit en cours contre Boko HaraM.
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CEDAW17.021F